Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

OPIC

Logo de l'OPIC / CIPO Logo

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 56

Date de la décision : 2020-03-27

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Hershey Chocolate & Confectionery Corporation

Opposante

et

 

Promotion in Motion, Inc.

Requérante

 

1,612,723 pour SWISSKISS

 

1,612,724 pour SWISSKISS & Dessin

Demandes

Introduction

[1]  Le 5 février 2013, Promotion in Motion, Inc. (la Requérante), a produit des demandes d’enregistrement pour les deux marques de commerce suivantes :

Demande no 1,612,723 pour SWISSKISS (la Marque nominale)

Demande no 1,612,724 pour SWISSKISS & Dessin (la Marque figurative – reproduite ci‑dessous)

SWISSKISS & Design

[2]  Dans cette décision, je renverrai individuellement à la « Demande pour la marque nominale » et à la « Demande pour la marque figurative ». Collectivement, je renverrai aux « Marques » et aux « Demandes ».

[3]  Les Demandes sont chacune fondées sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits « Chocolat suisse » (les Produits).

[4]  La Demande pour la marque nominale a été annoncée aux fins d’opposition le 12 mars 2014 et la Demande pour la marque figurative a été annoncée le 23 octobre 2013.

[5]  Hershey Chocolate & Confectionery Corporation (l’Opposante) a produit des déclarations d’opposition contre les Demandes en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13. Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6]  La déclaration d’opposition contre la Demande pour la marque nominale a été produite le 28 avril 2014 et la déclaration d’opposition contre la Demande pour la marque figurative a été produite le 23 décembre 2013. Les motifs d’opposition sont identiques pour les deux questions et sont résumés ci-dessous :

  • a) En violation de l’article 30e) et à l’article 30i) de la Loi, la Requérante n’avait pas l’intention de bonne foi d’employer, et ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer, les Marques au Canada en liaison avec les Produits, compte tenu de l’emploi antérieur par l’Opposante et du fait qu’elle avait fait connaître au Canada la famille des marques de commerce KISS et KISSES de l’Opposante établie au paragraphe 3 des déclarations d’opposition et des annexes connexes. L’Opposante allègue également que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer les Marques, puisqu’un tel emploi diminuerait la valeur de l’achalandage en liaison avec la famille des marques de commerce KISS et KISSES de l’Opposante, en violation de l’article 22 de la Loi.

  • b) En violation de l’article 12(1)d) de la Loi, les Marques ne sont pas enregistrables, puisque leur similitude est susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante, lesquelles comprennent les termes KISS ou KISSES. Bien que l’Opposante s’appuie sur de nombreux enregistrements mentionnés dans les déclarations d’opposition, comme j’en discuterai davantage ci-dessous, cette décision se concentre principalement sur les enregistrements no LMC733,263 (KISSES) et no LMC833,060 (KISS) indiqués aux annexes « A » et « J » des déclarations d’opposition.

  • c) En violation de l’article 16(3)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement des Marques, puisque leur similitude est susceptible de créer de la confusion avec la famille des marques de commerce KISS et KISSES de l’Opposante antérieurement employée ou devenue connue au Canada.

  • d) En violation de l’article 16(3)b) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement des Marques, puisque leur similitude est susceptible de créer de la confusion avec la famille des marques de commerce KISS et KISSES de l’Opposante qui est visée par une demande d’enregistrement antérieurement produite au Canada.

  • e) En violation de l’article 2 de la Loi, les Marques ne distinguent pas au Canada les produits de la Requérante, puisque les Marques ne distinguent pas, et ne sont pas adaptées à distinguer, les Produits de la Requérante des produits en liaison avec la famille de marques de commerce KISS et KISSES de l’Opposante.

[7]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration pour chaque question dans lesquelles elle réfute les allégations de l’Opposante. Les deux parties ont produit des preuves et des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

[8]  Compte tenu du fait que les Demandes visent des marques de commerce semblables et que les parties, les motifs d’opposition et les preuves sont identiques pour les deux procédures, j’aborde les deux questions dans une seule décision. 

[9]  Pour les raisons établies ci-dessous, je rejette les Demandes.

Preuve

[10]  Les deux parties ont produit plusieurs affidavits et chaque auteur des affidavits a été contre-interrogé. Les transcriptions des contre-interrogatoires, ainsi que les réponses écrites aux engagements et aux questions mis en délibéré au cours des contre-interrogatoires, ont été versées au dossier. L’Opposante a également inclus, dans sa preuve principale, des copies conformes des enregistrements et des demandes sur lesquelles elle s’appuie. Un résumé de la preuve des parties est fourni ci-dessous et la preuve est abordée de manière plus détaillée dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve principale de l’Opposante

Affidavit de Pete Vanslyke établi sous serment le 7 juillet 2014 (l’affidavit Vanslyke)

[11]  Au moment de souscrire son affidavit, M. Vanslyke était le directeur, Commercialisation, de Hershey Canada Inc. (Hershey Canada), à ce poste depuis 2008. Lors du contre-interrogatoire, il a été précisé que M. Vanslyke est par la suite devenu directeur principal de la commercialisation à Hershey Canada en octobre 2014. 

[12]  M. Vanslyke atteste que l’Opposante accorde des licences à Hershey Canada et à The Hershey Company pour employer la marque de commerce KISSES, et d’autres marques de commerce qui comportent les marques KISS ou KISSES, en liaison avec des produits de chocolat et d’autres produits et services au Canada. M. Vanslyke décrit Hershey Canada comme une filiale à part entière de The Hershey Company et affirme que Hershey Canada fabrique, distribue et vend des produits de confiserie et d’alimentation au Canada.

[13]  M. Vanslyke affirme que l’Opposante a un contrôle direct ou indirect sur le caractère et la qualité des produits vendus et des services rendus par Hershey Canada et The Hershey Company en liaison avec la marque de commerce KISSES, et d’autres marques de commerce qui comportent les marques KISS ou KISSES au Canada. Je précise que la Requérante conteste la capacité de M. Vanslyke à discuter de ce contrat de licence, vu son manque de connaissances directes au sujet de ses modalités. Toutefois, je suis convaincu, compte tenu de la nature du poste de M. Vanslyke au sein du licencié Hershey Canada, des déclarations dans son affidavit concernant le contrôle exercé par l’Opposante (voir les para 2 à 5 de l’affidavit Vanslyke) et de ses réponses au contre-interrogatoire concernant ce contrôle (voir les questions 30 à 58 et 144 à 159 de la transcription du contre-interrogatoire), que la preuve de M. Vanslyke à ce sujet est admissible.

[14]  M. Vanslykle affirme que les chocolats de la marque KISSES ont été continuellement vendus au Canada depuis au moins 1962, à l’origine par The Hershey Company, puis à compter du début des années 1980 par Hershey Canada. Les chocolats de la marque KISSES sont vendus au Canada par l’entremise d’un large éventail de commerces de gros et de points de vente au détail (y compris Wal-Mart, Metro, Loblaws et Shoppers Drug Mart), ainsi que des magasins traditionnels et des sites Web. Dans les magasins traditionnels, les chocolats de la marque KISSES sont souvent présentés pour la vente à proximité des produits de chocolat d’autres fabricants et des photographies de ces présentoirs au point de vente au Canada sont incluses à titre de pièce E à l’affidavit Vanslyke.

[15]  Des emballages représentatifs des chocolats de la marque KISSES sont compris dans l’affidavit Vanslyke. Dans chaque cas, l’emballage extérieur porte bien en évidence la marque de commerce KISSES et chaque morceau individuel de chocolat est emballé dans un papier d’aluminium en forme de cône avec une plume sur le dessus qui porte souvent la marque de commerce KISSES.

[16]  Les ventes du commerce de gros pour les chocolats de la marque KISSES vendus au Canada entre 1980 et 2014 dépassent un montant de 350 000 000 $. Les ventes annuelles de 1980 à 2014 (avec l’exception des années 1993, 1996, 1997 et 2006) sont comprises à titre de pièce G à l’affidavit Vanslyke. De 2000 à 2013, les ventes des chocolats de la marque KISSES au Canada ont dépassé un montant de 10 000 000 $ annuellement.

[17]  Les chocolats de la marque KISSES sont annoncés dans un large éventail de médias au Canada, y compris la télévision, l’annonce imprimée, en ligne, les concours promotionnels et les commandites. De 1986 jusqu’à la date de l’affidavit Vanslyke, plus de 10 000 000 $ ont été dépensés au Canada en annonces et en promotion pour les chocolats de la marque KISSES.

Preuve de la Requérante

Affidavit de Michael G. Rosenberg établi sous serment le 30 novembre 2015 (l’affidavit Rosenberg)

[18]  M. Rosenberg est le fondateur, le président et le directeur général de la Requérante. Il décrit l’histoire de la Requérante et de sa participation au marché de la confiserie. La Requérante a été fondée en 1979 et a pris de l’expansion pour devenir le 12e plus important producteur de confiseries en Amérique du Nord et l’un des 50 plus importants au monde.

[19]  La Requérante emploie sous licence les marques de tiers et élabore également ses propres marques exclusives de produits de confiserie. Pour la majorité de son histoire, la Requérante a acheté les produits de confiserie qu’elle mettait en marché auprès de tiers fournisseurs qui fabriquaient les produits conformément aux formules et aux recettes de la Requérante. Toutefois, à compter d’approximativement 2003 ou 2004, la Requérante a décidé de devenir elle-même un fabricant et, à cette fin, elle a ouvert une usine à New Jersey en 2006. 

[20]  M. Rosenberg explique que la Requérante a effectué l’importation de chocolats européens, y compris de Suisse. Depuis le début des années 2000, la Requérante vendait un produit de chocolat suisse d’un tiers depuis de nombreuses années et avait élaboré sa propre étiquette SUISSE en liaison avec ce produit. Toutefois, M. Rosenburg affirme au paragraphe 9 de son affidavit que [traduction] « [m]ême si je croyais que le nom SUISSE communiquait bien les origines de nos produits de chocolat, je ne croyais pas que la désignation était suffisante pour permettre à [la Requérante] d’atteindre ses objectifs stratégiques dans la catégorie de chocolats suisses ». La Requérante a ainsi entrepris d’élaborer une nouvelle marque pour le produit de chocolat suisse. 

[21]  En décrivant l’histoire de la conception et de l’élaboration de la marque SWISSKISS, M. Rosenberg affirme qu’il a choisi le nom SWISSKISS pour de nombreuses raisons, dont les suivantes : il communique l’origine du produit; il sous-entend la romance et la notion connexe d’un cadeau tendre de chocolat; le préfixe et le suffixe qui rimaient créaient un son rythmique attrayant et rendaient la marque plus mémorable; la signification double de « kiss » suggère un acte romantique en plus d’être un terme depuis longtemps enraciné dans l’industrie des produits de confiserie qui a été appliqué à de nombreux types de produits de confiserie différents.

[22]   M. Rosenberg affirme ce qui suit au paragraphe 11 de son affidavit : [traduction] « À l’époque, lorsque j’ai choisi le nom SWISSKISS, je n’avais absolument aucune intention d’établir un quelconque lien avec HERSHEY’S KISSES. En effet, un tel lien aurait été à l’encontre du plan de commercialisation de [la Requérante], lequel visait à positionner le produit comme un chocolat suisse de première qualité et pnon comme le produit américain plus abordable avec lequel Hershey est associé. » M. Rosenberg affirme au paragraphe 8 de son affidavit que [traduction] « le chocolat suisse se distingue sur le marché comme un produit de première qualité qui demande habituellement un prix plus élevé et profite d’une image de luxe comparativement aux friandises de chocolat plus familiers comme les produits fabriqués par Hershey ».

[23]  Sous l’en-tête [traduction] « L’utilisation commune du terme “KISS” dans les industries de la confiserie et de l’alimentation », M. Rosenberg décrit, et inclut à titre de pièces, divers répertoires de conférences de fabricants de confiseries et guides de l’acheteur où le terme « kiss » est utilisé de manière descriptive pour indiquer une catégorie de produits de confiseries. M. Rosenberg mentionne également plusieurs produits de confiserie de tiers qui sont disponibles au Canada et qui comportent le terme « kiss » dans le nom du produit, y compris les suivants :

·  « Maple Kisses », « Molasses Kisses » et « Candy Cane Kisses » de la marque Kerr;

·  grenouille de chocolat « Kiss Me » de Hagensborg;

·  « Peanut Butter Kisses »;

·  chocolats de la Saint-Valentin vendus aux restaurants Nando’s en 2014 en liaison avec l’expression « Nando’s Kisses »;

·  produits de confiserie de la marque BACI [« baci » signifie « kisses » en italien].

[24]  L’affidavit Rosenberg comprend également, à titre de pièce 10, un extrait du dictionnaire The Canadien Oxford Dictonary, 2nd Ed., qui comporte la définition suivante du mot « kiss » : [traduction] « meringue cuite de la taille d’une bouchée ou plus particulièrement une friandise de chocolat ».

[25]  M. Rosenberg décrit les conflits juridiques aux États-Unis concernant l’Opposante et la marque de commerce KISSES, y compris une poursuite par l’Opposante contre la Requérante dans la District Court des États-Unis pour le District of New Jersey pour, entre autres, la contrefaçon et la dilution de la marque de commerce KISSES déposée de l’Opposante aux États‑Unis (la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis). Une copie de la décision de la Cour des États-Unis concernant la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis est incluse à titre de pièce 9 à l’affidavit Rosenberg et est abordée de manière plus détaillée ci-dessous. 

[26]  M. Rosenberg atteste que, en raison des nombreuses années à exploiter une entreprise qui offre ses services sur les marchés des États-Unis et du Canada, il a acquis de vastes connaissances au sujet du fonctionnement de ces deux marchés dans l’industrie de la confiserie. Il affirme que, selon son expérience, les marchés des États-Unis et du Canada partagent bon nombre des mêmes caractéristiques, y compris : la plupart des mêmes marques de confiserie populaires, une clientèle, des préférences et des habitudes d’achat qui se recoupent, ainsi que des voies et du matériel de commercialisation et de vente communs.

[27]  M. Rosenberg décrit et joint à titre de pièces des images de l’emballage des produits de la Requérante qui étaient en question dans la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis (voir les pièces 26 et 29 de l’affidavit Rosenberg). Toutefois, il n’y a aucune preuve que la Requérante a vendu des produits dans l’un de ces formats d’emballage au Canada.

[28]  M. Rosenberg fait part de son opinion, selon le témoignage et les documents échangés au cours de la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis, concernant les éléments qui définissent l’identité de la marque HERSHEY’S KISSES. M. Rosenberg porte une attention particulière à la présence uniforme de la marque maison HERSHEY, à la forme conique du produit et à la plume (parfois appelée ruban ou drapeau) qui sort de la partie supérieure de la friandise.

Affidavit d’Anastasia Trifonova établi sous serment le 2 décembre 2015 (l’affidavit Trifonova)

[29]  Mme Trifonova, au moment de souscrire son affidavit, était une étudiante en droit employée par les agents pour la Requérante. Son affidavit comprend les résultats de nombreuses recherches Internet pour des produits de confiserie qui comprennent les mots « KISSES » ou « KISS » dans le nom du produit, ainsi que des preuves concernant l’achat de certains de ces produits auprès de détaillants canadiens, y compris ce qui suit :

·  « Peanut Butter Kisses », « Rum and Butter Kisses » et « Assorted Kisses » de Purity;

·  « Molasses Kisses » et « Maple Kisses » de Kerr;

·  « Halloween Kisses » de Original Foods;

·  « Kiss Me Truffle Frog Milk Chocolate » de Hagensborg;

·  produit de Baci Perugina où l’emballage indique que « Bacio » est le mot italien pour « Kiss »;

·  « Maple Kisses Caramels » par Heart Industries Ltd et « Maple Kisses from Canada » par Niagara River Trading Company.

[30]  L’affidavit Trifonova comprend également plusieurs entrées de dictionnaires en ligne pour le mot « KISS ». Voici des exemples :

Merriam-Webster

[traduction] a : un petit biscuit en forme de goutte fait de meringue; b : un morceau de friandise de la taille d’une bouchée souvent emballée dans du papier ou de l’aluminium.

Oxford Dictionaries

[traduction] 2 Amérique du Nord Un petit gâteau ou biscuit, habituellement une meringue.

2.1 Une petite friandise, particulièrement une faite de chocolat.

 

Contre-preuve de l’Opposante

Affidavit de Laurence Virtue-Deshaies établi sous serment le 24 mars 2017 (l’affidavit Virtue‑Deshaies)

[31]  Mme Virtue-Deshaies est une avocate avec l’agent de l’Opposante. Son affidavit comprend des imprimés de plusieurs sites Web (y compris de nombreux fournis dans l’affidavit Trifonova), ainsi que des imprimés des détails de demandes et d’enregistrements dans le registre des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

Preuve supplémentaire de la Requérante

Second affidavit d’Anastasia Trifonova établi sous serment le 20 septembre 2017 (l’affidavit supplémentaire Trifonova)

[32]  La Requérante a été autorisée par le registraire à produire l’affidavit supplémentaire Trifonova le 28 novembre 2017.

[33]  L’affidavit supplémentaire comprend des renseignements et imprimés concernant le site Web www.purity.nf.ca et les produits de confiserie présentés sur ce site Web qui comprennent le terme « KISSES ». Le contenu de l’affidavit supplémentaire Trifonova semble principalement viser à répondre au contenu de la contre-preuve de l’Opposante et du contre-interrogatoire à son sujet. J’estime que l’affidavit Virtue-Deshaies produit par l’Opposante en réponse a été inutile pour l’Opposante et donc j’omettrai d’en discuter, ou de discuter de l’affidavit supplémentaire Trifonova, en détail. 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[34]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, s’il est impossible d’en arriver à une conclusion définitive en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3e) 293 (CF 1re inst) à la page 298].

[35]  Les dates pertinentes se rapportant aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – date de production des Demandes, à savoir le 5 février 2013 [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3e) 469 (COMC) à la page 475];

·  articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3e) 413 (CAF)];

·  articles 38(2)c) et 16(3) de la Loi – date de production des Demandes, à savoir le 5 février 2013;

·  articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production des oppositions, à savoir le 28 avril 2014 pour la Demande pour la marque nominale et le 23 décembre 2013 pour la Demande pour la marque figurative [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185, 34 CPR (4e) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Questions préliminaires

Propriété des enregistrements et des demandes invoqués par l’Opposante

[36]  L’Opposante désignée dans ces procédures est Hershey Chocolate & Confectionery Corporation. Du début de ces procédures jusqu’au 8 mars 2019, l’Opposante était la propriétaire des enregistrements de marques de commerce et des demandes sur lesquelles elle s’appuie. À cet égard, dans le cadre de sa preuve principale, l’Opposante a produit des copies conformes de ces enregistrements et de ces demandes, lesquelles indiquent que l’Opposante est le propriétaire.

[37]  Toutefois, le 8 mars 2019, ces enregistrements et ces demandes ont été transférés de l’Opposante à Hershey Canada et ce transfert a été enregistré auprès du registraire. Hershey Canada et sa relation avec l’Opposante sont établis ci-dessus dans la discussion portant sur l’affidavit Vanslyke; toutefois, Hershey Canada n’est pas citée à titre d’opposante dans ces procédures.

[38]  Ce changement de propriété des enregistrements et des demandes sur lesquelles s’appuie l’Opposante a eu lieu relativement tard au cours des procédures, après que la preuve et les observations écrites de l’ensemble des parties ont été produits, mais avant l’audience. J’estime que ce changement de propriété n’influence pas l’évaluation des motifs d’opposition pour les raisons suivantes.

[39]  Avec un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), un opposant a le droit de s’appuyer sur l’enregistrement d’une autre partie [voir USV Pharmaceuticals of Canada Ltd c Sherman and Ulster Ltd (1974), 15 CPR (2e) 79 (COMC)]. Ainsi, dans ce cas-ci, aux fins du motif fondé sur l’article 12(1)d), l’Opposant a le droit de s’appuyer sur des enregistrements qui, à la date de cette décision, appartenaient à Hershey Canada.

[40]  Avec un motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a), un opposant n’a pas le droit de s’appuyer sur l’emploi d’une marque de commerce d’une autre partie; l’emploi sur lequel on s’appuie doit être le propre emploi de l’opposant (ou un emploi sous licence accordée à l’opposant) [voir l’article 17(1) de la Loi]. Dans ce cas-ci, puisque la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est la date de production des Demandes (le 5 février 2013) et que le transfert des enregistrements et des demandes de l’Opposante à Hershey Canada n’a eu lieu que bien après la date pertinente, tout emploi des marques de commerce avant la date pertinente est en effet un emploi par l’Opposante (plus particulièrement un emploi sous licence accordée à l’Opposante). Par conséquent, le transfert n’a aucune incidence sur le motif fondé sur l’article 16(3)a).

[41]  Dans le même ordre d’idées, puisque le transfert des enregistrements et des demandes n’a eu lieu qu’après les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)b), 30e), 30i) et 2, j’estime que le transfert n’a aucune incidence sur ces motifs. 

KISS est-il un terme générique?

[42]  Un élément important de l’argument de la Requérante dans ces procédures est la preuve qu’elle a fournie de l’emploi du terme « kiss(es) » comme description générique d’un petit morceau de friandise. Le volume de la preuve fournie par la Requérante à ce stade est important et comprend ce qui suit :

·  Définitions de dictionnaires. Par exemple, le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary, 2nd Ed., publié en 2004, comprend la définition suivante pour « kiss » : [traduction] « meringue cuite de la taille d’une bouchée ou plus particulièrement une friandise de chocolat ».

·  L’emploi par des tiers du terme « kiss(es) » en liaison avec des produits de confiserie.

·  Des avertissements dans les propres enregistrements de l’Opposante (inscrits dans leurs copies conformes). En particulier, certains des plus anciens enregistrements sur lesquels s’appuie l’Opposante, y compris enregistrements no LMC265,743 (HERSHEY’S KISSES), LMC332,690 (A BIG KISS FOR YOU) et LMC325,066 (THE ULTIMATE KISS), contiennent chacun un avertissement concernant l’emploi exclusif du mot KISS (ou KISSES) indépendamment de la marque de commerce à part entière.

[43]  En résumé, la position de la Requérante est que, puisque « kiss » est un terme générique pour un petit morceau de friandise, et qu’il s’agit du seul élément commun entre les marques des deux parties, il n’y a aucune probabilité de confusion. Je comprends à un certain degré la Requérante sur ce point, puisque sa preuve démontre que, au moins à une certaine époque, le mot « kiss » avait en effet cette connotation générique. 

[44]  Toutefois, j’estime que cette preuve ne répond pas à la question plus précise et pertinente selon laquelle le terme « kiss » est générique au Canada en liaison avec les chocolats précisément à compter des dates pertinentes dans ces procédures. Pour cette question, les enregistrements sur lesquels s’appuie l’Opposante pour les marques de commerce KISS (LMC833,060) et KISSES (LMC733,263) sont une indication de présomption que ces termes ne sont pas génériques au Canada en liaison avec les chocolats.

[45]  En particulier, l’enregistrement canadien no LMC833,060 (enregistré le 27 septembre 2012) vise la marque de commerce KISS en liaison avec des « bonbons au chocolat » et l’enregistrement canadien no LMC733,263 (enregistré le 27 janvier 2009) vise la marque de commerce KISSES en liaison avec des « confiseries au chocolat plein avec des ingrédients comme les noix ou non ». Ces enregistrements sont présumés valides et, dans le contexte d’une procédure d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi, le registraire n’a pas le pouvoir de radier ou par ailleurs de déclarer ces enregistrements invalides [voir La Céleste Levure Inc c Seleccion de Torres, SL, 2012 COMC 196, 105 CPR (4e) 186 au para 19; voir aussi Magill c Taco Bell Corp (1990), 31 CPR (3e) 221 (COMC) au para 22]. Dans la mesure où la Requérante souhaite contester la validité de ces enregistrements au motif que les termes KISS et KISSES n’ont pas de caractère distinctif pour l’Opposante en liaison avec les chocolats puisqu’ils sont des termes génériques, un mécanisme existe pour le faire devant la Cour fédérale au moyen des articles 18 et 57 de la Loi. 

[46]  Par conséquent, je dois accepter le fait que les enregistrements sur lesquels s’appuie l’Opposante sont présumés valides. De plus, j’estime que la preuve d’un emploi par des tiers du terme « KISS(ES) » au Canada en liaison avec les chocolats semble être particulièrement limitée, nommément le produit « Kiss Me Truffle Frog Milk Chocolate » de Hagensborg et l’annonce pour un produit de chocolat de la Saint-Valentin vendu dans les restaurants Nando’s en 2014 en liaison avec l’expression « Nando’s Kisses », puisque je n’ai aucune preuve du volume des ventes au Canada pour ces deux produits. En ce qui a trait au produit de confiserie vendu en liaison avec la marque de commerce BACI (qui, selon la preuve, comprend du chocolat comme ingrédient), même si je peux prendre connaissance d’office qu’il y a des Canadiens qui comprennent l’italien, je n’ai pas le droit de prendre connaissance d’office qu’une part importante des consommateurs canadiens probables des produits des parties comprend suffisamment l’italien pour comprendre que BACI signifie « kisses » [voir Polaris Industries Inc c Vittoria Industries Ltd, 2019 COMC 44, 167 CPR (4e) 345 aux para 57-58; voir aussi Krazy Glue Inc c Grupo Cyanomex SA de CV (1992), 45 CPR (3e) 161 (CF)]. Dans tous les cas, je n’ai également aucune preuve du volume de ventes au Canada pour ce produit. J’estime que ce qui précède ne constitue pas une preuve suffisante pour rendre les marques de commerce KISSES et KISS génériques ou par ailleurs sans aucun caractère distinctif au Canada en liaison avec les chocolats.

[47]  L’existence d’autres produits de tiers mentionnés par la Requérante avec des noms qui comportent le terme « KISS(ES) » en liaison avec d’autres types de friandises (sans chocolat) peut certainement réduire la portée de la protection accordée aux enregistrements sur lesquels s’appuie l’Opposante. Toutefois, je ne considère pas cette preuve comme suffisante pour rendre les marques de commerce KISSES et KISS sans protection au Canada en liaison avec le chocolat en particulier.

Pertinence de la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis

[48]  Les parties à ces procédures d’opposition ont également participé à des litiges juridiques aux États-Unis concernant certaines des mêmes marques de commerce. La plus notable était une poursuite entamée par l’Opposante contre la Requérante, alléguant que le produit de chocolat SWISSKISS de la Requérante contrefaisait et diluait la marque de commerce déposée KISSES de l’Opposante aux États-Unis. Dans cette Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis, on a conclu que le produit SWISSKISS de la Requérant ne contrefaisait ni ne diluait la marque de commerce déposée KISSES de l’Opposante aux États-Unis.

[49]  Il est bien établi que le registraire n’est pas contraint dans une procédure d’opposition par la décision d’une cour ou d’un tribunal étranger [voir Waterford Wedgwood PLC c Forma‑Kutzscher GmbH (2006), 50 CPR (4e) 358 (COMC) aux para 25 et 26; voir aussi Spirits International NV c SC Prodal 94 SRL (2005), 50 CPR (4e) 199 (COMC)]. Cela étant dit, vu que la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis comprenait les mêmes parties et une question qui chevauche à un niveau important les procédures actuelles, j’estime qu’il est approprié d’expliquer pourquoi je ne trouve pas que la décision dans la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis est convaincante dans la présente affaire.

[50]  En particulier, il y a une importante différence entre le contexte de la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis et les procédures d’opposition actuelles : dans la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis, l’analyse concernait un produit actuel déjà distribué par la Requérante aux États-Unis portant la marque de commerce SWISSKISS, ce produit ayant une configuration de style, de couleurs et d’emballage particulière. Il est évident que le juge américain s’est fondé en partie sur l’apparence générale différente du produit de la Requérante aux États-Unis lorsqu’il a considéré si le produit de la Requérante contrefaisait la marque de commerce de l’Opposante aux États-Unis. Par exemple, aux pages 17 et 18 de la décision américaine, le juge a déclaré ce qui suit [traduction] :

Dans cette affaire, le mot « kiss » fait clairement partie de SWISSKISS. Toutefois, il y a plusieurs autres éléments distinctifs. Par exemple, même Wege, le dirigeant principal commercial et vice-président principal de Hershey, a reconnu que la forme du produit, la conception de l’emballage, la couleur, la police et les images de KISSES et de SWISSKISS sont très différentes. […] Des différences dans la présentation comme les logos, les images, l’emballage et la présentation commerciale peuvent éliminer la probabilité de créer de la confusion, même lorsque les marques partagent des mots ou des éléments semblables.

[…]

PIM a employé, et affirme qu’il a l’intention de continuer à employer, un agencement de couleurs, une forme et un thème suisse pour son produit SWISSKISS. PIM a intégré le symbole de croix rouge et blanche d’un drapeau suisse, un paysage de montagnes sur un fond bleu et le nom de marque présenté en lettres rouges avec une bordure blanche et il n’utilisera pas la forme conique iconique. […] Ces distinctions entre les produits des parties réduisent grandement tout potentiel de confusion.

[51]  Le contexte de cette analyse est très différent des présentes procédures d’opposition, où le registraire a l’obligation de tenir compte de l’enregistrabilité da la Marque nominale et de la Marque figurative de façon isolée, sans aucune contrainte associée à la couleur ou à la forme d’emballage ou de présentation des Marques. La différence entre les procédures actuelles et la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis est particulièrement marquée lorsqu’il est question de la Demande pour la marque nominale, étant donné que l’enregistrement d’une marque nominale permet à un propriétaire de montrer la marque dans la police, le style ou la couleur de son choix [voir Cheah c McDonald's Corp, 2013 CF 774, 114 CPR (4e) 241 aux para 3et 4]. Une considération semblable doit être accordée à la Marque figurative, puisque la Demande pour la marque figurative ne comprend aucune forme de revendication concernant la couleur et omet les éléments de dessin supplémentaires abordés dans la citation précédente de la décision américaine. Dans les présentes procédures d’opposition, j’ai l’obligation de tenir compte de la possibilité que la Requérante peut avoir choisi de représenter ses Marques dans une couleur et un emballage qui ressemblent davantage à ceux de l’Opposante comparativement à l’emballage particulier qui était devant la cour dans la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis.

[52]  Il n’y a aucune preuve de l’emploi des Marques par la Requérante au Canada. Bien que l’affidavit Rosenberg indique que la Requérante a l’intention d’adopter un emballage semblable à celui indiqué dans la procédure aux États-Unis, une telle déclaration dans cette procédure n’est d’aucune façon contraignante et, par conséquent, a peu de poids, voire aucun, dans l’analyse en matière de confusion.

[53]  Pour ces raisons, je n’estime pas que la décision de la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis est convaincante dans le contexte de ces procédures d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[54]  Dans l’évaluation de ce motif d’opposition, j’évaluerai la probabilité de confusion entre les Marques et les marques de commerce déposées KISSES (LMC733,263) et KISS (LMCA833,060), puisque j’estime que ces deux marques de commerce déposées représentent l’argument le plus convaincant de l’Opposante concernant le degré de ressemblance et le degré de chevauchement dans les produits lorsqu’elles sont comparées aux Demandes de la Requérante. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que ces deux enregistrements existent toujours [voir Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3e) 410 (COMC)]. 

Test en matière de confusion

[55]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est précisé que « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice ». Pour faire cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus, la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, le genre de produits, services ou entreprises, la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[56]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4e) 401; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (CSC) au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4e) 361 (CSC) au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, aura souvent la plus grande importance dans l’analyse relative à la confusion.

[57]  Le test en matière de confusion est évalué comme étant celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de la requérante, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, supra au para 20]. Également, lorsqu’il est probable que le public supposera que les produits du requérant sont approuvés, font l’objet d’une licence ou sont parrainés par l’opposant de façon qu’un état de doute et d’incertitude existe dans l’esprit du public acheteur, on peut en déduire que les marques de commerce créent de la confusion [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3e) 7 (CF 1re inst) au para 21].

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[58]  Les marques de commerce KISSES et KISS sur lesquelles s’appuie l’Opposante ont un caractère distinctif inhérent relativement faible compte tenu de la preuve présentée par la Requérante de l’emploi descriptif historique du terme « kiss » dans l’industrie de la confiserie pour décrire un petit morceau de friandise.

[59]  Toutefois, j’estime que la preuve de l’Opposante démontre que, en ce a trait aux chocolats en particulier, la marque de commerce KISSES a acquis un caractère distinctif plutôt substantiel au Canada par des ventes importantes et des annonces au cours des décennies. La preuve de l’Opposante suggère que la marque de commerce KISS (au singulier) est employée dans une moindre mesure que KISSES, j’attribue donc un caractère distinctif acquis moins important à la marque de commerce KISS qu’à la marque de commerce KISSES.

[60]  Je remarque que la Requérante prend la position selon laquelle tout caractère distinctif dans les marques de commerce KISSES et KISS demeure dans leur combinaison avec la marque de commerce HERSHEY’S. Je rejette cette observation pour deux raisons. D’abord, il est bien établi que deux marques de commerce peuvent être employées ensemble sur un seul produit [AW Allen Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 6 CPR (3e) 270 (CF 1re inst) à la page 272]. Deuxièmement, dans la présente affaire, selon la preuve présentée par l’Opposante, il est évident que les marques de commerce KISSES et KISS sont illustrées d’une manière qui communique à l’acheteur le fait que KISSES et KISS sont des marques de commerce distinctes et autonomes (par exemple, la pièce D à l’affidavit Vanslyke comprend plusieurs exemples d’emballage où la marque de commerce KISSES est présentée sur une ligne différente que la marque de commerce HERSHEY’S et avec une police plus large).

[61]  En ce qui a trait à la Marque nominale de la Requérante, j’estime qu’elle possède également un caractère distinctif inhérent faible. Elle est formée du mot « SWISS », lequel est descriptif de l’origine géographique des Produits et, par conséquent, n’a pas un caractère distinctif inhérent [voir London Drugs Ltd c International Clothiers Inc, 2014 CF 223, 120 CPR (4e) 1 au para 49], et du mot « KISS », lequel a un caractère distinctif inhérent relativement faible pour les raisons abordées précédemment.

[62]  La Marque figurative de la Requérante a un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé que la Marque nominale compte tenu de l’élément de dessin de montagne; toutefois, je ne considère pas que cet élément de dessin est une caractéristique dominante ou accorde un caractère distinctif inhérent à la Marque figurative dans son ensemble. Dans le même ordre d’idées, je ne considère pas que la signature descriptive « FINEST SWISS CHOCOLATES » ajoute un quelconque caractère distinctif inhérent à la Marque figurative. En général, j’estime que la Marque figurative possède un caractère distinctif inhérent faible pour les mêmes raisons que la Marque nominale.

[63]  Il n’y a aucune preuve que les Marques de la Requérante ont été employées ou sont devenues connues dans une quelconque mesure au Canada.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[64]  L’Opposante a démontré un emploi répandu au Canada pendant des décennies pour la marque de commerce KISSES en liaison avec les chocolats. La preuve de l’Opposante suggère que l’emploi de la marque de commerce KISS est beaucoup moins répandu que KISSES; malgré tout, la preuve de l’Opposante comprend un nombre restreint d’exemples de son emploi de la marque de commerce KISS [voir les pièces E, F et P à l’affidavit Vanslyke].

[65]  Il n’y a aucune preuve que la Requérante a employé ses Marques au Canada.

[66]  Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre des produits, des services ou des entreprises; et nature du commerce

[67]  J’estime que le genre des produits des parties, nommément les chocolats, se chevauche directement, comme c’est le cas pour les voies de commercialisation.

[68]  La Requérante suggérait que son produit, puisqu’il est inspiré de la Suisse, est un produit de première qualité et que, par conséquent, il vise un segment différent du marché que celui des produits de l’Opposante. Cependant, étant donné que la Requérante n’a pas employé les Marques au Canada et que la preuve de la Requérante n’offre aucune information concernant le prix, cette position me semble être entièrement de nature hypothétique à ce stade-ci et je ne vois aucune raison d’accorder un poids quelconque à cette distinction affirmée. En effet, je remarque que la pièce E à l’affidavit Vanslyke comprend des images de chocolats de la marque KISSES sur des étagères de magasins de détail à proximité immédiate de nombreuses autres marques de chocolats, y compris des marques importées comme GODIVA, indiquées au paragraphe 7 de l’affidavit Rosenberg.

[69]  Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[70]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, supra, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est le facteur qui revêt le plus d’importance. Il faut envisager le degré de ressemblance entre les marques du point de vue de leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, supra au paragraphe 64].

[71]  En ce qui a trait aux marques de commerce KISSES et KISS sur lesquelles s’appuie l’Opposant, il est évident que l’élément le plus frappant est le mot « KISS ».

[72]  En ce qui a trait aux Marques de la Requérante, bien que la première partie d’une marque est souvent la plus importante [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2e) 183 à la p 188 (CF 1re inst)], dans ce cas-ci, je ne considère pas la première partie des Marques (c’est-à-dire « SWISS ») comme étant particulièrement frappant ou unique, étant donné que ce mot décrit l’origine géographique des Produits [voir Caterpillar Inc c Supacat Ltd, 2011 COMC 161 aux para 21 à 23, où la Commission a conclu que « CAT » était l’aspect le plus frappant ou unique de la marque SUPACAT, étant donné l’absence d’un caractère distinctif pour le préfixe « SUPA »]. 

[73]  J’estime que le mot « KISS » est l’aspect le plus frappant des Marques de la Requérante. Ce point de vue est renforcé par la preuve de la Requérante concernant l’élaboration du nom SWISSKISS. Particulièrement, au paragraphe 9 de l’affidavit Rosenberg, M. Rosenberg décrit comment la Requérante avait à l’origine vendu son produit de chocolat suisse sous la marque de commerce SUISSE (c’est-à-dire « Swiss » en français). Toutefois, M. Rosenburg affirme que [traduction] « [m]ême si je croyais que le nom SUISSE communiquait bien les origines de nos produits de chocolat, je ne croyais pas que la désignation était suffisante pour permettre à [la Requérante] d’atteindre ses objectifs stratégiques dans la catégorie de chocolats suisses ». La Requérante a alors élaboré le nom SWISSKISS. J’estime que cette preuve met en évidence l’important de l’élément « KISS » pour les Marques de la Requérante dans leur ensemble et suggère que c’est l’élément « KISS » qui est particulièrement frappant.

[74]  La présence du mot « SWISS » dans les Marques de la Requérante entraîne évidemment une différence visuelle et auditive avec les marques de commerce sur lesquelles s’appuie l’Opposante et transmet une idée qui est absente des marques de commerce sur lesquelles s’appuie l’Opposante. Cependant, pour les raisons énoncées précédemment, je ne crois pas que cela favorise fortement la Requérante, étant donné que « SWISS » est descriptif de l’origine géographique des Produits.

[75]  Bien que la Requérante affirme que je devrais considérer SWISSKISS comme un seul terme inventé, et reconnaissant que j’ai l’obligation d’évaluer chacune des Marques de la Requérante comme un tout, il est malgré tout évident que chacune des Marques de la Requérante sera lue et dite en deux mots séparés, soit « Swiss Kiss ». La combinaison des lettres majuscules et minuscules dans la Marque figurative (c’est-à-dire SwissKiss) renforce cette perspective.

[76]  En dernier ressort, j’estime que le mot « KISS » est l’aspect le plus frappant ou unique des deux Marques de la Requérante et des marques de commerce sur lesquelles s’appuie l’Opposante et que, par conséquent, il y a un degré de ressemblance significatif. 

Circonstances de l’espèce

Famille de marques de commerce

[77]  L’Opposante, dans sa déclaration d’opposition, affirme qu’elle détient une « famille » de marques de commerce. Toutefois, afin de bénéficier de l’étendue plus large de la protection qui peut être accordée à une « famille » de marques de commerce, un opposant doit prouver l’emploi de chacune des marques dans la famille [voir McDonald’s Corp c Alberto-Culver Co (1995), 61 CPR (3e) 382 (COMC)]. En l’espèce, bien que la preuve de l’Opposante démontre l’emploi répandu de la marque de commerce KISSES et l’emploi restreint de la marque de commerce KISS, j’estime que la preuve ne démontre pas l’emploi suffisant d’autres marques de commerce pour constituer une famille de marques qui aiderait l’Opposante dans cette affaire. Ainsi, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce qui apporte une aide à l’Opposante.

Conclusion concernant le motif fondé sur l’article 12(1)d)

[78]  En bout de compte, la question dans cette affaire est de savoir si le consommateur canadien moyen, avec un vague souvenir de la marque de commerce KISSES ou KISS en liaison avec des chocolats, lorsqu’il voit un produit de chocolat suisse portant la marque de commerce SWISSKISS (ou SWISSKISS & Dessin), croira que les produits proviennent de la même source. J’estime, si je dois accorder toute forme de protection aux enregistrements LMC733,263 et LMC833,060, que je dois fournir une réponse affirmative à cette question.

[79]  Les Marques de la Requérante sont formées d’un terme descriptif « SWISS » précédant le terme « KISS » pour lequel il existe déjà des droits enregistrés au Canada en liaison avec les chocolats. Je conclus qu’il est raisonnable de supposer que les consommateurs qui connaissent les marques de commerce KISSES ou KISS en liaison avec les chocolats croiraient que les chocolats suisses portant les marques de commerce SWISSKISS et SWISSKISS & Dessin proviennent de la même entité que le propriétaire des marques déposées ou que, à tout le moins, ils ont été approuvés, ont été employés sous licence ou sont parrainés par le propriétaire de ces marques déposées.

[80]  Dans l’évaluation de cette question, je dois tenir compte du fait que la Demande pour la marque nominale et la Demande pour la marque figurative de la Requérante ne sont pas limitées à une couleur ou un style d’emballage en particulier qui pourraient aider à réduire la probabilité de confusion dans le marché. Au contraire, l’enregistrement de la Marque nominale et de la Marque figurative de la Requérante permettrait à la Requérante de présenter les Marques dans n’importe quelle couleur ou n’importe quel agencement choisi par la Requérante.

[81]  Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau, selon la prépondérance des probabilités, de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et les marques de commerce déposées KISSES (LMC733,2263) et KISS (LCM833,060). Ainsi, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli en ce qui a trait à la Demande pour la marque nominale et à la Demande pour la marque figurative. 

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[82]  En ce qui a trait à ce motif d’opposition, l’Opposante a un fardeau de preuve initial de démontrer l’emploi des marques de commerce KISSES ou KISS au Canada avant la date de production des Demandes, notamment le 5 février 2013, et que ces marques de commerce n’étaient pas abandonnées aux dates de l’annonce des Demandes.

[83]  Comme il a été susmentionné, la preuve de l’Opposante indique qu’elle a employé la marque de commerce KISSES au Canada en liaison avec les chocolats continuellement depuis 1962. L’étendue de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce KISS semble être beaucoup moins importante que celle de la marque de commerce KISSES; malgré tout, l’affidavit Vanslyke comporte des exemples de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce KISS avant la date pertinente pour ce motif [voir la pièce F à l’affidavit Vanslyke qui comprend des exemples d’emploi de la marque de commerce KISS avant le 31 décembre 2008]. Il n’y a aucune preuve permettant de suggérer que l’Opposante a abandonné les marques de commerce KISSES ou KISS aux dates de l’annonce des Demandes. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a).

[84]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, j’estime que l’analyse de la question de la probabilité de confusion pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est essentiellement identique à celle du motif fondé sur l’article 12(1)d). Cela veut dire que la date pertinente antérieure pour le motif fondé sur l’article 16(3)a) ne change pas de manière importante l’analyse.

[85]  Par conséquent, pour les mêmes raisons établies ci-dessus concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de l’Opposante concernant les deux Demandes.

Autres motifs d’opposition

[86]  Étant donné que j’ai conclu en faveur de l’Opposante en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 16(3)a), je ne considère pas qu’il soit nécessaire de discuter des autres motifs d’opposition.


 

Décision

[87]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les Demandes conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2019-11-19

COMPARUTIONS

Maxime Gagné et Raluca Popovici

 

Pour l’Opposante

Jonathan Colombo

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

St. Lawrence Law Firm LLP

Pour l’Opposante

Bereskin & Parr LLP

Pour la Requérante

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.