Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

OPIC

Logo de l'OPIC / CIPO Logo

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 44

Date de la décision : 2020-05-12

 [TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Real Foods For Real Kids Inc.

Opposante

et

 

M&M Meat Shops Ltd.

Requérante

 

1,731,100 pour REAL FOOD FOR REAL LIFE

Demande

Introduction

[1]  Real Foods For Real Kids Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce REAL FOOD FOR REAL LIFE (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,731,100 (la Demande), produite le 3 juin 2015 par M&M Meat Shops Ltd. (la Requérante).

[2]  La Demande, telle que modifiée, est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants : « Exploitation de points de vente au détail de produits de viande et alimentaires; services alimentaires, nommément proposition de recettes, de menus et d’idées de repas aux clients » (les Services).

[3]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 24 février 2016. Le 5 avril 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[4]  L’Opposante soulève les motifs d’opposition en fonction de l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2, de la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), de l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a), b) et c), de la non-conformité aux articles 30e) et 30i) de la Loi. La principale question dans la présente procédure est celle de savoir s’il y a une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante pour le dessin Real Kids, représenté ci-dessous (la Marque de commerce de l’Opposante) :

real food for real kids

[5]  Le 18 août 2016, la Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition.

[6]  Lorsqu’elle a été produite à l’origine, la Demande était également en liaison avec de nombreux produits alimentaires et de boissons. Toutefois, peu de temps après avoir produit sa contre-déclaration, le 12 septembre 2016, la Requérante a modifié la Demande pour supprimer tous les produits et, par conséquent, la Demande est limitée aux Services décrits ci-dessus. Les motifs d’opposition de l’Opposante seront évalués en conséquence seulement en ce qui concerne les Services.

[7]  Les deux parties ont produit des éléments de preuve, qui sont examinés ci-dessous. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. Aucune audience n’a été demandée.

[8]  Pour les motifs qui suivent, la Demande est rejetée.

La preuve

Preuve de l’Opposante

[9]  Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de David Starbuck Farnell, copropriétaire et directeur général de l’Opposante, établi sous serment le 17 mars 2017 (l’Affidavit Farnell). Ses preuves sont résumées ci-dessous, et sont approfondies dans l’analyse des motifs d’opposition.

[10]  L’Opposante est une entreprise de traiteur dont l’activité principale est la préparation et la livraison d’aliments sains pour les enfants dans les garderies, les écoles et les camps de la région du Grand Toronto (RGT). L’entreprise a été lancée par l’épouse de M. Farnell, Lulu‑Cohen Farnell, en mai 2004, et a été constituée en société en juillet 2005.

[11]  L’entreprise de l’Opposante a connu une croissance constante. Au début de 2006, l’Opposante offrait son service de traiteur dans plus de 40 garderies. En 2012, l’Opposante servait environ 8 000 enfants par jour dans 171 garderies et 15 écoles. En date de l’Affidavit Farnell, l’Opposante servait quotidiennement des repas et des collations à plus de 15 000 enfants dans l’ensemble de la RGT, dans plus de 300 garderies et écoles. Au cours de chacune des trois années précédant l’Affidavit Farnell, l’Opposante a généré des revenus annuels supérieurs à 10 millions de dollars.

[12]  L’Affidavit Farnell joint comme pièce « D » une copie certifiée conforme de l’enregistrement no LMC669,508 de l’Opposante pour la Marque de commerce de l’Opposante, qui est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Matières premières naturelles et organiques, nommément céréales, fruits, et légumes pour créer des goûters et repas préparés sains.

Services

(1) Fourniture et production d’aliments naturels et organiques, nommément repas et goûters aux garderies et aux écoles.

(2) Séminaires pédagogiques ayant trait à la nutrition et à la santé destinés aux parents et tuteurs des garderies et écoles.

[13]  M. Farnell décrit les diverses façons dont la Marque de commerce de l’Opposante est présentée dans l’exercice de ses activités, notamment :

·  Depuis 2005, l’Opposante exploite un site Web qui fait l’annonce de ses services et affiche bien en vue la Marque de commerce de l’Opposante. Des exemples du site Web au fil des ans sont inclus comme pièce « E ». L’Opposante fait également des annonces sur ses services au moyen de divers comptes de médias sociaux qui présentent la Marque de commerce de l’Opposante, dont des exemples sont joints comme pièce « K ».

·  La Marque de commerce de l’Opposante est présentée sur les factures, les bons de commande et les contrats de services alimentaires échangés avec les clients de l’Opposante (comme les écoles et les garderies) et les fournisseurs. Des exemples sont inclus comme pièces « F » et « G ».

·  L’Opposante exploite 18 camions de livraison pour livrer des repas dans l’ensemble de la RGT, chaque camion affichant bien en vue la Marque de commerce de l’Opposante. Les photographies des camions portant la Marque de commerce de l’Opposante sont incluses comme pièce « H ».

·  L’Opposante fait la promotion de ses produits et services au moyen de brochures, de calendriers, de menus et de recettes imprimés portant la Marque de commerce de l’Opposante, distribués aux administrateurs et aux parents. Des exemples sont joints comme pièce « I ».

·  Depuis 2007, l’Opposante a vendu divers aliments, y compris des repas préparés, avec un étiquetage portant la Marque de commerce de l’Opposante. Des exemples d’étiquettes pour les repas préparés, portant la Marque de commerce de l’Opposante, sont joints comme pièce « J ».

·  L’Opposante a présenté sa marque de commerce dans diverses autres initiatives promotionnelles au fil des ans, notamment sur des vêtements, des sacs, des vidéos promotionnelles et le parrainage d’équipes sportives. Des exemples sont joints comme pièces « L » à « O ».

[14]  Les activités de l’Opposante ont également fait l’objet de rapports favorables dans diverses publications d’information canadiennes, dont le Globe and Mail et le National Post. Des exemples sont joints comme pièce « P ».

[15]  M. Farnell a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit le 9 janvier 2018 et la transcription connexe fait partie du dossier.

La preuve de la Requérante

[16]  Afin d’appuyer sa Demande, la Requérante a produit l’affidavit de Jennifer Leah Stecyk, établi sous serment le 3 août 2017 (l’Affidavit Stecyk). Mme Stecyk est une recherchiste en marques de commerce employée par l’agent de la Requérante.

[17]  L’Affidavit Stecyk comprend les résultats d’une recherche dans les dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour les demandes actives et les enregistrements de marques de commerce incluant les éléments « REAL » et « FOOD » en combinaison.

[18]  Mme Stecyk n’a pas subi de contre-interrogatoire.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[19]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminée ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter de son fardeau de preuve initial d’établir suffisamment de preuves admissibles à partir desquelles on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à 298].

[20]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – date de production de la demande, à savoir, le 3 juin 2015 [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à 475];

·  articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerces (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  articles 38(2)c) et 16(3)a), b) et c) – date de production de la demande, à savoir, le 3 juin 2015 [articles 16(3)a) à c) de la Loi];

·  les articles 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir, le 5 avril 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Non-conformité avec l’article 30e) de la Loi

[21]  L’Opposante soutient que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services. Toutefois, il n’y a aucune preuve au dossier pour appuyer cette allégation. Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Non-conformité avec l’article 30i) de la Loi

[22]  L’Opposante soutient que, contrairement à l’article 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec les services, parce qu’à la date de production de la Demande, la Requérante était au courant ou aurait dû être au courant de l’emploi antérieur par l’Opposante de la Marque de commerce de l’Opposante, en plus de quatre marques de commerce supplémentaires indiquées à l’annexe A de la déclaration d’opposition (REAL FOOD LUNCH CLUB; REAL FOOD FORWARD; REAL FOOD ROCKET DOG; THE REAL FOOD KITCHEN).

[23]  L’article 30i) de la Loi exige qu’une requérante ajoute une déclaration dans la demande selon laquelle la requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Si une telle déclaration est produite par la partie requérante, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation de l’alinéa 30i) que dans des cas exceptionnels, par exemple s’il y a existence de mauvaise foi ou de non-conformité à une loi fédérale qui rend fausse la déclaration de la partie requérante [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à 155, et Canada Post Corporation c Registrar of Trade-marks (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Le simple fait que la Requérante a pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas pour soutenir un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[24]  En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motif d’opposition fondée sur l’article 12(1)d)

[25]  L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle est susceptible de créer de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante qui est l’objet de l’enregistrement no LMC669,508. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre pour confirmer que cet enregistrement est en règle.

Test en matière de confusion

[26]  Le test à appliquer pour déterminer la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi où il est précisé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans le même domaine conduisait probablement à inférer que les produits et les services associés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués, donnés à bail ou exécutés par la même personne, que les produits et services soient de la même classe générale ou apparaissent dans la même catégorie de la Classification de Nice. En faisant une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances environnantes pertinentes, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles ont été connues, la durée d’emploi des marques de commerce, la nature des produits et services ou des affaires, la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce en apparence, en son ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[27]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 1 RCS 772 (CSC), au para 54]. Je m’appuie également sur l’affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, selon laquelle le critère énoncé à l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[28]  Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

Degré de ressemblance

[29]  Il est préférable de commencer l’analyse en déterminant s’il y a un aspect de chaque marque de commerce qui est « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[30]  En ce qui concerne la Marque de commerce de l’Opposante, à mon avis, l’aspect frappant ou unique est l’expression « real food for real kids ». Je ne considère pas que l’aspect du dessin de la Marque de commerce de l’Opposante soit particulièrement frappant ou unique, étant donné qu’il s’agit simplement de la police particulière choisie pour représenter les lettres. De plus, à mon avis, il est évident que la Marque de commerce de l’Opposante est censée être interprétée comme une expression unitaire, de sorte que je ne considère aucun des mots individuels (ou sous-ensemble de ceux-ci) comme étant particulièrement frappant ou unique.

[31]  En ce qui concerne la Marque de la Requérante, à mon avis, l’aspect frappant est l’expression « REAL FOOD FOR REAL LIFE » dans son ensemble. Comme avec la Marque de commerce de l’Opposante, il est évident que la Marque est censée être interprétée comme une expression unitaire, et, par conséquent, il s’agit de la marque de commerce dans son ensemble qui est frappante, plutôt qu’un mot ou qu’un sous-ensemble de mots particulier. De plus, la Requérante a demandé l’enregistrement de la Marque comme un mot marque de commerce, sans aucun élément de dessin.

[32]  Par rapport à ce contexte, à mon avis, il y a beaucoup de ressemblance entre les deux marques de commerce en termes d’apparence, de son et d’idée suggérée. Pour ce qui est de l’apparence et du son, les marques sont toutes deux composées d’expressions ayant le même élément « real food for real […] » en tant que les quatre premiers mots d’une expression de cinq mots. Les marques de commerce sont identiques mis à part le mot final, qui, dans les deux cas, est un mot syllabe unique composé de quatre lettres. L’idée véhiculée par les marques de commerce est également très similaire, ou du moins fortement liée, en ce sens qu’elles sont toutes deux suggestives de produits ou de services liés à la fourniture d’aliments sains.

[33]  Par conséquent, lorsqu’on examine les marques de commerce des parties dans leur ensemble, à mon avis, elles se ressemblent beaucoup en termes d’apparence, de son et d’idées suggérées. Par conséquent, je conclus que le facteur de l’article 6(5)e) favorise fortement l’Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[34]  À mon avis, les marques de commerce des deux parties possèdent un faible degré de caractère distinctif inhérent en liaison avec les produits et services pertinents.

[35]  En ce qui concerne la Marque de commerce de l’Opposante, elle suggère la fourniture d’aliments sains pour enfants. À mon avis, les lettres stylisées utilisées pour représenter la Marque de commerce de l’Opposante n’augmentent pas de façon importante le caractère distinctif inhérent [voir Canadian Jewish Review Ltd c le Registraire des marques de commerce (1961), 37 CPR 89 (C de l’Éch) et John Labatt Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 79 CPR (2d) 110 (CF 1re inst)].

[36]  En ce qui a trait à la Marque de la Requérante, à mon avis, elle suggère de façon semblable des services liés à la fourniture d’aliments sains, en l’occurrence pour les personnes en général plutôt que pour les enfants en particulier.

[37]  Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé en faisant en sorte que la marque de commerce devienne connue par la promotion ou l’usage. En l’espèce, la preuve de l’Opposante démontre un emploi substantiel de la Marque de commerce de l’Opposante au cours de nombreuses années et que sa marque de commerce est devenue connue, au moins dans la RGT, en liaison avec ses services de traiteur. En revanche, la demande de la Requérante est fondée sur l’emploi projeté et rien ne prouve que la Marque de la Requérante ait déjà été employée ou soit devenue connue au Canada.

[38]  Par conséquent, en tenant compte de la combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis des marques de commerce des parties, je conclus que ce facteur ne favorise pas l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[39]  La preuve de l’Opposante démontre qu’elle emploie la Marque de commerce de l’Opposante au Canada depuis 2005 et qu’avant cela, la marque de commerce avait été employée par le prédécesseur en titre de l’Opposante depuis mai 2004.

[40]  La Demande de la Requérante est fondée sur l’emploi projeté et il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada.

[41]  Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[42]  Lors de l’examen des produits et services des parties, c’est l’état déclaratif des produits et services dans la demande et l’enregistrement de marques de commerce des parties qui régissent la question de la confusion découlant de l’article 12(1)d) [Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Ces déclarations doivent toutefois être lues de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être compris dans la formulation. À cet égard, la preuve de commerce réel des parties peut être utile, en particulier lorsqu’il existe une ambiguïté quant aux produits ou services visés par la demande ou l’enregistrement en cause [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4d) 266 (COMC); American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4d) 110 (COMC)].

[43]  La description des produits et services dans l’enregistrement de l’Opposante est la suivante :

Produits

  • (1) Matières premières naturelles et organiques, nommément céréales, fruits, et légumes pour créer des goûters et repas préparés sains.

Services

  • (1) Fourniture et production d’aliments naturels et organiques, nommément repas et goûters aux garderies et aux écoles.

  • (2) Séminaires pédagogiques ayant trait à la nutrition et à la santé destinés aux parents et tuteurs des garderies et écoles.

[44]  La nature des services de l’Opposante, telle que décrite dans l’Affidavit Farnell, est conforme à la description des services figurant dans l’enregistrement de l’Opposante. L’Affidavit Farnell décrit l’activité principale de l’Opposante comme la fourniture de services de traiteur pour des garderies, des écoles et des camps, ainsi que la promotion et l’éducation connexes associées à ce service, y compris la distribution de menus et de recettes portant la Marque de commerce de l’Opposante aux administrateurs et aux parents.

[45]  La description des produits et services dans la Demande de la Requérante est la suivante :

Services

Exploitation de points de vente au détail de produits de viande et alimentaires; services alimentaires, nommément proposition de recettes, de menus et d’idées de repas aux clients.

[46]  À mon avis, il y a un degré important de chevauchement entre les services de l’Opposante et les Services énumérés dans la Demande (ou les services sont au moins étroitement liés par leur nature), particulièrement en l’absence de preuve de la part de la Requérante quant à la nature de ses activités et des voies de commercialisation probables. Les services des deux parties ont trait à la fourniture d’aliments aux clients, et les services des deux parties comprennent la fourniture de menus et de recettes aux clients.

[47]  Bien que la Requérante soutienne que l’Opposante n’exploite pas un « point de vente au détail », à mon avis, cette distinction n’est pas convaincante en l’espèce. L’entreprise de l’Opposante est la vente d’aliments à ses clients, y compris, dans certains cas, la vente d’aliments de repas préparés étiquetés avec la Marque de commerce de l’Opposante (voir la pièce « J » à l’Affidavit Farnell).

[48]  Par conséquent, je conclus que les facteurs des articles 6(5)c) et d) favorisent l’Opposante.

Autres circonstances de l’espèce

État du registre

[49]  La preuve au sujet de l’état du registre est pertinente dans la mesure où elles permettent de faire des déductions valables au sujet de la situation du marché [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF)]. Les déductions concernant l’état du marché ne peuvent être tirées de ces éléments de preuve seulement si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, aux para 41 à 46]. Parmi les marques de commerce pertinentes on compte celles qui (i) sont déposées ou autorisées et basées sur l’emploi; (ii) celles qui concernent des produits et services similaires à ceux des marques en cause et (iii) celles qui incluent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197; Allergan Inc c Lancôme Parfums & Beauté & Cie, société en nom collectif (2007), 64 CPR (4th) 147 (COMC), à 169].

[50]  Mon analyse de l’état de la preuve au registre en l’espèce est décrite ci-dessous.

Marques de commerce de tiers

[51]  La recherche de Mme Stecyk a permis de trouver plusieurs demandes et enregistrements de marques de commerce de tiers qui comprennent les mots « REAL » et « FOOD », en liaison avec des produits et des services liés aux aliments. Toutefois, je ne considère pas ces marques comme pertinentes ou instructives, puisqu’en l’espèce, la composante commune entre les marques des parties n’est pas simplement les mots « REAL » et « FOOD ». La composante commune concerne les quatre mots « real food for real […] » dans cet ordre précis. Parmi les marques de tiers identifiées dans l’Affidavit Stecyk qui font l’objet de demandes ou d’enregistrements autorisés, aucune ne comprend la composante « real food for real […] » (Je précise que la demande no 1,878,833 pour la marque de commerce WILDROOTS REAL FOOD FOR REAL PEOPLE comprend la composante pertinente, mais que la demande n’a pas été annoncée, et qu’il n’y a pas de preuve dans cette procédure de l’emploi de cette marque de commerce au Canada).

[52]  Les seules marques de commerce identifiées dans l’Affidavit Stecyk qui font l’objet de demandes ou des enregistrements permis, et qui comprennent la composante « real food for real […] », sont l’enregistrement de l’Opposante, la demande de la Requérante et deux autres demandes appartenant à la Requérante qui sont examinées ci-dessous.

Marques de commerce appartenant à la Requérante

[53]  L’Affidavit Stecyk identifie les deux demandes de marque de commerce suivantes appartenant à la Requérante qui comprennent la composante « real food for real […] » :


 

No de demande

Marque de commerce

Produits et services

1,781,853

HELPING YOU MAKE REAL FOOD FOR REAL LIFE

Produits : Viandes, poisson, fruits de mer, nommément pétoncles, homards, crabes, crevettes, filets de poisson farcis de fruits de mer, coquilles Saint-Jacques; volaille; légumes congelés; frites et pommes de terre congelées; plats principaux préparés; hors-d’œuvre préparés constitués principalement de viande, de légumes, de fromage ou de pâte; [...]

 

Services : Exploitation de points de vente au détail de produits de viande et alimentaires; services alimentaires, nommément proposition de recettes, de menus et d’idées de repas aux clients.

1,814,671

REAL FOOD FOR REAL LIFE Logo

 

REAL FOOD FOR REAL LIFE Logo

 

 

Services : Exploitation de points de vente au détail de produits de viande et alimentaires; services alimentaires, nommément proposition de recettes, de menus et d’idées de repas aux clients.

 

[54]  Au moment de la production de l’Affidavit Stecyk, la demande no 1,814,671 avait été annoncée et la demande no 1,781,853 avait été acceptée, et les deux demandes étaient toujours en instance. Au moment où les parties ont produit leurs arguments écrits, la demande no 1,814,671 a procédé à l’enregistrement (LCM1,003,021), et la Requérante a demandé au paragraphe 23 de son argumentation écrite que le registraire prenne connaissance d’office de ce fait.

[55]  En général, le registraire ne prendra pas connaissance d’office de la déclaration du registre (sauf en ce qui a trait aux marques précisément mentionnées par une opposante dans une déclaration d’opposition) [voir Molson Breweries c John Labatt Ltd (Labatt Brewing Co Ltd) (1999), 3 CPR (4th) 543 (COMC), à 552]. Toutefois, en l’espèce, même si je devais prendre connaissance d’office du fait que la demande no 1,814,671 en était à l’étape de l’enregistrement (en fait, je précise que la demande no 1,781,853 en est maintenant également à l’étape de l’enregistrement), à mon avis, ces deux enregistrements n’aident pas la Requérante dans cette affaire.

[56]  Premièrement, il est bien établi que l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir l’enregistrement d’autres marques, même si celles-ci sont étroitement liées à la marque visée par l’enregistrement initial [voir Groupe Lavo Inc c Procter & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC), au para 15; voir aussi Highland Feather Inc c American Textile Company, 2011 COMC 16, au para 20].

[57]  Deuxièmement, en ce qui concerne le logo de la marque de commerce REAL FOOD FOR REAL LIFE de la Requérante, la demande no 1,814,617 (maintenant l’enregistrement no LMC1,003,021) vise un dessin-marque comportant des éléments de dessin précis et les mots présentés dans une configuration précise. En revanche, la présente Demande vise le mot marque de commerce REAL FOOD FOR REAL LIFE, dont l’enregistrement permettrait à la Requérante de décrire la Marque dans n’importe quelle police, style, couleur ou configuration. Par conséquent, en l’espèce, je dois tenir compte de la possibilité que la Requérante puisse décrire la Marque d’une manière semblable à celle de la Marque de commerce de l’Opposante [voir Cheah c McDonald’s Corp, 2013 CF 774, 114 CPR (4th) 241, aux para 3 à 4]. En résumé, le risque de confusion augmente lorsqu’on examine la présente demande pour un mot marque de commerce, comparativement à la demande no 1,814,617.

[58]  Troisièmement, en ce qui a trait à la marque de commerce de la Requérante, HELPING YOU MAKE REAL FOOD FOR REAL LIFE, à mon avis, cette marque de commerce crée une impression globale différente de la Marque en cause dans la présente affaire, étant donné la présence de l’expression précurseur « HELPING YOU MAKE […] ».

[59]  Enfin, la Requérante n’a fourni aucune preuve de l’emploi du logo des marques de commerce REAL FOOD FOR REAL LIFE ou HELPING YOU MAKE REAL FOOD FOR REAL LIFE de la Requérante, afin de démontrer que les consommateurs canadiens connaissent bien ces marques, de sorte que la portée de la protection accordée à la Marque de commerce de l’Opposante pourrait être réduite.

[60]  Pour les raisons susmentionnées, à mon avis, l’état de la preuve au registre n’aide pas la Requérante en l’espèce.

Famille de marques de commerce

[61]  L’Opposante, au paragraphe 43 de son plaidoyer écrit, affirme que sa position en l’espèce est renforcée par une famille de marques de commerce composée de la Marque de commerce de l’Opposante, du nom commercial de l’Opposante et de deux marques de commerce déposées supplémentaires appartenant à l’Opposante, qui comprend l’acronyme RFRK (enregistrements no LMC929,543 pour RFRK et LMC929,531 pour RFRK Design, joints comme pièce « S » à l’Affidavit Farnell).

[62]  Je remarque qu’il n’y a pas de référence à une famille de marques de commerce dans la déclaration d’opposition de l’Opposante, ni de référence dans la déclaration d’opposition aux enregistrements no LMC929,543 et LMC929,531. Pour ce seul motif, je rejette l’argument de l’Opposante concernant une famille de marques, car il n’a pas été soutenu suffisamment.

[63]  Dans tous les cas, afin de bénéficier de l’étendue plus large de la protection qui peut être accordée à une « famille » de marques de commerce, une opposante doit prouver l’usage de chacune des marques dans la famille [voir McDonald’s Corp c Alberto-Culver Co (1995), 61 CPR (3d) 382 (COMC)]. À mon avis, l’Opposante n’a pas établi une famille de marques de commerce qui l’aiderait dans cette affaire. La composante commune entre les marques de commerce des deux parties est « real food for real […] » et l’Opposante a démontré l’emploi d’une marque de commerce ayant cette composante. Il n’y a aucune preuve au dossier indiquant que l’Opposante a employé de multiples marques de commerce différentes comportant chacune la composante « real food for real […] ». C’est également pourquoi l’argument de l’Opposante concernant une famille de marques ne fait pas avancer sa cause.

Conclusion concernant la confusion

[64]  La question à trancher est de savoir si un consommateur typique ayant un souvenir imparfait du dessin de la marque de commerce Real Food for Real Kids de l’Opposante, en voyant la marque de commerce REAL FOOD FOR REAL LIFE en liaison avec les Services, serait susceptible de penser que les produits et services des parties partagent une source commune. Après avoir examiné toutes les autres circonstances de l’espèce, et en particulier le niveau de ressemblance élevé entre les marques et le fait que chacun des facteurs restants de l’article 6(5) favorise l’Opposante, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[65]  Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[66]  Avec ce motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante, en plus de quatre marques de commerce supplémentaires indiquées à l’annexe A de la déclaration d’opposition, qui ont toutes un emploi préalable allégué au Canada. Je concentrerai mon analyse sur la Marque de commerce de l’Opposante (plutôt que sur celles qui sont indiquées à l’annexe A de la déclaration d’opposition), car cette marque constitue la cause la plus solide de l’Opposante. Je remarque que la Requérante conteste, dans sa contre-déclaration, la validité du motif d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement de l’Opposante (inclus à l’article 2c) de la déclaration d’opposition) dans la mesure où elle se fonde sur des demandes d’enregistrement de marque de commerce produites par l’Opposante. Toutefois, l’article 2c) de la déclaration d’opposition comprend également un motif d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement fondé sur l’emploi antérieur de la Marque de commerce de l’Opposante en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi, qui est le motif considéré ici.

[67]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la Demande, la Marque de commerce de l’Opposante a été employée antérieurement au Canada et n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande de la Requérante. Tel que mentionné ci-dessus, je suis convaincu que la preuve de l’Opposante démontre qu’elle a employé sa marque de commerce au Canada en liaison avec des services de traiteur depuis bien avant le 3 juin 2015 et qu’elle n’a pas abandonné sa marque de commerce en date du 24 février 2016. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[68]  L’Opposante ayant rempli son fardeau de preuve initial, la Requérante a alors le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion à la date de production de la Demande. À mon avis, la date pertinente antérieure pour le motif d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement ne modifie pas de façon importante l’analyse de confusion présentée ci-dessus pour le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), et je conclus de même que la Requérante n’a pas rempli son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion à la date de production de la Demande.

[69]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est accueilli.

Motifs d’opposition restants

[70]  Ayant déjà conclu en faveur de l’Opposante pour les motifs d’opposition des articles 12(1)d) et 16(3)a), je ne considère pas qu’il soit nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition à l’article 2, à l’article 16(3)b) et à l’article 16(3)c).

Décision

[71]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Shift Law

Pour l’Opposante

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Pour la Requérante

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.