Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 61

Date de la décision : 2020-06-05

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Advanced Nutrients Ltd.

Opposante

et

 

753146 Alberta Ltd., exerçant ses activités sous le nom d’Ultrasol Industries

Requérante

 

1 770 962 pour JUNGLE JUICE

Demande

Introduction

[1]  Advanced Nutrients Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce JUNGLE JUICE qui fait l’objet de la demande no 1 770 962 produite par 753146 Alberta Ltd., exerçant ses activités sous le nom d’Ultrasol Industries (la Requérante).

[2]  La demande, produite le 4 mars 2016, est fondée sur l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

  • (1) Insecticides à usage commercial et domestique; agents et préparations de lutte antiparasitaire, nommément insectifuges et répulsifs contre les rongeurs chimiques et non chimiques ainsi qu’insecticides; produits antiparasitaires à usage commercial et domestique, nommément pulvérisateurs, pièges à mouches, pièges à guêpes, panneaux adhésifs, tapettes à mouches et distributeurs de répulsif à base d’huile essentielle et d’insecticides; pulvérisateurs et applicateurs d’insecticide.

Services

  • (1) Exploitation d’une entreprise de vente au détail et en gros de produits à usage commercial et domestique, nommément d’insecticides, de produits antiparasitaires et de produits anti-insectes; publicité des produits de tiers, nommément marketing de produits à usage commercial et domestique, nommément d’insecticides, de produits antiparasitaires et de produits anti-insectes pour des tiers; services de consultation, nommément offre d’aide par la recommandation d’insecticides, de produits antiparasitaires et de produits anti-insectes aux clients.

[3]  La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 5 juillet 2017.

[4]  Le 29 novembre 2017, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi.

[5]  L’Opposante allègue que (i) la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi), (ii) la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)d) de la Loi, (iii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’article 16 de la Loi, et (iv) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[6]  L’Opposante est la propriétaire de la marque de commerce JUNGLE JUICE (la Marque de l’Opposante) portant le numéro d’enregistrement LMC855,580, enregistrée en liaison avec les « éléments nutritifs pour plantes, nommément préparation d’éléments nutritifs de base pour les plantes en culture hydroponique » (les Produits de l’Opposante). Chacun des motifs d’opposition est lié à cet enregistrement.

[7]  À titre préliminaire, je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[8]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[9]  L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 29 novembre 2017. La Requérante a déposé et signifié sa contre-déclaration le 14 février 2018, réfutant tous les motifs d’opposition.

[10]  L’Opposante a produit une déclaration énonçant son désir de ne pas produire de preuve.

[11]  À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Philippa Gaston‑Kellock, souscrit le 11 octobre 2018, accompagné des pièces jointes A à O.

[12]  Mme Gaston-Kellock n’a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit.

[13]  Aucune des deux parties n’a présenté d’observations écrites ni demandé une audience.

[14]  Avant d’évaluer les allégations présentées dans la déclaration d’opposition, je donnerai un aperçu de la preuve de la Requérante.

La preuve de la Requérante

Affidavit de Mme Gaston-Kellock

[15]  Mme Gaston-Kellock est la directrice de la Requérante. Elle atteste que la Requérante exerce ses activités en tant que fabricante et commerçante, fournissant des pesticides et des insecticides de haute qualité à usage commercial et domestique, y compris des produits de lutte antiparasitaire et pour les plantes, et d’autres produits auxiliaires depuis au moins 1997.

[16]  Mme Gaston-Kellock indique qu’à la date de dépôt, la Requérante avait commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les produits et les services faisant l’objet de la demande. En particulier, elle indique que la Marque est affichée bien en vue sur ces produits et sur leur emballage vendu par la Requérante.

[17]  À l’appui, Mme Gaston-Kellock produit les éléments de preuve suivants :

·  Pièces B et C – copies des numéros d’enregistrement de l’étiquette du produit de la Requérante associés à divers organismes ou autorités de réglementation au Canada, ces dates étant janvier et février 2016, relativement à la Marque, extraits de la base de données de Santé Canada.

·  Pièces D et E – copies des documents de classification des pesticides indiquant que les produits de la Requérante sont classés dans la catégorie 6 des pesticides (en vertu de la Loi sur les pesticides et de la Loi sur les produits antiparasitaires), désignés comme produits domestiques destinés à l’emploi domestique.

·  Pièce F – photographies des produits de la Requérante portant la Marque, que Mme Gaston-Kellock déclare [traduction] « vendues par la Requérante ». Les produits sont indiqués sur leur étiquette comme étant des pulvérisateurs insectifuges.

·  Pièce G – des pages du site Web de la Requérante (imprimées le 10 octobre 2018), dont Mme Gaston-Kellock déclare qu’ils [traduction] « indiquent les produits vendus par la Requérante » portant la Marque. Une fois de plus, il s’agissait de pulvérisateurs insectifuges.

·  Pièce H – une copie des étiquettes de marché utilisées sur les produits vendus par la Requérante. La Marque figure bien en vue sur l’étiquette.

·  Pièces I et J – copies des pages des catalogues de publicité des produits vendus par la Requérante portant la Marque. Le produit qui figure sur les pages est indiqué comme étant un pulvérisateur anti-insecte.

·  Pièce K – tableaux détaillant les chiffres de ventes dépassant 400 000 $ pour les années 2017 et 2018 à différents clients des produits de la Requérante, portant la marque. Je fais remarquer que les produits précis vendus ne sont pas indiqués, mais je suis prête à conclure que les chiffres de vente se rapportent au « pulvérisateur insectifuge » qui a été montré dans l’ensemble de la preuve.

·  Pièce L – copies des enregistrements de sites Web des circuits de distribution de la Requérante pour ses produits, à savoir les points de vente au détail et les distributeurs nationaux. On trouvera notamment les enregistrements suivants : Dutch Growers, Eddi’s Wholesale Garden Supplies Ltd, Home Hardware Building Centre, Remedy Animal Health et Salisbury Greenhouse.

·  Pièce M – copies du système comptable de la Requérante indiquant les débours publicitaires de plus de 50 000 $ datant de 2016 à 2018.

·  Pièce N – imprimés des détails des résultats d’une recherche sur une marque de commerce en utilisant les mots JUNGLE et JUICE ensemble, à l’exclusion de la Marque de l’Opposante. Cinq résultats ont été obtenus, qui sont les suivants : JUNGLE JUICE BAR & DESIGN (LMC998918), JUNGLE JUICE PLATINUM & Design (LMC913848), JUNGLE JUICE PLUS & Design (LMC913847), JUNGLE JUICE BLACK LAK EL & Design (LMC913866) et JUNGLE JUICE (LMC827291).

·  Pièce O – renseignements sur 61 marques de commerce que le registraire a acceptées [traduction] « composées de la suite de mots avec JUNGLE, et 151 marques de commerce composées de la suite de mots avec JUICE ».

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[18]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à la page 298].

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i) rejeté

[19]  L’Opposante soutient que la demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue [traduction] « d’avoir droit d’employer [la Marque] au Canada en liaison avec les Produits et Services décrits dans la demande conformément à l’article 30i), nonobstant la déclaration contenue dans la demande ». Plus particulièrement, l’Opposante soutient que la Requérante, au moment du dépôt de la demande, savait ou aurait raisonnablement dû savoir que l’Opposante avait employé ou fait connaître la Marque de l’Opposante en liaison avec les Produits de l’Opposante; de sorte que la Requérante savait ou aurait raisonnablement dû savoir que tout emploi de la Marque au Canada par la Requérante en liaison avec les produits et services faisant l’objet de la demande seraient raisonnablement susceptibles de : (i) créer de la confusion avec la Marque de l’Opposante contrairement aux articles 7b) et 20 de la Loi; (ii) diminuer la valeur de l’achalandage attaché à la Marque de l’Opposante, contrairement à l’article 22 de la Loi; ou (iii) à la fois (i) et (ii).

[20]  La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 30 est la date de la production de la demande, à savoir le 4 mars 2016 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à la page 475].

[21]  L’article 30i) de la Loi exige qu’une requérante déclare dans la demande qu’elle est convaincue qu’elle a droit d’employer la marque de commerce au Canada. Lorsqu’une requérante a fourni la déclaration requise, le registraire a déjà conclu qu’une requérante n’a pas respecté l’article 30i) de façon substantielle, lorsque, par exemple :

  • il existe une preuve de mauvaise foi de la part de la requérante [voir SapodillaCoLtd cBristol-MyersCo (1974), 15 CPR(2d)152 (COMC), à la page 155] qui a été établie lorsqu’un licencié ou un distributeur a tenté d’enregistrer la marque de commerce de son mandant ou une variante semblable au point de prêter à confusion [voir Suzhou Parsun PowerCo Limited cWestern Import ManufacturingDistributionGroupLimited, 2016 COMC 26; Flame Guard Water Heaters, Inc cUsinesGiantInc, 2008 CanLII 88292 (COMC); voir aussi McCabe cYamamoto&Co (America)Inc (1989), 23 CPR (3d) 498 à la p. 503 (CF 1re inst.)];

  • il y a preuve à première vue de non-conformité à une loi fédérale, telle que la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, ch. C-42, la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, ch. F-27 [voir Interactiv Design PtyLtd cGrafton-FraserInc (1998), 87 CPR (3d)537 (COMC), aux pages 542 et 543];

  • il y a des éléments de preuve démontrant qu’une relation contractuelle telle qu’une relation de concédant de licence et de licencié existait et que l’enregistrement d’une marque de commerce constituerait une violation de la relation [voir AFD China Intellectual Property Law Office c AFD CHINA INTELLECTUAL PROPERTY LAW (USA) OFFICE, INC, 2017 COMC 30].

[22]  En l’espèce, l’Opposante n’a pas produit de preuve ni présenté d’arguments à l’appui de ses allégations exposées dans le présent motif d’opposition. Par conséquent, je rejette sommairement le motif d’opposition en vertu de l’article 30i) parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16 rejeté

[23]  L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 16(3)a) et (3)b) de la Loi, au motif que la Marque crée de la confusion avec la Marque de l’Opposante qui avait été antérieurement employée ou révélée au Canada, et pour laquelle une demande d’enregistrement a été déjà produite par l’Opposante au Canada.

[24]  Étant donné que la Demande est fondée sur l’emploi projeté, la date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de production de la demande.

[25]  Puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi antérieur ou de révélation antérieure de la Marque de l’Opposante, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est rejeté sommairement parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[26]  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) de la Loi, le fardeau initial incombe à l’Opposante non seulement de prouver que sa demande sur laquelle elle s’appuie a été produite avant la date alléguée du premier emploi, mais aussi qu’elle était pendante à la date de l’annonce de la présente demande (le 5 juillet 2017) [voir l’article 16(4) de la Loi].

[27]  J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de la demande invoquée par l’Opposante [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ce faisant, je constate qu’en l’espèce, bien que la demande de l’Opposante ait été déposée avant la date pertinente, elle avait donné lieu à un enregistrement avant le 5 juillet 2017. Par conséquent, la demande de l’Opposante n’était plus pendante à la date de l’annonce de la Marque.

[28]  Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 rejeté

[29]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive des produits et services de la Requérante étant donné qu’en fait elle ne distingue pas, et qu’elle n’est pas adaptée pour distinguer les produits et services en liaison avec lesquels son emploi est prévu des produits en liaison avec la Marque de l’Opposante.

[30]  La date pertinente pour l’évaluation du caractère distinctif est généralement acceptée comme étant la date de production de l’opposition, qui est le 29 novembre 2017 en l’espèce [voir Metro Goldwyn Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)].

[31]  Afin de s’acquitter de son fardeau initial relatif au motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce est devenue connue dans une mesure suffisante au Canada, à la date de production de la déclaration d’opposition, afin de nier le caractère distinctif de la marque de la Requérante [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re instance); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[32]  Étant donné que l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve pour démontrer la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue au Canada, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté sommairement parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d) rejeté

[33]  Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable conformément à l’article 12(1)d) de la Loi au motif qu’elle crée de la confusion avec la Marque de l’Opposante.

[34]  La date pertinente pour examiner cette question est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[35]  Le fardeau de preuve initial d’un Opposant est satisfait à l’égard d’un motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d) si l’enregistrement invoqué est en règle. À cet égard, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de l’enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que l’enregistrement no LMC855,580 est en règle.

[36]  Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition, la question est maintenant de déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque de l’Opposante.

[37]  Pour les motifs qui suivent, ce motif d’opposition est rejeté.

[38]  Le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[39]  Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même [voir Mattel Inc c 3 894 207 Canada Inc (2006) 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011) 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[40]  Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a discuté de l’importance du facteur de l’article 6(5)e) dans l’analyse du risque de confusion entre les marques des parties conformément à l’article 6 de la Loi (voir le para 49) :

[…] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...]

[48]  Dans les circonstances de l’espèce, je considère qu’il convient d’analyser d’abord le degré de ressemblance entre les marques des parties.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance

[49]  Les marques des parties sont identiques et, par conséquent, ce facteur favorise nettement l’Opposante.

[50]  Ayant conclu que les marques des parties sont identiques, je dois maintenant évaluer les autres circonstances pertinentes pour déterminer si l’un ou l’autre de ces autres facteurs est suffisamment important pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante [voir Masterpiece, précitée, para 49].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus.

[41]   Étant donné que les marques des parties sont identiques et qu’elles contiennent des mots ordinaires du dictionnaire, j’estime que les marques des deux parties présentent un degré de distinction intrinsèque similaire.

[42]  Il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi. En l’espèce, seule la Requérante a produit des éléments de preuve à l’appui de sa marque de commerce. Toutefois, la preuve ne porte que sur un produit identifié comme un pulvérisateur insectifuge, dont les ventes ont été démontrées depuis 2017 à hauteur de 400 000 $, et les dépenses publicitaires à hauteur de 50 000 $.

[43]  Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante dans la mesure où il s’agit de produits liés aux pulvérisations insectifuges.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[44]  La demande de la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada. Toutefois, selon mon examen de l’affidavit de Mme Gaston-Kellock, je suis convaincue que la Requérante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les pulvérisateurs insectifuges à partir d’un moment donné en 2017 (selon les données du chiffre d’affaires de la pièce K).

[45]  En comparaison, l’enregistrement no LMC855,580 de l’Opposante confirme l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 1er mars 2011. Toutefois, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve relatif à l’emploi réel de la Marque de l’Opposante. À ce titre, je ne suis pas en mesure de procéder à une évaluation quant à la période pendant laquelle les marques étaient en usage au sens de la Loi.

[46]  Compte tenu de ces circonstances, l’article 6(5)b) favorise la Requérante, dans la mesure où il s’agit de produits liés aux pulvérisations insectifuges.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce

[47]  Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, les énoncés du genre de produits et services définis dans la demande pour la Marque et dans l’enregistrement de l’Opposante régissent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[48]  La Marque de l’Opposante est enregistrée pour emploi en liaison avec les « éléments nutritifs pour plantes, nommément préparation d’éléments nutritifs de base pour les plantes en culture hydroponique ». L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve du commerce véritable qu’elle pratique.

[49]  En comparaison, la Requérante a demandé d’employer la Marque en liaison avec des produits et services ayant trait aux produits antiparasitaires et insectifuges, qui sont vendus par l’entremise de points de vente au détail et de distributeurs nationaux.

[50]  Bien qu’il soit possible que les produits de la Requérante puissent faire l’objet de demandes agricoles, il n’y a absolument aucune preuve que les voies de commercialisation des parties se chevauchent. En outre, les produits des parties sont assez disparates et il n’y a aucune preuve qu’ils seraient vendus à proximité les uns des autres. Enfin, bien qu’il n’y ait aucune preuve concernant les voies de commercialisation de l’Opposante, les produits de l’Opposante semblent se rapporter à un créneau du marché, à savoir, le jardinage hydroponique.

[51]  Par conséquent, ces deux facteurs favorisent la Requérante.

Autres circonstances de l’espèce – Preuve relative à l’état du registre

[52]  La preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en dégager des conclusions sur l’état du marché et l’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si l’on relève un grand nombre d’enregistrements pertinents [Ports International Ltd. c Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (COMC); et Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (CAF)].

[53]  En l’espèce, un grand nombre d’enregistrements ont été identifiés à la pièce O, nommément 61 marques de commerce acceptées « composées de la suite de mots avec JUNGLE, et 151 marques de commerce composées de la suite de mots avec JUICE ». Toutefois, je ne considère pas que ces enregistrements soient utiles à la Requérante en ce sens qu’ils ne contiennent pas les mots JUNGLE et JUICE ensemble, mais seulement un de ces mots, soit isolément, soit en combinaison avec d’autres éléments. En outre, les cinq enregistrements qui comprennent les mots JUNGLE JUICE ensemble, identifiés à la pièce M de l’affidavit de Mme Gaston-Kellock, sont tout simplement insuffisants en nombre pour présenter une conclusion significative quant à l’état du marché.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[54]  Même si le facteur du degré de ressemblance énoncé à l’alinéa 6(5)e) de la Loi est souvent susceptible d’avoir le plus grand effet dans la décision sur la question de la confusion et favorise clairement l’Opposante, je considère que les différences substantielles dans la nature des produits et du commerce des parties élimineraient tout risque de confusion.

[55]  Par conséquent, je conclus que la prépondérance des probabilités entre la conclusion qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion et celle qu’il y a un risque raisonnable de confusion favorise fortement la Requérante. Par conséquent, la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Décision

[56]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Lili El-Tawil

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience n’a été tenue.

AGENTS AU DOSSIER

MCMILLAN LLP

POUR L’OPPOSANTE

FLANSBERRY, MENARD & ASSOCIATES/ASSOCIÉS

POUR LA REQUÉRANTE

 

 

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