Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 64

Date de la décision : 2020-05-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Navsun Holdings Ltd.

Opposante

et

 

Sadhu Singh Hamdard Trust

Requérante

 

1,762,819 pour AJIT

Demande

Introduction

[1]  Navsun Holdings Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce AJIT (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,762,819 (la Requérante), produite le 11 janvier 2016 par Sadhu Singh Hamdard Trust (la Requérante).

[2]  La Demande est en liaison avec les produits et services suivants (collectivement les Produits et Services) :

Produits

(1) Journaux et magazines.

Services

(1) Publicité des produits et des services de tiers; services de petites annonces et services d’affichage publicitaire pour des tiers.

(2) Offre de nouvelles et d’information, nommément dans les domaines des affaires, de la finance, de la politique, du sport, du tourisme, du voyage, des habitudes de vie, de la météo, de la communauté et de la culture par un réseau informatique mondial; exploitation d’un site Web dans le domaine du développement et de la progression de la communauté, de la langue et de la culture du Pendjab.

(3) Offre de nouvelles et d’information, nommément dans les domaines des affaires, de la finance, de la politique, du sport, du tourisme, du voyage, des habitudes de vie, de la météo, de la communauté et de la culture dans des journaux et des magazines.

[3]  La Demande est fondée sur l’emploi proposé de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que 1968 en liaison avec les produits et services (1) et (3), ainsi que sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que juillet 2002 en liaison avec les services (2).

[4]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 17 août 2016. Le 17 octobre 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[5]  L’Opposante soulève les motifs d’opposition en fonction de l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2, de l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 12(1)d), de la non-conformité aux articles 30)b) et 30i) de la Loi.

[6]  La Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition le 22 décembre 2016.

[7]  Les deux parties ont présenté des preuves, lesquelles sont abordées ci-dessous. Les parties ont toutes les deux produit des représentations écrites et ont été représentées lors d’une audience.

[8]  Pour les motifs qui suivent, la Demande est rejetée.

Contexte des Parties

[9]  Les deux parties à la présente procédure d’opposition ont un historique détaillé et continu de litiges juridiques au Canada (et dans d’autres pays) concernant la marque de commerce AJIT. Au cours des cinq dernières années, il y a eu au moins sept décisions relatives à ces différends, de la part de la Commission, de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale [voir Navsun Holdings Ltd c Sadhu Singh Hamdard Trust, 2015 COMC 214, confirmé 2018 CF 42, conf. par 2010 (Opposition no 1 de Navsun); Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2014 CF 1139, inf. par 2016 CAF 69 (atteinte no 1 d’Hamdard Trust); Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2018 CF 1039, inf. par 2019 CAF 295 (atteinte no 2 d’Hamdard Trust)]. Certaines de ces décisions antérieures seront citées à divers moments de la présente décision.

[10]  Il est utile de commencer par un résumé de la nature des affaires et des activités des parties. Étant donné que ces faits ont maintenant été examinés dans le cadre de procédures multiples (et que la preuve présentée dans le cadre de la présente procédure est conforme à celle des autres décisions citées ci-dessus), je serai bref.

[11]  La Requérante et l’Opposante publient tous deux des journaux en langue penjabi en liaison avec la marque de commerce AJIT. En pendjabi, le mot « Ajit » signifie « Invincible » ou « unconquerable » en anglais. Par souci de commodité dans la présente décision, j’appellerai le journal de la requérante « Ajit Daily » et le journal de l’Opposante « Ajit Weekly ».

[12]  Le journal Ajit Daily de la Requérante est publié en Inde depuis 1955 et est bien connu parmi la population pendjabi du pays. Le Ajit Daily est disponible par abonnement au Canada depuis 1968, mais sa circulation est limitée. Une version en ligne du Ajit Daily est disponible depuis 2002.

[13]  Le journal Ajit Weekly de l’Opposante est un journal hebdomadaire gratuit publié au Canada depuis 1993 et distribué à Vancouver et à Toronto. Une version en ligne du Ajit Weekly est disponible depuis 1998.

[14]  La Requérante a été la première à utiliser la marque de commerce AJIT au Canada en liaison avec des journaux, puisque l’Ajit Daily était disponible au Canada depuis 1968. Toutefois, depuis 1993, l’Opposante utilise simultanément la marque de commerce AJIT au Canada en liaison avec son journal Ajit Weekly. Bien que la Requérante affirme que l’emploi d’AJIT par l’Opposante porte atteinte aux droits de la Requérante, à la date de la présente décision, l’Opposante n’a pas été enjointe par un tribunal canadien à continuer d’employer la marque de commerce AJIT.

[15]  Avant de produire la Demande en question dans la présente procédure, la Demande le 30 juin 2010 a produit une demande antérieure no 1,487,122 pour la même marque de commerce AJIT, en se fondant sur l’emploi au Canada depuis au moins novembre 1968 (la Demande 122). La Demande 122, telle que modifiée, était en liaison avec les produits « publications et journaux imprimés ». La Demande 122 a été contestée par l’Opposante aux présentes (par une déclaration d’opposition en date du 28 décembre 2012), et cette procédure a fait l’objet de l’Opposition no 1 de Navsun, mentionnée ci-dessus.

[16]  Par décision du registraire en date du 15 août 2015, le registraire a rejeté la Demande 122 au motif d’absence de caractère distinctif, compte tenu de l’utilisation et de la réputation de longue date de l’Opposante au Canada dans la marque de commerce AJIT par l’intermédiaire du journal Ajit Weekly. Le registraire a soutenu que, malgré le fait que la Requérante ait pu être la première partie à employer la marque de commerce AJIT au Canada en liaison avec des journaux, à la date pertinente du motif d’opposition de caractère distinctif, l’Opposante employait simultanément la marque AJIT au Canada depuis plus d’une décennie, d’une manière suffisante pour nier le caractère distinctif de la marque de commerce de la Requérante.

[17]  La décision du registraire refusant la Demande 122 pour le motif d’absence de caractère distinctif a été maintenue sur appel tant par la Cour fédérale que par la Cour d’appel fédérale. L’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée et la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’Opposition no 1 de Navsun est donc finale. En maintenant le refus du registraire de la Demande 122, la Cour d’appel fédérale a fait l’évaluation suivante du motif d’opposition de caractère distinctif de l’Opposante (à noter que la Requérante dans l’Opposition no 1 de Navsun était la Requérante aux présentes, et l’intimée était l’Opposant aux présentes) :

[15]  Les questions de savoir si l’appelante était ou non la première à utiliser la marque au Canada et si l’emploi subséquent par l’intimée constituait une contrefaçon ne sont d’aucune importance lorsque, comme en l’espèce, les parties utilisent la marque concurremment depuis plus d’une décennie, et que, pendant cette période, l’intimée a su acquérir une notoriété liée à sa marque au Canada suffisante pour que soit annulé le caractère distinctif de la marque de l’appelante. Comme le souligne la Cour dans l’arrêt Farside Clothing Ltd. c. Caricline Ventures Ltd., 2002 CAF 446, au paragraphe 9 [Farside Clothing], l’emploi antérieur constituant une contrefaçon peut faire perdre à une marque son caractère distinctif, la portée d’une telle érosion demeurant une question de fait à considérer dans chaque cas. En cas de poursuite pour commercialisation trompeuse, une partie peut invoquer le présumé emploi constituant une contrefaçon pour contester le caractère distinctif.

[16]  Il incombe à un commerçant de protéger le caractère distinctif de sa marque, même en cas de contrefaçon (voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 26, [2006] 1 R.C.S. 772; Suzanne’s aux paragraphes 6 et 7; Farside Clothing au paragraphe 9). Les nouveaux éléments de preuve concernant le lectorat du journal de l’appelante ne peuvent rien y changer. Il appartenait à l’appelante de prendre des mesures suffisantes pour protéger ses droits à la marque contestée, ce qu’elle n’a pas fait.

[17]  Devant la Cour fédérale, et devant notre Cour, l’appelante a fait valoir qu’un principe juridique interdit à une partie de se fonder sur son emploi d’une marque de commerce portant à confusion pour contester le droit d’une autre personne à la marque. Le juge a rejeté cet argument et a eu raison de le faire. Le critère est, non pas de savoir si la marque de l’intimée distinguait ses propres publications, mais plutôt de savoir, comme il est établi dans la décision Bojangles », si, à la date du dépôt de l’opposition, l’emploi par l’intimée de sa propre marque avait annulé le caractère distinctif de la marque de l’appelante. La Commission a conclu que la marque de l’intimée était suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque de l’appelante et, comme le juge de la Cour fédérale, j’estime que cette conclusion était raisonnable.

[18]  Comme nous en discuterons plus en détail ci-dessous, à mon avis, l’analyse ci-dessus faite par la Cour d’appel fédérale, sur des faits qui étaient presque identiques à la présente instance, suffit à trancher l’opposition actuelle en faveur de l’Opposante. Bien qu’il y ait des différences dans la description des produits et des services entre la Demande 122 et la présente Demande, et dans la preuve de la Requérante de l’emploi de sa Marque en ligne, à mon avis, ces différences ne sont pas une base sur laquelle distinguer la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’Opposition no 1 de Navsun.

[19]  Outre la procédure d’opposition antérieure concernant la Demande 122, la Requérante a également engagé, en 2010, une action contre l’Opposante devant la Cour fédérale, alléguant notamment, l’imitation trompeuse et la violation du droit d’auteur (une revendication de contrefaçon de la marque de commerce en liaison avec le dessin de marque de la marque commerce enregistrée appartenant à la Requérante a été ajoutée par la suite). Cette action a été examinée à deux reprises par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, la Cour d’appel fédérale ayant récemment renvoyé l’affaire à la Cour fédérale pour révision [voir atteinte no 1 d’Hamdard Trust, et atteinte no 2 d’Hamdard Trust, précité). À la date de la présente décision, l’action en justice devant la Cour fédérale n’a toujours pas été tranchée selon les faits qui lui sont propres.

Preuve

Preuve de l’Opposante

[20]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit Kanwar (Sunny) Bains assermenté le 19 avril 2017 (l’Affidavit Bains). M. Bains est l’actionnaire et directeur de l’Opposante. Certains des facteurs pertinents de cet affidavit sont résumés ci-dessous.

[21]  Depuis 1993, l’Opposante et ses prédécesseurs en titre et licenciés ont publié au Canada un journal hebdomadaire intitulé Ajit Weekly. Ajit Weekly est un journal hebdomadaire gratuit qui tire la totalité de ses revenus de la vente d’espaces publicitaires dans le journal et sur le site Web connexe ajitweekly.com. Ajit Weekly est imprimé en pendjabi et s’adresse à la communauté pendjabi du Canada et des États-Unis.

[22]  Chaque semaine, le journal Ajit Weekly est livré en lots à des boîtes à journaux situées à divers endroits dans les régions du Grand Toronto et de Vancouver, y compris les épiceries, les supermarchés et les kiosques à journaux. Il reste rarement des exemplaires de l’Ajit Weekly dans les boîtes à journaux à la fin de la semaine. Le volume de journaux Ajit Weekly qui sont distribués chaque semaine est demeuré constant au fil des ans, 12 000 journaux par semaine étant imprimés à partir de l’imprimante de l’Opposante de Vancouver et de 11 000 à 12 000 journaux par semaine imprimés à partir de son imprimeur à Toronto.

[23]  Le journal Ajit Weekly porte en première page la marque de commerce AJIT, et les boîtes de journaux portent aussi la marque de commerce AJIT.

[24]  En 1998, par l’intermédiaire d’un titulaire de licence, l’Opposante a commencé à exploiter un site Web au domaine ajitweekly.com. Le site présente la marque de commerce AJIT. Le site Web publie des versions électroniques du journal Ajit Weekly en plus d’offrir d’autres services d’informations, de divertissement et de communications à la communauté pendjabi.

[25]  M. Bains a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et la transcription de ce contre-interrogatoire fait partie du dossier.

La preuve de la Requérante

[26]  À l’appui de la Demande, la Requérante a déposé trois affidavits dont il est question ci-dessous. Comme ces éléments de preuve sont nombreux et qu’il y a un certain chevauchement dans le contenu des trois affidavits, j’ai brièvement résumé une partie des faits les plus pertinents, et les éléments de preuve sont discutés davantage dans l’analyse des motifs d’opposition. Aucun des auteurs de l’affidavit de la Requérante n’a été contre-interrogé.

Affidavit de Barjinder Singh Hamdard en date du 17 août 2017 (l’Affidavit Hamdard)

[27]  M. Hamdard est rédacteur en chef du journal Ajit Daily et occupe ce poste depuis 1984. Il affirme que le journal Ajit Daily a été lancé à Jalandhar, une ville de l’état du Pendjab en Inde, le 1er novembre 1955. L’Ajit Daily est publié par la Requérante, une organisation caritative publique qui œuvre pour le progrès des Punjabis, de la langue et de la culture du pendjabi.

[28]  Le contenu d’Ajit Daily est typique d’un quotidien et comprend des nouvelles locales, nationales et internationales, des prévisions météorologiques, des sports, des publicités d’entreprises et des petites annonces. M. Hamdard indique que l’Ajit Daily est le plus grand journal en langue pendjabi du monde, avec un tirage quotidien moyen de plus de 400 000 exemplaires enregistrés entre juillet et décembre 2017.

[29]  M. Hamdard déclare que, puisque l’Ajit Daily est un quotidien, sa circulation sur papier au-delà de l’Inde est faible en raison du facteur de livraison tardive et des grandes distances géographiques. Ainsi, peu d’abonnements quotidiens sont vendus en dehors de l’Inde et le journal est plutôt lu sur l’Internet au site Web de la Requérante ajitjalandhar.com, et aussi en utilisant une application mobile en ligne.

[30]  Néanmoins, l’Ajit Daily a des abonnés au Canada depuis au moins 1968, et M. Hamdard fournit des données sur le nombre annuel d’abonnés à l’Ajit Daily au Canada entre 1990 et 2016. Ces chiffres vont d’un maximum de quarante-trois (43) abonnés canadiens en 1991 à un minimum d’un (1) abonné canadien en 2013.

[31]  La Pièce 3 de l’Affidavit Hamdard contient les renseignements relatifs à l’enregistrement canadien de la Requérante no LMCA914,925 pour la marque de commerce Ajit Design, qui sont décrits ci-dessous :

Ajit Design

[32]  La marque de commerce figurative ci-dessus (qui, selon les indications de l’enregistrement, est constituée du mot « Ajit » écrit en caractères pendjabi) est apposée dans la cartouche de titre du journal Ajit Daily. Je note que LCM914,925 est l’enregistrement de marque de commerce revendiqué par la Requérante contre l’Opposante dans le litige de la Cour fédérale, mentionné ci-dessus.

Affidavit de Sukhvinder Singh en date du 17 août 2017 (l’Affidavit Singh)

[33]  M. Singh est employé par la Requérante comme directeur du marketing pour le journal Ajit Daily. Il décrit que la Requérante a publié le quotidien Ajit Daily en ligne sur le site ajitjalandhar.com de façon continue depuis 2002. Le contenu et la mise en page du journal sur le site Web sont les mêmes que la version papier imprimée et le contenu en ligne est disponible le jour même de la publication de la version papier. Depuis mai 2008, les serveurs sur lesquels le site Web est exploité sont situés à Montréal, Canada. À l’aide de divers outils d’analyse en ligne, M. Singh indique qu’entre le 11 mai 2008 et le 31 août 2008, il y a eu 909 405 visites sur ce site Web à partir d’adresses IP canadiennes.

[34]  M. Singh indique que depuis 2013, le nombre de lecteurs du site Web a diminué, ce qui coïncide avec la publication d’une application en ligne en décembre 2012 qui permet aux lecteurs d’accéder au journal Ajit Daily en utilisant des téléphones cellulaires et des tablettes. M. Singh indique qu’environ 72 000 personnes au Canada ont téléchargé l’application.

Affidavit de Satpaul Singh Johal en date du 17 août 2017 (l’Affidavit Johal)

[35]  M. Johal est un correspondant attitré au Canada employé par la Requérante pour écrire pour le journal Ajit Daily. Il occupe ce poste depuis 2001 et indique qu’il y a sept autres correspondants qui travaillent pour le journal Ajit Daily au Canada. Lui et les autres correspondants au Canada publient dans l’Ajit Daily des articles sur des événements au Canada qui sont d’intérêt pour les Punjabis au Canada, y compris des nouvelles politiques, sociales, culturelles et sportives. M. Johal indique que l’Ajit Daily publie environ quotidiennement de 50 à 70 petites annonces concernant le Canada et les Canadiens.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[36]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que si une conclusion déterminée ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée contre la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3e) 293 (CF 1re inst) à 298].

[37]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  Les articles 38(2)a) et 30 de la Loi – date de production de la Demande, à savoir, le 11 janvier 2016 [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à 475];

·  Les articles 38.2)c) et 16.1)a) – la date d’emploi revendiquée de la Marque, à savoir, 1968 pour les produits et services (1) et (3), et juillet 2002 pour les services (2);

·  Les articles 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir, le 17 octobre 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Analyse

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif – Article 2

[38]  Pour ce motif d’opposition, l’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive de la Requérante conformément à l’article 2 de la Loi, étant donné que l’Opposante utilise depuis longtemps au Canada la marque de commerce AJIT en association avec les mêmes produits et services. Ce même motif d’opposition a été soulevé par l’Opposante contre la Demande 122 dans l’Opposition no 1 de Navsun.

[39]  L’expression « distinctive » est définie à l’article 2 de la Loi comme suit :

« distinctive » Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[40]  Il est bien établi qu’afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial au titre de ce motif d’opposition, un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits ou les services pertinents [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4e) 427 (CF) au para 34 (Bojangles)]. En l’espèce, l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial. L’Opposante a démontré que l’emploi continu de la marque AJIT en liaison avec les journaux au Canada depuis 1993 par l’entremise de son journal Ajit Weekly et en liaison avec la version en ligne de ce journal depuis 1998.

[41]  L’Opposante s’étant acquittée remplit son fardeau initial de preuve, la question se pose alors de savoir si la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque de la Requérante est distinctive au Canada en vertu de l’article 2, malgré l’utilisation par l’Opposante de la marque AJIT. À mon avis, la Requérante n’a pas satisfait à ce fardeau juridique. Comme cela a été le cas dans l’Opposition no 1 de Navsun, en l’espèce, la preuve de l’Opposante de son emploi de la marque de commerce AJIT au Canada depuis 1993 suffit à nier le caractère distinctif de la Marque de la Requérante en liaison avec les Produits et Services. À cet égard, j’adopte l’analyse de la Cour d’appel fédérale aux paragraphes 15 à 17 de l’Opposition no 1 de Navsun, citée ci-dessus, qui portait sur le même motif d’opposition à la même marque de commerce, impliquant les mêmes parties sur des faits presque identiques à la présente procédure.

[42]  Je ferai remarquer qu’une différence substantielle dans la matrice factuelle entre la présente procédure d’opposition et l’Opposition no 1 de Navsun pourrait être la différence entre les Produits et Services spécifiques identifiés dans la Demande par rapport à la Demande 122. Rappelez-vous que dans l’Opposition no 1 de Navsun, les produits en question dans la Demande 122, telle que modifiée, étaient en liaison avec des « publications et journaux imprimés ». Dans la présente Demande, les Produits et Services sont les suivants :

Produits

(1) Journaux et magazines.

Services

(1) Publicité des produits et des services de tiers; services de petites annonces et services d’affichage publicitaire pour des tiers.

(2) Offre de nouvelles et d’information, nommément dans les domaines des affaires, de la finance, de la politique, du sport, du tourisme, du voyage, des habitudes de vie, de la météo, de la communauté et de la culture par un réseau informatique mondial; exploitation d’un site Web dans le domaine du développement et de la progression de la communauté, de la langue et de la culture du Pendjab.

(3) Offre de nouvelles et d’information, nommément dans les domaines des affaires, de la finance, de la politique, du sport, du tourisme, du voyage, des habitudes de vie, de la météo, de la communauté et de la culture dans des journaux et des magazines.

[43]  À mon avis, la différence entre les produits et services entre la Demande 122 et la présente Demande (et la preuve de la Requérante dans l’espèce de l’emploi de la Marque en liaison avec les services (1), (2) et (3)) n’est pas suffisante afin de distinguer l’affaire en l’espèce de l’Opposition no 1 de Navsun. Les Produits de la Demande 122 et de la présente Demande sont effectivement identiques. En ce qui a trait aux services indiqués dans la Demande (qui n’étaient pas présents dans la Demande 122, telle que modifiée), chacun de ces services est simplement un aspect intégral de la fourniture par la Requérante de son journal.

[44]  Par exemple, les services (2) dans la Demande comprennent l’« [o]ffre de nouvelles et d’information […] par un réseau informatique mondial » et « exploitation d’un site Web dans le domaine du développement et de la progression de la communauté, de la langue et de la culture du Pendjab ». Les preuves de la Requérante laissent entendre que ces services font partie de la fourniture du journal Ajit Daily en ligne à ajitjalandhar.com. Si la preuve de l’emploi de la marque de commerce AJIT au Canada par l’Opposante est suffisante pour nier le caractère distinctif de la Marque en liaison avec les journaux (comme je l’ai constaté dans le cas présent et comme l’a constaté l’Opposition no 1 de Navsun), à mon avis, il suffit également de nier le caractère distinctif de la Marque en liaison avec la fourniture de journaux en ligne. À cet égard, je suis renforcé par l’article 35 de l’Affidavit Johal, déposé par la Requérante, qui stipule ce qui suit :

[traduction]

La plupart des journaux du monde sont maintenant publiés en ligne, parfois à l’exclusion de copies imprimées. Le public n’a aucune difficulté à trouver ou à reconnaître ses journaux en ligne. C’est la demande des consommateurs de lire les journaux en ligne qui a provoqué le changement.

[45]  De plus, au paragraphe 97 de ses observations écrites, la Requérante est d’avis que : [traduction] « Les lecteurs de journaux comprennent le mot “journal” pour inclure des éditions en ligne. »

[46]  Bref, je ne crois pas qu’il y ait de fondement factuel pour distinguer cette affaire de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire de l’Opposition no 1 de Navsun.

[47]  Aux paragraphes 101 à 118 de ses observations écrites et à l’audience, la Requérante a avancé un argument juridique selon lequel une marque de commerce ne peut être considérée comme ayant une absence de caractère distinctif que si la marque est descriptive ou est devenue générique et que l’utilisation concomitante d’une marque de commerce susceptible de créer de la confusion ne peut pas être une source d’absence de caractère distinctif. Je suis respectueusement en désaccord avec la position de la Requérante sur ce point. À mon avis, cet argument a été implicitement rejeté par les paragraphes 15 à 17 de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’Opposition no 1 de Navsun, où la même marque de commerce AJIT a été jugée comme ayant l’absence de caractère distinctif compte tenu de l’emploi de longue date par l’Opposante de sa marque, bien qu’il n’y ait aucune suggestion selon laquelle la marque de commerce était descriptive ou générique.

[48]  Il convient de noter qu’avec un motif d’opposition en vertu de l’article 2, la question n’est pas simplement de savoir quelle partie a été la première à employer la marque AJIT au Canada, ni si l’Opposante a le droit de continuer à utiliser sa marque de commerce. La question en vertu de l’article 2 de la présente procédure est de savoir si la Requérante a droit à des droits exclusifs enregistrés au Canada dans la marque de commerce nominale AJIT, malgré le fait que l’Opposante utilise continuellement cette même marque de commerce au Canada depuis 1993. Dans ces circonstances factuelles, la marque de commerce AJIT est-elle distinctive de la Requérante au Canada aux fins de l’article 2? Pour les motifs établis ci-dessus, je dois répondre à cette question en la négative et, par conséquent, les motifs d’opposition de l’Opposante en vertu de l’article 2 sont accueillis.

Autres motifs d’opposition

[49]  J’ai également conclu en faveur de l’Opposante pour les motifs d’opposition de l’article 2, ce qui est suffisant pour disposer de cette procédure d’opposition, je n’aborderai pas les autres motifs d’opposition.

Disposition

[50]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-01-14

COMPARUTIONS

Tamara Ramsey

Pour l’Opposante

David Allsebrook

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Dale & Lessmann LLP

Pour l’Opposante

LudlowLaw

Pour la Requérante

 

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