Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 94

Date de la décision : 2020-07-31
[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

  SD Pero Holdings Inc.

Opposante

et

 

Cannoli Queens Inc.

Requérante

 

1,761,781 pour Cannoli Queens

Demande

[1]  SD Pero Holdings Inc. (l’Opposante) s’oppose à la demande no 1,761,781 (la Demande) pour l’enregistrement de la marque de commerce « Cannoli Queens » (la Marque) produite par Cannoli Queens Inc. (la Requérante).

[2]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[3]  La Demande a été produite le 22 décembre 2015. Elle est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 17 juillet 2014 en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

Cannoli, pâtisseries, pâtisseries composées de coquilles de pâte frite tubulaires remplies de garniture crémeuse sucrée qui contient habituellement du ricotta, pâtisseries, desserts pâtissiers, pâtisseries à l’italienne, pâtisseries de style italien, desserts pâtissiers à l’italienne, pâte, gâteaux, biscuits, crème glacée, crème glacée à l’italienne appelée gelato, café, café à l’italienne appelé expresso, cappuccino, café à l’italienne avec lait chaud appelé cappuccino, thé, chocolat chaud, boissons gazeuses, jus;

et les services suivants (les Services) :

(1) Restaurant, restaurant rapide, restaurant avec service aux tables, comptoir de plats à emporter, exploitation de restaurants, services de restaurant pour des tiers, mise sur pied d’exploitation de franchises et de franchises de restaurants, consultation et négociation relativement aux franchises et préparation d’ententes de franchisage pour la gestion et la supervision de franchises de restaurants et autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de restaurants;

(2) Boulangerie-pâtisserie, boulangerie-pâtisserie offrant des produits à emporter, boulangerie-pâtisserie italienne, mise sur pied d’exploitation de franchises et de franchises de boulangeries-pâtisseries, consultation et négociation relativement aux franchises et préparation d’ententes de franchisage pour la gestion et la supervision de franchises de boulangeries-pâtisseries et autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de boulangeries-pâtisseries;

(3) Charcuterie, charcuterie italienne.

[4]  La Demande contient un désistement du droit à l’usage exclusif du mot « queens » à l’exception de la Marque.

[5]  La Demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce le 26 octobre 2016 en vue de la procédure d’opposition.

[6]  Le 24 mars 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Tous les renvois à la Loi dans ces motifs visent la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition et aux circonstances prises en considération dans l’évaluation de la confusion, lesquels renvoient à la Loi dans sa version tel qu’elle existait avant d’être modifiée (aux termes des dispositions de transition prévues à l’article 70 de la Loi, prévoyant que les articles 38(2) et 6(5) de la Loi, dans leur version antérieure au 17 juin 2019, s’appliquent aux demandes annoncées avant cette date).

[7]  Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 30a), b) et i) (conformité), les articles 12(1)b) et d) (enregistrabilité), les articles 16(1)a) et c) (disposition) et l’article 2 (caractère distinct) de la Loi, comme énoncée immédiatement avant le 17 juin 2019. La Requérante a produit une contre-déclaration le 7 juin 2016, contestant chacun des motifs d’opposition.

[8]  L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de son directeur, président, secrétaire et unique actionnaire, Sam Pero, daté du 10 décembre 2017 (premier affidavit de M. Pero ou ASP1). La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de sa directrice, présidente et actionnaire, Silvana Mior, daté du 13 avril 2018 (affidavit de Mme Mior ou ASM). En réponse, l’Opposante a produit un autre affidavit de Sam Pero, daté du 24 mai 2018 (deuxième affidavit de M. Pero). Ni M. Pero ni Mme Mior n’ont été contre-interrogés. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; une audience orale n’a pas été demandée.

[9]  Je note que dans son affidavit, Mme Mior exprime de nombreuses opinions et conclusions. Cependant, comme elle ne s’est pas établie en tant qu’experte en droit des marques de commerce et n’est pas indépendante des parties, j’ai fait fi de ses opinions sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées dans la présente instance.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[10]  C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, il incombe à l’opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chacun de ses motifs d’opposition. Pour qu’un motif d’opposition soit pris en considération, l’opposant doit s’acquitter de son fardeau de la preuve [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

[11]  Si l’opposant s’acquitte de ce fardeau initial, le requérant doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition plaidé ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en question. Le fait que le fardeau ultime incombe à un requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant [Seagram, supra; John Labatt, supra].

Conformité avec l’article 30a) de la Loi

[12]  L’Opposante fait valoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30a) de la Loi en ce sens que la Demande ne contient pas d’énoncé, dans les termes ordinaires du commerce, des produits et services particuliers en liaison avec lesquels la Marque a été employée. Plus précisément, l’Opposante fait valoir que i) le terme « [à l’]italienne » est ambigu, [traduction] « étant donné qu’il existe plusieurs styles de cuisson italiens distinctifs » et que ii) le terme « autres services de consultation professionnelle […] » est ambigu.

[13]  La date pertinente pour examiner un motif d’opposition fondé sur l’article 30a) de la Loi est la date de la production de la demande. Toutefois, cest l’état déclaratif des produits ou services dans sa dernière version modifiée qui est pris en compte [voir Eaton Williams (Millibank) Ltd c Nortec Air Conditioning Industries Ltd (1982), 73 CPR (2d) 70 (COMC), à la page 77].

[14]  Le fardeau de preuve d’un opposant en vertu de l’article 30a) est plus léger et peut être allégé par des arguments suffisants [voir McDonald’s Corp c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101, à la page 104 (COMC)]. Cependant, le registraire a soutenu qu’en l’absence de preuve de l’opposant, « qu’il doit y avoir un argument juridique ou logique très clair selon lequel une description donnée n’est pas suffisamment précise ou formulée dans les termes ordinaires du commerce, de sorte que la description est beaucoup trop large pour assurer la certitude sur le marché quant à la portée des droits du requérant » [Chartered Professional Accountants of Ontario c American Institute of Certified Public Accountants, 2019 COMC 86, au para 123].

[15]  En l’espèce, l’Opposante n’a pas fourni de preuve ni présenté d’observations écrites ou orales à l’appui d’une conclusion selon laquelle les termes « [à l’]italienne » et « autres services de consultation professionnelle […] » ne sont pas des termes ordinaires du commerce pour des produits et services particuliers. Les seuls arguments de l’Opposante à cet égard se trouvent dans ses plaidoiries, à savoir les allégations plaidées selon lesquelles le terme « [à l’]italienne » est ambigu [traduction] « étant donné qu’il existe plusieurs styles de cuisson italiens distinctifs » et « tous les autres services de conseil professionnels […] » est également ambigu. Toutefois, même si je considère ces allégations comme des arguments, je ne suis pas convaincu que l’Opposante ait rempli son fardeau de preuve.

[16]  Premièrement, le simple fait qu’un produit figurant sur la liste d’une demande puisse englober un certain nombre de produits individuels ne signifie pas automatiquement qu’il est trop large pour l’application de l’article 30a) de la Loi. En l’espèce, le fait qu’[traduction] « il existe plusieurs styles de cuisson italiens distinctifs » ne démontre pas que le terme « [à l’]italienne » n’est pas habituellement utilisé dans le commerce pour désigner un sous-ensemble spécifique de produits de boulangerie‑pâtisserie. L’Opposant n’a fourni aucune preuve des différents styles distinctifs allégués ni expliqué en quoi ils rendent ambigu le terme « [à l’]italienne ». Bien que la preuve de Mme Mior vise à faire la distinction entre les cannoli siciliens et vénitiens, la façon dont un auteur d’affidavit cherche à différencier les produits des parties dans une procédure d’opposition ne reflète pas nécessairement le niveau de spécificité requis pour fournir sur le marché une certitude quant à la portée des droits d’un requérant.

[17]  Deuxièmement, même si l’expression « autres services de consultation professionnelle […] » est ambiguë à elle seule, ce n’est pas ainsi qu’elle apparaît dans la Demande. Elle apparaît plutôt dans les deux énoncés suivants : « autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de restaurants » et « autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de boulangeries-pâtisseries » (soulignement ajouté). Ainsi, la Requérante a prévu à la fois le type de service (c.-à-d., la consultation professionnelle) et le domaine d’utilisation (c.-à-d., en ce qui concerne le franchisage de restaurants et de boulangeries‑pâtisseries). L’Opposante n’a fourni ni preuve ni argument à l’appui de la position selon laquelle ces énoncés, lus dans leur intégralité, sont ambigus ou trop généraux pour l’application de l’article 30a) de la Loi.

[18]  En effet, le Manuel d’examen des marques de commerce – publié par l’OPIC comme guide de référence sur la façon dont les examinateurs interprètent et appliquent les lois – explique que certains services peuvent être définis spécifiquement en stipulant le domaine d’utilisation [section 2.4.5.2]. À titre d’exemple, le manuel indique que la « consultation dans le domaine de la sécurité au travail » est considérée comme un service spécifique énoncé en termes ordinaires du commerce [idem]. Même si le Manuel n’est pas contraignant dans une procédure d’opposition, il peut fournir des indications du degré de spécificité auquel il serait raisonnable de s’attendre. L’Opposant n’a fourni ni preuve ni argument quant à la raison pour laquelle les énoncés « autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de restaurants » » et « autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de boulangeries-pâtisseries » ne sont pas également des termes ordinaires du commerce.

[19]  Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 30a) parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Conformité avec l’article 30b) de la Loi

[20]  L’Opposante argumente également que la demande d’enregistrement n’a pas été produite en conformité avec l’article 30b) de la Loi, comme suit :

[traduction]

La Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b), à tout le moins pour une ou plusieurs des raisons que la Requérante n’a pas employé, au Canada, la Marque de la Requérante en liaison avec les services énumérés correspondants :

« (1) […] mise sur pied d’exploitation de franchises et de franchises de restaurants, consultation et négociation relativement aux franchises et préparation d’ententes de franchisage pour la gestion et la supervision de franchises de restaurants et autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de restaurants (2) […] mise sur pied d’exploitation de franchises et de franchises de boulangeries‑pâtisseries, consultation et négociation relativement aux franchises et préparation d’ententes de franchisage pour la gestion et la supervision de franchises de boulangeries-pâtisseries et autres services de consultation professionnelle concernant le franchisage de boulangeries-pâtisseries (3) Charcuterie, charcuterie italienne. »

[21]  Pour des raisons de commodité, j’appellerai les services énumérés ci‑dessus les Services de franchisage et de charcuterie.

[22]  L’article 30b) de la Loi se lit comme suit :

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

[…]

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

[23]  Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées comme suit à l’article 4 de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[24]  Lorsqu’il s’agit de services, la présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services annoncés au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].

[25]  La conformité avec l’article 30b) est évaluée à la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. Le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant pour ce motif est également plus léger, étant donné que les faits pertinents se rapportant à l’emploi sont plus facilement accessibles au requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. De plus, le fardeau de preuve de l’opposant peut être satisfaite non seulement par la preuve de l’opposant, mais aussi par la preuve du requérant [voir Labatt Brewing Co c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. Si un opposant réussit à s’acquitter de son fardeau initial, le requérant doit alors, en réponse, prouver le bien-fondé de sa revendication d’emploi. Cependant, le requérant n’est pas tenu de le faire si sa revendication d’emploi n’a pas d’abord été mise en doute par un opposant s’acquittant de son fardeau initial [voir Masterfile Corporation c Mohib S Ebrahim, 2011 COMC 85].

[26]  La seule preuve produite par l’Opposante qui a une incidence sur cette question consiste en les Pièces K et L du premier affidavit de M. Pero :

[27]  Il n’y a aucune indication du moment où ces documents ont été obtenus ou de la façon dont ils l’ont été, et M. Pero ne fait aucun autre commentaire à leur sujet. Dans les circonstances, et en l’absence d’observations de l’Opposante, l’objet de la preuve n’est pas clair. Toutefois, je souligne que si l’Opposante avait l’intention de remettre en question l’exactitude de la date de premier emploi revendiquée dans la Demande – au motif que la Requérante semble avoir été constituée en personne morale à une date ultérieure et qu’aucun prédécesseur en titre n’est indiqué dans la Demande –, une telle allégation ne peut être prise en considération, puisqu’elle dépasse la portée des arguments.

[28]  À cet égard, le registraire n’a pas compétence pour aborder une question qui n’est pas mentionnée dans la déclaration d’opposition. Lorsqu’un opposant a plaidé que la demande ne respecte pas un article de la Loi en raison de circonstances particulières, il n’est pas permis de la refuser au motif qu’elle n’est pas conforme à cet article de la Loi pour des raisons différentes de celles invoquées [voir Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 2011 CF 118, 95 CPR(4th) 249; et Procter & Gamble Inc c Colgate-Palmolive Canada Inc, 2010 CF 231, 364 FTR 288].

[29]  En l’espèce, la seule allégation relative à l’article 30b) de la déclaration d’opposition est que la Demande n’est pas conforme parce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services de franchisage et de charcuterie. Bien que la non-conformité soit invoquée [traduction] « à tout le moins pour une ou plusieurs des raisons » que la Requérante n’a pas ainsi employé la Marque, aucune autre raison potentielle ne ressort de la déclaration d’opposition. L’allusion à la possibilité qu’il y ait [traduction] « une ou plusieurs raisons » non précisées ne peut pas en soi élargir la portée de la déclaration d’opposition.

[30]  Je comprends qu’une fois la preuve produite, le registraire doit en tenir compte dans l’interprétation des arguments [selon Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387, 21 CPR (4th) 289]. Toutefois, M. Pero ne donne dans son affidavit aucune indication de ce que les Pièces K et L prétendent montrer. Une condition élémentaire d’équité est que chaque partie soit bien informée de l’affaire qu’elle doit rencontrer [Carling Breweries Ltd c Molson Companies Ltd. (1984), 1 CPR (3d) 191 (CF 1re inst)]. Il ne s’agit pas d’un cas où un argument large ou ambigu est clarifié par la preuve de l’opposant. À première vue, la portée et le sens de l’argument sont clairs : l’allégation est que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec certains services. Il n’y a aucune indication d’allégation possible selon laquelle la Requérante a employé la Marque, mais à une date ultérieure, ou selon laquelle la Marque a été employée à partir de la date revendiquée, mais pas par la Requérante. Au contraire, le fait que l’argument ne s’applique expressément qu’à certains services donne à penser que l’allégation ne s’applique pas à tous les services.

[31]  Si, après la production de la déclaration d’opposition, l’Opposante souhaitait ajouter une allégation fondée sur les détails de la constitution en personne morale de la Requérante ou sur des aspects de la Demande qui ne sont pas mentionnés dans la déclaration d’opposition, l’Opposante devait demander et obtenir la permission de modifier sa déclaration d’opposition.

[32]  En ce qui concerne le motif plaidé, l’Opposante n’a produit aucune preuve ni présenté d’observations à l’appui de son allégation selon laquelle la Requérante n’a pas employé la marque au Canada en liaison avec les Services de franchisage et de charcuterie. La question devient donc de savoir si l’Opposante est en mesure de s’acquitter de son fardeau en se fondant sur la preuve de la Requérante. Pour ce faire, un opposant doit démontrer que la preuve du requérant est « clairement incompatible » avec les revendications énoncées dans la demande ou « soulève un doute » sur celles-ci [voir Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 CPR (4th) 562 (COMC), conf. par (2001), 2001 CFPI 252, 11 CPR (4th) 489; et Bacardi & Co c Corporativo de Marcas GJB, SA de CV, 2014 CF 323, aux pages 33, 50 et 54].

[33]  Comme il a été mentionné ci-dessus, la preuve de la Requérante concernant l’emploi de la Marque se trouve dans l’affidavit de Silvana Mior. Mme Mior affirme que la Requérante, ou elle‑même en tant que prédécesseur de la Requérante exerçant ses activités sous le style « Cannoli Queens », emploie depuis le 17 juillet 2014 la Marque en liaison avec les Produits – qu’elle énumère individuellement – et [traduction] « la catégorie générale de services comprenant un restaurant, une boulangerie‑pâtisserie et une charcuterie » (para 6 et 7). Elle confirme également expressément que la Requérante a employé la Marque en liaison avec chacun des Services de franchisage et de charcuterie, qu’elle affirme être [traduction] « employés en liaison avec chacune des catégories générales de services décrites dans la Demande depuis le 17 juillet 2014 et de façon continue depuis lors » (para 73).

[34]  Je note que Mme Mior énumère les produits individuels en liaison avec lesquels la Marque est employée depuis le 17 juillet 2014, tout en faisant valoir un emploi en liaison avec des catégories générales de services depuis cette date. De plus, bien qu’elle présente des éléments de preuve précis en ce qui concerne les services de restaurant et de boulangerie‑pâtisserie, il n’y a pas de mention précise des services de franchisage, sauf la simple affirmation d’emploi qui précède, qui réitère simplement la liste des services du motif fondé sur l’article 30b), sans renvoi à la date de production de la demande (para 73). Il n’y a pas non plus d’indication dans son affidavit ou dans les Pièces jointes que l’entreprise de la Requérante concerne des franchises ou que des services liés au franchisage sont disponibles. Par exemple, il n’y a aucune preuve que les magasins de détail ou les traiteurs par l’entremise desquels les produits de la Requérante sont distribués fonctionnent comme des franchises de l’entreprise de l’Opposante ou que les clients de l’Opposante sont des franchisés.

[35]  Cependant, à mon avis, ce manque de détails s’apparente davantage à une lacune dans la preuve qu’à une incohérence ou une ambiguïté. Le simple fait que la preuve d’un requérant soit silencieuse ou contienne de simples allégations à l’égard de certains services ne signifie pas que la preuve est clairement incompatible avec l’emploi de la marque en liaison avec de tels services. Un requérant n’est pas tenu de prouver l’emploi de sa marque conformément à l’article 30b) de la Loi tant que l’opposant n’a pas rempli son fardeau de preuve.

[36]  En ce qui concerne les services de charcuterie, je note également que Mme Mior a déclaré que les produits et services de la Requérante consistent en [traduction] « des ventes le jour même au public de produits de restaurant/boulangerie‑pâtisserie/charcuterie et de produits emballés à des supermarchés et d’autres services de charcuterie » (para 66). L’Opposante n’a produit aucune preuve et n’a présenté aucune observation suggérant qu’un établissement de détail offrant des aliments préparés de nature de desserts de cannoli à l’italienne ne peut être qualifié de service de charcuterie, d’autant que Mme Mior qualifie l’établissement de la Requérante de la sorte.

[37]  En l’absence de contre-interrogatoire, je conclus que la preuve de Mme Mior concernant l’emploi de la Marque en liaison avec des services de restaurant et de boulangerie‑pâtisserie ne contredit pas la revendication de la Requérante selon laquelle cette dernière a également employé la Marque au Canada en liaison avec les Services de franchisage et de charcuterie, et ne jette pas le doute sur cette revendication. Je ne suis donc pas en mesure de conclure que l’Opposante a rempli son fardeau de preuve initial.

[38]  Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité au titre de l’article 12(1)b)

[39]  L’Opposant fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi parce que [traduction] « la Requérante a renoncé à l’usage exclusif de l’élément “Queens”, à l’exception de [la Marque]; ainsi, “Cannoli” se trouve être la caractéristique distinctive » et « “Cannoli” donne une description claire de la nature ou de la qualité des produits et services de la Requérante en liaison avec lesquels elle est employée ».

[40]  La date pertinente à évaluer pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Fiesta Barbeques Ltd. c General Housewares Corp., 2003 CF 1021, 28 CPR (4th) 60].

[41]  Le mot « claire » à l’article 12(1)b) signifie « facile à comprendre, évident, simple », tandis que le mot « nature » désigne [traduction] « une particularité, un trait ou une caractéristique du produit » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29, à la page 23 (C. de l’Éch.)]. Pour qu’un mot ou une expression donne une description claire de « la nature ou de la qualité » d’un produit ou d’un service, ils doivent être importants pour la composition du produit ou du service et faire référence à une qualité ou caractéristique intrinsèque du produit [Provenzano c Registraire des marques de commerce (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst), conf. par. (1978) 40 CPR (2d) 288 (CAF)].

[42]  Pour déterminer si une marque de commerce donne une description claire, la Marque ne doit pas être analysée dans ses moindres détails, mais considérée dans son ensemble sous l’angle de la première impression, du point de vue du consommateur ou de l’utilisateur moyen des produits ou services associés [voir Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst); Atlantic Promotions Inc c Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst)]. Cette considération comprend tous les mots qui peuvent faire l’objet d’un désistement, puisque la partie dont on se désiste fait toujours partie intégrante de la marque de commerce [voir Cafe Supreme F & P Ltée c Registraire des marques de commerce, 4 CPR (3d) 529 (CF 1re inst)].

[43]  En l’espèce, l’Opposante n’a fourni ni preuve ni argument quant au sens de l’expression particulière « cannoli queens » et à la façon dont elle se rapporterait à la nature ou à la qualité des Produits et des Services. L’Opposante n’a pas non plus fourni de preuve ou d’argument quant à la façon dont le fait que [traduction] « la Requérante a renoncé à l’usage exclusif de la composante “Queens” » influe sur le sens de la Marque dans son ensemble ou sur son impression immédiate sur le consommateur moyen.

[44]  Étant donné que l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve ou n’a présenté aucun argument pour établir les faits invoqués à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b), je ne peux conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. Le motif fondé sur l’article 12(1)b) est donc rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante

[45]  Les autres motifs d’opposition sont fondés principalement sur l’allégation de l’Opposante selon laquelle la Marque crée de la confusion avec son nom commercial CANNOLI KING (le Nom commercial de l’Opposante) et sa marque de commerce déposée CANNOLIKING & Dessin (la Marque de commerce de l’Opposante), reproduite ci-dessous :

CANNOLIKING & Design

[46]  La Marque de commerce de l’Opposante est enregistrée sous le numéro LMC954,046 (l’Enregistrement de l’Opposante). Les détails d’enregistrement sont indiqués à l’Annexe A aux présentes. La Marque de commerce de l’Opposante est décrite dans l’enregistrement comme étant [traduction] « Les mots “CANNOLIKING” dans une police stylisée avec une couronne à bijoux au-dessus de la lettre “g” » (soulignement ajouté). La [traduction] « police stylisée » est simple, étroite, sans empattement. L’enregistrement comprend une revendication de couleur, qui se lit comme suit :

[traduction]

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Les mots « CANNOLIKING » sont noirs, la couronne est dorée, et les trois joyaux de la couronne sont, de gauche à droite, vert, blanc et rouge. (soulignement ajouté)

[47]  Je fais remarquer que la description et la revendication de couleur ci-dessus sont quelque peu ambiguës en ce sens qu’elles écrivent en un seul mot « CANNOLIKING », tout en le mentionnant au pluriel comme étant [traduction] « Les mots » (soulignement ajouté). De plus, l’espacement inégal entre les lettres rend difficile de déterminer si elles constituent un mot ou deux mots. Pour des raisons de commodité, je considérerai généralement l’élément nominal comme étant constitué de deux mots, puisqu’à mon avis, deux mots sont facilement reconnaissables, qu’ils soient perçus comme deux mots distincts ou comme un seul mot composé inventé. Cependant, je considère que l’espacement ambigu, qui laisse entendre qu’un mot composé a été inventé à partir de deux mots distincts, est une caractéristique de la marque de commerce.

Motif d’opposition fondé sur la conformité avec l’article 30i) de la Loi

[48]  L’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne peut pas être convaincue qu’elle a droit d’enregistrer la Marque au Canada en vue de l’emploi antérieur au Canada et/ou de la révélation au Canada par l’Opposante de la Marque de commerce de l’Opposante. Plus précisément, l’Opposante plaide que la Requérante aurait dû savoir que la Marque créait et crée de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante.

[49]  L’exigence prévue à l’article 30i) de la Loi consiste à inclure dans la demande une déclaration selon laquelle le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans la demande. L’existence d’une marque de commerce qui, allège-t-on, crée de la confusion n’empêche pas le requérant de faire la déclaration requise, puisque le requérant peut tout de même être convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce. Par conséquent, alors que, dans ce cas-ci, la déclaration requise est fournie, un opposant peut seulement invoquer l’article 30i) dans des cas particuliers, comme lorsque l’on allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou de fraude ou lorsque l’on pourrait soutenir que la loi fédérale empêche l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) et Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)].

[50]  Dans ce cas-ci, il n’y a aucune allégation de cette nature dans la déclaration d’opposition et il n’y a aucune preuve au dossier à cet effet. Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité au titre de l’article 12(1)d)

[51]  L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’à la date de production de la Demande et à tout autre moment, la Marque créait de la confusion et risquait de causer de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante. Plus précisément, mais sans s’y limiter, l’Opposante plaide en faveur de la similitude dans l’apparence et les idées suggérées par les marques de commerce respectives des parties; la similitude des produits, des services et des échanges des parties; le fait que la Marque de commerce de l’Opposante est [traduction] « bien connue, sinon célèbre, du moins en Colombie-Britannique dans l’industrie de la restauration »; et le fait que la Marque de commerce de l’Opposante avait été [traduction] « largement employée par l’Opposante sur le marché avant que des tiers n’adoptent “cannoli” comme élément d’une marque de commerce ».

[52]  La date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Le fardeau initial de l’Opposante est rempli si l’enregistrement qu’il invoque est en règle à cette date. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre à cet égard [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que l’Enregistrement de l’Opposante existe encore et est établi au nom de l’Opposante.

[53]  La Requérante fait valoir que l’affidavit de M. Pero [traduction] « contredit ouvertement » la date de premier emploi revendiquée dans l’Enregistrement de l’Opposante et que la Marque de commerce de l’Opposante « n’aurait donc pas dû être enregistrée comme un “emploi antérieur” ». Cependant, la validité de l’enregistrement de l’Opposante n’est pas en cause dans une procédure d’opposition [voir Molson Canada 2005 c Anheuser-Busch, Incorporated, 2010 CF 283]. De plus, un opposant n’a pas à démontrer l’« emploi » de sa marque pour s’acquitter de son fardeau de preuve en vertu de l’article 12(1)d).

[54]  La Requérante soutient en outre que l’enregistrement d’une marque figurative ne protège pas explicitement le texte, pour lequel il faudrait obtenir un enregistrement de marque nominale (para 117 et 118). Toutefois, la Requérante n’offre aucun appui à cette proposition, qui semble être contraire à l’approche adoptée par la Cour suprême du Canada pour déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, ce dont il est question ci-dessous.

[55]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[56]  Le test en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui précise que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice (un système international servant à classer les produits et les services aux fins de l’enregistrement des marques de commerce).

[57]  Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt la confusion portant à croire que les produits et les services liés à chacune des marques de commerce proviennent de la même source. Le test en matière de confusion est décrit en ces termes par le juge Binnie dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au paragraphe 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque du requérant], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [de l’opposant] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[58]  Certaines des circonstances de l’espèce à prendre en compte au moment de déterminer si des marques de commerce créent de la confusion sont énoncées à l’article 65(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot, supra; Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[59]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, supra, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, supra, au para 64]. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [voir Veuve Clicquot, supra]. Cependant, comme il est souligné dans United Artists Pictures Inc c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), à la page 263 :

« Même s’il faut examiner la marque [en cause] comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public. »

[60]  La première partie d’une marque de commerce est souvent considérée comme la plus importante aux fins de distinction [voir Conde Nast Publications Inc. c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Cependant, lorsque la première partie d’une marque de commerce est un mot descriptif ou suggestif courant, son importance diminue [voir Merial LLC c Novartis Animal Health Canada Inc (2001), 11 CPR (4th) 191 (CF 1re inst); Sky Solar Holdings Co c Skypower Global, 2014 COMC 262, 139 CPR (4th) 363 (COMC); et Phantom Industries Inc c Sara Lee Corp (2000), 8 CPR (4th) 109 (COMC)]. En l’espèce, chacune des marques de commerce en cause commence par le mot CANNOLI, et les marques sont similaires dans cette mesure. Cependant, étant donné que CANNOLI est le nom d’un dessert de pâtisserie italien et, à ce titre, qu’il suggère le type d’aliment vendu sous la marque de commerce, il y aurait une tendance à ne pas tenir compte de l’importance du mot CANNOLI, tant dans la Marque de commerce de l’Opposante que dans la Marque de la Requérante.

[61]  À mon avis, l’aspect le plus frappant de la Marque de commerce de l’Opposante est le mot KING et la façon dont ce mot suit de près CANNOLI afin de suggérer un seul mot inventé – « Cannoliking » – comportant deux éléments distincts, « Cannoli » et « king ».

[62]  De même, je considère que QUEENS est l’aspect le plus frappant de la Marque de la Requérante. En l’espèce, la Marque fait l’objet d’une demande en tant que deux mots distincts, CANNOLI et QUEENS, sans restriction quant à la façon dont les deux mots pourraient être affichés. Bien que le droit exclusif d’employer le mot QUEENS à l’exception de la Marque ait fait l’objet d’un désistement, la partie d’une marque de commerce dont on se désiste fait toujours partie intégrante de la marque et peut tout de même servir de caractéristique dominante ou distinctive [voir Cafe Supreme, supra; et American Cyanamid Co c Record Chemical Co (1972), 7 CPR (2d) 1 (CF 1re inst)].

[63]  Lorsque je considère les marques de commerce comme une première impression et un souvenir imparfait, je conclus que les différents éléments du suffixe donnent lieu à des marques de commerce qui ont une apparence et un son différents, parce que le mot « king » est visuellement et oralement différent du mot QUEENS. Bien que je ne considère pas l’ajout d’une petite couronne de roi comme un ajout particulièrement frappant ou unique en soi, la présence de la couronne comme un accent surmontant la lettre « g » dans « king » attire l’attention sur l’élément « king » et contribue à la différence visuelle dans la deuxième moitié des marques de commerce des parties. Par conséquent, malgré l’élément commun CANNOLI, les deux marques de commerce considérées dans leur ensemble diffèrent en apparence et en son.

[64]  En ce qui concerne les idées suggérées, les mots KING et QUEENS font tous deux référence aux monarques, bien que QUEENS puisse également faire référence aux épouses de rois. De plus, dans le contexte des marques de commerce dans leur ensemble, KING et QUEENS peuvent donner une connotation laudative. À cet égard, je note que le Concise Canadian Oxford Dictionary (Toronto : Oxford University Press, 2005) comprend les définitions pertinentes suivantes de « king » [roi] et de « queen » [reine] [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65, 92 CPR (4th) 408 en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du registraire de prendre un avis judiciaire des définitions de dictionnaire] :

[traduction]

Roi

2 une personne ou une chose prééminente dans un domaine ou une classe en particulier (roi du chemin de fer).

3 un grand (ou le plus grand) type de plante, d’animal, etc. (manchot royal).

Reine

3a une femme, un pays ou une chose prééminents ou suprêmes dans un domaine ou un genre précis (reine du tennis).

b une beauté ou une souveraine fictive à une occasion (reine de beauté; reine de la foire).

[65]  Ainsi, les idées suggérées par les deux marques de commerce en l’espèce peuvent également être considérées comme était quelque peu semblables dans la mesure où les deux marques suggèrent l’idée de régler en maître dans le domaine du cannoli. Cependant, les idées suggérées par les deux marques sont également différentes dans la mesure où la Marque de commerce de l’Opposante évoque l’image d’un seul souverain masculin, tandis que la Marque de la Requérante évoque l’image d’un groupe de femmes royales.

[66]  Dans l’ensemble, je conclus que les deux marques de commerce en cause sont légèrement plus différentes qu’elles ne sont semblables, vu les différences visuelles, orales et conceptuelles dans leurs éléments les plus frappants. Étant donné que les similitudes entre les deux marques de commerce se trouvent dans leurs aspects descriptifs et laudatifs, je considère que les caractéristiques les plus frappantes de chaque marque de commerce sont plus susceptibles d’avoir une influence déterminante sur la perception de chaque marque par le public, comme une première impression et un souvenir imparfait. Ainsi, à mon avis, bien que l’affaire soit proche, le degré de ressemblance favorise légèrement la Requérante.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[67]  Les marques de commerce des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent relativement faible. La première partie de chaque marque de commerce – généralement considérée comme la plus importante aux fins de distinction – décrit la nature d’au moins certains des produits des parties et l’objet de leurs services, et elle suggère le type d’aliment vendu sous la marque. Chacune des marques de commerce, considérée dans son ensemble, a une connotation quelque peu laudative, évoquant l’idée de domination suprême dans le domaine du cannoli.

[68]  Je considère que les éléments de dessin et les couleurs dans la Marque de commerce de l’Opposante n’accroissent que légèrement le caractère distinctif inhérent de celle‑ci, vu leur subtilité et leur tendance à renforcer les éléments nominaux, en particulier l’idée suggérée par le mot KING et le caractère italien incarné par le mot CANNOLI.

[69]  Je considère que la combinaison de « Cannoli » et de « king » est assez subtile, bien que cette construction suscite effectivement un certain intérêt ajouté.

[70]  Je considère également que le mot QUEENS est au pluriel dans la Marque de la Requérante pour ajouter un degré d’intérêt, dans la mesure où on s’attendrait à un seul souverain, alors que la Marque de la Requérante évoque l’image mentale de plusieurs monarques. En effet, dans son affidavit, Mme Mior explique qu’elle a choisi le nom de « Cannoli Queens » pour son entreprise parce que [traduction] « cela incarnait les 3 femmes de l’entreprise familiale, soi moi‑même et mes 2 filles, et notre confiance dans la haute qualité, la production et la vente des produits » (para 38). Bien que les consommateurs ne connaissent peut-être pas la dérivation de la Marque, l’idée d’un groupe de femmes royales travaillant avec des cannoli peut encore venir à l’esprit. Encore une fois, le désistement du droit exclusif d’employer le mot QUEENS n’a pas, en soi, d’incidence sur la façon dont les consommateurs perçoivent le mot QUEENS dans la Marque dans son ensemble.

[71]  Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’emploi et la promotion au Canada [voir Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re Inst); GSW Ltd v Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. Les deux parties ont produit des preuves à cet égard.

La Marque de commerce de l’Opposante

[72]  La preuve de l’Opposante se compose des deux affidavits de son directeur, président, secrétaire et unique actionnaire, Sam Pero. Toutefois, l’emploi et la promotion de la Marque de commerce de l’Opposante sont également abordés dans l’affidavit de la directrice, présidente et actionnaire de la Requérante, Silvana Mior.

Question préliminaire : Preuve par ouï‑dire

[73]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que [traduction] « ces parties de la preuve de l’Opposante est [sic] une preuve par ouï-dire inadmissible, car l’Opposante n’a pas prouvé la nécessité et la fiabilité de la preuve en cause » (para 67). On ne sait pas clairement quelles sont les parties de la preuve auxquelles la Requérante fait référence; toutefois, l’observation semble cibler la preuve relative à l’emploi du Nom commercial de l’Opposante et du nom commercial Cannoli King Vancouver, comme la page Web et l’enseigne aux Pièces C et F. Dans la mesure où une telle preuve documentaire fournissant des renseignements sur l’Opposante est fournie pour attester de la véracité de son contenu, la preuve est fiable, puisque les documents sont semblables aux documents commerciaux et que l’Opposante elle‑même est la source du matériel. De plus, lorsque M. Pero déclare que la page Web à la Pièce C [traduction] « contient l’historique de l’Opposante » ou que l’enseigne à la Pièce F [traduction] « contient un bref historique de l’Opposante », je considère qu’il adopte le contenu du matériel. Par conséquent, je considère que cette preuve est admissible, tant à titre d’exemple de l’annonce et de la promotion par l’Opposante que pour attester de la véracité de son contenu.

Question préliminaire : Écart

[74]  Aucun des éléments de preuve ne montre que la Marque de commerce de l’Opposante est affichée exactement telle qu’elle est enregistrée, montrant plutôt un certain nombre de variantes différentes. La plupart des observations de la Requérante sont consacrées à l’argument que la Marque de commerce de l’Opposante n’est pas employée telle qu’elle est enregistrée (et donc comme on le plaide), et la propre preuve de la Requérante fournit de nombreux exemples supplémentaires de la variation.

[75]  Je note en particulier les écarts suivants par rapport à la marque de commerce déposée :

[76]  En appliquant les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), en plus des principes énoncés dans Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC), je conclus que la Marque de commerce de l’Opposante n’a pas perdu son identité et demeure reconnaissable malgré ces différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et la forme sous laquelle elle a été employée.

[77]  En particulier, je conclus que les caractéristiques dominantes de la Marque de commerce de l’Opposante – la combinaison de l’expression CANNOLI KING et du dessin de la couronne – ont été préservées et se distinguent du mot VANCOUVER – qui est considérablement plus petit, d’un style de lettrage différent et descriptif de l’emplacement de l’entreprise – et du motif décoratif du blé [pour une conclusion similaire, voir par exemple Pain & Ceond Ballos Foods, Inc, 2013 COMC 143]. J’estime que les différences dans la taille, la position et les détails du dessin de la couronne sont d’une importance mineure [pour des conclusions semblables en ce qui concerne les écarts dans les positions relatives des éléments, voir Aird & Berlis LLP c Sonaco SARL, 2014 COMC 37; et Gowling Lafleur Henderson LLP c Coalision Inc, 2011 COMC 134; et W&L Giraffebaby Group Ltd c Sophie la Girafe SAS, une société anonyme, 2020 COMC 12]. Je conclus également qu’il n’y a guère de différence entre les couleurs noir et marron foncé pour les éléments nominaux, et je ne considère pas ce qui est essentiellement une inversion des couleurs (blanc sur fond sombre) comme un écart important.

[78]  Par conséquent, je conclus que les variantes précédentes de la Marque de commerce de l’Opposante constituent des écarts acceptables par rapport à cette marque telle qu’elle est enregistrée, de sorte qu’aux fins de la présente procédure, la Marque de commerce de l’Opposante peut acquérir un caractère distinctif par l’emploi et la promotion de ces variantes. Par conséquent, j’appellerai ensemble ces variantes la « Marque de commerce de l’Opposante » dans mon analyse de la preuve qui suit.

Le premier affidavit de M. Pero

[79]  Dans son premier affidavit, M. Pero déclare que l’Opposante a été constituée en personne morale en vertu des lois de la Colombie-Britannique le 1er novembre 2006 (para 4; certificat de constitution à la Pièce A) et exerce son entreprise dans le domaine de [traduction] « la création, le développement et la production de cannoli et de gâteaux de cannoli artisanaux d’origine sicilienne à Vancouver » (para 6). M. Pero explique que l’Opposante assure la livraison locale rapide de produits de cannoli par l’entremise de son parc de véhicules et de camions-restaurants et qu’il offre également des services de traiteur sur place pour les anniversaires, les mariages et les événements spéciaux (para 7).

[80]  M. Pero fournit un extrait du site Web de l’Opposante à cannoliking.ca pour montrer [traduction] « l’historique de l’Opposante » (para 6, Pièces C et I). Intitulée « About Cannoli King » [À propos de Cannoli King], la page Web indique que Cannoli King Vancouver [traduction] « est née » en 2013. Cependant, elle indique également que [traduction] « Cannoli King Vancouver confectionne localement des cannoli siciliens depuis plus de 35 ans ». De plus, elle indique que ce produit est offert à une boulangerie‑pâtisserie achetée par la famille de M. Pero en 2005, appelée Italia Bakery Vancouver (pour laquelle l’adresse de l’Opposante est donnée), ainsi que dans un camion‑restaurant « PIPER » – Cannoli King Vancouver qui se rend à divers marchés, événements et autres lieux communautaires.

[81]  Bien que M. Pero n’explique pas la relation entre l’Opposante et Cannoli King Vancouver, il semblerait, d’après une interprétation raisonnable de l’affidavit dans son ensemble, que l’Opposante emploie Cannoli King Vancouver comme nom commercial. Pourtant, M. Pero n’explique pas comment Cannoli King Vancouver exerce ses activités depuis plus de 35 ans alors qu’elle n’est pas [traduction] « née » avant 2013 et que l’Opposante n’a pas été constituée en personne morale avant 2006. Il se peut que les renvois à Cannoli King Vancouver dans les Pièces soient censés inclure l’Opposante alors qu’elle exerçait ses activités sous un nom antérieur, ainsi que les prédécesseurs de l’Opposante gérés par la famille de M. Pero. À cet égard, je constate qu’une partie de la signalisation et des emballages illustrés dans son affidavit portent l’avis suivant : [traduction] « De la petite ville de Nicosia, en Sicile, à Vancouver, en C.‑B., Cannoli King Vancouver poursuit notre tradition familiale depuis plus de 35 ans » (Pièces F et G). Dans les circonstances, je suis seulement disposée à conclure que l’Opposante emploie Cannoli King Vancouver comme nom commercial depuis une certaine date en 2013.

[82]  Quant à la Marque de commerce de l’Opposante, M. Pero fait remarquer qu’elle est affichée sur des boîtes d’emballage et sur diverses enseignes, ainsi que sur la carrosserie du parc de véhicules et des camions‑restaurants de l’Opposante, ce qui comprend ce qui suit :

[83]  Pour démontrer comment la Marque de commerce de l’Opposante est affichée sur ces véhicules et sur d’autres matériaux, notamment les enseignes et l’emballage, M. Pero joint diverses photographies et divers imprimés à son affidavit. Cette preuve démontre que la Marque de commerce de l’Opposante est affichée aux endroits suivants :

[84]  La Marque de commerce de l’Opposante est également affichée bien en vue dans l’en-tête du site Web de l’Opposante à www.cannoliking.ca (Pièces C et I). Le site Web fait la promotion de cannoli siciliens artisanaux (i) préparés [traduction] « pendant que vous attendez » à Italia Bakery; (ii) disponibles pour la commande en ligne et le ramassage à la boulangerie‑pâtisserie ou pour livraison locale par [traduction] « [n]otre petite voiture de livraison amusante et rapide, “Frankie Fiat” »; et (iii) par l’entremise du camion‑restaurant « PIPER », également disponible pour le service de traiteur sur place. Le site Web précise que la livraison et le service de traiteur sont disponibles uniquement dans la région du Grand Vancouver. La boutique en ligne présente une variété de styles de cannoli, ainsi que « Cannoli‑Cake » (un gâteau bordé de cannoli) et un « Cannoli Kit », composé de coquilles de cannoli et d’une poche à douille remplie. Les pages Web exposées dans les Pièces portent un avis de droit d’auteur de 2015, mais une date d’impression de « 11/7/2017 ».

L’affidavit de Mme Mior

[85]  L’affidavit de Mme Mior contient également diverses photographies et divers imprimés montrant comment la Marque de commerce de l’Opposante est affichée en liaison avec les produits et services de l’Opposante. D’après la preuve de Mme Mior, je constate ce qui suit :

[86]  Les imprimés de site Web fournis par Mme Mior sont admissibles comme preuve que ces pages Web promotionnelles existaient et étaient accessibles au Canada au moment de leur impression et que la Marque de commerce de l’Opposante était affichée en ligne à ces dates de la manière indiquée. Toutefois, dans la mesure où la preuve de Mme Mior vise à démontrer la nature des activités de l’Opposante hors ligne et la façon dont la Marque de commerce de l’Opposante était affichée dans les emplacements physiques décrits, elle constitue un ouï-dire. En général, les éléments de preuve par ouï-dire sont à première vue inadmissibles, à moins qu’ils ne satisfassent aux critères de nécessité et de fiabilité [Labatt Brewing, supra]. En l’espèce, il semble nécessaire de se fier au ouï-dire, car il n’y a pas lieu de s’attendre à ce que la Requérante possède une connaissance personnelle des activités de l’Opposante. De plus, la preuve est fiable dans la mesure où l’Opposante est la source des images promotionnelles et, en tant que partie à l’instance, a eu l’occasion de réfuter la preuve. Le registraire a déjà accepté une preuve de cette nature dans les cas où l’auteur de l’affidavit a effectué lui-même des recherches sur Internet, qu’il était difficile pour la partie de trouver d’autres éléments de preuve, et que l’autre partie a eu l’occasion de réagir à la preuve [voir Home Hardware Stores Limited c 1104559 Ontario Ltd, 2013 COMC 210; voir aussi Effigi Inc c HBI Branded Apparel Limited, Inc 2010 COMC 160]. Dans les circonstances, je suis disposée à accorder un certain poids à la preuve de Mme Mior portant sur la façon dont la Marque de commerce de l’Opposante est employée.

Le deuxième affidavit de M. Pero

[87]  En guise de contre-preuve, l’Opposante a fourni le deuxième affidavit de M. Pero, dont la seule Pièce contient quatre photographies prises le 24 mai 2018, en réponse directe à une question soulevée et soulignée dans l’affidavit de Mme Mior, à savoir l’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante dans un schéma de couleurs qui diffère de la revendication figurant dans l’Enregistrement de l’Opposante.

[88]  Les photographies exposées dans les Pièces représentent des boîtes d’emballage qui affichent la Marque de commerce de l’Opposante avec lettrage noir (dans la variante la plus simple, en ajoutant seulement le petit mot « VANCOUVER »). M. Pero confirme que cet emballage affiche la Marque de commerce de l’Opposante dans les couleurs revendiquées dans l’Enregistrement de l’Opposante. Cependant, il ajoute qu’elle est seulement employée pour emballer le produit « Cannoli Kit » et [traduction] « n’est pas actuellement la boîte d’emballage la plus couramment utilisée de l’Opposante » (para 3). J’accepte que cette preuve démontre l’affichage de la Marque de commerce de l’Opposante sur l’emballage des produits « Pastries » [pâtisseries] et « Cannoli » au moment de la vente, nonobstant la nature déstructurée du produit dans ce cas particulier.

[89]  Deux des photographies montrent également un panneau de mur en néon formant les mots « Cannoli king » en tubes blancs, sous le contour d’une couronne en tubes jaunes, avec trois points pour les bijoux, qui sont verts, blancs et rouges, dans cet ordre. M. Pero ne commente pas cette enseigne au néon.

[90]  Toutefois, étant donné que je conclus ci-dessus que les couleurs revendiquées dans l’Enregistrement de l’Opposante ne sont pas une caractéristique dominante de la marque et que les variantes de la Marque de commerce de l’Opposante dont il est question ci-dessus ne constituent que des écarts mineurs par rapport à la marque de commerce telle qu’enregistrée, il n’est pas nécessaire que l’Opposante se fonde sur les boîtes d’emballage illustrées dans le deuxième affidavit de M. Pero. (Pour les mêmes raisons, il n’est pas nécessaire de se demander si la simple enseigne au néon constitue un écart acceptable par rapport à la marque.)

Conclusion concernant la marque de commerce de l’Opposante

[91]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que les déclarations de M. Pero concernant les dates auxquelles la Marque de commerce de l’Opposante a été affichée pour la première fois sur la voiture et le camion‑restaurant de l’Opposante ne sont pas corroborées par des éléments de preuve à l’appui. La Requérante soutient en outre que [traduction] « le site Web de l’Opposante, cannoliking.ca, a été enregistré le 14 janvier 2015 », ce qui « indiquerait que [la] date la plus rapprochée possible d’emploi de la marque figurative de l’Opposante serait le 14 janvier 2015 ou après cette date » (para 79), et que le site Web de l’Opposante comporte un avis de droit d’auteur daté de 2015, « confirmant [ainsi] que l’Opposante n’a revendiqué aucun nom d’entreprise ou de domaine censément protégé par le droit d’auteur avant l’année 2015 » (para 72). Dans son affidavit, Mme Mior affirme également qu’elle croit sincèrement que [traduction] « tous les éléments de preuve disponibles, publiquement sur le site Web [de l’Opposante], les comptes Facebook, Instagram et Twitter, indiquent que l’emploi par l’Opposante de sa marque figurative enregistrée n’a pas eu lieu avant 2015 au plus tôt […] » (para 13).

[92]  Cependant, rien dans l’Enregistrement de l’Opposante ne limite ses produits et services à ceux offerts sur un site Web. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la Requérante pour dire que l’Opposante n’aurait pas pu employer sa marque de commerce avant d’enregistrer son nom de domaine. L’Opposante n’a pas besoin d’une présence sur Internet pour utiliser sa marque de commerce sur les véhicules et la signalisation. De plus, l’affidavit de Mme Mior ne précise pas en quoi le [traduction] « site Web, les comptes Facebook, Instagram et Twitter » de l’Opposante sont incompatibles avec l’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante sur les véhicules à compter de 2013. Par conséquent, rien ne contredit la déclaration sous serment de M. Pero selon laquelle la Marque de commerce de l’Opposante a été employée pour la première fois sur la voiture blanche en 2013.

[93]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient qu’un tel affichage n’est au plus que de la publicité et ne constitue pas un emploi en liaison avec des produits ou des services, puisque M. Pero affirme simplement que la voiture est [traduction] « conduite en ville » et ne fournit aucune [traduction] « preuve à l’appui » de la vente de biens ou de services (para 73). Toutefois, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est affichée soit dans l’exécution de services, soit dans l’annonce de services qui peuvent être exécutés [voir l’article 4(2) de la Loi et Wenward, supra]. En l’espèce, la preuve de M. Pero est que l’Opposante [traduction] « possède un parc de véhicules et de camions-restaurants qui assurent la livraison locale rapide de produits de cannoli » (para 7). Bien qu’il ne précise pas que les véhicules utilisés pour la livraison en 2013 comprenaient la voiture compacte blanche illustrée à la Pièce D, il fournit une série d’imprimés du site Web de l’Opposante qui font la promotion de ce qui suit (Pièce I) :

[traduction]

Obtenez une livraison locale rapide de délicieux cannoli du seul et unique Cannoli King. Commandez en ligne et obtenez la livraison rapide à votre bureau ou n’importe où dans la région du Grand Vancouver. Notre petite voiture de livraison amusante et rapide, « Frankie Fiat », vous apportera nos cannoli confectionnés à la main ici même.

Comme il n’y a aucune indication qu’il y ait une autre voiture dans le parc de véhicules de l’Opposante, j’accepte que la [traduction] « voiture compacte blanche » illustrée à la Pièce D (para 8) est la [traduction] « petite voiture de livraison rapide » mentionnée sur le site Web de l’Opposante. Par conséquent, après lecture objective de l’affidavit de M. Pero dans son ensemble, j’accepte que, depuis 2013, le service de livraison de l’Opposante pouvait à tout le moins être exécuté à l’aide de la voiture illustrée à la Pièce D; que la conduite de cette [traduction] « voiture de livraison » a servi à annoncer le service de [traduction] « produits de boulangerie » de l’Opposante; et que l’affichage de la Marque de commerce de l’Opposante pendant les livraisons en soi constituait un affichage tant dans l’annonce que dans l’exécution de ce service.

[94]  La preuve de M. Pero et de Mme Mior prise ensemble fournit également de nombreuses images de la Marque de commerce de l’Opposante affichées subséquemment sur des véhicules, de l’emballage, de la signalisation et des vêtements, ainsi qu’en ligne. En ce qui concerne l’affichage sur le camion‑restaurant, nonobstant les arguments contraire de la Requérante (para 73), je suis convaincue qu’il fournirait l’avis de liaison requis entre la Marque de commerce de l’Opposante et les aliments et boissons préparés dans le camion‑restaurant au moment de leur transfert aux clients dans la pratique normale du commerce. Je suis donc convaincue que cet affichage constitue non seulement l’annonce, mais aussi l’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante en liaison avec les services de [traduction] « camion‑restaurant » et les produits spécifiques préparés et vendus par le camion‑restaurant [pour des conclusions similaires concernant les produits vendus dans un contexte de restaurant, voir Goubuli Group Co, Ltd c Qiang Zhang, 2017 COMC 123; Oyen Wiggs Green & Mutala c Aimers (1998), 86 CPR (3d) 89 (COMC)].

[95]   Cela dit, la preuve relative à l’emploi et à la promotion de la Marque de commerce de l’Opposante ne comprend aucune information sur le volume des ventes de produits et de services de marque; elle ne comprend pas non plus de données sur l’accès aux pages Web promotionnelles, ni toute autre indication de la mesure dans laquelle la publicité portant sur la Marque de commerce de l’Opposante peut avoir rejoint les consommateurs canadiens au fil des ans. Au mieux, la preuve est qu’au moment de l’affidavit de M. Pero, la voiture de livraison blanche affichant la Marque de commerce de l’Opposante était [traduction] « conduite en ville tous les jours pendant au moins une heure, 7 jours par semaine » et que le camion‑restaurant affichant la Marque de commerce de l’Opposante était [traduction] « conduit une ou deux fois par semaine » depuis la fin de février 2014 (para 8).

[96]  À la lumière de ce qui précède, je suis convaincue que la Marque de commerce de l’Opposante est à tout le moins quelque peu connue dans la région du Grand Vancouver, en fonction du nombre d’années depuis lesquelles la boulangerie‑pâtisserie est exploitée, et diffuse apparemment des publications dans les médias sociaux, et de la preuve d’un site Web actif et d’un parc de véhicules de services de restauration et de livraison de marque. J’estime qu’il est raisonnable de conclure qu’une boulangerie‑pâtisserie exploitée depuis 2013 par les diverses voies que M. Pero décrit aurait eu au moins quelques ventes à l’heure qu’il est. Toutefois, en l’absence d’information sur le volume de telles ventes et publicités et sur la portée des publicités, je ne peux conclure que la Marque de commerce de l’Opposante est devenue connue dans une mesure appréciable.

La Marque de la Requérante

[97]  Dans son affidavit, Mme Mior affirme que, depuis le 17 juillet 2014, elle et ses deux filles préparent des desserts de cannoli à l’italienne à partir de leurs locaux à Etobicoke, en Ontario, et les vendent à divers clients de gros et de détail de la région du Grand Toronto (para 37). Elle affirme avoir enregistré le nom commercial « Cannoli Queens » de l’entreprise auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario à cette date à titre de prédécesseur de la Requérante (para 18 et 39). Elle affirme en outre que l’entreprise a été exploitée, et que la Marque a été employée en liaison avec elle, de cette date à la date de son affidavit (para 41).

[98]  Mme Mior explique qu’en 2015, [traduction] « en raison de la notoriété et des ventes accrues de l’entreprise », elle a constitué la Requérante en société canadienne en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions [traduction] « en tant que comme successeur de ma demande de style d’affaires ontarien “Cannoli Queens” » (para 19 et 40). Elle affirme que, le ou vers le 1er octobre 2015, la Requérante a ouvert une boulangerie‑pâtisserie, une cuisine de production et un magasin de détail qui vendent des desserts de cannoli à l’italienne à Woodbridge, en Ontario, tout juste à l’extérieur de Toronto (para 40 et 45). Elle précise que la Requérante exploite son entreprise à partir de cette cuisine et de ce magasin de détail [traduction] « pour les magasins de détail, les traiteurs et les clients de l’Ontario dans la région du Grand Toronto » (para 45) et que les produits et services actuellement offerts dans cette région et dans la province consistent en [traduction] « des ventes le jour même au public de produits de restaurant/boulangerie‑pâtisserie/charcuterie et de produits emballés à des supermarchés et d’autres services de charcuterie » (para 66). Elle ajoute que la Requérante offre ses produits [traduction] « dans divers magasins de détail chez les traiteurs de la Requérante dans la région du Grand Toronto » (para 42).

[99]  Mme Mior affirme que la Requérante emploie la Marque « sur les enseignes, l’emballage, les tableaux de menu, les factures, le nom de la société canadienne, les contrats, etc. » (para 63). Elle joint à l’appui les Pièces suivantes à son affidavit :

La première page de chaque imprimé comporte un logo bordeaux qui intègre la Marque : « CANNOLI » est imprimé au-dessus de « QUEENS » en majuscules d’imprimerie, avec les mots « ITALIAN PASTRIES » en petits caractères en dessous, le tout dans un anneau décoratif surmonté d’une couronne (le Logo CANNOLI QUEENS). Mme Mior décrit ce logo comme étant en forme de [traduction] « sceau » rond (para 64). Le logo est également utilisé comme espace réservé pour certaines images de produits indiquant « COMING SOON » [À VENIR BIENTÔT] (Pièce L).

[100]  Je ferai d’abord remarquer que le simple fait d’enregistrer une marque de commerce en tant que nom commercial, nom de société ou nom de domaine ne constitue pas un « emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi (reproduit ci-dessus dans la section sur le motif d’opposition fondé sur l’article 30b). De plus, il ne crée ni ne confirme aucun droit d’emploi de la marque de commerce; de tels droits sont régis par la Loi, et non par la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou par le ministère de la Consommation et du Commerce.

[101]  Deuxièmement, bien que la plus ancienne preuve d’affichage de la Marque en liaison avec des produits ou des services soit sans doute la facture du 26 novembre 2014, cette facture a été émise par la Société en nom collectif, et non par la Requérante (qui n’a été établie que le 29 janvier 2015). Étant une société, la Requérante est une entité juridique distincte de la société de personnes, indépendamment du chevauchement des parties principales deux organisations. Il n’y a aucune preuve que la Société en nom collectif a déjà cédé à la Requérante ses droits dans le nom commercial Cannoli Queens ou la marque de commerce correspondante, et, même si elle l’avait fait, la Demande ne revendique pas l’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre. Par conséquent, seule la preuve d’emploi et de promotion de la Marque à compter du 29 janvier 2015, par la Requérante lui-même, peut contribuer au caractère distinctif acquis de la Marque en l’espèce.

[102]  La plus ancienne preuve de cette nature est la facture du 4 août 2015 concernant une vente de cannoli par la Requérante. La Marque est affichée dans un Logo CANNOLI QUEENS au haut de la facture. En appliquant les principes énoncés dans CII Honeywell Bull, supra, et Nightingale, supra, ainsi que dans Loro Piana SPA c Le conseil canadien des ingénieurs (CCI), 2009 CF 1096, 2009 CarswellNat 3400, et 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC), je conclus que l’affichage de cette marque de commerce composite constitue également un affichage de la Marque. Je suis convaincue que la Marque se distingue suffisamment pour avoir une identité qui se distingue du logo dans son ensemble et qu’au moment d’une première impression, non seulement le logo serait reconnu, mais aussi la Marque en soi, distincte du texte en petits caractères et de l’anneau décoratif avec un dessin de couronne.

[103]  Cela dit, à l’exception des quatre factures de la Pièce J, Mme Mior ne fournit aucun chiffre de ventes pour les biens et services au fil des ans. Elle ne fournit pas non plus de données sur l’accès au site Web ou aux publications Instagram de la Requérante ou d’autres indications de la mesure dans laquelle les publicités de la Requérante ont rejoint les consommateurs canadiens. De plus, les exemples de promotion en ligne de l’entreprise (Pièces H, I, K et L) et des voies de distribution de la Requérante (les magasins et les traiteurs aux Pièces I et K) sont tous tirés du site Web de la Requérante et d’Instagram, tels que consultés en 2018; Mme Mior ne donne aucune autre indication de la nature ou de l’étendue des activités promotionnelles ou de la distribution de produits de la Requérante avant cette date.

[104]  Comme il semble que la Requérante exploite une entreprise active dans la région du Grand Toronto depuis plusieurs années et, du moins en 2018, qu’elle possédait un site Web actif, j’accepte que la Marque soit devenue du moins quelque peu connue dans cette région particulière du Canada. Toutefois, en l’absence d’information sur le volume des ventes de la Requérante et la distribution ou la nature et la portée de ses publicités au fil des ans – y compris toute information relevant de la portée du site Web –, je ne peux conclure que la Marque est devenue connue dans une mesure quelconque.

[105]  Même si j’étais en mesure de tenir compte de la facture de 2014 (qui est destinée au même acheteur que la facture de 2016) et que je considérais le nom commercial Cannoli Queens sur cette facture comme étant aussi une marque de commerce, cet exemple unique de vente antérieure ne serait pas suffisant pour changer ma conclusion globale [voir Consumers Distributing Co/Cie Distribution aux Consommateurs v Toy World Ltd, 1990 CarswellNat 1398 (COMC), qui explique que l’emploi d’une marque de commerce et celui d’un nom commercial ne sont pas mutuellement exclusifs].

Conclusion concernant le caractère distinctif inhérent et acquis

[106]  Dans l’ensemble, il semblerait que l’Opposante emploie la Marque de commerce de l’Opposante dans le cadre de ses activités depuis un peu plus longtemps que la Requérante n’emploie la Marque. La preuve démontre également que la Marque de commerce de l’Opposante a été promue de plusieurs façons au fil des ans – y compris en ligne, sur l’emballage, sur la signalisation et par l’entremise du parc de véhicules de livraison et de services alimentaires de l’Opposante –, alors que la seule preuve de promotion de la Marque est la série d’imprimés de 2018 sur le site Web et Instagram.

[107]  L’une des pages Web de la Requérante énumère plusieurs détaillants et traiteurs pour les produits de la Requérante; toutefois, en l’absence de toute information de Mme Mior concernant la mesure dans laquelle la Marque a été employée et promue à l’aide de ces voies, cette liste est d’une aide limitée. De même, bien que les photographies d’Instagram illustrent le Logo CANNOLI QUEENS sur un tableau de menu, l’emballage, l’étalage de Noël, ainsi qu’un chariot de distribution de repas et une bannière, Mme Mior ne précise pas si ces images sont représentatives de la façon dont la Requérante affichait la Marque à un moment donné et, le cas échéant, de l’étendue d’un tel affichage.

[108]  À la lumière de la preuve décrite ci-dessus, je conclus que la Marque est du moins quelque peu connue – en particulier, dans la région du Grand Toronto –, mais qu’il y a plus de preuves qui laissent entendre que la Marque de commerce de l’Opposante est devenue connue – en particulier, dans la région du Grand Vancouver.

[109]  Ainsi, dans l’ensemble, le facteur de l’article 6(5)a) favorise l’Opposante, mais seulement dans une légère mesure.

 Durée d’emploi des marques de commerce

[110]  La plus ancienne preuve d’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante est la déclaration de M. Pero selon laquelle la Marque de commerce de l’opposante a été affichée pour la première fois sur la voiture de livraison blanche en 2013, ce dont il est question ci-dessus. La plus ancienne preuve d’emploi de la Marque, par la Requérante, au sens de la Loi, semble être la facture du 4 août 2015 à la Pièce J, qui concerne une expédition de cannoli provenant de la boulangerie‑pâtisserie de la Requérante. Ainsi, le plus ancien emploi démontré par la Requérante est postérieur au premier emploi de la Marque de commerce de l’Opposante, bien que ce ne soit que de quelques années.

[111]  Je note que même si j’étais en mesure de tenir compte de la facture de 2014 de la Société en nom collectif en tant que prédécesseur en titre de la Requérante – ou même de la déclaration de Mme Mior selon laquelle elle‑même et ses deux filles préparent et vendent des desserts de cannoli à l’italienne depuis le 17 juillet 2014 –, la date de premier emploi par la Requérante serait encore postérieure au premier emploi démontré par l’Opposante.

[112]  Par conséquent, la durée d’emploi des marques de commerce favorise l’Opposante, quoique légèrement.

Genre des produits et des services et nature du commerce des parties

[113]  Lorsqu’on examine la nature des produits et des services et la nature des opérations des parties en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, il faut évaluer l’état déclaratif des produits et des services tel que défini dans la demande du requérant et l’état déclaratif des produits et services figurant dans l’enregistrement de l’opposant, compte tenu des voies de commercialisation normalement liées à ces produits et services [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. Les états déclaratifs doivent être effectués dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober; une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc v Hunter Packaging Ltd, 1999 CarswellNat 3465 (COMC)].

[114]  Après avoir fait une simple lecture de l’état déclaratif des produits et services dans la Demande et de l’Enregistrement de l’Opposante, il semble que le genre des produits et services et la nature du commerce des parties sont en grande partie les mêmes.

[115]  L’Enregistrement de l’Opposante englobe divers produits de boulangerie‑pâtisserie et diverses grignotines, dont des « cannoli » et des [traduction] « croustilles de cannoli », ainsi que des mélanges de pâtisseries et de desserts et du café. L’Enregistrement de l’Opposante englobe également les services de boulangerie‑pâtisserie, de camion‑restaurant et de cantine mobile, y compris l’exploitation d’une entreprise qui fournit des produits de boulangerie‑pâtisserie, du café et d’autres boissons à des fins de consommation sur les lieux et à l’extérieur. La liste complète des produits et services visés par l’enregistrement est présentée à l’Annexe A aux présentes.

[116]  De même, les Produits de la Demande peuvent généralement être décrits comme des pâtisseries et des produits de boulangerie‑pâtisserie, y compris des « cannoli », ainsi que de la pâte, de la crème glacée, du café et d’autres boissons. Les Services peuvent généralement être décrits comme des services de restauration, de boulangerie‑pâtisserie et de charcuterie, ainsi que des services de franchisage pour restaurants et boulangeries‑pâtisseries.

[117]  En effet, la preuve montre également que les deux parties exploitent des établissements de boulangerie, de vente d’aliments et de restauration, mettant un accent similaire sur les pâtisseries de cannoli, y compris les gâteaux de cannoli. Selon le site Web, les cannoli de l’Opposante sont vendus en ligne pour le ramassage ou la livraison; frais à la boulangerie‑pâtisserie de l’Opposante; et à divers marchés, événements et endroits par l’entremise du camion-restaurant de l’Opposante, qui offre également des services de traiteur. Le site Web de la Requérante n’offre pas la possibilité de commander en ligne, mais il invite les visiteurs à appeler la Requérante ou à lui envoyer un courriel, et il fournit également une liste de détaillants et de traiteurs, y compris l’établissement de Woodbridge de la Requérante.

[118]  Dans son affidavit, Mme Mior souligne que [traduction] « la Requérante offre des pâtisseries de style vénitien qui consistent en des cannoncini alla crema (petits cannoli à la crème) », qu’elle prétend être [traduction] « complètement différents des pâtisseries de style sicilien au ricotta en plusieurs saveurs » de l’Opposante (para 49 et 70). Cependant, le site Web de l’Opposante fait référence non seulement à des [traduction] « cannoli siciliens authentiques », mais aussi à d’[traduction] « autres saveurs », et le site Web de la Requérante fait la promotion de saveurs qui comprennent une variété remplie de [traduction] « ricotta sicilienne ». De plus, bien que le produit de l’Opposante soit annoncé comme étant frit plutôt que cuit au four, les produits des deux parties semblent être des pâtisseries faites à la main, cylindriques et remplies de crème. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la définition de Mme Mior selon laquelle les produits des parties sont [traduction] « complètement différents ». Quoi qu’il en soit, les Produits visés par la Demande comprennent des « pâtisseries composées de coquilles de pâte frite tubulaires remplies de garniture crémeuse sucrée qui contient habituellement du ricotta » (soulignement ajouté). De plus, l’Enregistrement de l’Opposante comprend les [traduction] « Pâtisseries; Cannoli; Pâtisseries remplies de pudding au lait et de crème », ce qui est suffisamment large pour englober également les [traduction] « petits cannoli à la crème » et les feuilletés à la crème cuits au four, avec ou sans ricotta.

[119]  Je prends également note de l’observation de la Requérante selon laquelle ce n’est pas la Marque de commerce de l’Opposante, mais plutôt les noms « Italiabakery » et « CannoliBar » qui sont employés en liaison avec la boulangerie‑pâtisserie de l’Opposante. Cependant, l’une des pages Web de l’Opposante qui affiche la Marque de commerce de l’Opposante dans l’en-tête annonce ceci : [traduction] « Nos cannoli sont également disponibles 7 jours par semaine à Italia Bakery Vancouver […] » (ASP1, Pièce I). De plus, l’enseigne affichée dans la boulangerie‑pâtisserie de détail de l’Opposante en 2017 annonce ce qui suit sous la Marque de commerce de l’Opposante : [traduction] « Nous confectionnons localement chaque coquille de cannoli à partir de rien […] dans notre cantine » (ASP1, Pièce F). Je suis donc convaincue que la Marque de commerce de l’Opposante a été employée dans l’annonce d’au moins une partie des services fournis par la boulangerie‑pâtisserie de l’Opposante. Quoi qu’il en soit, l’état déclaratif des produits et services figurant dans l’enregistrement de l’opposante comprend les [traduction] « Services de boulangerie au détail […] » et les « Services de boulangerie‑pâtisserie », et l’Opposante n’est pas tenue de prouver l’emploi de sa marque de commerce en liaison avec les produits et services figurant dans son enregistrement.

[120]  Enfin, je souligne que les services de la Requérante sont offerts uniquement dans la région du Grand Toronto, tandis que les services de l’Opposante sont offerts uniquement dans la région du Grand Vancouver. Cependant, rien n’empêche les parties d’être en activité dans les mêmes provinces et même dans la même région dans l’avenir. En effet, l’enregistrement d’une marque de commerce confère un droit exclusif d’employer la marque de commerce partout au Canada, et l’article 6(2) de la Loi stipule que des marques de commerce créent de la confusion si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région risque de créer de la confusion.

[121]  Compte tenu du chevauchement important des produits et des services et du chevauchement apparent de la nature des commerces, ces deux facteurs favorisent l’Opposante.

Autres circonstances de l’espèce

[122]  Dans ses observations écrites, la Requérante soulève plusieurs autres circonstances additionnelles, comme suit.

Portée de la protection accordée aux marques de commerce intégrant des termes descriptifs de l’industrie

[123]  La Requérante soutient que les marques de commerce comprenant le nom d’un type ou d’un style d’aliment sont considérées comme des marques intrinsèquement faibles, qui ne sont pas protégées à un degré élevé, et que l’élément désignant l’aliment ne peut être monopolisé par un seul commerçant [citant Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc, 2001 CFPI 1024; Boston Pizza International Inc c TCC Holdings Inc, 2016 COMC 70; et Pizza Delight Corp c Weisheit (1995), 61 CPR (3d) 472 (COMC)]. Bien qu’aucune définition n’ait été citée par les parties, je note que le Concise Canadian Oxford Dictionary (Toronto : Oxford University Press, 2005) définit le « cannoli » comme un [traduction] « dessert composé de petits tubes de pâtisserie frits, remplis de fromage de ricotta sucré et de morceaux de chocolat, etc. »

[124]  La Requérante soutient en outre que tout degré de ressemblance entre les idées suggérées par les marques de commerce des parties en l’espèce est [traduction] « essentiellement limité au mot “cannoli”, qui ne peut être monopolisé par un seul commerçant dans l’industrie de la restauration ». La Requérante cite Ortho Pharmaceutical Cor c Mowatt & Moore Ltd, (1972) 6 CPR (2d) 161 pour la proposition indiquant que lorsque des éléments d’une marque de commerce particulière sont communs au commerce, ils ne peuvent pas être attribués à l’emploi exclusif d’un commerçant en particulier, parce qu’ils ne peuvent pas être considérés comme possédant l’élément indispensable du caractère distinctif.

[125]  Le caractère distinctif doit être évalué dans le contexte des produits et services en question [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327]. Il est bien établi que les marques de commerce composées de mots descriptifs ne sont pas intrinsèquement distinctives [Prince Edward Island Mutual Insurance Co v Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342 (CF 1re inst)]. Les marques de commerce qui ne possèdent qu’un faible caractère distinctif ne peuvent bénéficier que d’une protection limitée, en ce sens qu’on peut légitimement s’attendre à ce que le public fasse preuve d’un plus grand discernement et que des différences relativement légères entre les marques de commerce peuvent être suffisantes pour éviter toute confusion [idem; et GSW, supra].

[126]  En l’espèce, la première partie de la marque de commerce de l’Opposante – généralement considérée comme la plus importante aux fins de distinction – est le mot CANNOLI, qui décrit clairement la nature d’au moins certains des produits de l’Opposante et le but de ses services, et qui, en général, suggère le type d’aliment vendu sous la marque. Je conclus que le suffixe KING augmente le caractère distinctif inhérent de la Marque de commerce de l’Opposante, mais seulement dans une certaine mesure, étant donné qu’il donne une connotation laudative. De plus, à mon avis, les éléments de dessin de la Marque de commerce de l’Opposante servent principalement à renforcer ces éléments descriptifs et laudatifs.

[127]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Marque de commerce de l’Opposante n’a pas droit à une protection particulièrement étendue et que des différences relativement petites peuvent suffire à éviter la confusion.

[128]  Bien que le caractère distinctif acquis par l’utilisation et la promotion étendues puisse accroître la portée de la protection accordée à de telles marques de commerce [voir Sarah Coventry, supra], la preuve de l’Opposante en l’espèce n’est pas suffisante pour démontrer un tel emploi ou une telle promotion.

[129]  Ce facteur est donc en faveur de la Requérante.

État du registre et état du marché

[130]  La Pièce J jointe à l’affidavit de M. Pero est un imprimé de la base de données en ligne de l’OPIC sur les marques de commerce qui montre les résultats d’une recherche sur le mot clé « cannoli* » dans le champ de recherche sur les marques de commerce. M. Pero ne précise pas qui a effectué la recherche ni quand, bien que l’imprimé lui‑même indique que la base de données a été mise à jour pour la dernière fois le 14 novembre 2017. Cette recherche a produit des résultats pour les cinq cas actifs suivants concernant les marques de commerce :

No de demande

Marque de commerce

Statut

1845290

HOLY CANNOLI

formalités accomplies

1849532

http://www.cipo.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1849532/10

(HOLY CANNOLI)

formalités accomplies

1849534

THERE CANNOLI BE ONE

formalités accomplies

1794544

http://www.cipo.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1794544/10

(SWEET CAPONE’S ITALIAN BAKERY AND CANNOLI SHOP & Design)

a fait l’objet d’une recherche

1798228

THE BIG CANNOLI

accepté

[131]  Je note que les produits et services associés à ces marques de commerce ne sont pas inclus dans les résultats de recherche, et le registraire ne juge pas approprié d’exercer son propre pouvoir discrétionnaire d’aider une partie en consultant le registre pour obtenir les détails des marques qui ne sont pas plaidées dans la déclaration d’opposition; de tels détails devraient être déposés en preuve.

[132]  M. Pero n’indique pas le but de cette recherche. Toutefois, la déclaration d’opposition comprend l’allégation selon laquelle la Marque de commerce de l’Opposante [traduction] « a été utilisée abondamment par l’Opposante sur le marché avant que des tiers n’adoptent “cannoli” comme élément d’une marque de commerce » (para 12). Si la preuve de l’état du registre de l’Opposante vise simplement à démontrer que le mot « cannoli » n’est pas un élément commun des marques de commerce déposées, je conclus qu’il est d’une pertinence limitée. Le mot « cannoli » est le nom de certains produits des parties et décrit un aspect de leurs services, et il suggère généralement le type d’aliments vendus sous la Marque de commerce de l’Opposante; cela n’ajoutera donc pas grand-chose au caractère distinctif de la Marque de commerce de l’Opposante, même si aucune des marques de commerce révélées dans la recherche ne relève du domaine de l’Opposante.

[133]  La Requérante, pour sa part, fait valoir que la preuve relative de l’état du registre constitue une admission selon laquelle [traduction] « il existe une multitude de commerçants employant le mot “Cannoli” pour les mêmes produits et services », ce qui « donne à penser que l’Opposante n’a pas le monopole de l’emploi de l’élément “cannoli” en ce qui concerne les produits alimentaires et de boissons » (para 164). Cependant, tel qu’il est mentionné plus haut, la preuve de l’état du registre n’indique pas les produits et/ou les services associés à l’une des marques de commerce énumérées. La preuve n’indique pas non plus si l’une des rares marques de commerce énumérées est effectivement employée. Par conséquent, la preuve de l’état du registre est également incapable d’appuyer l’argument de la Requérante.

[134]  Dans les circonstances, je ne considère pas que ce facteur aide l’une ou l’autre des parties.

Aucun cas de confusion réelle

[135]  Dans son affidavit, Mme Mior affirme que sauf dans le cadre de la présente procédure, la Requérante [traduction] « n’a jamais entendu parler de l’Opposante ou de sa marque de commerce déposée, soit directement, soit avec un client ou un fournisseur » (para 43). Elle affirme en outre que la Requérante n’a [traduction] « jamais été contactée par un client ou un fournisseur de l’Opposante » et qu’elle n’a « pas entendu parler de confusion avec l’entreprise ou les produits de l’Opposante, ainsi qu’avec l’entreprise ou les produits de la Requérante » (para 44).

[136]  Toutefois, aucune des parties ne fournit d’information sur l’étendue de ses ventes ou de l’annonce et de la promotion qu’elle fait. Un faible volume des ventes et d’activités promotionnelles pourrait facilement expliquer l’absence de preuves de confusion. Plus important encore, comme nous l’avons vu plus haut, la preuve indique que la Marque n’a été employée que dans la région du Grand Toronto, alors que l’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante s’est limité à la région du Grand Vancouver. Par conséquent, l’absence de cas de confusion réelle pourrait bien s’expliquer par le fait que, jusqu’à présent, les parties ont employé leurs marques de commerce respectives dans des régions différentes du Canada.

[137]  Par conséquent, j’estime que l’absence de preuves de confusion réelle constitue un facteur pertinent en l’espèce.

Emploi de la Marque sous forme de dessin

[138]   La Requérante fait valoir qu’elle emploie la Marque sous une forme qui n’a [traduction] « rien de semblable avec la Marque de commerce de l’Opposante » (para 141), à savoir un logo bordeaux où les mots de la Marque sont empilés et encadrés par un dessin circulaire avec une couronne au-dessus du cercle. Mme Mior affirme dans son affidavit que l’Opposante n’a jamais [traduction] « montré les dessins ou les logos de la Requérante ou porté plainte à leur sujet » (idem).

[139]  Cependant, lorsqu’on examine un motif d’opposition fondé sur l’article 12l)d), c’est l’effet même de la marque visée par l’enregistrement qui doit être pris en considération, et non l’effet d’autres indices qui peuvent apparaître avec la marque de commerce [voir Reno-Dépôt Inc c Homer TLC Inc, 2010 COMC 11; Groupe Fruits & Passion Inc, 2007 CarswellNat 2319 (COMC)]. Ces facteurs contextuels ne font pas partie de la marque de commerce que la requérante cherche à enregistrer.

[140]  Par conséquent, ce facteur n’aide pas la Requérante.

Débuts d’une famille de marques

[141]  La Requérante fait également valoir, parmi les circonstances de l’espèce, que l’Opposante n’a établi [traduction] « aucune “famille de séries de marques” intégrant le concept de “cannoli” et de “royauté” », ou encore les débuts d’une telle famille. Le concept de « famille » de marques renvoie à une série de marques de commerce qui ont des caractéristiques communes et qui sont déposées et employées par le même propriétaire. Lorsqu’une partie possède une famille de marques, il y a une probabilité accrue que les consommateurs assument qu’une nouvelle marque de commerce qui partage cette caractéristique soit simplement un autre membre de la famille [Air Miles International Trading BV c SeaMiles LLC (2009), 76 CPR (4th) 369 (COMC)]. Toutefois, en l’espèce, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le concept de famille de marques de commerce ne s’applique pas. La preuve montre des variantes différentes de la Marque de commerce de l’Opposante par opposition à une série de marques de commerce différentes au sein d’une famille.

Conclusion concernant la confusion

[142]  Pour que la Requérante puisse s’acquitter de son fardeau juridique, le registraire doit être raisonnablement convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’enregistrement demandé ne créera vraisemblablement pas de confusion; il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute que la confusion est improbable [Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

[143]  À la suite de mon analyse de tous les facteurs pertinents, je suis raisonnablement convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque ne créera vraisemblablement pas de confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante. Bien que l’affaire soit proche, je conclus que les différences entre les deux marques de commerce sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion quant à la source des produits et services respectifs des parties, à titre de première impression et de souvenir imparfait, en dépit du chevauchement de la nature des produits, des services et des commerces, et de la preuve légèrement plus importante d’emploi et de promotion de la Marque de commerce de l’Opposante.

[144]  J’en arrive à cette conclusion en gardant à l’esprit que la Marque de commerce de l’Opposante présente un caractère distinctif inhérent relativement faible – qui n’a pas été renforcé par une preuve importante de caractère distinctif acquis – et, à ce titre, n’a pas droit à une protection particulièrement étendue. Lorsqu’une partie a consulté le vocabulaire courant du commerce pour sa marque et cherche à empêcher des concurrents de faire de même, la portée de la protection accordée est plus limitée que dans le cas d’un mot inventé, unique ou non descriptif. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’une marque de commerce consiste en tout ou en partie en des mots descriptifs des articles à vendre ou des services à fournir, de sorte que les différences relativement faibles entre ces marques de commerce soient suffisantes pour éviter la confusion [General Motors Corp. c Bellows (1949), 10 CPR 101 (CSC), aux pages 115 et 116].

[145]  Pour ces motifs, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

Motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement au titre des articles 16(1)a) et 16(1)c)

[146]  L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(1)a) de la Loi parce que, à la date à laquelle la Requérante a employé la Marque pour la première fois et à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante, que l’Opposante avait antérieurement employée au Canada et/ou révélée au Canada. Plus précisément, mais sans s’y limiter, l’Opposante plaide en faveur de la similitude dans l’apparence et les idées suggérées par les marques de commerce respectives des parties; la similitude des produits, des services et des échanges des parties; le fait que la Marque de commerce de l’Opposante est [traduction] « bien connue, sinon célèbre, du moins en Colombie-Britannique dans l’industrie de la restauration »; et le fait que la Marque de commerce de l’Opposante avait été [traduction] « largement employée par l’Opposante sur le marché avant que des tiers n’adoptent “cannoli” comme élément d’une marque de commerce ».

[147]  L’Opposante fait aussi valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(1)c) de la Loi parce que, à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion avec le Nom commercial de l’Opposante, que l’Opposante avait antérieurement employé au Canada.

[148]  La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 16(1) de la Loi est habituellement la date de premier emploi revendiquée, conformément au libellé de cet article.

[149]  La Requérante fait valoir que les actes de procédure prévus à l’article 16(1)c) de la Loi devraient être radiés pour avoir allégué de la confusion seulement à la date de production de la Demande. Toutefois, comme il est clair que la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition en vertu de l’article 16(1)c) est fixée par la Loi et la jurisprudence connexe, je considère que toute inexactitude dans la date pertinente invoquée est simplement une erreur technique qui n’invalide pas le motif. Quoi qu’il en soit, que la confusion soit évaluée à la date de production (le 22 décembre 2015) ou à la date de premier emploi présumée (le 17 juillet 2014), le résultat de ce motif d’opposition sera le même.

[150]  Pour s’acquitter de son fardeau initial en vertu de ces motifs prévus à l’article 16, un opposant doit prouver l’emploi antérieur ou la révélation de sa marque de commerce conformément à l’article 16(1)a) de la Loi ou l’emploi antérieur de son nom commercial conformément à l’article 16(1)c) de la Loi. De plus, l’opposant doit démontrer que sa marque de commerce ou son nom commercial n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande du requérant, comme le prévoit l’article 16(5) de la Loi. (Je remarque qu’en l’espèce, l’Opposante a seulement plaidé que sa marque de commerce et son nom commercial n’ont pas été abandonnés à la date de production de la demande; toutefois, vu le libellé sans équivoque de l’article 16(5), je considère qu’il est évident qu’il s’agit là aussi d’une simple erreur technique.)

[151]  Si l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial, il incombera alors à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce ou le nom commercial de l’Opposante.

Article 16(1)a)

[152]  L’article 16 de la Loi n’impose aucune exigence concernant la durée ou l’étendue de l’emploi des marques de commerce; tant que la marque fonctionne comme une marque de commerce, un seul cas d’emploi d’une marque au sens de l’article 4 de la Loi peut suffire à un opposant pour s’acquitter de son fardeau [JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co, 2001 CFPI 133].

[153]  Comme il a été mentionné plus haut, selon le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), le premier affidavit de M. Pero fournit la preuve de l’emploi de la Marque de commerce de l’Opposante en liaison avec des services de boulangerie‑pâtisserie depuis 2013, ce qui est antérieur à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante et à la date de dépôt de la Demande. De plus, je suis disposée à accepter les photographies de juillet 2015 de la Marque de commerce de l’Opposante affichée sur les véhicules de livraison et de restauration, suivies des photographies d’août 2017 de son affichage sur l’emballage des produits et les enseignes de boulangerie‑pâtisserie, constituent une preuve que l’Opposante n’avait pas abandonné sa marque de commerce à la date de l’annonce de la demande, soit le 26 octobre 2016. (À cet égard, je note également que la preuve de Mme Mior comprend des publications promotionnelles Instagram de l’Opposante en date du 21 septembre 2016 et du 4 novembre 2016 affichant la Marque de commerce de l’Opposante.)

[154]  Par conséquent, je conclus que l’Opposante s’est également acquittée de son fardeau pour ce motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a).

[155]  En ce qui concerne le critère de la confusion selon les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, la date pertinente antérieure associée au motif d’opposition prévu à l’article 16(1)a) ne modifie pas de façon importante les résultats de l’analyse effectuée en vertu du motif précédent. Étant donné qu’aucune des parties n’a fourni de preuve de l’étendue de l’emploi et de la promotion de sa marque de commerce, la preuve réduite du caractère distinctif acquis aux dates importantes antérieures ne change pas ma conclusion selon laquelle le facteur visé à l’article 6(5)a) ne favorise que légèrement l’Opposante. Je souligne également qu’en vertu de l’article 16, ce sont les produits et services pour lesquels l’Opposante a démontré un emploi réel plutôt que ceux définis dans son enregistrement qui régissent l’analyse des facteurs prévus aux articles 6(5)c) et d). Cependant, bien que la plupart des exemples d’emploi et de promotion de leurs marques de commerce respectives soient datés d’après le 22 décembre 2015, rien n’indique que la nature des produits respectifs de boulangerie‑pâtisserie ou de cannoli des parties était différente avant cette date, y compris à la date pertinente. De plus, dans la mesure où la preuve d’emploi de l’Opposante concerne des services plutôt que des produits, j’accepte que l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec la vente et la livraison de produits de boulangerie‑pâtisserie chevauche l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits de boulangerie‑pâtisserie eux-mêmes.

[156]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est également rejeté.

Article 16(1)c)

[157]  Un nom commercial est défini à l’article 2 de la Loi comme étant le nom sous lequel une entreprise est exploitée. Par conséquent, un opposant qui se fonde sur l’emploi antérieur d’un nom commercial doit démontrer son emploi dans le cours normal d’une entreprise en exploitation et par rapport à la catégorie ou aux catégories de personnes avec qui une telle entreprise doit être menée [Mr Goodwrench Inc v General Motors Corp (1994), 55 CPR (3d) 508 (CF 1re inst)]. Conformément aux principes de l’article 4 de la Loi, l’affichage d’un nom commercial dans l’annonce des services suffira à cet égard [Pacific Carbon Trust Inc c Carbon Trust, 2013 CF 946].

[158]  Le premier affidavit de M. Pero fournit la preuve suivante de l’emploi du Nom commercial de l’opposante :

[159]  La déclaration d’opposition ne revendique pas l’emploi de « Cannoli King Vancouver » comme nom commercial. Toutefois, même si je devais considérer l’emploi de ce nom commercial comme l’emploi du nom commercial « Cannoli King » suivi d’une indication précise de l’emplacement de l’entreprise, cela n’aiderait pas l’Opposante à faire valoir ses arguments. À cet égard, je prends note de ce qui suit du premier affidavit de M. Pero :

[160]  Par conséquent, la seule preuve d’emploi d’un nom commercial qui précède la date pertinente (ou la date de production de la Demande) est la photographie de la bannière à l’événement Italian Days, le 8 juin 2013 (Pièce H). Toutefois, en l’absence d’information sur la nature de l’événement, je ne considère pas que cette photographie à elle seule soit suffisante pour répondre au fardeau initial de l’Opposante de démontrer l’emploi du nom commercial dans le cours normal d’une entreprise en exploitation. À cet égard, je prends note de ce qui suit :

[161]  M. Pero n’a pas expliqué la relation de l’Opposante avec Italia Bakery ou l’historique du nom commercial Cannoli King, ni expliqué autrement ces écarts apparents. Dans ces circonstances, on ne sait pas clairement si l’affichage de « Cannoli King » sur cette bannière à la mi-2013 était le nom d’une entreprise en exploitation ou, par exemple, le nom commercial ou le slogan promotionnel d’une entreprise exploitée sous le nom d’Italia Bakery.

[162]  Par conséquent, l’Opposante n’a pas satisfait à son fardeau initial relativement à son motif d’opposition prévu à l’article 16(1)c).

[163]  Je tiens à souligner que même si je considérais la photographie de la bannière de Cannoli King à la Pièce H comme suffisante pour établir l’emploi antérieur du nom commercial de l’Opposante, et les extraits du site Web de l’Opposante à la Pièce I comme suffisants pour démontrer que le nom commercial n’avait pas été abandonné au moment de l’annonce de la Demande, je considérerais que la Requérante s’est acquittée de son fardeau juridique de démontrer que la confusion était improbable. Le nom commercial de l’Opposante ne comprend pas le dessin de couronne ou l’espacement de lettres qui faisaient partie de mon analyse de la Marque de commerce de l’Opposante en vertu de l’article 6(5)e). Cependant, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, je n’aurais pas jugé que cela était suffisant pour faire pencher la balance en faveur de l’Opposante.

[164]  Quoi qu’il en soit, ce motif d’opposition est rejeté puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif de la Marque au titre de l’article 2

[165]  L’Opposante plaide également que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car la Marque n’est pas en fait distinctive et n’est pas adaptée pour distinguer les produits et les services avec lesquels elle est emploie ou est censée être employée des produits et services de l’Opposante ou d’autres personnes au Canada.

[166]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que l’absence de motifs ou de preuve expliquant pourquoi la Marque de commerce de l’Opposante n’est pas distinctive rend ce plaidoyer [traduction] « irrégulier, vague et frivole ». Toutefois, la portée de ce motif d’opposition doit être déterminée en tenant compte de la déclaration d’opposition dans son ensemble. Ayant à l’esprit que l’Opposante a formulé ce motif pour faire référence à ses propres produits et services et à ceux d’autres personnes au Canada, je conclus que l’argument de l’Opposante est que la marque est (i) clairement descriptive de la manière alléguée selon le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) et (ii) crée de la confusion avec la Marque de commerce de l’Opposante et le Nom commercial de l’Opposante des façons qui sont alléguées dans les motifs d’opposition prévus aux articles 12(1)d), 16(1)a) et 16(1)c).

[167]  La date pertinente pour analyser un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est généralement considérée comme la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

[168]  En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la Marque donne une description claire, j’ai déjà conclu que l’Opposante n’a pas rempli son fardeau de preuve lorsque cela est évalué à la date de production de la Demande, et je n’ai aucune raison de conclure autrement à la date de production de la déclaration d’opposition.

[169]  En ce qui concerne le risque de confusion, un opposant utilisant sa propre marque de commerce ou son propre nom commercial doit établir que, à la date pertinente, sa marque ou son nom étaient devenus suffisamment connus au Canada pour annuler le caractère distinctif de la marque du requérant [Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. Lorsque, comme dans le cas présent, la réputation de l’opposant se limite strictement à une région précise du Canada, l’opposant a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce ou son nom commercial étaient bien connus dans cette région précise à la date pertinente [Bojangles, idem; CEG License Inc c Joey Tomato’s (Canada) Inc, 2012 CF 1541]. Un opposant peut prouver que la marque de commerce ou le nom commercial étaient devenus bien connus de quelque façon que ce soit, mais il doit en présenter une preuve claire [Bojangles, idem].

[170]  Une fois que l’opposant s’est acquitté de son fardeau initial, le requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa propre marque de commerce a été adaptée pour distinguer ses produits et services, ou les distingue actuellement, de ceux de l’opposant; à cet égard, le requérant doit démontrer que sa marque de commerce ne créera probablement pas de confusion avec la marque de commerce de l’opposant à la date pertinente [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[171]  En l’espèce, la preuve relative à la révélation au Canada de la Marque de commerce de l’Opposante est résumée ci-dessus dans le motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d). La preuve relative à la révélation du Nom commercial de l’Opposante est résumée ci-dessus dans le motif d’opposition prévu à l’article 16(1)c), y compris la preuve qui est postérieure à la date pertinente du motif du droit, mais qui peut être prise en considération à la date pertinente ultérieure du motif du caractère distinctif.

[172]  Après avoir examiné ces éléments de preuve, je conclus qu’ils ne démontrent pas que la Marque de commerce de l’Opposante et/ou le Nom commercial de l’Opposante étaient devenus bien connus dans la région du Grand Vancouver à la date pertinente du 24 mars 2017, ou qu’ils étaient devenus connus dans une certaine mesure ailleurs au Canada à cette date.

[173]  Tel qu’il est expliqué dans Bojangles, un propriétaire de marque de commerce ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce ou son nom commercial sont devenus au Canada; il doit y avoir des preuves claires de la mesure dans laquelle ils sont connus. En l’espèce, la preuve est que la boulangerie‑pâtisserie de l’Opposante, son site Web avec magasin en ligne et sa présence sur Instagram – ainsi que sa voiture de livraison, son camion‑restaurant et son chariot de distribution de repas de marque – étaient opérationnels à la date pertinente. Toutefois, il n’y a aucune confirmation quant à savoir si la boulangerie‑pâtisserie et la boutique portaient à ce moment une marque de façon identique au moment où les photographies et les imprimés fournis à l’appui ont été produits, plus tard en 2017. Il n’y a pas non plus d’information sur le volume de trafic à destination de la boulangerie‑pâtisserie, du site Web ou des publications Instagram. Bien que M. Pero précise la fréquence à laquelle la voiture de livraison et le chariot de distribution de repas étaient conduits au moment de son premier affidavit, il ne confirme pas s’ils étaient conduits à la même fréquence à la date pertinente.

[174]  Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinct est rejeté, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial.

Décision

[175]  Compte tenu de tout ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

François Cyrenne, trad. a.

 


 

Annexe A

Marque de commerce :

CANNOLIKING & Design

No d’enregistrement :

LMC954,046

Produite :

2015-06-09

Enregistrée :

2016-11-02

Description de la marque de commerce

[traduction] Les mots « CANNOLIKING » dans une police stylisée avec une couronne à bijoux au-dessus de la lettre « g »

Revendication de couleur

[traduction] La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Les mots « CANNOLIKING » sont noirs, la couronne est dorée, et les trois joyaux de la couronne sont, de gauche à droite, vert, blanc et rouge.

Produits

[traduction] Pâtisseries; Cannoli; Pâtisseries au pudding au lait et remplies de crème; Biscuits; Tartes; Muffins; Gâteaux; Croustilles de cannoli; Trempettes de fromage; Trempettes de grignotines; Café; Mélanges de biscuits; Mélanges de pain; Mélanges de gâteaux; Mélanges de desserts.

Services

[traduction] Services de boulangerie‑pâtisserie mobile, de gros et de détail; Services de camion‑restaurant; Services mobiles de boulangerie‑pâtisserie; Services de boulangerie‑pâtisserie; Exploitation d’une entreprise qui fournit des produits de boulangerie‑pâtisserie, du café et d’autres boissons à des fins de consommation sur les lieux et à l’extérieur; Fourniture de nourriture et de boissons dans des services de cantine mobile.

Revendications

[traduction] Employée au CANADA depuis au moins le 9 juin 2012


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