Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 75

Date de la décision : 2020-06-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

KAYU International, Inc.

Opposante

et

 

Kayu Canada Inc.

Requérante

 

1 739 663 pour KAYU CANADA

Demande

Introduction

[1]  KAYU International, Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce KAYU CANADA (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1 739 663, produite par Kayu Canada Inc. (la Requérante) au motif de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins 2008 en liaison avec les produits et services suivants :

Produits :

  • (1) Bois d’œuvre.

  • (2) Bois de construction.

  • (3) Bois d’œuvre de construction.

  • (4) Matériaux de construction, nommément bois d’œuvre, matériaux de bois dur tropical importé.

 

Services :

  • (1) Vente en gros de bois d’œuvre, de bois d’œuvre de construction et de bois de construction.

  • (2) Vente au détail de bois d’œuvre, de bois de construction, de bois d’œuvre de construction.

[2]  L’emploi du terme « Produits » dans la décision fait collectivement référence aux produits énoncés dans (1) à (4) ci-dessus. De même, l’emploi du terme « Services » renvoie collectivement aux services énoncés dans (1) et (2) ci-dessus.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

Le dossier

[4]  La demande pour la Marque a été produite le 30 juillet 2015 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 15 juin 2016.

[5]  Le 14 novembre 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Tous les renvois dans la présente visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition, lesquels visent la Loi avant sa modification [voir l’article 70 de la Loi qui indique que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date].

[6]  L’Opposante soulève les motifs d’opposition en fonction des articles 30 (non‑conformité); 16 (absence de droit à l’enregistrement); et 2 (absence de caractère distinctif) de la Loi, tels qu’ils sont reproduits ci-dessous :

[traduction]

a)  « en vertu de l’article 38(2)a) la Demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30a), parce que la Demande ne renferme pas une déclaration dans les termes ordinaires du commerce, des produits ou services spécifiques en liaison avec lesquels la Marque de commerce sera employée; »

b)  « en vertu de l’article 38(2)a), la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 b), parce que la Demande a été produite en fonction de l’emploi de la Marque de commerce au Canada en liaison avec les Produits et Services de la Requérante, depuis au moins 2008, mais que la Marque de commerce n’était pas employée au Canada par la Requérante en liaison avec les Produits et Services de la Requérante en date de la date de de premier emploi revendiquée; »

c)  « en vertu de l’article 38(2)a), la Demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30i), parce que la Requérante ne pouvait pas être satisfaite, à toute date pertinente, de son admissibilité à l’emploi de la Marque de commerce au Canada en liaison avec les Produits et Services de la Requérante, à la lumière de l’emploi antérieur de la Marque de commerce de l’Opposante et du Nom commercial de l’Opposante au Canada; »

d)  « en vertu de l’article 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de commerce en liaison avec les Produits et Services de la Requérante, puisque contrairement à l’article 16(1)a), à la date de premier emploi revendiquée de la Marque de commerce, la Marque de commerce créait de la confusion avec une marque de commerce qui avait été employée antérieurement au Canada par une autre personne, nommément la Marque de commerce de l’Opposante; »

e)  « en vertu de l’article 38(2)c), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque de commerce en liaison avec les Produits et Services de la Requérante, puisque contrairement à l’article 16(1)c), à la date de premier emploi revendiquée de la Marque de commerce, la Marque de commerce créait de la confusion avec un nom commercial qui avait été employé antérieurement au Canada par une autre personne, nommément le nom commercial de l’Opposante; »

f)  « en vertu de l’article 38(2)d), la Marque de commerce n’est pas distinctive au sens de l’article 2, puisque la Marque de commerce ne fait pas de distinction, n’est pas adaptée pour distinguer, ni ne peut distinguer les Produits et Services de la Requérant des produits et services de l’Opposante.

[Remarque : Les termes « Marque de commerce de l’Opposante » et « Nom commercial de l’Opposante » utilisés dans les arguments renvoient à ce que l’Opposante décrit comme sa « marque de commerce non déposée KAYU » et son « nom commercial KAYU International, Inc. » respectivement.]

[7]  Le 20 janvier 2017, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant chaque motif d’opposition plaidé dans la déclaration d’opposition.

[8]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Steven Wilson, fondateur, président et chef de la direction de l’Opposante, souscrit le 17 mai 2017 et comprenant les Pièces A à N (l’affidavit Wilson).

[9]  À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Jim Labelle, actionnaire et codirecteur de la Requérante, souscrit le 15 septembre 2017 et comprenant les Pièces A à L (l’affidavit Labelle).

[10]  Le 31 octobre 2017, le registraire a produit des ordonnances de contre-interrogatoire pour les deux affidavits; ni l’un ni l’autre n’a subi de contre-interrogatoire.

[11]  Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; une audience n’a pas été tenue.

Remarques préliminaires

[12]  Pour des raisons qui deviendront évidentes, bien qu’elles ne soient pas liées ou affiliées aux entreprises, les parties aux présentes procédures ne sont pas inconnues l’une de l’autre et étaient, pendant un certain temps, dans une relation d’affaires. Elles ont également pris part à une procédure d’opposition concernant la demande d’enregistrement de marque de commerce canadienne no 1 571 267 pour KAYU (la Demande rejetée), qui a été demandée par l’Opposante et à laquelle la Requérante s’est opposée avec succès [Kayu Canada Inc c KAYU International, Inc, 2015 COMC 123] (la Procédure précédente). Une copie de la décision du registraire, ainsi que la preuve produite par la Requérante à titre d’opposante à la Procédure précédente ont été soumises par la Requérante, sur laquelle il faut se fonder, respectivement, à titre de Pièces B et C de l’affidavit Labelle (parfois appelés collectivement les Extraits de l’Opposition à la Marque de commerce de la Procédure précédente).

[13]  Je note que l’Opposante, en tant que requérante dans la Procédure précédente, a choisi de ne pas produire de preuve à l’appui de la Demande rejetée, n’a pas déposé d’observations écrites et n’a pas été représentée à une audience. Dans ses observations écrites, la Requérante soutient que l’affidavit Wilson ne devrait pas être admis parce qu’il manque de crédibilité. Pour être plus précis, invoquant le retard de l’Opposante, l’acquiescement, les problèmes de diligence et l’abus présumé du processus de la Commission, la Requérante soutient qu’il n’est pas raisonnable d’accepter que l’Opposante a les droits qu’elle revendique maintenant parce qu’elle n’a pris que des mesures minimales pour défendre la Demande rejetée dans le cadre de la Procédure précédente, parce qu’elle aurait dû produire la preuve qu’elle cherche maintenant à faire considérer dans la Procédure précédente, et qu’elle n’a pris aucune autre mesure à part la présente procédure pour faire valoir ses droits allégués au Canada pendant de nombreuses années. Se fondant également sur la Procédure précédente, la Requérante soutient en outre que la Commission devrait rejeter la présente opposition par l’application de la chose jugée.

[14]  En toute déférence envers la Requérante et nonobstant de la question de l’applicabilité des doctrines plaidées à une procédure d’opposition, la Procédure précédente n’est pas nécessairement déterminante des questions en litige. Une procédure d’opposition fait partie du processus d’enregistrement prévu par la Loi, dans laquelle toute personne ayant des motifs valables peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de commerce une fois qu’elle est annoncée dans le Journal des marques de commerce. Chaque affaire doit être tranchée sur ses propres mérites, compte tenu de la preuve soumise, qui peut, comme il se trouve, différer de celle produite dans une affaire d’opposition antérieure impliquant les mêmes parties et une marque de commerce similaire [Sunny Crunch Foods Ltd c Robin Hood Multifoods Inc (1982), 70 CPR (2 d) 244 (COMC), à la page 249; Georgia Pacific Corporation c Scott Paper Limited (1996), 70 CPR (3 d) 570 (COMC)]. Cela dit, je vais me reporter à la Procédure précédente, lorsque je considère qu’il est approprié de le faire.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[15]  L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Lorsque ce fardeau est assumé, la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs précis d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3 d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4 th) 155].

Dates pertinentes

[16]  Les dates pertinentes en ce qui concerne les motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – date de production de la demande (le 30 juillet 2015) [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3 d) 469 (COMC), à la page 475];

·  articles 38(2)c) et 16 de la Loi – la date du premier emploi revendiquée dans la demande (étant donné que la date de premier emploi dans la demande est 2008, elle est interprétée comme étant le 31 décembre 2008) [article 16(1) de la Loi]; et

·  articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition (le 14 novembre 2016) [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004) 34 CPR (4 th) 317 (CF)].

Aperçu de la preuve

[17]  Pour faciliter la consultation, voici un aperçu de la preuve des parties, qui est examiné plus en détail, si cela est indiqué, dans mon analyse des motifs d’opposition.

La preuve de l’Opposante – l’affidavit Wilson

[18]  M. Wilson affirme qu’il a occupé son rôle actuel auprès de l’Opposante, [traduction] « une société formée en vertu des lois de l’État de l’Oregon et dont le siège social est situé à Tigard, en Oregon », depuis sa création en 1994. [para 1, 4 et 7]

[19]  M. Wilson déclare :

Je suis personnellement engagé à plein temps dans l’industrie du bois dur depuis plus de 40 ans, et j’importe du bois d’œuvre, surtout du bois d’œuvre en provenance de l’Asie du Sud-Est, depuis le début des années 1980. [para 2]

[20]  Avant de fonder l’Opposante, M. Wilson affirme qu’il a occupé des rôles dans lesquels il :

[traduction]

[...] était responsable de la gestion des importations de bois d’œuvre et [...] avait développé une profonde compréhension de l’industrie du bois d’œuvre. [para 3]

[21]  En décrivant les activités de l’Opposante, M. Wilson déclare ce qui suit :

[traduction]

L’Opposante a commencé ses activités à West Linn, en Oregon, en 1994, à titre d’importateur direct de bois dur pour les marchés canadien et américain. La spécialité de l’Opposante était et demeure, jusqu’à aujourd’hui, le platelage en bois dur, le bois d’œuvre et les moulures.

Depuis sa création en 1994, l’Opposante avait pour objectif de vendre dans l’ensemble des États-Unis et du Canada. [para 8 et 9]

[22]  M. Wilson se tourne ensuite vers la marque et le nom de l’Opposante et déclare que :

[traduction]

En décidant d’une marque pour mon entreprise en 1994, je voulais choisir un nom de marque et un nom d’entreprise facilement reconnaissables. À ce moment-là, j’avais voyagé pour affaires partout aux États-Unis et dans la plupart du Canada, et j’avais déjà réalisé plus de 40 visites en Asie du Sud-Est pour acheter du bois d’œuvre. Par conséquent, j’avais déjà acquis un niveau de connaissance très élevé des noms d’entreprises utilisés dans l’industrie, et j’ai finalement décidé sur KAYU car il serait unique, mais pas trop compliqué à utiliser ou à retenir pour mes clients.

J’ai intentionnellement choisi une marque avec deux syllabes et la couleur rouge, qui est considérée comme chanceuse en Asie du Sud-Est. De plus, je voulais une marque qui pourrait facilement résonner à la fois à l’étranger et en Amérique du Nord. [para 10 et 11]

[23]  M. Wilson affirme qu’en 1996, l’Opposante a enregistré le nom de domaine www.kayu.com (qui continue d’héberger le site Web de l’Opposante à ce jour), ainsi que le nom de domaine www.kayutruckdecking.com, en 2013. [para 12 et 32]

[24]  M. Wilson ajoute également :

[traduction]

L’Opposante a largement utilisé les marques KAYU de l’Opposante en liaison avec ses activités, y compris sur les sites Web de l’Opposante à l’adresse www.kayu.com et www.kayutruckdecking.com (les « sites Web de l’Opposante »).

[…]

Tous les produits offerts par l’Opposante se trouvent sur les sites Web de l’Opposante.

Au moyen des sites Web de l’Opposante, les utilisateurs sont en mesure apprendre [sic] sur les produits de l’Opposante, de voir des images des produits de l’Opposante, d’en apprendre davantage sur l’Opposante et de chercher des renseignements et des devis pour l’achat des produits de l’Opposante.

Le site Web www.kayu.com est accessible aux Canadiens depuis son lancement en 1996, et je sais personnellement que de nombreux Canadiens ont accédé à ce site Web et l’ont utilisé. Je suis également personnellement consciente que l’Opposante reçoit de nombreuses demandes de renseignements canadiennes chaque semaine pour les produits KAYU de l’Opposante par l’entremise des sites Web de l’Opposante. [para 31 et 33 à 35]

 

[Remarque : L’expression « KAYU Marks » employée par M. Wilson fait référence à ce qu’il décrit comme [traduction] « les marques de commerce et les noms commerciaux de l’Opposante, KAYU et KAYU INTERNATIONAL ».]

[25]  À cet égard, M. Wilson présente le tableau suivant qui résume le nombre de visites au site Web www.kayu.com, pour la période de mai 2016 à mai 2017, y compris les visites du Canada [para 36] :

  [traduction

Période

Séances pour les visites à kayu.com – Canada

Séances pour les visites à kayu.com – total mondial

De mai 2016 à mai 2017

3 186

35 632

 

[26]  En ce qui concerne la publicité de l’Opposante, M. Wilson affirme que, pour promouvoir ses produits en bois dur, l’Opposante fait de la publicité principalement au moyen de ce site Web [para 24] et explique que :

[traduction]

Par l’entremise du site Web www.kayu.com, l’Opposante a mis à rendus disponibles pour téléchargement en format PDF des copies de brochures gratuites. Ces brochures sont également distribuées en version imprimée aux clients canadiens de l’Opposante.

L’Opposante fait également la promotion de ses services au moyen des médias sociaux, comme Facebook, Pinterest et Twitter.

[...] toute la publicité de l’Opposante est effectuée en liaison avec les marques KAYU de l’Opposante.

De temps à autre, l’Opposante a également fait paraître des publicités pour ses services dans la publicité imprimée au Canada. Toutefois, en tant qu’entreprise relativement petite, l’Opposante produit et utilise principalement ses brochures susmentionnées, tant en version imprimée qu’au moyen du site Web de l’Opposante. L’Opposante s’appuie également sur la publicité collective auprès de ses propres clients, par l’entremise de laquelle l’Opposante annonce son inventaire excédentaire, et fournit à ses clients des présentoirs de comptoir, des bannières de clôture et des échantillons de produits, le tout en liaison avec les Marques KAYU de l’Opposante. L’Opposante s’appuie également sur une publicité de bouche à oreille importante pour ses produits de qualité. Par conséquent, pour ces raisons, les frais de publicité de l’Opposante ont toujours été relativement modestes.

[…]

Malgré son modeste investissement dans les méthodes de publicité traditionnelles, compte tenu du succès de l’Opposante sur le marché, de la publicité par bouche-à-oreille au nom de l’Opposante et de l’utilisation de son site Web, les consommateurs au Canada connaissent bien l’Opposante et les Marques KAYU de l’Opposante. [para 25 à 28 et 30]

[27]  M. Wilson fournit des chiffres en vrac totalisant 230 000 dollars américains, ce qui représente les dépenses de publicité de l’Opposante pour 2014-2016, [traduction] « y compris en ce qui concerne son site Web, son étiquetage et son image de marque ». [para 29]

[28]  M. Wilson fournit également des chiffres de ventes totalisant 5,9 millions de dollars américains, ce qui représente les ventes brutes aux clients canadiens pour 2007-2016 [para 21] et déclare que :

[traduction]

Les premières ventes de l’Opposante au Canada portant le nom commercial et la marque de commerce KAYU sur ses factures, ses bordereaux de marchandises et sa mise en caisse ont eu lieu au début de 1995. Le produit a été expédié et facturé à Sauder Industries Ltd. de la Nouvelle-Écosse, au Canada, plus tard cette année. Le produit spécifique expédié était les ensembles d’arrêts de portes intérieures solides de Red Meranti, 3/8 po x 1-1/4 po x 7 pi et 3 pi.

À ce jour, l’Opposante continue d’offrir la vente une variété de produits en bois dur au Canada. Son principal produit offert au Canada est le platelage en bois dur. Les listes complètes des produits de l’Opposante se trouvent sur les sites Web de l’Opposante aux noms de domaine www.kayu.com et www.kayutruckdecking.com; la plupart des produits énumérés sont régulièrement vendus au Canada. [para 13 et 14]

[…]

Depuis 1995, l’Opposante a distribué et vendu ses produits en bois dur au Canada, toujours en liaison avec les Marques KAYU de l’Opposante, y compris sur chaque Bon de commande, sur les factures des clients, les bordereaux de marchandises des clients et toutes les mises en caisse. [para 20]

[29]  M. Wilson identifie quatre de ses principaux distributeurs actuels au Canada [para 15] et confirme que [traduction] « par le passé, le prédécesseur de la Requérante [...], Labco Wood Products Ltd., a été le distributeur exclusif de l’Opposante ». [para 16]

[30]  En ce qui concerne les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante, M. Wilson déclare que :

[traduction]

Toutes les activités et activités susmentionnées de l’Opposante sont exercées en liaison avec les Marques KAYU [...] de l’Opposante [...]

De plus, l’Opposante a de temps à autre employé d’autres marques de commerce en liaison avec ses produits qui comprennent KAYU, notamment KAYU BATU, KAYU GOLDEN, KAYU SAPHIRE et KAYU SIAP.

Depuis la fondation de l’Opposante et jusqu’à présent, KAYU n’a jamais été utilisée comme terme descriptif pour désigner le bois ou les produits du bois au Canada ou aux États-Unis. En fait, ce n’est que grâce au temps et aux efforts de l’Opposante au cours des 23 dernières années, y compris les ventes et la publicité importantes, que la marque de commerce KAYU a été reconnue comme un identificateur de source pour le bois dur et le bois d’œuvre de qualité supérieure vendus et distribués par l’Opposante.

[…]

L’Opposante appose les Marques KAYU de l’Opposante sur ses expéditions au Canada. [para 17 à 19 et 23]

[31]  M. Wilson déclare ce qui suit :

[traduction]

L’Opposante reçoit régulièrement des demandes de renseignements par l’entremise des sites Web de l’Opposante, ou par bouche-à-oreille, au sujet de l’existence de la Requérante [...]

Par exemple, en février 2010, j’ai reçu un appel de Reagleti Terminal’s Inc. Ils ne savaient pas s’ils devaient libérer une cargaison de conteneurs envoyée à l’Opposante à l’Opposante ou à la Requérante. Le 23 février 2010, j’ai donné instruction à [...] un employé de l’Opposante d’écrire un courriel [...] pour préciser qu’il ne s’agissait pas de remettre l’envoi à la Requérante. [para 37 et 38]

[32]  M. Wilson poursuit en décrivant la relation antérieure des parties, y compris les activités de la Requérante et déclare :

Je connais la Requérante et son propriétaire, Jim Labelle.

[…]

Vers 1996, l’Opposante a entamé des discussions avec M. Labelle en vue qu’il soit un distributeur canadien pour l’Opposante. Au cours de ces discussions, M. Labelle est devenu convaincu que l’Opposante avait la meilleure gamme de platelages en bois dur et a demandé une ligne de crédit pour concilier avec ses efforts.

J’ai expliqué à M. Labelle le besoin pour l’Opposante d’avoir une entente de distribution exclusive pour éviter la confusion de la marque sur le marché. Les produits de l’Opposante ont toujours été de la qualité la plus élevée, et je ne voulais pas que la marque de l’Opposante soit confondue avec des produits de moindre qualité et qu’elle doive faire face à toute image négative qui en résulterait.

M. Labelle a accepté avec empressement une entente exclusive, et j’ai conclu une entente informelle avec lui. Je n’ai jamais eu besoin d’aller au-delà d’une entente informelle avec un de mes distributeurs ou clients, et c’est la façon dont je mène et j’ai mené mon entreprise.

J’ai fait le suivi des expéditions de l’Opposante à M. Labelle – par l’entremise de sa société Labco Wood Products Ltd., avant d’adopter le nom « Kayu Canada » – depuis 2001. L’Opposante a expédié des produits directement à M. Labelle, avec les Marques KAYU de l’Opposante figurant abondamment, y compris sur toutes les mises en caisse et des extrémités de bois.

En 2008, à la demande de M. Labelle, je lui ai donné la permission d’utiliser les Marques KAYU au Canada en liaison avec la vente des produits de l’Opposante, s’il acceptait de ne vendre que les produits de bois dur de l’Opposante en échange de la vente par son entremise exclusive à titre de distributeur canadien.

[…]

Pendant mes années à travailler avec M. Labelle, y compris à vendre par l’entremise du prédécesseur de la Requérante, Labco Wood Products Ltd. et la Requérante au Canada, j’ai conservé un sommaire des factures et des notes de crédit qui ont été envoyées à Labco Wood Products Ltd. et à la Requérante […]

Le point de basculement de ma relation avec M. Labelle a été quand j’ai appris qu’à plus d’une reprise, il avait acheté des volumes importants d’importations de platelages en bois dur d’un compétiteur, en violation flagrante de notre entente exclusive susmentionnée. À mon avis, ses actions ont eu pour effet de violer son entente avec l’Opposante, ce qui a nui à sa capacité d’utiliser les Marques KAYU.

Quoi qu’il en soit, ni moi ni l’Opposante n’avons jamais autorisé ou demandé à M. Labelle ou à la Requérante de produire une demande d’enregistrement des Marques KAYU, y compris la Marque de commerce KAYU CANADA, n’importe où dans le monde. [para 39, 41 à 45 et 51 à 53]

[33]  M. Wilson joint à son affidavit de nombreuses pièces, qu’il décrit comme suit :

[traduction]

  Pièce A : « des imprimés d’une sélection représentative de [...] factures envoyées aux clients au Canada, qui portent clairement les Marques KAYU de l’Opposante.

  Pièce B : « des photos montrant les Marques KAYU de l’Opposante sur ses produits expédiés au Canada. »

  Pièce C : « des imprimés représentatifs des brochures de l’Opposante, qui font tous référence aux Marques KAYU de l’Opposante. »

  Pièce D : « des captures d’écran des sites Web Facebook, Pinterest et Twitter de l’Opposante, qui font toutes référence aux Marques KAYU de l’Opposante. »

  Pièce E : « imprimés des recherches de WHOIS fournissant les détails de l’enregistrement pour les sites Web de l’Opposante.

  Pièce F : « imprimés des sites Web de l’Opposante tels qu’ils figurent actuellement ».

  Pièce G : « captures d’écran d’Archive.org affichant le site Web à www.kayu.com tel qu’il figurait entre 2000 et 2017. »

  Pièce H : « imprimé d’un courriel contenant [...] des instructions de ne pas libérer [un] contenant à la Requérante. »

  Pièce I : « imprimé d’une conversation par courriel datée du 31 mars 2008 entre moi‑même et Jim Labelle, dans laquelle il a demandé d’utiliser le nom KAYU conjointement avec la Requérante. »

  Pièce J : « imprimé d’un courriel daté du 24 avril 2008 que j’ai envoyé à Jim Labelle dans lequel je lui ai permis d’utiliser le nom KAYU, pourvu qu’il accepte de devenir le seul distributeur de l’Opposante au Canada. »

  Pièce K : « imprimé d’un courriel daté du 31 mars 2009 que j’ai envoyé à Jim Labelle dans lequel M. Labelle déclare lui-même que lui et son entreprise ont fait la promotion de l’entreprise et des produits de l’Opposante. »

  Pièce L : « imprimé d’une ébauche d’entente de distribution de 2009 que l’Opposante et la Requérante n’ont finalement pas signée. »

  Pièce M : « imprimé d’un courriel daté du 22 janvier 2010 que j’ai écrit dans lequel j’ai fourni une lettre de recommandation à la Requérante et dans laquelle j’ai reconnu que l’Opposante travaillait depuis plus de 15 ans avec la Requérante, le prédécesseur de la Requérante, Labco Wood Products Ltd., et M. Labelle. »

  Pièce N : « imprimé de mes dossiers relatifs aux factures, qui montrent que les factures ont été émises depuis au moins aussi tôt qu’en octobre 2001. »

La preuve de Requérante – L’affidavit Labelle

[34]  À titre de remarque préliminaire, je note que les Pièces A à L à l’appui de l’affidavit Labelle sont datées du 15 septembre 2917. Toutefois, comme ils sont présentés dans un cahier à spirale (dans lequel l’affidavit Labelle est souscrit et daté comme il se doit), chacun d’eux ayant été assermenté devant un notaire de l’Alberta et étant donné que l’Opposante n’a pas soulevé d’objection, je traiterai l’erreur comme une déficience technique sans conséquence néfaste pour la Requérante [Rickitt Benckiser NV c Iron Out, Inc (2005), 49 CPR (4 th) 372 (COMC)].

[35]  Dans son affidavit, M. Labelle déclare qu’il est l’un des deux actionnaires et administrateurs de la Requérante, qui exploite son entreprise à partir de ses locaux situés à Calgary, en Alberta. [para 1 et 2]

[36]  M. Labelle affirme que, bien qu’elle ait mené ses activités depuis les années 1990 sous le nom de Labco Construction Ltd., la Requérante a été constituée en société sous le nom de Labco Wood Products Ltd. le 1er septembre 2004 avant de changer son nom pour Kayu Canada Inc. le 5 mai 2008. Il ajoute que la Requérante a exploité et mené une entreprise au Canada sous le nom de Kayu Canada Inc. continuellement depuis cette date. [para 3 à 5]

[37]   M. Labelle affirme que, le 24 avril 2008, la Requérante a enregistré le nom de domaine kayu.ca et que le nom a été utilisé de façon continue en liaison avec son entreprise et sa page Web. [para 6]

[38]  En ce qui concerne la relation antérieure des parties et en citant la preuve que la Requérante a produite à titre d’opposante dans la Procédure précédente, M. Labelle déclare :

Extrait de la Pièce C de l’affidavit Labelle :

[traduction]

D’après ce que j’ai compris de la relation [...] au départ, la [Requérante] était en mesure d’acheter du bois d’œuvre auprès de [l’Opposante] aux États-Unis, puis la [Requérante] importerait ce bois d’œuvre au Canada pour la vente et la fourniture aux clients de la [Requérante] au Canada […]

[…]

Au cours des premières années de la relation, les produits du bois achetés [...] étaient livrés à des endroits aux États-Unis, où ils ont été ramassés par des compagnies de camionnage ou des courtiers au nom de la [Requérante] et puis importés au Canada en provenance des États-Unis par la [Requérante] […]

La relation [...] s’est poursuivie pendant un certain nombre d’années, avec la [Requérante], menant ses activités sous le nom de Kayu Canada, qui achetait le bois décrit comme Kayu Batu à la [Requérante] aux États-Unis, où [l’Opposante] menait ses activités sous le nom de Kayu International, et la [Requérante] a ensuite importé ce bois au Canada.

À un moment donné, les ventes de la [Requérante] ont augmenté de sorte que la [Requérante] commandait du bois directement de l’Asie. L’[Opposante] a pris des dispositions pour l’expédition et un courtier, et la [Requérante] a accepté cela parce que c’était pratique. À ces occasions, le bois d’Asie serait expédié directement de l’Asie pour être livré à la [Requérante] au Canada. Il y a eu des occasions où des expéditions ont été livrées de l’Asie au Canada par un courtier et l’[Opposante] a payé les frais de courtage dans le cadre du prix de vente.

La [Requérante] a éprouvé des difficultés à traiter avec l’[Opposante] et, en fin de compte, la relation s’est rompue et ne s’est pas bien terminée, et la [Requérante] a commencée à acheter le même produit de bois d’autres fournisseurs aux États-Unis pour l’importation au Canada.

Les difficultés entre la Requérante et l’Opposante qui ont mené à la fin de la relation comprenaient des désaccords au sujet des modalités de paiement, et les commandes livrées n’étaient pas de qualité acceptable, y compris le bois avec une teneur en humidité inacceptable. L’événement final a été lorsque la [Requérante] fournissait du bois pour le projet Riverwalk à Calgary et que l’[Opposante] n’a pas pu remplir la commande et que la [Requérante] a dû aller chercher ailleurs. [Pièce C, para 18 et 20 à 24]

 

Extrait du corps de l’affidavit Labelle :

[traduction]

Comme l’indique la Pièce C, l’Opposante n’a jamais exercé de contrôle sur les efforts de marketing de la Requérante au Canada, ni sur l’utilisation des mots Kayu ou Kayu Batu par la Requérante. L’Opposante n’a jamais exercé de contrôle sur la nature ou la qualité des produits ou services fournis par la Requérante au Canada. En fait, l’Opposante savait depuis un certain nombre d’années que la Requérante exerçait ses activités sous le nom Kayu Canada et la Requérante [Remarque : aurait dû lire « Opposante »] non seulement n’a rien fait pour arrêter ou contrôler cela, mais l’a en fait affiché sur son site Web [...]

L’Opposante a produit sa demande d’enregistrement de la marque de commerce Kayu aux États-Unis en 2011 seulement après la fin de notre relation, et la Requérante avait commencé à acheter le même bois d’autres sources [...] [para 11 et 12]

[39]  En ce qui concerne l’emploi de la marque par la Requérante, M. Labelle déclare que :

De 1997 à 2008, la Requérante, qui menait ses activités sous le nom de Labco, a vendu des quantités importantes de bois au Canada et a décrit du bois comme Kayu ou Kayu Batu. La Requérante a dépensé des sommes importantes pour promouvoir le bois décrit comme étant Kayu ou Kayu Batu, et les ventes variaient généralement de 500 000 $ à 1,2 million de dollars par année. Par conséquent, le terme kayu comme type de bois est devenu largement connu au Canada grâce aux efforts de la Requérante et est devenu associé à la Requérante.

Depuis 2008, la Requérante a vendu de grandes quantités de bois de Balau rouge sous les marques de commerce et les noms commerciaux Kayu Canada ou Kayu. Les ventes ont généralement dépassé un million de dollars par an. [para 13 et 14]

[40]  En ce qui concerne les ventes, M. Labelle s’appuie sur les Extraits de l’Opposition à la Marque de commerce de la Procédure précédente et fournit également des chiffres de ventes pour 2013-2017 totalisant plus de 15 millions de dollars, ce qui représente les [traduction] « revenus des ventes de la Requérante ». [para 15]

[41]  En ce qui a trait à la publicité, M. Labelle s’appuie également sur les Extraits de l’Opposition à la Marque de commerce de la Procédure précédente et fournit des chiffres mis à jour pour 2013-2017 totalisant un peu plus de 112 282 $, ce qui représente les dépenses de publicité et de promotion de la Requérante. [para 16]

[42]  M. Labelle affirme que [traduction] « la Requérante a continuellement maintenu son [site Web] à l’adresse www.kayu.ca » et a dépensé environ 40 000 $ pour son site Web en 2013‑2017. [para 17]

[43]  M. Labelle ajoute que :

[traduction]

Le mot Kayu est devenu tellement associé à l’entreprise de la Requérante au Canada que certains clients m’appellent même « Kayu Jim » et continuent de le faire à ce jour.

En raison des dépenses en publicité, des efforts de marketing et de promotion et des ventes importantes en liaison avec Kayu et Kayu Canada décrites ci-dessus et dans les Pièces jointes, la Requérante a acquis un bon vouloir considérable, une reconnaissance de l’image de marque et une sensibilisation publique importantes au Canada en ce qui concerne Kayu, Kayu Canada et Kayu Batu. [para 25 et 26]

[44]  Dans le reste de son affidavit, M. Labelle fait des commentaires sur un certain nombre de déclarations contenues dans l’affidavit Wilson, sur lesquelles je reviendrai plus tard. [para 27 à 33]

[45]  En plus des Pièces B et C déjà mentionnées dans mes observations préliminaires ci-dessus, M. Labelle joint les pièces suivantes à son affidavit :

[traduction]

  • Pièce A : « copies de pages représentatives du [site Web] de la Requérante dans sa forme actuelle »;

  • Pièce D : « une copie d’une page Web du United States Patent and Trademark Office montrant l’enregistrement de la Requérante [Remarque : aurait dû lire “Opposante »] pour Kayu aux [É.-U.] »;

  • Pièce E : « copies des états des résultats » pour 2013-2017;

  • Pièce F : « des échantillons représentatifs des annonces placées par la Requérante »;

  • Pièce G : « des copies d’articles et de photographies [...] [présentant] des projets affichant des produits en bois fournis par la Requérante en liaison avec la marque de commerce et le nom commercial Kayu Canada »;

  • Pièce H : « une copie des renseignements sur le produit et le catalogue de la Requérante »;

  • Pièce I : « des échantillons représentatifs de pages de médias sociaux et du contenu faisant référence aux entreprises, aux marques de commerce et aux noms commerciaux de la Requérante »;

  • Pièce J : « des copies des données de [site Web] relatives au [site Web] de la Requérante montrant un trafic important, y compris les visiteurs qui reviennent, sur le [site Web] »;

  • Pièce K : « une copie de l’annonce de la Requérante auprès de la Western Retail Lumber Association en ce qui concerne sa liste de membres et la facture de cette annonce »;

  • Pièce L : « une copie de la page couverture et de la page de la liste de la Requérante du répertoire de la Western Retail Lumber Association de 2013-2014 ».

Analyse

[46]  Les principales questions à trancher sont la question de savoir si la demande d’enregistrement de la Marque est conforme aux dispositions plaidées de la Loi, si la Requérante est la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque au Canada et si la Marque est distinctive ou non.

[47]  Étant donné qu’il n’y a aucune indication précise des produits ou services de l’Opposante ou de la nature de ses activités, que ce soit pour les motifs d’opposition qui sont reproduits aux présentes ou ailleurs dans les arguments, les motifs d’opposition relatifs aux questions d’absence de droit à l’enregistrement et d’absence de caractère distinctif n’ont pas été suffisamment plaidés. Toutefois, étant donné que la preuve a été produite et que la présente affaire en est maintenant à l’étape de la décision, je dois lire les arguments en conjonction avec la preuve [Novopharm Ltd v AstraZeneca AB (2001), 15 CPR (4 th) 327 (CAF); Novopharm Ltd c Ciba‑Geigy Canada Ltd (2001), 15 CPR (4 th) 327 (CAF)].

[48]  Je commencerai mon analyse par les motifs d’opposition relatifs à la question d’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 de la Loi.

Articles 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi

[49]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ces motifs, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de premier emploi alléguée revendiquée dans la demande de la Requérante, la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante avaient déjà été employés au Canada et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

[50]  L’« emploi » de la Marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi, reproduite ci‑dessous :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[51]  Bien que la Loi ne définisse pas l’emploi d’un nom commercial, il a été conclu que l’emploi d’un nom commercial au Canada devrait être indiqué dans le cours normal des affaires [M. Goodwrench Inc c General Motors Corp (1994), 55 CPR (3 d) 508 (CF 1re inst)].

[52]  Dans ses observations écrites, la Requérante soutient que la preuve de l’Opposante est non pertinente. À l’appui, il est fait référence aux commentaires de M. Labelle sur les déclarations contenues dans l’affidavit Wilson, résumées comme suit :

[traduction]

  • a) La Pièce A de l’affidavit de M. Wilson montre une vente à Labco en 2007, qui, selon les affirmations de M. Labelle, a été ramassée par Labco aux États-Unis, et non au Canada, puis une vente à la Requérante en 2011, qui s’est produite aux États-Unis, où la Requérante a repris les produits, comme le confirment les documents. La Requérante a ensuite importé ces produits au Canada au moyen d’un camionneur qu’elle a embauché.

  • b) Dans la preuve de l’Opposante, M. Labelle ne voit aucune autre vente liée au Canada avant 2013, soit six ans après que la Requérante a commencé à employer continuellement la Marque de commerce KAYU CANADA au Canada.

  • c) La Pièce B de l’affidavit de M. Wilson montre l’étiquetage, mais il n’est pas possible de dire si cela montre l’étiquetage lié aux ventes au Canada ou dans tout autre pays.

  • d) La Pièce C de l’affidavit de M. Wilson porte sur l’emploi aux États-Unis et M. Labelle ne voit rien dans la documentation qui se rapporte au Canada.

  • e) Tous les concessionnaires mentionnés par M. Wilson dans son affidavit sont des clients ou des anciens clients liés au site Web du Demandeur.

[53]  Bien que l’affidavit Wilson fournisse des renseignements concernant l’Opposante et son entreprise de bois d’œuvre, il n’appuie pas la conclusion selon laquelle la marque de commerce KAYU ou le nom commercial KAYU International, Inc. ont été utilisées par l’Opposante au Canada à la date pertinente. En fait, bon nombre des déclarations de M. Wilson concernant l’emploi de l’Opposante au Canada (comme : [traduction] « depuis sa création en 1994, l’Opposante à pour but de vendre aux États-Unis et au Canada »; « depuis 1995, l’Opposante a distribué et vendu ses produits de bois d’œuvre au Canada »; « la plupart des produits énumérés sont régulièrement vendus au Canada »; « toutes les [...] activités commerciales et activités de l’Opposante sont exercées en liaison avec les marques de commerce et les noms commerciaux de l’Opposant »; ou « l’Opposante appose les Marques KAYU de l’Opposante à ses envois au Canada ») sont soit ambiguës, soit ne trouvent aucun fondement dans la preuve à la date pertinente, même lorsqu’il est lu dans le contexte de son affidavit dans son ensemble. À cet égard, lorsque M. Wilson inclut des documents, je note que la plupart des documents sont postérieurs à la date pertinente pour l’évaluation de ces motifs d’opposition ou manquent de détails suffisants pour les situer dans le temps et/ou en place. Quelques exemples sont présentés ci-dessous.

[54]  M. Wilson fait référence aux premières ventes canadiennes de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce KAYU et son nom commercial datant de 1995 de façon très détaillée [affidavit Wilson, para 13 et 20]. Étonnamment, toutefois, M. Wilson ne fournit aucun document à l’appui de ses déclarations qui attestent en fait de cet emploi présumé en 1995.

[55]  M. Wilson allègue également que les ventes aux consommateurs canadiens dépassent 1,6 million de dollars américains pour 2007-2008 [affidavit Wilson, para 21], mais ne fournit aucune ventilation pour faire la distinction entre les chiffres des ventes ayant trait aux [traduction] « marques de commerce et noms commerciaux KAYU et KAYU INTERNATIONAL » de l’Opposante, ni aucun document à l’appui. Sur les 11 factures jointes à titre de Pièce A à l’affidavit Wilson, 10 sont datées en 2011-2016. Seulement une facture, en date du 1er novembre 2007, est postérieure à la date pertinente pour l’évaluation de ces motifs d’opposition. Je note que cette facture ne montre aucun emploi des marques de commerce KAYU ou KAYU INTERNATIONAL. De plus, bien qu’elle porte le nom « KAYU International, Inc. » et semble couvrir la vente de platelage en bois dur au Canada, je remarque qu’il n’y a aucune indication qu’elle accompagnait les produits au moment du transfert de possession ou de propriété.

[56]  M. Wilson n’indique pas quand les ventes et/ou les expéditions de produits de marque indiqués sur les photos de produits jointes en Pièce B à son affidavit ont pu avoir lieu, et il ne fournit pas d’autres renseignements à ce sujet.

[57]  M. Wilson n’indique pas quand les brochures publicitaires sur les produits en bois dur de l’opposant, qui figurent à la Pièce C de son affidavit, ont été produites ni quand et comment elles ont été distribuées aux consommateurs canadiens. Je remarque que certains affichent un avis de droit d’auteur de 2016, qui reporte la date pertinente pour évaluer ces motifs d’opposition. De plus, M. Wilson ne précise pas si les consommateurs canadiens ont utilisé lesdites brochures pour commander les produits en bois dur de l’Opposante ou si elles accompagnent même de tels produits au moment du transfert. M. Wilson omet également de fournir des détails sur le moment et l’endroit où les [traduction] « les publicités pour les services [de l’Opposante] dans la publicité imprimée au Canada » ont été placées ou sur le moment et l’endroit où les « affichages de comptoir, bannières de clôture et échantillons de produits » de l’Opposante ont été fournis. En l’absence de preuve claire à cet égard, je ne suis pas disposée à conclure qu’une référence aux marques de commerce de l’Opposante qui peuvent être faites dans ces documents constituerait un emploi au sens de l’article 4 de la Loi, encore moins à la date pertinente.

[58]  M. Wilson n’indique pas quand l’Opposante a commencé à faire la promotion des services par l’entremise de chacun des sites Web de médias sociaux qui figurent à la Pièce D de son affidavit. Les captures d’écran ne sont pas datées et bien que je voie la mention « A rejoint Twitter en 2012 » sur l’un des extraits Twitter, je ne remarque aucune indication similaire sur les extraits Facebook et Pinterest fournis. Quoi qu’il en soit, M. Wilson ne fournit pas le nombre d’abonnés à ces sites de médias sociaux et même si je vois des sections sur chacun des extraits affichant le nombre respectif d’« abonnés », il n’y a aucune indication quant à leur provenance. Les imprimés du site Web présentés à la Pièce F de l’affidavit Wilson sont tous postérieurs à la date pertinente pour l’évaluation de ces motifs d’opposition. Certaines des captures d’écran les plus anciennes, présentées comme Pièce G de l’affidavit Wilson, illustrant le site Web de l’Opposante au site Web www.kayu.com tel qu’il figurait en 2000-2008 montre des références à KAYU suivi du symbole TM ainsi que du nom KAYU International, Inc. Toutefois, les quelques statistiques fournies par M. Wilson pour étayer ses affirmations selon lesquelles ce site Web [traduction] « était accessible aux Canadiens » et a été consulté par [traduction] « de nombreux Canadiens » sont datées de mai 2016 à mai 2017 et, par conséquent, remontent à la date pertinente pour évaluer ces motifs d’opposition.

[59]  En ce qui a trait aux coûts de publicité de l’Opposante, les figures fournies pour 2014‑2016 sont toutes postérieures à la date pertinente pour l’évaluation de ces motifs d’opposition. De plus, il n’y a pas de ventilation par point ou nom et aucune ventilation ou indication territoriale quant à la partie des dépenses ayant trait à la publicité canadienne par rapport aux montants dépensés pour promouvoir les activités commerciales et les activités de l’Opposante aux États-Unis.

[60]  Le tableau du rapport de vente présenté à la Pièce N de l’affidavit Wilson résume l’historique de facturation de l’Opposante pour la Requérante. Aucune facture réelle n’est jointe à ce document. Il dresse simplement la liste des factures (détaillées par numéro, montant et date) couvrant la période allant d’octobre 2001 à janvier 2017. Bien que je remarque que la facture de 2007 dont il est question ci-dessus et jointe dans les éléments de la Pièce A de l’affidavit Wilson est indiqué dans la présente, ce document ne contient pas suffisamment de renseignements pour me permettre de tirer des conclusions en ce qui a trait à de la marque de commerce KAYU ou du nom commercial KAYU International, Inc. par l’Opposante à la date pertinente. Toutefois, cela m’amène à parler de la relation antérieure des parties, une question essentielle pour déterminer si l’emploi de toute marque de commerce « KAYU » par la Requérante au Canada peut profiter à l’Opposante.

[61]  Les parties ne sont pas d’accord tant sur la nature de leur relation d’affaires antérieure que sur la raison pour laquelle elle a pris fin. L’Opposante allègue l’existence d’un arrangement de distribution exclusive orale [affidavit Wilson, para 42 à 43 et 45]. Par ailleurs, la Requérante soutient qu’aucune entente de ce genre n’a jamais été conclue et qu’elle n’a acheté que des produits de l’Opposante aux États-Unis pour importation au Canada [affidavit Labelle, Pièce C, para 18 et 21]. L’Opposante allègue que le moment décisif dans la relation a été lorsqu’elle a été informée de la violation par la Requérante de son entente de distribution exclusive susmentionnée [affidavit Wilson, para 52]. Selon la Requérante, c’était plutôt l’incapacité de l’Opposante à remplir une commande pour l’un de ses projets, en plus des désaccords sur la qualité des produits et les modalités de paiement [affidavit Labelle, Pièce C, para 24].

[62]  Il est bien établi en droit que l’emploi d’une marque de commerce au Canada par un distributeur équivaut à un emploi par le titulaire de la marque de commerce [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2 d) 6 (CF 1re inst)]. Les comptes respectifs des parties sur ce point ne sont pas facilement conciliables. M. Wilson et M. Labelle attestent tous deux que les modalités de l’entente orale ont été modifiées et qu’aucun des auteurs de l’affidavit n’a subi de contre-interrogatoire. Cela dit, après avoir examiné toute la preuve et les observations, il n’y a aucune preuve manifeste devant moi que des produits du bois qui ont été vendus au Canada par la Requérante ont été vendus comme ceux de l’Opposante, à la date pertinente. Il n’y a pas non plus de preuve devant moi démontrant une licence ou établissant que l’Opposante a exercé le contrôle requis par le paragraphe 50(1) de la Loi. Je conclus plutôt que la preuve présente la Requérante comme exploitant une entreprise indépendante qui traite des importations de produits du bois, qui sont ensuite vendues aux consommateurs canadiens en son propre nom.

[63]  Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(1)c) sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Article 30a) de la Loi

[64]  L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve ou n’a présenté aucune observation à l’appui de ce motif d’opposition. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30a) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Article 30 b) de la Loi

[65]  Le fardeau initial de l’Opposante est léger quant à la question de la non-conformité à l’article 30 b) de la Loi, parce que les faits concernant le premier emploi de la Requérante sont particulièrement à la connaissance de la Requérante [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3 d) 84 (COMC)]. Il est possible de s’acquitter de ce fardeau en renvoyant non seulement à la preuve de l’Opposante, mais également à celle de la Requérante [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3 d) 216 (CF 1re inst)]. Toutefois, l’Opposante peut se fonder avec succès sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial uniquement si l’Opposante démontre que la preuve de la Requérante conteste les allégations contenues dans la demande de la Requérante [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 aux para 30 à 38].

[66]  En l’absence d’un plaidoyer écrit et d’une audience, il est difficile de déterminer la position de l’Opposante en ce qui a trait à ce motif d’opposition. Quoi qu’il en soit, la différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence importante sur mon analyse précédente de l’affidavit Wilson, dans lequel la preuve produite n’est pas suffisante pour mettre en cause la revendication d’emploi de la Requérante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Article 30i) de la Loi

[67]  L’alinéa 30i) de la Loi exige simplement qu’un requérant ajoute dans sa demande une déclaration attestant qu’il est convaincu qu’il a droit à l’enregistrement de sa marque de commerce. Lorsque cette déclaration a été fournie, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2 d) 152 (COMC)]. La simple connaissance de l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial d’un opposant n’appuie pas en soi une allégation selon laquelle un requérant n’aurait pas pu être convaincu de son droit d’employer sa marque [Woot, Inc c WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197].

[68]  La demande pour la Marque contient la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi et l’Opposante n’a pas plaidé qu’il y avait preuve de mauvaise fois. Par conséquent, le motif d’opposition invoqué en vertu de l’article 30i), tel que plaidé, est rejeté.

L’article 2 de la Loi

[69]  Afin de s’acquitter de son fardeau initial relatif à ce motif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce et que son nom commercial sont devenus connus dans une mesure suffisante au Canada, de façon à nier le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2 d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4 th) 442 (COMC), confirmé par (2006), 48 CPR (4 th) 427 (CF 1re inst)].

[70]  En considérant que la plupart des déclarations de M. Wilson portent sur les [traduction] « marques de commerce et noms commerciaux KAYU et KAYU INTERNATIONAL » de l’Opposante, collectivement plutôt qu’individuellement, que les chiffres de ventes de l’Opposante ne contiennent aucune ventilation par marque ou par nom, que ses dépenses publicitaires ne contiennent aucune ventilation par marque, nom ou territoire, étant donné qu’il n’y a pas de ventilation par mois en 2016 des visites canadiennes sur son site Web, et en ce qui concerne le nombre de Canadiens exposés à ses documents publicitaires ou promotionnels, je ne suis pas en mesure de déterminer dans quelle mesure la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante ci-dessus auraient été connus au Canada, à la date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition.

[71]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Conclusion

[72]  Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu de l’article 38(12) de la Loi.

 

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

SMART & BIGGAR LLP

Pour l’Opposante

JAMES SWANSON

Pour la Requérante

 

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