Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Décision : 2020 COMC 41

Date de la décision : 2020-04-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Sjoklaedagerdin HF

Opposante

et

 

Les Placements Arden Inc. / Arden Holdings Inc.

Requérante

 

1,683,088 pour
82° NORTH & Dessin

Demande

Introduction

[1]  Sjoklaedagerdin HF (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce 82° NORTH & Dessin (la Marque), montrée ci-dessous, laquelle est visée par la demande d’enregistrement no 1,683,088 de Les Placements Arden Inc. / Arden Holdings Inc. (la Requérante) :

82º NORTH & Design

[2]  La demande est fondée sur l’emploi proposé au Canada avec des [traduction] « parkas, vestes, manteaux, chapeaux, foulards, gants et mitaines pour la vente exclusive dans les magasins de détail de la requérante ou licenciés » (les Produits).

[3]  L’Opposante allègue des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité aux articles 30b), 30e) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), la confusion avec une marque de commerce déposée (article 12(1)d)), le droit à l’enregistrement (article 16) et le caractère distinctif (article 2). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi).

[4]  La question clé dans les procédures est la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante établies ci-dessous déposées aux fins de l’emploi en liaison avec un large éventail de vêtements, y compris des vestes, des chapeaux, des gants et des mitaines.

https://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1407936/10

https://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/0824046/10

 

[5]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[6]  La demande d’enregistrement de la Marque a été déposée le 27 juin 2014 et a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 4 mars 2015.

[7]  L’Opposante a déposé un avis d’opposition le 24 avril 2015.

[8]  La Requérante a déposé et signifié une contre-déclaration le 17 juin 2015.

[9]  Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

a)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi, puisque la Requérante a en fait commencé à employer la Marque avant de produire la demande et n’a pas indiqué la bonne date à compter de laquelle la Requérante a employé la Marque. Sinon, la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada.

b)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi, puisque la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque, à la lumière des motifs d’opposition fondés sur les articles 30b) et 30e) et la non-enregistrabilité, l’absence du droit à l’enregistrement et l’absence d’un caractère distinctif.

c)  La Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec l’une des marques de commerce de l’Opposante, enregistrement no LMC757,275 et LMC481,618, ou une combinaison des deux.

d)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit d’enregistrer la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi, puisque la Marque crée de la confusion avec l’emploi antérieur des marques de commerce de l’Opposante 66° NORTH & Dessin et 66°N.

e)  La Marque ne distingue pas la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante 66° NORTH & Dessin et 66°N.

[10]  Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Fannar Páll Aŏalsteinsson. Afin d’appuyer sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Mark Dervishian et de Laurence Virtue-Deshaies. La Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[11]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun de ses motifs d’opposition [John Labatt Ltd. c Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3e) 293 (CF 1re inst) à la p. 298].

Analyse des motifs d’opposition

[12]  Je vais d’abord évaluer le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[13]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de cette décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3e) 413 (CAF)].

[14]  L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante établies ci-dessous :

Numéro d’enregistrement

Marque de commerce

Produits

LMC757,275

https://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1407936/10

(1) Vêtements et vêtements d’extérieur, nommément tee-shirts, chemises, pantalons, salopettes, vestes, chapeaux, casquettes, mitaines, gants, passe-montagnes, bandeaux, chaussettes.

LMC481,618

https://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/0824046/10  

[traduction]
(1) Vêtements, nommément pantalons, salopettes, vestes, chaussettes, mitaines.

[15]  J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour vérifier auprès du registraire afin de confirmer que ces enregistrements existent [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3e) 410 (COMC)]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial. Je concentrerai mon analyse sur la probabilité de confusion entre l’enregistrement no LMC757,275 de l’Opposante pour 66° NORTH & Dessin et la Marque. Si l’opposition de l’Opposante n’est pas accueillie en fonction de cette marque, alors elle ne sera pas accueillie en fonction de son autre marque, puisque la Marque a un plus grand degré de ressemblance avec cette marque comparativement à l’autre.

Test en matière de confusion

[16]  Le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[17]  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, la Cour suprême du Canada a établi l’approche à prendre (au para 20) :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques […]

[18]  Le concept de « consommateur ordinateur » a été abordé dans Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 au para 58 :

[…] Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., 1942 CanLII 344 (UK JCPC), [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [TRADUCTION] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [TRADUCTION] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [TRADUCTION] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

[19]  Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[20]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, supra au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC), au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[21]  Les marques de commerce des parties possèdent, dans une certaine mesure, un caractère distinctif inhérent, puisqu’il n’y a aucune preuve que les latitudes indiquées dans les marques (66° North et 82°North) sont descriptives des produits des parties ou qu’elles sont familières aux consommateurs. Dans la mesure que ces coordonnées de latitude suggèrent un emplacement dans le Nord, les marques de commerce des parties suggèrent les produits de vêtement d’hiver connexes et, par conséquent, sont des marques faibles. Enfin, la Marque a un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé que la marque de commerce 66° NORTH & Dessin de l’Opposante en raison des caractéristiques plus élabores de son dessin.

Mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

[22]  Ce facteur favorise l’Opposante, puisqu’elle a démontré que sa marque de commerce 66° NORTH & Dessin est connue dans une plus grande mesure que la Marque.

[23]  La preuve de Fannar Páll Aŏalsteinsson, directeur des projets de marketing de l’Opposante, présente la preuve suivante d’un caractère distinctif acquis qui renforce la protection accordée à sa marque de commerce 66° NORTH & Dessin.

·  Depuis au moins les années 1970, l’Opposante a mené ses activités sous le nom 66° NORTH. Ce nom découle de la ligne de latitude du cercle arctique qui touche la région de l’Islande où l’entreprise a été fondée en 1926. La marque de commerce 66° NORTH & Dessin est mise en évidence sur les vêtements de l’Opposante (para 7).

·  L’Opposante a un magasin de détail au Canada (para 8) et un distributeur majeur entreprise à entreprise pour les vêtements de pêcheurs (para 8). L’Opposante vend également des produits en ligne à partir du site Web au www.66north.com, traitant les commandes pour ses produits du monde entier, y compris le Canada (para 8). L’Opposante offre la vente en ligne depuis 2005 (para 8).

·  L’Opposante joint des photos et des captures d’écran représentatives de ses produits montrant comment sa marque de commerce 66° NORTH & Dessin est affichée (Pièce B). M. Aŏalsteinsson explique que [traduction] « l’apparence des marques sur les vêtements correspond à la façon dont les produits sont mis en marché depuis leur premier lancement au Canada jusqu’à ce jour » (Pièce B, para 12) et que [traduction] « tous les produits, sans exception, offerts par l’Opposante mettent en évidence les marques de commerce 66° NORTH » (para 10).

·  L’Opposante fournit des renseignements sur les ventes mondiales annuelles entre 2010 et mai 2016. Les ventes annuelles au Canada de 2010 à 2015 n’étaient pas inférieures à 300 000 $ CAN par année (para 14) (aux fins de cette décision, j’ai pris connaissance d’office que 100 ISK et 1 $ CAN ont été en général équivalents au cours de la dernière décennie). La preuve de ventes de l’Opposante est appuyée par des factures jointes à titre de Pièce D montrant approximativement 50 000 $ en ventes.

·  Bien que la preuve soit que l’Opposante ait publicisé et fait la promotion de ses marques de commerce 66° NORTH dans des magazines, lors de salons professionnels et sur les médias sociaux comme Facebook, Twitter, YouTube, Google+ et Instagram (para 9 et 13), il n’y a aucune preuve qu’un consommateur canadien est conscient de cette promotion.

[24]  La preuve de la Requérante concernant le caractère distinctif acquis de sa marque de commerce est fournie par Mark Dervishian, le chef des opérations d’Arden Holdings (para 1). L’affidavit de M. Dervishan indique que la Requérante vend une ligne de vêtements d’hiver de mode avec la Marque dans les magasins Arden (para 7) et présente des photos de parkas qui comprennent la marque sur des étiquettes volantes et des étiquettes sur les ventes (Pièce C). La preuve de M. Dervishian est que Arden Holdings possède 369 magasins Ardene au Canada (para 5). Compte tenu du nombre de magasins Arden, je conclus qu’il est raisonnable de déduire que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure. Cependant, dans l’absence de renseignements sur les ventes, je ne peux pas conclure que la Marque a acquis un caractère distinctif qui s’approche de celui de l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[25]  La demande a été produite pour un emploi proposé le 27 juin 2014; pour sa part, l’Opposante a fourni la preuve de ventes au Canada depuis au moins septembre 2010 au moyen de renseignements sur ses ventes, de photos des produits et de la déclaration de M. Aŏalsteinsson que les photos à la Pièce B correspondent à la façon dont les produits de l’Opposante ont été mis en marché depuis leur lancement (para 12 et 14, Pièce B).

Genre de produits et nature du commerce

[26]  C’est l’état déclaratif des produits de la Requérante, tel que fourni dans sa demande, comparativement aux produits visés par l’enregistrement de l’Opposante qui gouverne ma décision concernant ce facteur [Esprit International c Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 CPR (3e) 89 (COMC) aux p. 98 et 99].

[27]  Le site Web de l’Opposante montre que ses produits varient en coût, de 19,00 $ pour un chapeau à 680 $ pour un parka (la devise n’est pas indiquée). De nombreuses vestes de l’Opposante sont dans les environs de 200 $. La preuve de la Requérante est qu’elle possède 369 magasins Ardene au Canada (affidavit Dervishian, para 5) et que son objectif principal est d’offrir aux clients des produits à la mode à des prix qui sont abordables (para 4). M. Dervishian affirme que les prix moyens des produits vendus à Ardene sont 15 $ pour les chaussures, 22 $ pour l’habillement et 10,50 $ pour les accessoires. La gamme de produits 82° NORTH est vendue à des prix variants de 98,50 $ à 119,50 $ CAN (para 7).

[28]  Le genre des produits se chevauche, puisque les produits des deux parties visent à garder les consommateurs au chaud en hiver. La Marque couvre les parkas, les vestes, les manteaux, les chapeaux, les foulards, les gants et les mitaines [traduction] « pour la vente exclusive dans les magasins de détail de la requérante ou licenciés ». Les enregistrements de l’Opposante comprennent des vestes, des chaussettes et des mitaines (enregistrement no LMC481,681) et des vestes, des chapeaux, des mitaines, des gants et des passe-montagnes (enregistrement no LMC757,275).

[29]  La preuve des parties indique que les produits des parties sont vendus à différents prix et peuvent s’adresser à des segments différents du marché. Je ne conclus pas que cela signifie que les produits ou le commerce sont d’un genre différent ou d’une nature différente [Bagagerie SA c Bagagerie Willy Ltée 1992 CanLii 8489, 45 CPR (3e) 503 à la p. 509-51]. Dans Tommy Hilfiger Licensing Inc. c International Clothiers Inc, 2003 CF 1087 au para 43(3), le juge MacKay explique ce qui suit :

[…] De façon globale, les marchandises auxquelles elles sont associées, notamment les polos pour hommes et les ensembles shorts pour garçons, appartiennent à la même catégorie de marchandises, c’est-à-dire des vêtements pour hommes et garçons, soit le marché général que les demanderesses et INC desservaient. Ces marchés étaient peut-être différents au plan de la richesse ou des intérêts comparatifs des consommateurs éventuels. Les marchandises des demanderesses sont décrites comme des marchandises haut de gamme, destinées à tous les groupes d’âge, tandis que celles de la défenderesse sont décrites comme des marchandises élégantes, en vogue, au goût du jour et à prix modéré. Les parties ne considèrent pas leurs marchandises comme des marchandises comparables au plan de la qualité ou de la conception et ne se considèrent pas non plus comme des concurrents directs; cependant, à mon sens, la nature des marchandises est généralement similaire et les parties exercent une seule activité commerciale, soit la vente de vêtements, dont des vêtements pour hommes et pour garçons.

De plus, il n’y a aucune restriction dans l’enregistrement de l’Opposante qui la limite à vendre seulement des produits d’une certaine qualité et à un certain prix [Suzuki Motor Corp c Hayabusa Fightwear Inc., 2014 CF 784 au para 46 où la cour soutient que, dans l’examen de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce et lorsqu’il s’agit d’une marque déposée, il faut tenir compte non seulement de la portée des droits conférés par l’enregistrement, mais aussi de l’emploi potentiel de la marque aussi bien que son emploi réel].

[30]  Je ne crois pas que la restriction dans la demande [traduction] « pour la vente exclusive dans les magasins de détail de la requérante ou licenciés » réduit nécessairement la probabilité de confusion. En particulier, la partie de la restriction qui indique « magasins de détail licenciés » permettrait à la Requérante de vendre dans tout établissement de détail, tant qu’il est licencié.

[31]  Enfin, je considère que les cas présentés par la Requérante dans son plaidoyer écrit peuvent être distingués de cette opposition. D’abord, la conclusion de l’effet de la différence dans le genre des produits et les voies de commercialisation et la réduction de la probabilité de confusion dans Bally Schuhfabriken, [1992] 41 CPR (3e) 205 au para 18 (COMC) semblent être fondés en partie sur une preuve sous forme de sondage. Deuxièmement, les conclusions de la Cour fédérale dans A&W Food Services of Canada c McDonald’s Restaurants, 2005 CF 406 aux para 81 et 82 semblent être fondées sur les faits propres à l’industrie de la restauration rapide.

Degré de ressemblance

[32]  Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques [Veuve Clicquot, supra au para 20].

[33]  Les marques des parties se ressemblent quelque peu en raison du fait qu’elles consistent toutes deux en un nombre de deux chiffres avec un symbole de degré et le mot « North », bien que les différences dans les nombres et les dessins entraînent certainement quelques différences visuelles. Le premier élément d’une marque est souvent considéré comme étant plus important aux fins de la distinction, toutefois, lorsque le premier élément est un élément non distinctif, comme c’est le cas avec les premiers éléments étant les nombres 66 et 82, l’importance du premier élément est atténuée [Conde Nast Publications Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2e) 183 (CF 1re inst); 100 Mile Market Inc c Catch International Inc, 2013 COMC 4]. Dans la mesure que les marques des parties suggèrent une idée particulière à un consommateur, je conclus que c’est que les produits concernent les conditions froides. J’estime que la ressemblance entre les marques lorsqu’elles sont examinées dans leur ensemble est un facteur qui ne favorise aucune des parties.

État du registre et preuve du marché

[34]  L’état du registre et la preuve du marché favorisent un requérant lorsque la présence d’un élément commun dans les marques fait que les acheteurs portent une plus grande attention aux autres caractéristiques des marques et leur permettent de les distinguer au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327 au para 42].

[35]  Par exemple, dans Kellogg Salada Canada Incs c Maximum Nutrition Ltds, [1992] 3 CF 442, 43 CPR (3e) 349 (CA), où le litige portait sur la question de l’existence de confusion entre la marque de commerce NUTRI-VITE et les marques de commerce NUTRI-MAX et NUTRI-FIBRE, la CAF a conclu que les consommateurs étaient habitués de faire des distinctions fines entre les diverses marques de commerce NUTRI en fonction des petites différences dans leurs suffixes. Dans Kellogg, il y a avait au moins 47 enregistrements de marques de commerce et 43 noms commerciaux, en plus de 18 autres enregistrements de marques de commerce après la date de production, qui contenaient le mot « Nutri » dans la marque.

[36]  Dans McDowell, le juge MacTavish explique que la preuve d’enregistrements de marques de commerce de tiers avec un élément commun est seulement pertinente lorsque les marques de commerce déposées sont communément employées dans le marché en question : Cie Gervais Danone c Astro Dairy Products Ltd, 1999 CanLii 7656 (CF), 160 FTR 27 au para 17, [1999] ACF No 408 (CF 1re inst). Pour qu’on puisse inférer qu’un mot ou un élément est commun au marché, il doit y avoir une preuve d’emploi commun dans le marché par des tiers : Cie Gervais, supra aux para 17 et 18; Kellogg, supra au para 14.

[37]  L’affidavit de Mme Virtue-Deshaies comprend les résultats de recherche de demandes d’enregistrement et d’enregistrements de marques de commerce contenant ce qui suit : i) un nombre avec le mot DEGREE; ii) un nombre avec un symbole de degré; et iii) un nombre avec le mot NORTH. Mme Virtue-Deshaies a également mené des recherches sur Internet. Mme Virtue-Deshaies décrit ses recherches Internet comme suit (para 4.2) :

[traduction]

des recherches sur Inernet pour trouver les marques de commerce contenant les combinaisons susmentionnées qui sont employées dans le marché canadien, mais pas nécessairement inscrites dans le registre des marques de commerce canadiennes.

[38]  Je suis prête à accorder une importance limitée à la preuve de Mme Virtue-Deshaies, puisqu’il semble évident que certains tiers emploient activement des marques de commerce et des noms commerciaux qui comportent un nombre, le mot NORTH et le mot DEGREE ou le symbole ° dans le secteur général dans lequel les parties mènent leurs activités. Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante dans une certaine mesure, avec les trois réserves suivantes. D’abord, il n’est pas clair qu’un nombre suffisant d’enregistrements pertinents et d’exemples d’emploi dans les secteurs des parties ait été fourni pour que ce facteur favorise grandement la Requérante. Deuxièmement, il y a très peu de preuves que l’une de ces marques de commerce ou l’un de ces noms commerciaux de tiers a acquis une quelconque réputation dans le marché. Troisièmement, la plupart des marques trouvées dans la recherche ne ressemblent pas autant à la marque de commerce 66° NORTH & Dessin de l’Opposante que la Marque. J’approfondis ces points ci-dessous. La preuve de Mme Virtue-Deshaies n’a trouvé que quelques cas où chacun de ces éléments était présenté ensemble d’une manière semblable à la Marque et aux marques de commerce de l’Opposante, y compris les suivants. Mes commentaires sur les enregistrements les plus pertinents sont fournis ci-dessous.

No de marque de commerce

Marque de commerce

Commentaires

LMC540,941

48E NORD ABITIBI-TÉMISCAMINGUE & DESSIN

Les recherches du site Web montrent qu’il s’agit d’une organisation commerciale qui fait la promotion de l’Abitibi-Témiscamingue, conformément aux services visés par l’enregistrement.

LMC643,660

90º NORTH & design

Le site Web montre une veste vendue sous le nom de marque 90° NORTH avec une note [traduction] « DISPONIBLE BIENTÔT » sur le site Web.

LMC643,877

90° NORTH

LMC821,935

https://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1522897/10

Enregistrée pour un emploi en liaison avec des pièces et des composantes de bicyclettes.

LMC852,576

North 44 & Design

Le site Web montre que cette entreprise est un restaurant, conformément aux services visés par l’enregistrement.

LMC696,925

NORTH 49

Les produits visés par l’enregistrement comprennent des vestes et des parkas d’hiver.

LMC328,733

ZERO DEGREE

Ces marques couvrent des produits pertinents, toutefois elles semblent indiquer une température.

LMC702,957

ZERO DEGREE

LMC381,251

DEGRÉ 7

Les produits visés par l’enregistrement comprennent des parkas.

LMC470,764

30 BELOW DESIGN

Les produits visés par l’enregistrement sont des articles chaussants pour hommes et garçons, mais la marque de commerce semble suggérer une température.

LMC617,240

NORTH FORTY FOUR

Les produits visés par l’enregistrement sont des vestes, des manteaux et des chapeaux.

LMC692,115

Townhoppers & Design

Les produits visés par l’enregistrement comprennent des vestes et des chapeaux.

[39]  En ce qui a trait aux marques trouvées au moyen de recherches Internet, y compris 32 Degrees, vêtements 11 Degrees, 360 DEGREES NW et Six Degrees Apparel, il n’y a aucune preuve que des produits associés à ces marques ont été vendus au Canada, achetés par des Canadiens ou sont autrement connus aux Canadiens. Par conséquent, je ne peux pas conclure que les marques formées des éléments communs sont employées de manière plutôt étendue dans le marché où les marques qui sont examinées sont employées ou seront employées [Kellogg Salada, supra à la p. 359].

[40]  Ci-dessous, je souligne d’autres lacunes dans la preuve de Mme Virtue-Deshaies qui diminuent son poids.

a)  Les recherches de Mme Virtue-Deshaies ont trouvé des demandes qui ne sont pas encore acceptées et des demandes acceptées produites pour l’emploi et l’enregistrement à l’étranger et l’emploi proposé. Dans l’absence de preuves d’emploi, ces demandes ne permettent pas d’inférer que ces marques sont employées au Canada : 2 DEGREES Logo (1,674,758), 105 DEGREES (1,721,659); 360 DEGREE SENIOR LIVING PROFILE (1,745,120) et 66° NORDLAND (1,752,449). En ce qui a trait à la demande pour NORTH 40 OUTFITTERS & Dessin (1,696,243), cette demande n’a fait que l’objet d’une recherche et le site Web joint ne mentionne que l’expédition aux États-Unis.

b)  Les recherches de Mme Virtue-Deshaies dans la base de données des marques de commerce et les sites Web ont également dévoilé plusieurs résultats non pertinents, puisque les propriétaires de ces marques de tiers mènent leurs activités dans des domaines d’intérêt complètement différents de ceux de la Requérante et de l’Opposante. Ceux-ci comprennent un brasseur (demandes no 1,779,719 et 1,779,721), une entreprise de productions cinématographiques (demandes no 1,761,123, 1,761,134, 1,761,136 et 1,761,138), une entreprise d’automobiles dont la marque est présentée sur les voitures miniatures HOT WHEELS (LMC854,674), un restaurant (LMC852,576), une entreprise de paintball (LMC623,556); des entraîneurs en conditionnement physique (LMC876,423); un torréfacteur à café (LMC926,322); un promoteur de musique dans la ville de Toronto (LMC942,491); un groupe de musique (650 NORTH); une entreprise de bicyclette (1,695,023); et des accessoires de semelle détachables antidérapants moulés avec crampons (LMC877,359).

c)  Alors que les marques des parties montrent trois points communs, soit un nombre, le mot degré ou le symbole ° et le mot NORTH, plusieurs marques indiquées par Mme Virtue-Deshaies comportent un seul de ces éléments. D’autres comprennent deux de ces éléments, mais sont très différents des marques des parties. Les marques suivantes ne permettent pas d’inférer que les consommateurs peuvent faire la distinction entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante : NORTH END TECHNO3.1 (LMC612,454); 360° FIT & Dessin (LMC634,367); SIX DEGREES (LMC693,408); SIX DEGREES OF SEPARATION (LMC744,177); Dessin FERRARI 150 ITALIA (LMC854,674); 3RD Degree TRAINING (LMC876,423); 23 DEGREES ROASTERY & Dessin (LMCA926,322); vêtements NORTH END; SPIN 180° (LMC547,784); V° 73 (LMC866,680); LOFT 8° & Dessin (LMC718,184); THE NORTH DEGREE & Dessin (LMC572,312); Dessin SEVAEN (1,736,498); 361° & Dessin (LMC794,855); 361° DEGREE BEYOND (1,701,125 et 1,701,123); ONE DEGREE BEYOND (1,701,128); et vêtements NORTH FACE.

 

Conclusion sur la probabilité de confusion

[41]  Le test à appliquer est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir d’une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin, supra].

[42]  Le test ultime est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce 66° North & Dessin, qui voit les Produits avec la Marque; le consommateur croira-t-il que l’Opposante est à l’origine de ces Produits? En particulier, comme il a été indiqué par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd c St Regis Tobacco Corp [1969] SCR 192 (CSC) à la p. 202 :

[traduction]

Sans aucun doute il est vrai que si l’on examine soigneusement les deux marques, on les distinguera facilement. Cependant, ce n’est pas sur ce critère qu’il faut décider s’il y a une probabilité de confusion.

[...] les marques ne seront normalement pas vues côte à côté et [la Cour doit] protéger contre le danger qu’une personne voyant la nouvelle marque puisse croire qu’il s’agit de la même qu’il a vue auparavant ou même qu’il s’agit d’une nouvelle marque ou d’une marque connexe du propriétaire de l’ancienne marque. (citant en partie Halsbury’s Laws of England, 3e édition, vol. 38, au para 989, à la p. 590)

[43]  Je conclus que les probabilités entre une probabilité raisonnable de confusion et aucune probabilité raisonnable de confusion sont équilibrées. La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de prouver que l’acheteur moyen, lors d’une première impression et avec un vague souvenir de la marque de commerce 66° North & Dessin de l’Opposante, serait en mesure de distinguer la Marque. Avec cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que seule l’Opposante a démontré des preuves de sa marque dans une mesure importante et qu’il y a un chevauchement du gendre des produits et de la nature du commerce. Ce motif d’opposition est donc accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[44]  Afin de s’acquitter de son fardeau initial concernant son motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé l’une de ses marques de commerce en date du 27 juin 2014 et qu’elle n’avait pas abandonné un tel emploi en date du 4 mars 2015 (voir l’article 16(5)). La preuve de l’Opposante formée de photographies de ses produits à la Pièce B comprenant la marque de commerce 66° NORTH & Dessin; de la déclaration de M. Aŏalsteinsson que la façon dont la marque de commerce est présentée correspond à la façon dont les produits sont mis en marché depuis leur lancement au Canada (para 12); et de factures à la Pièce D, dont plusieurs sont datées avant la date pertinente, est suffisante pour s’acquitter de son fardeau de preuve. La Requérante doit maintenant démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce 66° NORTH & Dessin de l’Opposante à la date de production de sa demande.

[45]  J’estime que la différence dans les dates pertinentes n’a pas une influence importante sur la détermination de la question de la confusion. Ce motif d’opposition est donc accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[46]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)].

[47]  L’Opposante a plaidé que la Marque ne fait pas la distinction avec les Produits, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce 66°N et 66° NORTH & Dessin de l’Opposante. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, puisque sa preuve de ventes établit que sa marque de commerce 66° NORTH & Dessin avait, en date du 24 avril 2015, acquis une réputation importante, significative ou suffisante au Canada [voir Bojangles' International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4e) 427 au para 34 (CF)]. J’estime que la différence dans les dates pertinentes n’a pas une influence importante sur la détermination de la question de la confusion. Ce motif d’opposition est donc accueilli.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 30b), 30e) et 30i)

[48]  L’Opposante n’a fourni aucune preuve et n’a fait aucune observation appuyant ses motifs d’opposition fondés sur les articles 30b) et 30e) de la Loi. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve concernant ces motifs d’opposition et ils sont rejetés.

[49]  En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a des preuves de mauvaise foi de la part d’un requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2e) 152 (COMC) à la p. 155]. Puisque l’Opposante n’a fourni aucune preuve de mauvaise foi, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[50]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément à l’article 38(12) de la Loi.

 

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-01-07

COMPARUTIONS

Paul W. Braunovan
Méliane Etien-Usher

 

POUR L’OPPOSANTE

Maxime Gagné
Clara Martel

 

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

PERLEY-ROBERTSON, HILL & MCDOUGALL LLP

POUR L’OPPOSANTE

CABINET JURIDIQUE ST. LAWRENCE S.E.N.C.R.L. / ST. LAWRENCE LAW FIRM LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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