Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 88

Date de la décision : 2020-07-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Jeunesse Global Holdings, LLC

Partie requérante

et

 

LaFontaine Source De Jeunesse Corporation

Propriétaire inscrite

 

LMC403,697 pour JEUNESSE

Enregistrement

Introduction

[1]  Le 6 novembre 2017, à la demande de Jeunesse Global Holdings, LLC (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé un avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) à LaFontaine Source De Jeunesse Corporation (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC403,697 pour la marque JEUNESSE (la Marque). La Marque est enregistrée en liaison avec les services [traduction] « Exploitation d’un spa de soins de la peau ».

[2]  Conformément à l’avis, la Propriétaire devait fournir une preuve, soit au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, montrant qu’elle avait employé la Marque au Canada, à un moment donné entre le 6 novembre 2014 et le 6 novembre 2017 (la Période pertinente), en liaison avec les services précisés dans l’enregistrement. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[3]  La Propriétaire n’était pas représentée par un avocat ou un agent de marques de commerce dans ses rapports avec le registraire à ce sujet. La preuve et les observations écrites de la Propriétaire ont plutôt été présentées par une personne nommée Arthur Froom, identifiée différemment dans sa correspondance au registraire comme étant le directeur général de « LaFontaine Source De Jeunesse Corporation » [selon les lettres au registraire datées du 31 mai 2019 et du 21 septembre 2018], de directeur-actionnaire-vice-président de « LaFontaine Source De Jeunesses Corporation » [selon la lettre au registraire datée du 21 septembre 2018], de directeur-président de « LaFontaine Source De Jeunesse » [selon une lettre au registraire datée du 31 mai 2019] et d’administrateur de « 2186704 ONTARIO INC. T/A Lafontaine Source de Jeunesse Corporation et LaFontaine Source De Jeunesse, Inc. » [selon les lettres au registraire datées du 11 mai 2018 et du 18 décembre 2017].

[4]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a présenté un document identifié comme « AFFIDAVIT OF ARTHUR FROOM AS PROOF OF USE OF MARKS DURING THE THREE (3) YEARS PRIOR TO THE S. 45 NOVEMBER 6, 2017 NOTICE DATE (SWORN SEPTEMBER 20, 2018” [AFFIDAVIT D’ARTHUR FROOM COMME PREUVE D’EMPLOI DES MARQUES PENDANT LES TROIS (3) ANNÉES AVANT LA DATE DE L’AVIS EN VERTU DE L’ART. 45 DU 6 NOVEMBRE 2017 (ASSERMENTÉ LE 20 SEPTEMBRE 2018] (l’Affidavit Froom). Comme nous le verrons ci-dessous, l’Affidavit Froom comprend plus de 200 pages de pièces. Parmi ces pièces, il y a deux documents qui sont eux-mêmes identifiés comme des affidavits, à savoir « AFFIDAVIT EVIDENCE OF JESSICA GUNAWARDANA » [PREUVE PAR AFFIDAVIT DE JESSICA GUNAWARDANA] datée du 18 septembre 2018 (l’Affidavit Gunawardana) et « AFFIDAVIT EVIDENCE OF LIA LAANEMETS AS EVIDENCE OF USE […] » [PREUVE PAR AFFIDAVIT DE LIA LAANEMETS COMME PREUVE D’EMPLOI [...]]. Le 7 septembre 2018 (l’Affidavit Laanemets).

[5]  La Partie requérante et la Propriétaire ont produit des observations écrites. Aucune audience n’a été demandée.

Résumé de la loi pertinente

[6]  L’article 45(1) de la Loi exige que le propriétaire d’une marque de commerce inscrite fournisse sa preuve sous la forme d’« un affidavit ou une déclaration solennelle ». Les exigences techniques pour constituer un affidavit ne sont pas précisées dans la Loi, mais sont généralement régies au Canada par les diverses règles provinciales de procédure civile, les Règles des Cours fédérales et la Loi sur la preuve au Canada. Pour les affidavits assermentés à l’extérieur du Canada, le registraire accepte généralement ces affidavits à condition qu’ils aient été assermentés conformément aux exigences de l’administration dans laquelle ils ont été assermentés [Dubuc c Montana (1991), 38 CPR (3d) 88 (COMC)]. La forme et les exigences d’une déclaration solennelle sont énoncées à l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada.

[7]  Les procédures prévues à l’article 45 sont de nature sommaire; leur but est de débarrasser le registre des marques de commerce du « bois mort ». Par conséquent, de simples lacunes techniques dans la preuve d’un propriétaire ne devraient pas empêcher la réponse réussie à un avis en vertu de l’article 45 [Baume & Mercier SA c Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)], et il a été conclu que les [traduction] « exigences techniques » de l’article 45 ne devraient pas devenir un [traduction] « piège pour la personne imprudente » [George Weston Ltd c Sterling & Affiliates (1984), 3 CPR (3d) 527 (1re inst)]. Par exemple, le registraire a décidé qu’il n’était pas tenu de respecter strictement les règles de pratique de la Cour fédérale en ce qui a trait à la preuve d’un propriétaire inscrit [Maximilian Fur Co c Maximillian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 CPR (2d) 146 (COMC), au para 9]. Dans certains cas, des pièces non notariées ou mal notariées d’un affidavit ont été admises comme preuve lorsqu’aucune opposition n’a été soulevée en temps opportun par la partie requérante [Adams c Société des Produits Nestlé SA (1996), 72 CPR (3d) 100 (COMC), aux para 13 et 14]. Dans d’autres cas, le registraire a conclu qu’il n’est pas nécessaire de notarier les pièces à un affidavit si les pièces sont correctement identifiées dans le corps de l’affidavit [Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer c Pharmaglobe Laboratories Ltd (1996), 75 CPR (3d) 85 (COMC), au para 7].

[8]  Un propriétaire est autorisé à déposer de nombreux affidavits en réponse à un avis en vertu de l’article 45, y compris des affidavits de tiers [Baume & Mercier SA c Brown carrying on business as Circle Import (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)].

[9]  Toutefois, la preuve produite par un propriétaire inscrit doit tout de même constituer un « un affidavit ou une déclaration solennelle » afin de se conformer à l’article 45(1) de la Loi. Dans le cas contraire, ces éléments de preuve ont été jugés irrecevables [Indian Motorcycle International, LLC c 680187 Ontario, 2006 CarswellNat 4928 (COMC), aux para 6 à 9; voir également Riches, McKenzie & Herbert LLP c Sena Marketing Inc, 2014 COMC 255, 130 CPR (4th) 189].

[10]  En supposant que la preuve d’un propriétaire est admissible, il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi dans un affidavit ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte des procédures en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de ces procédures soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[11]  En ce qui concerne les services, la présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) lorsque le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter ces services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2e) 20 (COMC)].

Analyse

[12]  En l’espèce, je suis conscient du fait que la Propriétaire n’a pas été représentée par un avocat ou un agent de marque de commerce inscrit dans le cadre de ces procédures et que des lacunes techniques ne devraient pas empêcher la réponse à un avis prévu à l’article 45. Néanmoins, à mon avis, les lacunes dans la preuve de la Propriétaire dans cette affaire sont si fondamentales et si nombreuses qu’elles représentent plus que de simples détails techniques, et rendent plutôt la preuve de la Propriétaire irrecevable. Par conséquent, je conclus que la Propriétaire n’a pas produit de preuve conformément à l’article 45(1) de la Loi et que son enregistrement devrait être radié.

[13]  Comme il a été mentionné ci-dessus, la Propriétaire a inclus l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets comme pièces à l’Affidavit Froom. Dans mon analyse de la preuve, j’ai examiné le bien-fondé de ces trois documents comme si la Propriétaire avait déposé trois affidavits distincts (bien que, comme nous en discuterons ci-dessous, il y ait une certaine ambiguïté quant à savoir si certaines pièces étaient destinées à servir de pièces à l’Affidavit Froom ou à l’Affidavit Gunawardana). En fin de compte, à mon avis, rien ne tourne autour de cette façon quelque peu inhabituelle dont l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets ont été déposés en l’espèce.

[14]  Tout d’abord, je vais examiner les lacunes communes des trois « AFFIDAVITS », puis je vais aborder les questions propres à chaque document.

Lacunes communes aux trois « AFFIDAVITS »

[15]  Il y a deux lacunes communes à chacun des affidavits Froom, Gunawardana et Laanemets.

[16]  Premièrement, aucun des trois documents ne contient une indication que le contenu soit fourni sous serment ou sous déclaration solennelle. Bien que chacun de ces documents contienne un constat d’assermentation à la fin signé par un notaire ou un commissaire, il a été conclu que la présence d’un constat d’assermentation n’est pas nécessairement suffisante pour corriger l’absence d’indication que les faits aient été fournis sous serment ou déclaration solennelle. À cet égard, l’analyse suivante dans Dr Ing hcf Porsche AG c Procycle Inc (1982), 45 CPR (3d) 432 (COMC), aux para 9 à 10, invoquée par la Partie requérante, est instructive :

Un affidavit doit nécessairement être assermenté. Comme l’a signalé l’opposant, la décision rendue dans l’affaire Dobrinsky c. Kubara [1949] 1 W.W.R. 65 peut être invoqué à l’appui de la proposition selon laquelle l’affidavit dont l’auteur ne précise pas que les déclarations qu’il contient ont été faites sous serment n’est pas admissible. En outre, dans l’affaire Dobrinsky, le juge Kelly invoque la décision rendue dans l’affaire In re Newton, (1860) De G F & J, 45 ER 522, où il est déclaré « that the omission of the material words 'make oath' is not cured by the jurat stating: 'Sworn by the said deponents' ». De plus, les documents ne peuvent être considérés comme des déclarations solennelles parce qu’ils ne se conforment pas à l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada qui énonce la formule selon laquelle doit être faite une déclaration solennelle.

Bien qu’elle ait été mise au courant par le plaidoyer écrit de l’opposant des lacunes alléguées dans les quatre documents, la requérante a choisi de poursuivre l’instance en supposant les documents admissibles en preuve. Bien que la Commission des oppositions soit disposée à passer sur les irrégularités techniques du constat d’assermentation d’un affidavit ou sur d’autres objections semblables à la preuve, en particulier lorsque ces objections sont soulevées pour la première fois à l’audience, je suis d’avis que les lacunes dans les quatre documents ne sont pas de, simples vices de forme ou irrégularités techniques sur lesquelles il convient de passer.

Par conséquent, je conclus que les quatre documents sont inadmissibles en preuve dans la présente.

[17]  En l’espèce, aucun des trois « AFFIDAVITS » soumis par la Propriétaire ne mentionne pas les faits fournis sous serment, et aucun ne satisfait aux exigences d’une déclaration solennelle en vertu de l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada.

[18]  De plus, la Propriétaire a été avisée par les observations écrites de la Partie requérante que la Partie requérante contestait l’admissibilité de la preuve de la Propriétaire au motif qu’elle n’avait pas été fournie sous serment ou sous déclaration solennelle, et la Propriétaire n’a pris aucune mesure pour tenter de corriger la question alléguée (par exemple, en demandant une prolongation de délai rétroactive afin de produire un affidavit ou une déclaration solennelle rectifié).

[19]  Deuxièmement, je note que l’Affidavit Froom, l’Affidavit Gunawardana ou l’Affidavit Laanemets ne contiennent pas de renseignements d’identification personnelle habituels concernant l’auteur de l’affidavit (comme, par exemple, la ville et/ou le comté de résidence de l’auteur de l’affidavit) qui démontrent au lecteur que le commissaire ou le notaire a pu confirmer l’identité de l’auteur de l’affidavit avant l’assermentation. Bien qu’il s’agisse d’un point apparemment mineur, combiné aux autres irrégularités dans ces documents, il me laisse en outre douter de leur fiabilité.

[20]  Dans ses observations écrites, la Propriétaire fait valoir que, puisque l’Affidavit Froom (qui, de son point de vue, comprend l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets) a été assermenté en Floride, il a été assermenté conformément aux exigences de cette administration, qui, selon ce que soutien la Propriétaire, ne comporte pas la notarisation des pièces, et qu’elle devrait donc être admissible dans son intégralité devant le registraire. Toutefois, à mon avis, cet argument ne contourne pas la question de seuil à savoir si l’Affidavit Froom, l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets constituent du tout des affidavits aux fins de l’article 45(1) de la Loi, étant donné l’absence d’éléments fondamentaux comme une indication que les faits dans les documents ont été fournis sous serment, et des renseignements de base pour démontrer la confirmation de l’identité des auteurs des affidavits. Compte tenu de ces lacunes, à mon avis, je dois conclure que l’Affidavit Froom, l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets ne constituent pas des affidavits ou des déclarations solennelles aux fins de l’article 45(1) de la Loi et qu’ils sont donc irrecevables. Toutefois, si je me trompe sur ce point, je constate qu’il y a d’autres problèmes avec chacun de ces documents, dont il est question ci-dessous, qui m’amène à conclure que la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

L’Affidavit Froom

[21]  M. Froom s’identifie au paragraphe 1 comme étant un [traduction] « membre du conseil d’administration de l’entreprise/directeur, actionnaire principal, directeur juridique et dirigeant de LaFontaine Source De Jeunesse (ci-après “LSDJ”) (situé au 890A, rue Young [sic], Toronto (Ontario) M4W 3P4 [...] ». M. Froom n’indique pas où il réside; toutefois, au paragraphe 14, il déclare que [traduction] « je suis actuellement en Floride » et le constat d’assermentation, à la page 19 de l’Affidavit Froom, indique que le document a été signé dans la ville de Hallandale Beach dans l’État de Floride.

[22]  Le corps de l’Affidavit Froom est de dix-neuf (19) pages et les pièces sont de plus de deux cents (200) pages. À bien des égards, le corps de l’Affidavit Froom se lit davantage comme les observations écrites d’une partie que comme un affidavit de fait. Il contient de nombreux arguments juridiques, des citations de la jurisprudence et des pages d’allégations non pertinentes concernant les affaires de la Partie requérante. Par conséquent, même si j’ai examiné l’Affidavit Froom dans son intégralité, je limiterai ma discussion sur son contenu aux éléments que je considère comme pertinents pour résoudre cette procédure.

[23]  En introduction, au paragraphe 6 de l’Affidavit Froom, M. Froom déclare ce qui suit :

[traduction]

[…] LSDJ est un centre de chirurgie esthétique plein service et de soins de la peau qui offre, fait la promotion, met en marché et vend des services de soins de beauté, médicaux, chirurgicaux, de spa traditionnel, de spa de santé et de beau et de spa médical en liaison avec la marque Jeunesse et Source De Jeunesse (y compris pendant les années 2014, 2015, 2016 et jusqu’au 6 novembre 207 (les moments pertinents). La marque a été employée par les sociétés. LSDJ (et les sociétés qui l’ont précédée) a ou ont utilisé la marque « Jeunesse » en liaison avec les services de spa ou de soins de santé et de beauté, les services de chirurgie esthétique et de chirurgie plastique (qui font partie des services de spa ou de soins de santé et de beauté ou de spa médical) pendant les trois années précédant le 6 novembre 2017. [Souligné dans l’original.]

[24]  Les pièces jointes à l’Affidavit Froom comprennent diverses factures, listes de prix, imprimés du site Web et photographies ayant trait à l’entreprise décrite ci-dessus dans le but de démontrer l’emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

[25]  Aucune des pièces de l’Affidavit Froom ne comporte d’onglets ou n’est notariée. Les pièces comportent plutôt des numéros de page individuels, et ces numéros de page sont référencés dans le corps du document. Toutefois, les références aux numéros de page dans le corps de l’Affidavit Froom ne sont pas uniformes. Par exemple, au paragraphe 12, M. Froom déclare que [traduction] « Les Pièces sont annexées à la présente, mon affidavit, en tant que pages 1 à 121 ». Plus loin au paragraphe 12, M. Froom décrit diverses pièces sur les pages numérotées de 1 à 232. Au paragraphe 13, M. Froom déclare [traduction] « [...] les pièces se trouvent aux pages 1 à 110 [...] ».

[26]  Certains numéros de page de l’exposition ont été appliqués à l’aide d’un timbre, tandis que d’autres ont été appliqués à la main. Pour les numéros de page appliqués à la main, plusieurs ont été biffés et renumérotés à la main avec des numéros de page différents, dans certains cas à plusieurs reprises (par exemple, voir les pages des pièces portant la numérotation finale 17.1 à 17.23 et 110).

[27]  Comme nous l’avons vu plus haut, le défaut d’avoir des pièces notariées n’est pas nécessairement fatal à l’admissibilité des pièces dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45. Toutefois, dans ce cas, l’absence de pièces notariées, combinée à la numérotation souvent révisée, annotée à la main des pages de la preuve, et aux références incohérentes des pages dans le corps du document, me laisse dans le doute quant aux pièces à l’Affidavit Froom, s’il y a lieu, qui étaient réellement présentes avec M. Froom et le notaire au moment de la signature du document, ou si les pièces ont été compilées et ajoutées plus tard. Puisque ce n’est pas clair, je conclus que les pièces à l’Affidavit Froom sont irrecevables.

[28]  Pour les motifs exposés dans la section précédente de la présente décision, je suis d’avis que l’intégralité de l’Affidavit Froom est irrecevable. Toutefois, même si j’acceptais le corps de l’Affidavit Froom comme étant admissible, je n’aurais pas jugé admissibles les pièces pour les motifs énoncés directement ci-dessus. Comme les pièces constituent le seul aspect de l’Affidavit Froom qui pourrait être considéré comme démontrant l’emploi de la Marque, la Propriétaire n’a démontré aucun emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

[29]  Ce qui précède suffit à trancher la question de savoir si l’Affidavit Froom démontre l’emploi de la Marque dans la Période pertinente. Toutefois, je note que même si j’avais accepté l’Affidavit Froom dans son intégralité comme étant admissible (y compris les pièces), à mon avis, il reste un manque de clarté quant à la personne morale qui aurait pu employer la Marque, et si cette entité était différente de la Propriétaire, si un tel emploi s’appliquait à l’avantage de la Propriétaire en vertu de l’article 50 de la Loi. Comme il a été mentionné ci-dessus, la Propriétaire identifiée dans l’enregistrement en question est « LaFontaine Source De Jeunesse Corporation ». Toutefois, l’Affidavit Froom laisse entendre qu’il s’agit simplement de la dénomination commerciale (et qu’elle apparaîtrait comme l’une des multiples dénominations commerciales identifiées dans la preuve de la Propriétaire) adoptée par une personne morale nommée 2186704 Ontario Inc. que M. Froom identifie aux paragraphes 19 et 27 comme étant le propriétaire de l’enregistrement, malgré que 2186704 Ontario Inc. n’ait pas été identifiée dans l’enregistrement lui-même. Une société affiliée qui aurait employé la Marque, LaFontaine Jeunesse Corporation, est également identifiée aux paragraphes 12, 18 et 54, mais il n’est pas clair quel emploi de la Marque a pu être faite par cette entité. Je m’abstiendrai d’évaluer le bien-fondé de ces questions, puisqu’il n’est pas nécessaire de régler la procédure à la lumière de mes constatations ci-dessus; toutefois, je note qu’à mon avis, l’Affidavit Froom manque de clarté sur ces questions.

L’Affidavit Gunawardana

[30]  Comme il a été mentionné ci-dessus, Mme Gunawardana ne précise pas où elle réside; toutefois, le constat d’assermentation à la page 3 indique que le document a été signé à Toronto, en Ontario, le 18 septembre 2020. Je note que l’avocate qui a commandé l’Affidavit Gunawardana s’est clairement identifiée, a bien identifié son matricule du Barreau et qu’elle a apposé ses initiales, numéroté, et apposé un sceau de notaire sur chacune des trois pages de l’Affidavit Gunawardana.

[31]  Mme Gunawardana déclare au paragraphe 2 qu’elle [traduction] « a été cliente de Lafontaine Source De Jeunesse au cours des 4 dernières années et pendant les trois années précédant le 6 novembre 2017 ». Elle indique en outre au paragraphe 3 que [traduction] « pendant la période où j’ai eu divers services ou traitements de spa, de soins de beauté et de santé, de soins de la peau » et elle fournit une liste de treize traitements de ce genre reçus entre les dates du 3 décembre 2014 et du 3 novembre 2017.

[32]  Au paragraphe 10 de l’Affidavit Gunawardana, elle déclare [traduction] « J’ai joint des copies de mes factures pour les services qui m’ont été rendus aux dates indiquées ». Les quatorze pages suivantes semblent être des factures à Mme Gunawardana de LaFontaine Source De Jeunesse Cosmetic Surgery Centre; toutefois, ces pages n’ont pas été notariées comme pièces à l’Affidavit Gunawardana. Plus particulièrement, ces pages n’ont pas de pages de couverture de pièce et n’ont pas été notariées, numérotées ou paraphées de quelque façon que ce soit par l’avocate qui a commandé le corps de l’Affidavit Gunawardana. Je suis donc laissé dans le doute quant à savoir si ces quatorze pages supplémentaires aient été en fait avec Mme Gunawardana lorsqu’elle a signé l’Affidavit Gunawardana, ou qu’elles aient été ajoutées par la suite. Le fait que ces quatorze pages qui suivent l’Affidavit Gunawardana n’aient pas été notariées, numérotées ou paraphées par l’avocat qui a fait la mise en service de la même manière que l’organe de l’Affidavit Gunawardana, me porte à croire que les factures n’étaient probablement pas présentes au moment de la signature du document. Par conséquent, je ne considère pas ces factures admissibles comme pièces à l’Affidavit Gunawardana.

[33]  Dans la mesure où ces factures étaient censées être des pièces à l’Affidavit Froom (elles sont également mentionnées à la page 3 du corps de l’Affidavit Froom), je les trouve également irrecevables pour les raisons énoncées ci-dessus dans la discussion de l’Affidavit Froom.

[34]  Compte tenu de ce qui précède, à mon avis, l’Affidavit Gunawardana ne démontre aucun emploi de la Marque par la Propriétaire pendant la Période pertinente.

Affidavit Laanemets

[35]  Mme Laanemets ne précise pas où elle réside, mais le constat d’assermentation, à la page 4 de l’Affidavit Laanemets, indique que le document a été signé à Toronto, en Ontario, le 7 septembre 2018. L’avocat qui a commandé le document a inclus l’annotation suivante avec le constat d’assermentation : « *NO LEGAL ADVICE SOUGHT OR GIVEN* » [AUCUN CONSEIL JURIDIQUE N’A ÉTÉ DEMANDÉ OU DONNÉ].

[36]  Mme Laanemets s’identifie au paragraphe 4 à titre de cliente de « Lafontaine Source De Jeunesse » et qu’elle est cliente depuis les huit dernières années, y compris les trois années précédant le 6 novembre 2017. Elle déclare ce qui suit aux paragraphes 5 et 6 de l’Affidavit Laanemets :

[traduction]

LaFontaine Source De Jeunesse est un centre de soins de la peau, un centre de chirurgie esthétique et plastique où sont effectuées les soins esthétiques, des services de spa et où sont vendus, utilisés, promus et annoncés des produits de soins de la peau connus sous les noms de Jeunesse, Source De Jeunesse et LaFontaine Source De Jeunesse sont vendus, utilisés, promus et annoncés une ligne de produits connue sous le nom de Jeunesse, Source De Jeuness [sic] and LaFontaine Source De Jeunesse. Je le sais parce que je suis cliente et j’utilise les produits et je leur demande également de les utiliser sur moi.

J’associe les mots et les noms « Jeunesse » et « Source De Jeunesse » à la ligne de soins cosmétiques et de soins de la peau Lafontaine Source De Jeuness [sic].

[37]  L’Affidavit Laanemets ne contient aucune pièce, notariée ou autre. Ainsi, l’Affidavit Laanemets est en fait constitué uniquement de simples allégations concernant l’emploi de la Marque, sans démontrer l’emploi de la Marque par la Propriétaire ou toute autre entité.

[38]  Je note également que l’Affidavit Laanemets contient de nombreuses allégations relatives aux activités de la Partie requérante et à la question de la confusion qui ne sont pas pertinentes à la question de savoir si la Propriétaire a employé ou non la Marque pendant la Période pertinente dans la présente procédure.

[39]  En somme, l’Affidavit Laanemets ne démontre aucun emploi de la Marque par la Propriétaire pendant la Période pertinente.

Conclusions concernant la preuve de la Propriétaire

[40]  Pour résumer, je conclus que l’Affidavit Froom, l’Affidavit Gunawardana et l’Affidavit Laanemets sont chacun inadmissibles dans leur totalité puisque les documents ne constituent pas des affidavits ou des déclarations solennelles aux fins de l’article 45(1) de la Loi. Par conséquent, la Propriétaire n’a produit aucune preuve admissible en réponse à l’avis en vertu de l’article 45.

[41]  De plus, même si j’avais jugé admissibles les corps de l’Affidavit Froom, de l’Affidavit Gunawardana et de l’Affidavit Laanemets, je n’aurais pas déterminé que les pièces sont admissibles, et c’est pourquoi la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

Décision

[42]  Puisque je ne dispose d’aucune preuve de circonstances spéciales excusant le défaut d’emploi, compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

Pour la Propriétaire inscrite

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour la Partie requérante

 

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