Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 42

Date de la décision : 2020-05-01

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Vella Shoes Canada Ltd.

Opposante

Et

 

Joia Calçado, S.A.

Requérante

 

1,703,884 pour CLOUD FOOTWEAR & Dessin

Demande

Introduction

[1]  Le 21 novembre 2014, Joia Calçado, SA (la Requérante) a produit la demande no 1,703,884 (la Demande) pour enregistrer la marque de commerce CLOUD FOOTWEAR & Dessin, illustrée ci-dessous (la Marque).

CLOUD FOOTWEAR & Design

[2]  La Demande est en liaison avec des « Articles chaussants, nommément chaussures, bottes, espadrilles, sandales, pantoufles » (les Produits) et est fondée sur : 1) l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 22 janvier 2013; et 2) l’emploi et l’enregistrement de la Marque au Portugal.

[3]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 26 août 2015. Le 26 janvier 2016, Vella Shoes Canada Ltd (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition contre la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[4]  Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

·  La Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, puisque : 1) la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits depuis la date alléguée de premier emploi, voire jamais; 2) la Requérante n’a pas employé la Marque à titre de marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi, voire jamais; et 3) la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits, puisque la Requérante connaissait ou aurait dû connaître l’emploi antérieur par l’Opposante de la marque de commerce WALKING ON A CLOUD.

·  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d), puisqu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée de l’Opposante WALKING ON A CLOUD (LMC388,241).

·  La Requérante n’est pas la personne ayant droit d’enregistrer la Marque en vertu de l’article 16(1)a) et de l’article 16(2)a), puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante WALKING ON CLOUD antérieurement employée au Canada.

·  La Marque n’est pas distinctive au Canada des Produits de la Requérante, en vertu de l’article 2, compte tenu de l’emploi antérieur par l’Opposante, et de la publicisation, de sa marque de commerce WALKING ON A CLOUD.

[5]  Le 17 mars 2016, la Requérante a produit une contre-déclaration contestant les motifs d’opposition.

[6]  Les deux parties ont produit des preuves, lesquelles sont abordées ci-dessous. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a eu lieu à laquelle les deux parties ont été représentées.

Preuve

[7]  La preuve de l’Opposante est composée d’une copie conforme de l’enregistrement no LMC388,241 et de l’affidavit de Paul Joseph Vella, souscrit le 18 juillet 2016 (l’affidavit Vella). M. Vella est le président et directeur de l’Opposante. M. Vella atteste, entre autres, des faits suivants concernant l’Opposante :

·  L’Opposante est un détaillant canadien de chaussures. En 1959, l’Opposante a ouvert son premier magasin de chaussures à Toronto, en Ontario, sous le nom « Vella Shoes ».

·  M. Vella affirme que [traduction] « en 1994, j’ai acheté le magasin Walking On A Cloud de Bata Industries Ltd à Burlington, en Ontario ». M. Vella indique que l’Opposante possède les noms de domaine <walkingonacloud.ca> (enregistré le 15 mai 2006) et <walkingonacloud.com> (enregistré le 15 avril 1999). Les détails de ces enregistrements de nom de domaine sont joints à titre de Pièce « A ».

·  M. Vella affirme que [traduction] « en 1993, Bata Industries Ltd a attribué tous les droits et l’achalandage de l’enregistrement no LMC388,241, WALKING ON A CLOUD, à l’Opposante ». Une copie des détails de l’enregistrement no LMC388,241 est jointe à titre de Pièce « B ».

·  M. Vella affirme que [traduction] « l’Opposante a présentement 42 emplacements Walking On A Cloud et 2 points de vente Walking On A Cloud ». Des photos de la vitrine de quatre de ces emplacements de vente de détail sont incluses à titre de Pièce « F ». Chaque vitrine montrée dans la Pièce « F » a des panneaux affichant la marque de commerce WALKING ON A CLOUD.

·  La Pièce « D » à l’affidavit Vella est une photo de ce que M. Vella décrit comme le [traduction] « sac réutilisable [de l’Opposante] dans lequel les produits de l’Opposante sont placés lorsqu’ils sont achetés ». Le sac arbore la marque de commerce WALKING ON A CLOUD. M. Vella affirme que [traduction] « environ 1 000 sacs recyclés sont vendus par mois ». M. Vella décrit également que [traduction] « l’Opposante a également utilisé des sacs de plastique arborant la marque de commerce WALKING ON A CLOUD. Approximativement 520 000 sacs de plastique sont utilisés par année. »

·  L’affidavit Vella comprend, à titre de Pièce « C », les pages couvertures des catalogues de l’Opposante de 2014, 2015 et 2016 lesquels, comme l’indique M. Vella, ont été distribués par la poste, dans des journaux, sur les médias sociaux et par courriel. Les pages couvertures des catalogues portent la marque de commerce WALKING ON A CLOUD.

·  L’affidavit Vella comprend à titre de Pièce « E » une publicité qui a été publiée dans le magazine « ON the GO » en décembre 2014, lequel est publié à Toronto. La publicité vise les magasins de chaussures WALKING ON A CLOUD et comprend es descriptions pour les diverses marques de chaussures disponibles dans ces magasins, y compris BLUNDSTONE, SOREL et HUNTER.

·  Les Pièces « G » et « H » à l’affidavit Vella sont des imprimés qui, comme le décrit Mé Vella, proviennent du site Web de la Requérante au cloud-footwear.com et ont été trouvés par M. Vella au moyen d’une recherche en ligne. M. Vella affirme que [traduction] « selon le site Web de la Requérante, cloud-footwear.com, la Requérante expédie dans le monde entier, excepté les États-Unis et le Canada ». L’affidavit Vella comprend également à titre de Pièce « I » un document que M. Vella décrit comme [traduction] « une capture d’écran prise sur Wayback Machine du 19 mars 2016 qui indique que la Requérante expédie seulement dans l’Europe continentale ».

[8]  La preuve de la Requérante est composée de l’affidavit de Ricardo Monterio, souscrit le 28 novembre 2016 (l’affidavit Monteiro). M. Monteiro est l’adjoint commercial de la Requérante. M. Monteiro atteste, entre autres, des faits suivants concernant la Requérante :

·  La Requérante a été fondée en 1973 au Portugal et ses activités sont la fabrication, la distribution et la vente de chaussures.

·  M. Monteiro décrit les chaussures de la Requérante (nommément, chaussures, bottes, espadrilles, sandales, pantoufles) comme les produits « CLOUD Footwear » et il affirme que la marque CLOUD Footwear a été établie en 2012 au Portugal. M. Monteiro affirme que les produits CLOUD Footwear sont fabriqués dans l’usine de la Requérante au Portugal et sont emballés, étiquetés et expédiés directement de l’usine la Requérante à ses distributeurs.

·  M. Monteiro affirme que depuis l’introduction des produits CLOUD Footwear en 2012, leur promotion, leur publicisation, leur distribution et leur vente ont été effectuées sous la marque de commerce CLOUD Footwear & Dessin de la Requérante (c’est-à-dire la Marque en question dans ces procédures). M. Monteiro affirme que [traduction] « la marque CLOUD Footwear a été introduite au Canada par l’entremise de promotions, de publicités et de ventes depuis au moins le 22 janvier 2013 ».

·  M. Monteiro indique que la Requérante est la propriétaire des enregistrements pour la Marque dans approximativement 30 pays et inclut à titre de Pièce « A » les détails de certains de ces enregistrements.

·  M. Monteiro indique que [traduction] « depuis le 22 janvier 2013, ma compagnie vend ses produits CLOUD Footwear au Canada par l’entremise de certains distributeurs ». Une liste de cinq de ces distributeurs canadiens est incluse dans l’affidavit Monteiro, ainsi que leurs adresses commerciales.

·  M. Monteiro décrit que la Marque est arborée sur les sites Web de certains de ses distributeurs canadiens, y compris Sole Mio Footwear Inc, et que dans certains cas, les consommateurs peuvent acheter directement les produits CLOUD Footwear à partir des sites Web de ces distributeurs qui arborent la Marque. Des exemples de sites Web de distributeurs canadiens de la Requérante arborant la Marque sont compris à titre de Pièces « B » et « C ».

·  M. Monteiro affirme que [traduction] « ma compagnie emballe et étiquette l’ensemble de ses produits CLOUD Footwear dans son usine au Portugal, puis expédie cesdits produits emballés et étiquetés directement à ses distributeurs, y compris ceux distribués au Canada ». Comprises à titre de Pièce « D » à l’affidavit Monteiro sont des photos de l’emballage (particulièrement, des boîtes à chaussures) pour les produits CLOUD Footwear. M. Monteiro indique que [traduction] « la Pièce “D” est représentative de l’emballage CLOUD Footwear qui a été expédié au Canada depuis le 22 janvier 2013 ». Je remarque les boîtes à chaussures montrées à la Pièce « D » arborent les mots « CLOUD FOOTWEAR », mais pas le dessin de nuage stylisé qui fait partie de la Marque en question dans la Demande.

·  Compris à titre de Pièce « E » à l’affidavit Monteiro est ce que M. Monteiro décrit comme [traduction] « une étiquette de produit CLOUD Footwear montrant une expédition pour notre distributeur canadien, Sole Mio Footwear Inc ». Le paragraphe 9 de l’affidavit Monteiro suggère que l’étiquette comprise à titre de Pièce « E » correspond à une vente par la Requérante à Sole Mio Footwear Inc en 2015. Cette étiquette arbore la Marque en question, y compris le dessin de nuage stylisé, dans le coin supérieur gauche. M. Monteiro affirme que [traduction] « cette étiquette est typique du type d’étiquettes qui ont, depuis le 22 janvier 2013, été continuellement incluses avec les produits CLOUD Footwear vendus et expédiés à nos distributeurs canadiens. De plus, au paragraphe 12 de son affidavit, M. Monteiro affirme que [traduction] « en tout temps, les étiquettes et l’emballage montrés aux Pièces “D” et “E” accompagnaient les produits au moment de la vente et de l’expédition au distributeur canadien ».

·  Compris à titre de Pièce « F » est un document que M. Monteiro décrit comme un [traduction] « livre de recherche printemps-été 2017 » (un type de catalogue) qui, comme l’indique M. Monteiro, peut être utilisé par les distributeurs afin de commander et d’acheter des produits CLOUD Footwear. Le livre de recherche inclus à titre de Pièce « F » arbore en évidence la Marque. M. Monteiro affirme que [traduction] « la Pièce “F” est une représentation typique des livres de recherche qui ont été distribués à nos distributeurs canadiens depuis la première vente le 22 janvier 2013 ».

·  L’affidavit Monteiro comprend également les ventes et les dépenses en publicités annuelles de la Requérante pour les années 2013 à 2016 pour les produits CLOUD Footwear vendus au Canada, ainsi que des rapports de ventes (Pièce « H ») et des factures représentatives (Pièces « I » et « J »).

·  Incluses à titre de Pièce « K » à l’affidavit Monteiro sont des affiches publicitaires arborant la Marque, qui, comme l’indique M. Monteiro, sont affichées dans les magasins des distributeurs canadiens à proximité de l’inventaire CLOUD Footwear. Aucune date n’est fournie pour l’affichage de ces articles.

[9]  Ni M. Vella ni M. Monteiro n’ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits respectifs. L’Opposante n’a produit aucune contre-preuve.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[10]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, si l’on ne peut en venir à une conclusion déterminante en faveur de la Requérante après examen de l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3e) 293 (CF 1re inst) à la p. 298].

[11]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la Demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3e) 469 (COMC) à la p. 475];

·  articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3e) 413 (CAF)];

·  articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi – la date de premier emploi de la Marque de la Requérante;

·  articles 38(2)c) et 16(2)a) de la Loi – la date de production de la Demande;

·  article 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4e) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Questions préliminaires

Statut de l’enregistrement no LMC388,241 de l’Opposante

[12]  L’enregistrement no LMC388,241 de la marque de commerce WALKING ON A CLOUD, utilisé par l’Opposant dans ces procédures, à la date de cette décision, est enregistré en liaison avec les produits et les services suivants :

[traduction]

Produits : Tous genres de chaussures, nommément bottes, souliers et pantoufles.

Services : Exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de chaussures et vêtements et accessoires connexes.

[13]  Je remarque que l’enregistrement no LMC388,241 fait également l’objet d’une procédure parallèle en vertu de l’article 45 de la Loi, entamée par la Requérante, visant à annuler l’enregistrement pour motif d’absence d’emploi. Dans les procédures en vertu de l’article 45, selon la décision de la registraire en date du 29 janvier 2020, la registraire a conclu que l’enregistrement doit être modifié afin d’inclure seulement les services suivants : [traduction] « Exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de chaussures et accessoires connexes ».

[14]  Cette décision du 29 janvier 2020 de la registraire dans les procédures en vertu de l’article 45 fait présentement l’objet d’un appel devant la Cour fédérale (l’avis de demande ayant été produit le 2 avril 2020) et, par conséquent, n’est pas entrée en vigueur. Par conséquent, aux fins de ces procédures d’opposition, je tiens compte de l’enregistrement no LMC388,241 de l’Opposante tel qu’il est en liaison avec l’ensemble complet de produits et de services, plutôt que la version modifiée établie dans la décision du 29 janvier 2020 de la registraire.

L’Opposante n’a pas plaidé un motif d’opposition fondé sur l’article 30d)

[15]  Un opposant ne peut pas utiliser un motif d’opposition qu’il n’a pas plaidé [voir Imperial Developments Ltd c Imperial Oil Ltd (1984), 79 CPR (2e) 12 (CF 1re inst)].

[16]  Dans ce cas-ci, la Demande comporte deux fondements pour l’enregistrement : 1) l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 22 janvier 2013; et 2) l’emploi et l’enregistrement de la Marque au Portugal.

[17]  La déclaration d’opposition produite par l’Opposante invoque les motifs d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi, mais notamment ne précise pas les paragraphes de l’article 30 que l’Opposante utilise. En faisant une lecture de la déclaration d’opposition dans son ensemble, je suis prêt à accepter que l’Opposante a invoqué un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi suffisant, compte tenu de la façon dont le motif d’opposition fondé sur l’article 30 est plaidé aux paragraphes 1(a)(i) et (ii) de la déclaration d’opposition. Par exemple, le paragraphe 1(a)(i) allègue en particulier que [traduction] « la Requérante n’a pas employé la marque de commerce alléguée au Canada en liaison avec les produits [...] depuis la date de premier emploi alléguée, voire jamais ». Je considère le paragraphe 1(a)(ii) de la déclaration d’opposition, dans lequel l’Opposante allègue que la Requérante n’a pas employé la Marque à titre de marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi, comme une allégation supplémentaire quant au motif pour lequel la Demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi. Également, il est évident qu’une partie de la preuve principale de l’Opposante vise à contester l’affirmation que la Requérante a réellement employé la Marque au Canada (voir les paragraphes 12 et 13 et les Pièces « G » à « I » de l’affidavit Vella, abordés en plus de détails ci‑dessous). Par conséquent, j’accepte que l’Opposante a suffisamment plaidé un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) et les mérites de ce motif sont évalués dans la prochaine section de cette décision. Je suis également convaincu que l’Opposante a plaidé un motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) au moyen des paragraphes 1(a)(iii) et (iv) de la déclaration d’opposition, compte tenu de la façon dont ces paragraphes reproduisent la formulation de l’article 30(i) de la Loi.

[18]  Cependant, j’estime qu’il n’est pas possible de lire la déclaration d’opposition de l’Opposante comme incluant un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) de la Loi contestant l’emploi et l’enregistrement par la Requérante de la Marque au Portugal à la date de production de la Demande. L’article 30d) n’est pas mentionné dans la déclaration d’opposition et il n’y a aucune mention quelconque de l’emploi ou de l’enregistrement de la Marque (ou leur absence) au Portugal. De plus, l’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer un motif d’opposition fondé sur l’article 30d). (Je remarque également que, puisque l’Opposante n’a pas produit de plaidoyer écrit dans ces procédures, il n’y a aucune indication à une quelconque étape qu’elle cherchait à utiliser l’article 30d)). J’estime que l’Opposante n’a pas plaidé un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) et qu’il n’y avait aucune raison que la Requérante puisse croire qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) avait été soulevé.

[19]  Mon opinion est renforcée par l’audience, où l’avocat de l’Opposante a fait des observations approfondies et aptes concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 30b), affirmant qu’il pourrait être accueilli dans l’opposition pour ce motif seulement. Cependant, lorsque j’ai demandé quelle était la position de l’Opposante concernant la revendication d’un emploi et d’un enregistrement étrangers dans la Demande, il était évident que l’Opposante (du moins, lors de l’audience) n’était pas consciente de la présence de cette revendication dans la Demande. Par conséquent, subséquemment à l’audience, au moyen d’une lettre à l’intention de la registraire en date du 27 janvier 2020, l’Opposante a produit des observations écrites affirmant que la déclaration d’opposition devrait être lue comme incluant un motif d’opposition fondé sur l’article 30d). La Requérante a répondu au moyen d’une lettre en date du 28 janvier 2020. Pour les motifs établis ci-dessus, je rejette la position de l’Opposante et conclue que sa déclaration d’opposition ne soulève pas un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) de la Loi.

[20]  Dans tous les cas, même si j’avais accepté l’argument de l’Opposante que la déclaration d’opposition comprend un motif d’opposition fondé sur l’article 30d), j’aurais refusé ce motif d’opposition puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial. En particulier, l’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer ce motif et il n’y a aucune preuve produite par la Requérante que l’Opposante pourrait utiliser pour suggérer que la Requérante n’avait pas employé ou enregistré la Marque au Portugal au moment de la date pertinente. En effet, puisque l’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer un motif fondé sur l’article 30d) dans le cadre de sa preuve principale, la Requérante n’avait aucune obligation d’aborder dans sa preuve l’emploi et l’enregistrement de la Marque au Portugal.

[21]  En bout de compte, je conclus que la déclaration d’opposition de l’Opposante ne soulève pas un motif d’opposition fondé sur l’article 30d), toutefois, si je me trompe sur ce point, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 30d).

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[22]  Avec un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, il est bien établi que si la date de premier emploi revendiquée par le requérant dans la demande précède la date de premier emploi réelle de la marque de commerce au Canada, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli [voir Scenic Holidays (Vancouver) Ltd c Royal Scenic Holidays Ltd, 2010 COMC 63; Pharmacia AB c Homeocan Inc (2003), 33 CPR (4e) 375 (COMC) aux para 6 à 8].

[23]  Le fardeau de preuve initial d’un opposant est de présenter une preuve suffisante permettant de raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3e) 293 (CF 1re inst) à la p. 298]. Le fardeau initial d’un opposant dans le cadre de l’article 30b) est léger, étant donné que les faits concernant la date de premier emploi d’une marque de commerce relèvent particulièrement des connaissances du requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3e) 84 (COMC) à la p. 89].

[24]  Dans ce cas-ci, la Demande comporte la revendication que la Requérante a employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits depuis au moins le 22 janvier 2013. La Marque en question est la marque de commerce figurative montrée au paragraphe 1 de cette décision, ci‑dessus.

[25]   En ce qui a trait au fardeau de preuve initial de l’Opposante pour le mot d’opposition fondé sur l’article 30b), l’affidavit Vella comprend les résultats d’une recherche en ligne de ce qui semble être le site Web de la Requérante en 2016, où le site Web indique que la Requérante n’expédie pas ses produits aux États-Unis ou au Canada (voir les paragraphes 12 et 13 et les Pièces « G » à « I » de l’affidavit Vella). La preuve de l’Opposante, bien que d’aucune manière concluante en ce qui a trait à la question de savoir si la Requérante a employé la Marque au Canada, est malgré tout, selon moi, suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter à son fardeau de preuve initial léger de suggérer que la Marque n’était pas employée au Canada à compter de la date revendiquée.

[26]  Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits depuis au moins le 22 janvier 2013.

[27]  La preuve de la Requérante démontre qu’elle emploie la Marque au Canada par des voies de commercialisation autres que l’expédition directe aux consommateurs canadiens à partir du site Web de la Requérante. En particulier, l’affidavit Monteiro fournit en preuve la façon dont la Requérante vend ses produits à des distributeurs et des magasins de détail au Canada qui, en retour, vendent les produits de la Requérante aux consommateurs canadiens. Cependant, bien que la Requérante ait démontré l’emploi de la Marque au Canada, pour les raisons établies ci-dessous, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 22 janvier 2013.

[28]  D’abord, la preuve de la Requérante comprend à titre de Pièce « D » des images des boîtes dans lesquelles les chaussures sont expédiées à ses distributeurs au Canada. Ces boîtes sont décrites dans l’affidavit Monteiro comme étant représentatives de celles qui ont été expédiées au Canada depuis le 22 janvier 2013. Ces boîtes arborent en évidence les mots « CLOUD FOOTWEAR », mais notamment ne portent pas dans son ensemble la marque de commerce figurative particulière qui forme l’objet de la présente Demande. En particulier, les boîtes ne portent pas le dessin du nuage stylisé qui est un élément évident de la Marque. J’estime que l’omission du dessin du nuage stylisé des boîtes n’est pas une simple variation mineure de sorte que les boîtes puissent constituer l’emploi de la Marque [voir Convenience Food Industries (Private) Ltd c Clic International Inc, 2011 CF 1338, 97 CPR (4e) 420 (CF)]. Ainsi, alors que les boîtes montrées à la Pièce « D » de l’affidavit Monteiro pourraient démontrer l’emploi de la marque de commerce CLOUD FOOTWEAR au Canada depuis le 22 janvier 2013, elles ne constituent pas l’emploi de la Marque figurative particulière visée par la demande et, par conséquent, n’appuient pas la date d’emploi revendiquée dans la Demande.

[29]  Deuxièmement, l’affidavit Monteiro inclut à titre de Pièce « E » une étiquette de produit qui porte la Marque figurative particulière en question, y compris l’élément du dessin du nuage stylisé, laquelle, comme l’affirme M. Monteiro, accompagnait les produits expédiés aux clients au Canada. J’estime que cette preuve constitue un emploi de la Marque au Canada par l’Opposante. Cependant, l’affidavit Monteiro suggère que l’étiquette incluse à titre de Pièce « E » correspond à une vente à un client canadien en 2015, pas une vente à la date revendiquée du 22 janvier 2013 ou antérieure. Alors que M. Monteiro indique que cette étiquette est [traduction] « typique du type d’étiquettes » comprises dans les ventes canadiennes depuis le 22 janvier 2013, je remarque que l’étiquette contient une multitude d’autres objets et renseignements écrits en plus de la Marque et, par conséquent, il existe une ambiguïté dans l’affidavit Monteiro quant à savoir si les étiquettes portant actuellement la Marque étaient incluses pour les ventes canadiennes reçues par les clients au Canada depuis le 22 janvier 2013.

[30]  Finalement, je suis convaincu que la preuve de la Requérante démontre l’emploi de la marque de commerce CLOUD FOOTWEAR au Canada depuis le 22 janvier 2013 et l’emploi de la Marque figurative en question au Canada depuis 2015. Cependant, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé la Marque figurative au Canada depuis au moins le 22 janvier 2013.

[31]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli. Cependant, comme il en a été discuté ci-dessus, la Demande comprend également la revendication de l’emploi et de l’enregistrement de la Marque au Portugal, laquelle n’a pas été contestée avec succès par l’Opposante. Par conséquent, la Demande peut se poursuivre en raison de la revendication d’un emploi et d’un enregistrement étrangers, assujettie au résultat des autres motifs d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[32]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur cet article devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il y a une preuve de mauvaise foi de la part du requérant ou lorsque l’emploi de la marque de commerce visée par la demande entraînerait la violation d’une loi fédérale [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2e) 152 (COMC) à la p. 155 et Société canadienne des postes c le Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3e) 221 (CF 1re inst)]. La simple connaissance de l’existence d’une marque de commerce d’un opposant n’appuie pas en soi une allégation selon laquelle un requérant n’aurait pas pu être convaincu de son droit d’utiliser une marque de commerce [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc / Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197].

[33]  En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[34]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) repose sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante WALKING ON A CLOUD (LMC388,241). J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que l’enregistrement de l’Opposante no LMC388,241 est en vigueur à la date de cette décision.

Test en matière de confusion

[35]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est stipulé que « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice ». En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[36]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4e) 401 (CSC); Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (CSC) au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4e) 361 (SCC) au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion.

[37]  Le test en matière de confusion est évalué comme étant celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de la requérante, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, supra, au para 20].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[38]  J’estime que la marque de commerce WALKING ON A CLOUD de l’Opposante a un caractère distinctif inhérent moyen. L’inclusion de la phrase « on a cloud » suggère une expérience égayante ou agréable en lien avec « walking ». La marque de commerce de l’Opposante n’est pas descriptive, mais est plutôt une allusion à la conséquence positive d’utiliser ou d’acheter les produits et les services de l’Opposante.

[39]  La marque de commerce CLOUD FOOTWEAR & Dessin de la Requérante a également un caractère distinctif inhérent moyen. Le mot « cloud » à lui seul n’a aucune connotation descriptive en liaison avec les chaussures et, dans le meilleur des cas, pourrait être considéré comme suggestif d’un produit de chaussure qui est léger ou souple. La Marque de la Requérante comprend également un dessin de nuage stylisé bien en évidence formé de trois formes ovoïdales qui se chevauchent, ce que j’estime être un élément important de la Marque dans son ensemble, compte tenu de la taille et de la position du dessin.

[40]  En ce qui a trait à la mesure à laquelle les marques respectives des parties sont devenues connues, la preuve indique que la marque de commerce de l’Opposante est connue dans une certaine mesure, compte tenu du fait que la marque de commerce de l’Opposante semble avoir été employée en liaison avec l’exploitation de magasins de détail vendant des chaussures depuis le début des années 1990 et que l’Opposante exploite présentement plusieurs magasins sous ce nom. Cependant, je remarque que l’affidavit Vella ne fournit aucune donnée sur les ventes ou la publicité par rapport à ces magasins (autre que sa distribution de sacs portant la marque de commerce de l’Opposante, mais même dans ce cas l’affidavit Vella ne précise pas pendant combien de temps ou au cours de quelles années les sacs ont été distribués) et par conséquent il est difficile d’évaluer de manière juste l’étendue à laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue. La preuve de la Requérante indique les ventes annuelles et les données sur la publicité concernant l’emploi par la Requérante de sa Marque au Canada, toutefois la Marque de la Requérante est employée au Canada depuis moins longtemps que la marque de commerce de l’Opposante.

[41]  Tout compte fait, je ne considère pas que ce facteur favorise l’une ou l’autre partie.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[42]  La preuve de l’Opposante suggère que sa marque de commerce WALKING ON A CLOUD est employée au Canada en liaison avec l’exploitation de magasins de détail vendant des chaussures depuis le début des années 1990. La preuve de l’Opposante dans ces procédures de l’emploi de sa marque de commerce a été uniquement en liaison avec ce service; j’estime que l’Opposante n’a fourni aucune preuve de l’emploi de sa marque de commerce en liaison avec l’un des produits visés par l’enregistrement no LMC388,241. Par exemple, l’Opposante n’a fourni aucune preuve qu’elle a déjà vendu des produits de chaussures comme des bottes, des souliers ou des pantoufles portant la marque de commerce WALKING ON A CLOUD. Plutôt, la preuve de l’Opposante suggère que ses magasins vendent des produits de chaussures de tiers portant les marques de commerce de tiers (voir, par exemple, la Pièce « E » de l’affidavit Vella). Je ne considère pas que la distribution par l’Opposante de sacs arborant sa marque de commerce constitue un emploi de sa marque en liaison avec les produits dans l’enregistrement [voir Gowling, Strathy & Henderson c Karan Holdings Inc (2001), 14 CPR (4e) 124 (COMC) aux para 7 et 8; également, la preuve de l’Opposante en l’espèce n’est pas de la même portée et de la même diversité de ce qui a été considéré dans McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2016 CF 1276] et, dans tous les cas, l’affidavit Vella n’indique pas depuis combien de temps l’Opposante distribue les sacs.

[43]  Comme il a été susmentionné dans le contexte du motif d’opposition fondé sur l’article 30b), la preuve de la Requérante suggère qu’elle emploie la Marque au Canada en liaison avec les chaussures depuis 2015.

[44]  Puisque l’emploi de l’Opposante de sa marque de commerce en liaison avec les services se fait depuis plus longtemps, que l’emploi par la Requérante de la Marque, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre de produits; nature du commerce

[45]  Lorsque l’on examine les produits et services des parties, c’est l’état déclaratif des produits et des services dans la demande et l’enregistrement des marques de commerce des parties qui régit la question de la confusion soulevée en vertu de l’article 12(1)d) [M Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3e) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna, 1994, 58 CPR (3e) 381 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être interprété dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces des parties peut être utile à cet égard, en particulier lorsqu’il existe une ambiguïté quant aux produits ou services visés par la demande ou l’enregistrement en cause [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3e) 168 (CAF); Procter and Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4e) 266 (COMC); et American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4e) 110 (COMC)].

[46]  L’enregistrement no LMC388,241 de l’Opposante, à la date de cette décision, couvre les produits suivants : [traduction] « Tous genres de chaussures, nommément bottes, souliers et pantoufles ». La Demande est en liaison avec les produits suivants : « Articles chaussants, nommément chaussures, bottes, espadrilles, sandales, pantoufles ». Par conséquent, il y a un chevauchement direct entre les produits dans l’enregistrement de l’Opposante et ceux dans la Demande.

[47]  L’enregistrement LMC388,241 de l’Opposante couvre également les services suivants : [traduction] « Exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de chaussures et vêtements et accessoires connexes ». La preuve de l’Opposante démontre qu’elle emploie sa marque de commerce en liaison avec l’exploitation de magasins de détail vendant des chaussures. À cet égard, la preuve indique que les magasins de l’Opposante vendent des chaussures de tiers qui ont leurs propres marques de commerce (voir, par exemple, la Pièce « E » de l’affidavit Vella, laquelle est une publicité pour les magasins de l’Opposante vendant diverses marques de souliers, y compris ceux vendus sous les marques de commerce BLUNDSTONE, SOREL et HUNTER).

[48]  La Requérante vend ses Produits au Canada en liaison avec les Marques par l’entremise de tiers distributeurs et détaillants. La preuve de la Requérante indique qu’elle ne vend pas ses Produits par l’entremise des magasins de détail de l’Opposante.

[49]  Par conséquent, les services de l’Opposante et les Produits de la Requérante se chevauchent dans la mesure qu’elles concernent les chaussures. Cependant, la preuve indique qu’il n’y a aucun chevauchement direct entre les activités respectives des parties, puisque l’Opposante est un détaillant et la Requérante est un fabricant de chaussures. Dans certains cas, il a été conclu qu’une distinction entre la marque d’une partie employée en liaison avec des services et une autre employée en liaison avec des produits est un facteur pertinent pour conclure l’absence de probabilités de confusion [voir Tradition Fine Foods Ltd c Oshawa Group Ltd, 2004 CF 1011, 33 CPR (4e) 289 (CF); voir aussi Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL, 2005 CF 1550, 46 CPR (4e) 112 (CF) au para 48].

[50]  En l’espèce, tout compte fait, le genre des produits et des services des parties est un facteur que l’on doit considérer comme favorisant l’Opposante en raison du chevauchement direct entre les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante et les Produits visés par la Demande.

Degré de ressemblance

[51]  La ressemblance doit être évaluée en tenant compte de la question de savoir s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra au para 64].

[52]  J’estime que l’aspect unique ou frappant de la marque de commerce de l’Opposante est la phrase « WALKING ON A CLOUD » dans son ensemble, puisqu’il est évident que l’intention est que la phrase soit lue dans son ensemble et qu’elle suggère une expérience agréable en lien avec la marche.

[53]  En ce qui a trait à la Marque de la Requérante, j’estime que l’aspect frappant ou unique est le mot « CLOUD » en combinaison avec le dessin de nuage stylisé.

[54]  La ressemblance entre les marques des parties découle ainsi de la présence commune du mot « cloud ». Cependant, pour la marque de commerce de l’Opposante, le mot « cloud » est le dernier mot à la fin d’une phrase, ce que j’estime avoir moins d’impact lorsque comparé à la Marque de la Requérante où le mot « cloud » est le premier mot et le plus mis en évidence.

[55]  De plus, les marques respectives des parties, dans leur ensemble, ont une présentation et un son plutôt différents, puisqu’elles commencent et se terminent par des mots différents et que la marque de commerce de l’Opposante est une phrase de toute évidence plus longue lorsqu’on la compare à la Marque de la Requérante. J’estime également que les idées transmises par les marques diffèrent, puisque la marque de commerce de l’Opposante est une phrase qui est une métaphore pour une expérience agréable, alors que la Marque de la Requérante communique l’idée d’un « nuage » en elle-même.

[56]  En bout de compte, bien qu’il y ait un certain degré de ressemblance dû à la présence du mot « cloud » dans les marques de commerce des deux parties, en général, je considère que le degré de ressemblance est plutôt faible et j’estime que ce facteur favorise la Requérante.

Circonstances de l’espèce

Emploi simultané

[57]  La preuve de cas réels de confusion n’est pas requise pour démontrer une probabilité de confusion. Cependant, l’emploi simultané de deux marques de commerce sans de tels cas de confusion réelle est une circonstance de l’espèce qui peut suggérer une absence de probabilité de confusion, selon la nature et la durée particulières de cet emploi simultané [voir Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4e) 155 (CAF) au para 19; voir également Aliments de Consommation Maple Leaf Inc c Kelbro Enterprises Inc, 2012 COMC 28, 99 CPR (4e) 424].

[58]  En l’espèce, l’Opposante n’a inclus aucune preuve d’incidence de confusion réelle dans le marché, malgré le fait que la preuve suggère que la marque de commerce de l’Opposante et la Marque de la Requérante ont coexisté au Canada (et en Ontario particulièrement) depuis au moins 2015. Bien que cela soit moins pertinent, je remarque que la preuve indique également que la marque de commerce de l’Opposante a coexisté au Canada avec la marque de commerce CLOUD FOOTWEAR de la Requérante (sans l’élément de dessin de nuage stylisé) depuis 2013.

[59]  J’estime qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.

Conclusion concernant la confusion

[60]  Compte tenu de tous les facteurs pertinents établis ci-dessus, et particulièrement du degré de ressemblance limité entre les marques, la nature différente des activités des parties et les multiples années d’emploi simultané sans preuve de confusion réelle, je suis convaincu que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion.

[61]  Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement – Articles 16(1)a) et 16(2)a)

[62]  Puisque j’ai conclu que le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de l’Opposante contestant la date d’emploi revendiquée dans la Demande est accueilli, la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) devient la date de production de la Demande, nommément le 21 novembre 2014 [voir Everything for a Dollar Store (Canada) Inc c Dollar Plus Bargain Centre Ltd (1998), 86 CPR (3e) 269 (COMC) à la p. 282]. La date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(2)a) est également la date de production de la Demande.

[63]  Avec les motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement, l’Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer l’emploi de sa marque de commerce WALKING ON A CLOUD au Canada avant la date pertinente et que l’Opposante n’a pas abandonné sa marque à la date de l’annonce de la Demande. L’Opposante s’acquitte de ce fardeau de preuve initial, puisque sa preuve démontre l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante en liaison avec le service d’exploitation de magasins de détail vendant des chaussures depuis avant la date pertinente et il n’y a aucune preuve qui suggère que l’Opposante a abandonné sa marque en liaison avec ce service à la date de l’annonce de la Demande.

[64]  J’estime que la différence de date pertinente entre les motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) n’a aucune incidence sur le résultat ultime du test en matière de confusion. C’est-à-dire, en ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement, je suis tout autant convaincu que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre les marques des parties.

[65]  Cependant, je soulignerai deux façons dont l’analyse de la confusion pour les motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement diffère de celle établie ci-dessus pour le motif fondé sur l’article 12(1)d). D’abord, avec la date pertinente antérieure pour les motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement (c’est-à-dire la date de production de la Demande), je ne peux pas tenir compte de l’emploi simultané de la Marque et de la marque de commerce de l’Opposante. Ce facteur favorisant la Requérante doit par conséquent être omis de l’évaluation des motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement.

[66]  Deuxièmement, concernant les motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement, je peux uniquement tenir compte de l’emploi par l’Opposante de sa marque en liaison avec le service, l’exploitation d’un magasin de détail vendant des chaussures, puisqu’il n’y a aucune preuve que l’Opposante a employé sa marque au Canada en liaison avec des produits de chaussures. Cela réduit le chevauchement entre les produits et les services des parties et réduit ainsi le degré auquel ce facteur favorise l’Opposante.

[67]  En bout de compte, en ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer l’absence de probabilités de confusion, principalement en raison du faible degré de ressemblance entre les marques des parties et de la nature différente des activités des parties. Par conséquent, je rejette les motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1)a) et l’article 16(2)a) de l’Opposante.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif – Article 2

[68]  Avec ce motif d’opposition, l’Opposante plaide que la Marque n’est pas distinctive compte tenu de l’emploi antérieur par l’Opposante, et de la publicisation, de la marque de commerce WALKING ON A CLOUD. La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, nommément le 26 janvier 2016. Comme c’était le cas avec les motifs d’opposition fondés sur l’article 12(1)d) et l’absence du droit à l’enregistrement, ce motif d’opposition repose sur la question de probabilité de confusion entre les marques des deux parties.

[69]  Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial au titre de ce motif d’opposition, un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits ou les services pertinents [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4e) 427 (CF) au para 34]. Je suis convaincu que la preuve de l’Opposante lui permet de s’acquitter de ce fardeau de preuve initial concernant le service de l’exploitation de magasins de détail vendant des chaussures.

[70]  Cependant, bien que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de l’Opposante selon la même analyse de la confusion établie ci-dessus concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Plus particulièrement, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante à la date pertinente pour le motif fondé sur l’article 2.

Décision

[71]  Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par l’article 63(3) de la Loi, je rejette tous les motifs d’opposition conformément à l’article 38(12) de la Loi, excepté le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30b) de la Loi. Par conséquent, la revendication de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 22 janvier 2013 sera supprimée de la Demande et la Demande sera limitée à la base d’enregistrement et d’emploi de la Marque au Portugal en liaison avec les Produits.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-01-14

COMPARUTIONS

Steven Leach

Pour l’Opposante

Chantal St. Denis

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Ridout & Maybee LLP

Pour l’Opposante

O’Brien TM Services Inc.

Pour la Requérante

 

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