Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 59

Date de la décision : 2020-03-25

 [TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Tea Living, Inc.

Opposante

et

 

Little Citizens Children’s Apparel Inc.

Requérante

 

1,747,522 pour LITTLE CITIZENS

 

Demande

Introduction

[1]  Le 24 septembre 2015, Little Citizens Children’s Apparel Inc. (la Requérante) a produit la demande no 1,747,522 (la Demande) pour enregistrer la marque de commerce LITTLE CITIZENS (la Marque).

[2]  La Demande est en liaison avec les produits suivants :

(1) Couvertures; serviettes protège-épaule; chapeaux; pantalons-collants; cache-couches; barboteuses; foulards; shorts; grenouillères; pulls d’entraînement; débardeurs; tee-shirts.

(2) Robes; combinés; hauts.

[3]  Dans la présente décision, je ferai référence aux catégories de produits susmentionnées comme « Produits (1) », « Produits (2) » ou collectivement, « les Produits ».

[4]  La Demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 1er novembre 2014, en liaison avec les Produits (1) et sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les Produits (2).

[5]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 18 mai 2016. Le 18 octobre 2016, Tea Living, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6]  Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

a)  La Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits (1) depuis la date de premier emploi revendiquée dans la Demande.

b)  La Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi en ce sens que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits en raison de l’emploi antérieur et de révéler les marques de commerce de l’Opposante LITTLE CITIZENS et FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD en liaison avec des vêtements pour nourrissons et enfants et des services de vente au détail en ligne au Canada liés.

c)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au Canada eu égard aux dispositions des articles 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi, puisque la date de premier emploi alléguée dans la demande, à savoir, le 1er novembre 2014, et à la date de production de la Demande, à savoir le 24 septembre 2015, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante qui avaient précédemment été employées au Canada par l’Opposante.

d)  La Marque n’a pas de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle ne distingue pas ou n’a pas été adaptée pour faire la distinction des Produits des produits et services liés aux marques de commerce de l’Opposante.

[7]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 9 décembre 2016 dans lequel elle nie chacun des motifs d’opposition.

[8]  Les deux parties ont produit des preuves, qui sont examinées ci-dessous. Seule l’Opposante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été tenue.

Preuve

[9]  La preuve de l’Opposante comprend l’affidavit de Leigh Rawdon établi sous serment le 20 avril 2017 (l’Affidavit Rawdon). Mme Rawdon est la PDG et cofondatrice de l’Opposante. Mme Rawdon atteste, entre autres choses, des faits suivants concernant l’Opposante :

·  L’Opposante a son siège social à San Francisco, en Californie, et fabrique et vend des vêtements et accessoires pour enfants et nourrissons. Les vêtements et les accessoires pour enfants et nourrissons de l’Opposante sont vendus dans des magasins de détail partout en Amérique du Nord, dans les Caraïbes et en Asie, ainsi que par l’entremise du site Web de l’opposante www.teacollection.com.

·  Les produits pour enfants et nourrissons vendus par l’Opposante comprennent des chandails, des chapeaux, des chaussures, des vestes, des vêtements d’extérieur, des manteaux, des robes, des pantalons, des pantalons-collants, des jupes, des robes de chambre, des vêtements de bain, des pyjamas, des mitaines, des bavettes en tissu, des barboteuses, des costumes à une pièce, des couvertures, des serviettes protège-épaule, des sous-vêtements pour nourrissons et des grenouillères (les Produits de l’Opposante). 

·  Depuis au moins mars 2004, l’Opposante a employé continuellement la marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD (la Marque de commerce de l’Opposante) au Canada en liaison avec les Produits de l’Opposante. En particulier, la Marque de commerce de l’Opposante apparaît sur toutes les étiquettes et/ou étiquettes volantes apposées sur les Produits de l’Opposante vendus au Canada. Des étiquettes volantes représentatives sont incluses comme pièce D à l’Affidavit Rawdon. Je remarque que la présentation de la marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD sur les étiquettes volantes par l’Opposante semble être une marque de commerce secondaire conjointement avec la marque de commerce principale TEA.

·  La Marque de commerce de l’Opposante apparaît également sur le site Web de l’Opposante, ainsi que sur du matériel promotionnel, y compris des catalogues imprimés.

·  À compter de 2004, l’Opposante a commencé la vente de vêtements et d’accessoires pour enfants et nourrissons au Canada arborant la Marque de commerce de l’Opposante, en vendant les produits directement aux détaillants canadiens. Entre 2008 et 2011, l’Opposante a satisfait à plus de 5 600 commandes canadiennes d’articles de vêtements et d’accessoires pour enfants et nourrissons arborant la Marque de commerce de l’Opposante, ce qui a donné lieu à l’expédition de près de 100 000 articles de ce genre à des détaillants canadiens (représentant plus de 1,23 million de dollars US en recettes de ventes canadiennes). Les livres des ventes inclus en tant que pièce F à l’Affidavit Rawdon montrent les ventes entre 2008 et 2011 à des détaillants de différentes provinces, y compris la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba, l’Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse. En 2011, l’Opposante a commencé à expédier ses produits au Canada par l’entremise d’un distributeur. De 2011 à 2014, par l’entremise du distributeur, l’Opposante a répondu à plus de 2 800 commandes de gros, ce qui a donné lieu à l’expédition de plus de 130 000 articles de ce type à des détaillants partout au Canada (représentant plus de 1,75 million de dollars US en recettes de ventes). Les factures représentatives de la vente des Produits de l’Opposante arborant la Marque de commerce de l’Opposante à des détaillants canadiens sont incluses à titre de pièce I de l’Affidavit Rawdon. 

·  En date du 11 août 2014, l’Opposante offrait également l’expédition directe au Canada pour les produits achetés à partir de son site Web.

·  L’Opposante annonce ses produits de diverses façons, y compris par l’entremise de son site Web, de ses catalogues, de divers magazines qui circulent au Canada et sur les médias sociaux.

[10]  La preuve de la Requérante comprend l’affidavit de Jenny White établi sous serment le 24 août 2017 (l’Affidavit White). Mme White est la présidente et fondatrice de la Requérante. Mme White atteste, entre autres choses, des faits suivants concernant la Requérante :

·  La Requérante a été constituée en société le 12 février 2014 et est une détaillante et grossiste en ligne de vêtements et d’accessoires pour nourrissons et enfants qui sont fabriqués à Vancouver, au Canada. Mme White décrit l’entreprise de la Requérante comme étant à la fois de la vente au détail directe et de la vente en gros à d’autres détaillants. En 2014, la Requérante a lancé son magasin de détail en ligne à www.littlecitizens.com. Les vêtements et accessoires pour nourrissons et enfants de la Requérante sont disponibles en ligne pour achat à partir de ce site Web. La Requérante vend également ses produits en gros à d’autres détaillants (qui exploitent des magasins de détail physiques et qui ont des services de magasins de détail en ligne ou qui sont exclusivement des détaillants en ligne).

·  Tous les vêtements et accessoires pour nourrissons et enfants de la Requérante portent une étiquette ou une étiquette volante apposée sur l’article qui arbore la marque de commerce LITTLE CITIZENS, ou sont emballés de manière à ce que l’emballage du produit porte la marque de commerce LITTLE CITIZENS. Des exemples de cet emploi de la Marque sont inclus dans les pièces E, F et G de l’Affidavit White.

·  Mme White précise que la première vente des produits de la Requérante a eu lieu depuis au moins le 26 octobre 2014. Une copie d’une saisie d’écran du compte Square de la Requérante (un service de traitement de carte de crédit) montrant cette vente, datée du 26 octobre 2014, est jointe à titre de pièce D de l’affidavit White. Le présent document énumère les articles vendus comme suit : [traduction] « pantalons-collants de coton biologique (Prix régulier), 2 x grenouillère de coton biologique (Prix régulier), 2 x chapeau noué de coton biologique (Prix régulier), 2 x grenouillères de coton biologique (Prix régulier), 2 x chapeau noué de coton biologique (Prix régulier), biologique [...] ». Mme White affirme que la Requérante a employé  de façon continue la Marque sur les vêtements et accessoires pour nourrissons et enfants depuis cette date.

·  Les chiffres de ventes annuelles de la Requérante au Canada pour les produits arborant la Marque, y compris les unités vendues, la valeur en dollars et la province de vente, sont inclus dans l’affidavit White. Par exemple, du 26 octobre 2014 au 31 décembre 2014, la Requérante a vendu 296 articles représentant un revenu de 11 207 $ CAN et, en 2015, la Requérante a vendu 3 157 articles représentant un revenu de 100 957 $ CAN.

·  La Requérante utilise les médias sociaux pour promouvoir ses produits, et des exemples représentatifs et des dépenses annuelles pour cette activité sont inclus.

[11]  Ni Mme Rawdon ni Mme White n’ont subi de contre-interrogatoire au sujet de leur affidavit respectif.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[12]  La Requérante doit s’acquitter du fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, s’il est impossible d’en arriver à une conclusion définitive en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit alors être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à la page 298].

[13]  Les dates pertinentes à l’égard des différents motifs d’opposition sont les suivantes :

·  les articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la demande, à savoir le 24 septembre 2015 [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la page 475];

·  les articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi – la date de premier emploi de la Marque de la Requérante en liaison avec les Produits (1) dans la Demande, à savoir, le 1er novembre 2014;

·  les articles 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi – la date de production de la Demande, à savoir, le 24 septembre 2015;

·  les articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir, le 18 octobre 2016 [Metro Goldwyn Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[14]   Avec un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, il est bien établi que, si la date d’emploi revendiquée dans la demande est antérieure à la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la première fois au Canada par le requérant, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est retenu [voir Scenic Holidays (Vancouver) Ltd c Royal Scenic Holidays Limited, 2010 COMC 63; Pharmacia AB c Homeocan Inc (2003), 33 CPR (4th) 375 (COMC) aux para 6 à 8; Hearst Communications Inc c Nesbitt Burns Corp (2000), 7 CPR (4th) 161 (COMC) aux para 7 à 11].

[15]  Le fardeau initial qui incombe à l’Opposante en vertu de l’alinéa 30b) est léger [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC) à la page 89]. L’opposante peut s’acquitter de ce fardeau au moyen non seulement de sa propre preuve, mais aussi de la preuve de la requérante [Labatt Brewing Co c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.) à la page 230]. Cependant, une opposante ne peut s’appuyer avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial que s’il démontre que la preuve du requérant met en doute la revendication formulée dans la demande [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 30 à 38].

[16]  En l’espèce, la Demande comprend une revendication selon laquelle la Marque est employée au Canada depuis au moins le 1er novembre 2014 en liaison avec des Produits (1), qui sont décrits dans la Demande comme suit : « Couvertures; serviettes protège-épaule; chapeaux; pantalons-collants; cache-couches; barboteuses; foulards; shorts; grenouillères; pulls d’entraînement; débardeurs; tee-shirts ».

[17]  L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve qui remet en question la date revendiquée. L’Opposante cherche plutôt à se fonder uniquement sur la preuve de la Requérante pour satisfaire au fardeau initial de preuve de l’Opposante pour le motif énoncé à l’article 30b). La position de l’Opposante à l’égard de ce motif d’opposition comporte deux volets : (1) la vente du 26 octobre 2014 par la Requérante ne porte pas sur tous les éléments indiqués dans les Produits (1) de la Demande; et (2) l’Affidavit White ne précise pas expressément que les exemples d’emploi de la Marque qui sont inclus dans l’Affidavit White sont représentatifs de la façon dont la Marque a été présentée en date de la vente du 26 octobre 2014.

[18]  À mon avis, l’Opposante en l’espèce n’a pas respecté son fardeau de preuve initial pour le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) en se servant de l’Affidavit White seulement. En particulier, il n’y a aucune preuve dans l’Affidavit White qui est intrinsèquement ou clairement incompatible avec la date d’emploi revendiquée dans la Demande. La Requérante fournit la preuve d’une vente qui a eu lieu le 26 octobre 2014, ce qui est conforme à la date d’emploi revendiquée dans la Demande, soit [traduction] « depuis au moins le 1er novembre 2014 ». Bien qu’il semble que la vente ne couvre qu’un sous-ensemble de Produits (1) indiqué dans la Demande, il n’y a aucune déclaration dans l’Affidavit White qui suggère que cette première vente était exhaustive et la seule vente antérieure à la date d’emploi revendiquée dans la Demande. De plus, rien dans l’Affidavit White ne donne à penser que les articles vendus par la Requérante le 26 octobre 2014 ne portaient pas la Marque de la même façon que les exemples fournis aux pièces E, F et G de l’Affidavit White. Je remarque que l’Opposante a eu l’occasion de faire un contre-interrogatoire à l’égard de l’Affidavit White dans la mesure où l’Opposante estimait que les déclarations dans l’affidavit n’étaient pas claires ou incomplètes, et que l’Opposante a choisi de ne pas le faire. Bien que je comprenne que, dans certains cas, l’affidavit d’un requérant suffira à lui seul pour que l’opposant puisse assumer son fardeau de preuve initial en vertu de l’article 30b) sans avoir à contre-interroger [voir, par exemple, 911979 Alberta Ltd c Hero Nutritionals, Inc, 2014 COMC 72, 12 CPR (4th) 256 (COMC)], à mon avis, pour les raisons susmentionnées, ce n’est pas le cas.

[19]  Par conséquent, l’Opposante n’a pas rempli son fardeau de preuve initial pour le motif d’opposition à l’article 30d), et ce motif d’opposition est rejeté. 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[20]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur cet article ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a des preuves de mauvaise foi de la part du requérant ou lorsque l’emploi de la marque de commerce visée par la demande entraînerait la violation d’une loi fédérale [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 à 155 (COMC) et Société canadienne des postes c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst.)]. Le simple fait que la Requérante ait pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas pour établir que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir le droit d’employer une Marque [WOOT, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[21]  En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Autres motifs d’opposition

Motifs d’opposition en vertu des articles 16(1)a) et 16(1)c) – Absence de droit à l’enregistrement

[22]  À l’égard des motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(3)a), l’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la partie ayant droit à l’enregistrement de la Marque, en raison d’un risque de confusion avec les marques de commerce LITTLE CITIZENS et FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD de l’Opposante qui ont été employées antérieurement par l’Opposante au Canada.

[23]  La date pertinente pour le motif d’opposition à l’article 16(1)a) relativement aux Produits (1) est la date d’emploi revendiquée dans la Demande, à savoir, le 1er novembre 2014. La date pertinente pour le motif d’opposition à l’article 16(3)a) relativement aux Produits (2) est la date de production dans la Demande, à savoir, le 24 septembre 2015. Comme nous le verrons plus en détail ci-dessous, compte tenu de la preuve au dossier dans le cadre de la présente procédure, la différence dans les dates pertinentes entre les motifs prévus aux articles 16(1)a) et 16(3)a) n’a pas d’incidence significative sur l’analyse de ces motifs d’opposition.

[24]  La preuve de l’Opposante indique qu’elle a employé sa marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD au Canada en liaison avec des vêtements pour enfants et nourrissons depuis 2004, bien avant les dates pertinentes pour les deux motifs d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement. De plus, la preuve de l’Opposante indique que l’Opposante a continué d’employer la marque de commerce et qu’elle ne l’avait pas abandonnée à la date de l’annonce de la Demande, à savoir, le 18 mai 2016. Par conséquent, en raison de sa preuve de l’emploi de la marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD au Canada, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de la preuve en ce qui concerne les motifs d’opposition prévus aux articles 16(1)a) et 16(3)a).

[25]  Je remarque que la preuve de l’Opposante (plus précisément la pièce A de l’Affidavit Rawdon) comprend des exemples de tee-shirts d’enfants portant les mots « LITTLE CITIZEN » figurent bien en vue sur le devant. Cependant, étant donné que je n’ai pas de preuve que ces tee-shirts particuliers ont été vendus au Canada avant l’une des dates pertinentes de la présente procédure, je ne me fie pas à ces éléments, et je ne considère pas que l’Opposante a démontré l’emploi de la marque de commerce « LITTLE CITIZEN(S) », à elle seule, avant l’une des dates pertinentes de la présente procédure.

[26]  Par ailleurs, je remarque que l’Opposante semble avoir employé sa marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD en tant que marque de commerce secondaire conjointement avec la marque principale TEA. Cependant, cela n’a pas d’incidence négative pour l’Opposante, car il est bien établi que de multiples marques de commerce peuvent être employées ensemble pour le même produit [AW Allen Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst.), à la page 272].

[27]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de la preuve, la question centrale en ce qui concerne les motifs prévus aux articles 16(1)a) et 16(3)a) est de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD.

Test en matière de confusion

[28]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi, où il est précisé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus, la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage, le genre de produits, services ou entreprises, la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[29]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), le degré de ressemblance entre les marques, est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[30]  Le test en matière de confusion est évalué comme étant celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de la requérante, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[31]  À mon avis, la marque de commerce de l’Opposante FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD, en liaison avec des vêtements pour enfants et nourrissons, est quelque peu suggestive de la nature des produits, puisqu’elle suggère que les produits sont conçus pour des personnes plus jeunes d’une taille plus petite. Cependant, étant donné que le terme « little citizens » [petits citoyens] n’est pas une façon habituelle de désigner les enfants ou les nourrissons, à mon avis, la Marque de commerce de l’Opposante présente un caractère distinctif inhérent modéré.

[32]  Pour les mêmes raisons, à mon avis, la marque de commerce LITTLE CITIZENS de la Requérante présente un caractère distinctif inhérent modéré similaire.

[33]  En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues, la preuve indique que l’Opposante a vendu au Canada un volume de produits plus élevé en liaison avec la Marque de commerce de l’Opposante et pour une plus longue période que la Requérante n’a vendu des produits en liaison avec sa Marque. Par exemple, de 2008 à 2011 (avant les dates pertinentes pour les motifs prévus aux articles 16(1)a) et 16(3)a)), l’Opposante a rempli plus de 5 600 commandes comprenant près de 100 000 articles vendus au Canada portant la Marque de commerce de l’Opposante. De 2011 à 2014 (avant les dates pertinentes pour les motifs prévus à l’article 16(1)a)), l’Opposante a vendu plus de 130 000 articles portant la Marque de commerce de l’Opposante au Canada.

[34]  À titre de comparaison, les ventes de la Requérante au Canada ont commencé en octobre 2014 et, avant la date de production de la demande, le nombre d’articles vendus par la Requérante qui portaient la marque était inférieur à 3 500 unités. 

[35]  En résumé, la preuve indique que la Marque de commerce de l’Opposante a été employée au Canada dans une plus grande mesure que la Marque de la Requérante, et pendant plus longtemps, et que, par conséquent, la Marque de commerce de l’Opposante est probablement devenue mieux connue.

[36]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[37]  L’Affidavit Rawdon indique que l’Opposante a commencé à employer la marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD au Canada en liaison avec des vêtements pour enfants et nourrissons en 2004. L’Affidavit Rawdon comprend des preuves plus détaillées, y compris les rapports de vente et les chiffres de vente, pour les produits vendus au Canada en liaison avec la Marque de commerce de l’Opposante depuis 2008.

[38]  La preuve de la Requérante indique que la Requérante emploie la Marque au Canada depuis le 26 octobre 2014. 

[39]  Par conséquent, ce facteur en faveur de l’Opposante.

Nature des produits; nature du commerce

[40]  La preuve de l’Opposante démontre qu’elle emploie sa marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD en liaison avec des vêtements pour enfants et nourrissons, y compris des chandails, des chapeaux, des chaussures, des vestes, des vêtements d’extérieur, des manteaux, des robes, des pantalons, des pantalons-collants, des jupes, des robes de chambre, des vêtements de bain, des pyjamas, des mitaines, des bavettes en tissu, des barboteuses, des costumes à une pièce, des couvertures, des serviettes protège-épaule, des sous‑vêtements pour nourrissons et des grenouillères pour enfants et nourrissons.  

[41]  Les produits ci-dessus chevauchent directement les Produits indiqués dans la Demande ou y sont étroitement liés.

[42]  En ce qui concerne les circuits commerciaux respectifs des parties, la preuve indique que les deux parties vendent leurs produits à des détaillants de vêtements pour enfants au Canada, ainsi qu’en ligne directement à des clients.

[43]  Dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[44]  En ce qui concerne l’apparence, le son et l’idée véhiculés par les marques des parties, à mon avis, le degré de ressemblance est assez élevé.

[45]  La ressemblance doit être évaluée en tenant compte de la question de savoir s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, précitée, au para 64]. À mon avis, l’aspect le plus frappant ou unique de la Marque de commerce de l’Opposante est l’expression « LITTLE CITIZENS » qui, dans le contexte des vêtements pour enfants, est susceptible d’être comprise comme un euphémisme pour « little children » [petits enfants]. À mon avis, les autres éléments de la Marque de commerce de l’Opposante (c.-à-d. FOR […] OF THE WORLD) sont des mots ordinaires du dictionnaire employés de façon conventionnelle et ne sont pas aussi uniques ou frappants que le terme « LITTLE CITIZENS ».

[46]  Étant donné que le terme « LITTLE CITIZENS » constitue l’ensemble de la marque de la Requérante, à mon avis, cela mène à un degré élevé de ressemblance.

[47]  Par conséquent, à mon avis, ce facteur est également favorable à l’Opposante.

Conclusion concernant la confusion

[48]  Finalement, le test à appliquer est de savoir si un consommateur canadien occasionnel, ayant un souvenir imparfait de la Marque de commerce de l’Opposante FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD en liaison avec des vêtements pour enfants et nourrissons, lorsqu’il voit la marque de commerce LITTLE CITIZENS en liaison avec les Produits, penserait que les produits proviennent de la même source.

[49]  Après avoir examiné toutes les circonstances visées par l’article 6(5) de la Loi, et étant donné que chacun des facteurs pertinents examinés ci-dessus favorise l’Opposante, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime d’établir selon la prépondérance des probabilités que la confusion est peu probable entre la Marque et la Marque de commerce de l’Opposante. Les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(3)a) sont donc accueillis.

Motif d’opposition de l’article 2 – Caractère distinctif

[50]  La date pertinente pour le motif d’opposition à l’article 2 est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir, le 18 octobre 2016.

[51]  Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial au titre de ce motif d’opposition, une opposante doit démontrer que sa marque de commerce avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits et/ou services pertinents de manière à annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006) CF 657, 48 CPR (4th) 427].

[52]  À mon avis, la preuve de l’Opposante quant à l’emploi de la marque de commerce FOR LITTLE CITIZENS OF THE WORLD au Canada depuis 2004, y compris les registres des ventes et les chiffres de vente qu’elle a fournis pour la période de 2008 à 2014, est suffisante pour que l’Opposante puisse assumer son fardeau de preuve pour le motif d’opposition prévu à l’article 2. L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, je conclus que ce motif d’opposition doit être accueilli en se fondant sur la même analyse de confusion que celle exposée ci‑dessus en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement. Plus précisément, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve selon lequel il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la Marque de commerce de l’Opposante, et qu’elle ne s’est donc pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer la Marque est distinctive à l’égard de la Requérante conformément à l’article 2 de Loi en date de la date pertinente.

[53]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est accueilli également.

Disposition

[54]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis

 

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Bereskin & Parr LLP

POUR L’OPPOSANTE

Borden Ladner Gervais LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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