Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 89

Date de la décision : 2020-07-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Smart & Biggar

Partie requérante

et

 

Société Canadian Tire Limitée

Propriétaire inscrite

 

LMC321,266 pour ARCTIC & DESSIN

Enregistrement

Introduction

[1]  Le 10 août 2017, à la demande de Smart & Biggar (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13 (la Loi) à Société Canadian Tire Limitée (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC321,266 pour la marque de commerce ARCTIC & DESSIN (la Marque), reproduite ci‑dessous :

ARCTIC & DESIGN

[2]  La Marque est enregistrée pour l’emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

Vestes, vestes de duvet, pantalons de duvet, gilets de duvet, chemises de nuit, sacs de couchage.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a lieu de maintenir l’enregistrement seulement en ce qui concerne les vestes, les vestes de duvet et les gilets du duvet.

[4]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des produits visés par l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 10 août 2014 au 10 août 2017.

[5]  La définition pertinente de l’emploi pour les marchandises énumérées à l’article 4 de la Loi est la suivante :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF) (Plough)]. Même si le seuil pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure est faible [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’une preuve surabondante n’est pas requise [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], des faits suffisants doivent quand même être fournis pour permettre au registraire de parvenir à une conclusion d’emploi de la marque de commerce en liaison avec chacune des marchandises précisées dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co et al (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de James Prescott, souscrit le 7 mars 2018. Les deux parties ont produit des représentations écrites et ont été représentées à l’audience.

Preuve de la Propriétaire

[8]  M. Prescott affirme qu’il est le vice-président de la Propriétaire depuis novembre 2016 et il affirme que, dans la pratique normale du commerce, la Propriétaire vend des produits à ses nombreux [traduction] « Magasins associés Canadian Tire », lesquels vendent ensuite de tels produits au public canadien. Il explique que la Propriétaire a fait l’acquisition de la Marque de son prédécesseur en titre, The Infinity Sports Group, Ltd, en 2014 et il affirme que la Propriétaire a depuis réalisé d’importantes ventes de produits portant la marque ARCTIC.

[9]  À titre d’exemple, il indique qu’en 2015 la Propriétaire a vendu 19 remorques remplies de produits portant la marque ARCTIC aux magasins associés de la Propriétaire, y compris des vestes, des vestes de duvet et des chapeaux, chacun portant la marque de commerce ARCTIC, ainsi que d’autres noms de modèle. À titre de Pièce A, il joint un manifeste montrant le contenu de ces remorques. À titre de Pièce B, il joint des photos de l’un des vêtements inscrits sur les manifestes en Pièce A, lequel il désigne comme un manteau avec isolant en duvet. Les photos comprennent une vue de près de l’étiquette intérieure du manteau, montrée ci-dessous :

[10]  À titre de Pièces C à G, il joint des pages du catalogue automne-hiver 2013 du prédécesseur en titre, montrant des photos d’autres vêtements indiqués sur le manifeste en Pièce A. Sur la veste de polyester et de laine montrée à la Pièce F, et sur le gilet montré à la Pièce G, il y a une étiquette externe arborant le mot « Arctic » dans le même format d’écriture cursive montré à la Pièce J, montrée ci-dessous (je note que les étiquettes sont trop petites dans les photos pour être clairement reproduites dans cette décision). M. Prescott affirme également que chacun des vêtements fournis en preuve a une étiquette intérieure arborant le mot « Arctic » d’une manière [traduction] « substantiellement semblable » à la Pièce B.

[11]  M. Prescott associe le manteau avec isolant en duvet et la veste matelassée remplie de duvet montrés aux Pièces B et E, respectivement, avec les produits visés par l’enregistrement « vestes de duvet »; le parka, la veste aviateur et la veste de polyester et de laine montrés aux Pièces C, D et F, respectivement, avec les produits visés par l’enregistrement « vestes »; et le gilet montré à la Pièce G avec les produits visés par l’enregistrement « gilets de duvet ».

[12]  M. Prescott affirme que chacune des remorques susmentionnées a été vendue à l’un des magasins associés de la Propriétaire le 18 mars 2015 ou environ. À titre de Pièces H et I, respectivement, il joint une feuille de calcul indiquant les magasins qui ont acheté le contenu de chaque remorque et des extraits de quatre factures indiquant de telles ventes. Je remarque que les deux pièces indiquent que les produits ont été vendus au cours d’une vente aux enchères.

[13]  M. Prescott indique que la valeur totale de détail de ces produits n’était pas moins de 800 000 $ et il fournit un tableau montrant la valeur totale de détail des vestes, des vestes de duvet et des gilets de duvet, dépassant 500 000 $, 300 000 $ et 100 000 $, respectivement.

[14]  M. Prescott affirme également que [traduction] « Ces produits ont été subséquemment vendus au public canadien au cours de la période pertinente ». En appui, à titre de Pièce J, il joint des photos d’une veste et du matériel connexe qui, selon ses affirmations, ont été achetés de l’un des magasins associés de la Propriétaire par le vice-président adjoint de la Propriétaire en avril 2015. Le mot ARCTIC figure sur la veste et le matériel, comme il est montré ci-dessous :

[15]  Enfin, à titre de Pièces K et L, M. Prescott joint des copies du catalogue de 2013 du prédécesseur en titre d’où proviennent les images aux Pièces C à G et d’un deuxième catalogue publié en 2013 par le prédécesseur en titre, montrant les sacs de couchage de marque et les abris pour la pêche blanche de marque ARCTIC.

Analyse

[16]  Lors de l’audience, la Propriétaire a admis qu’elle n’avait pas employé la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement « pantalons de duvet », « chemises de nuit » et « sacs de couchage ». Comme rien dans la preuve n’indique l’existence de circonstances spéciales justifiant le non-emploi, ces produits seront radiés de l’enregistrement.

[17]  Autrement, la Partie requérante observe que certains des éléments de la preuve de la Propriétaire sont inadmissibles; que les transferts appuyés par la preuve n’ont pas été effectués dans la pratique normale du commerce; que la preuve de la Propriétaire ne montre pas l’emploi de la Marque telle que déposée; et que la preuve ne montre pas l’emploi en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement. Chaque observation sera abordée à tour de rôle.

Admissibilité

[18]  La Partie requérante observe que les photos en Pièce J, concernant l’achat d’une veste par un employé de la Propriétaire, constituent des ouï-dire et doivent être entièrement ignorées, puisqu’elles ne sont ni nécessaires ni fiables.

[19]  Cependant, il est bien établi que, compte tenu de la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45, « [t]oute préoccupation quant au fait que [l]a preuve constitue du ouï‑dire devrait être dirigée vers le poids de celle-ci, plutôt que son admissibilité » [Eva Gabor International Ltd c 1 459 243 Ontario Inc, 2011 CF 18, au para 18]. Par conséquent, toute préoccupation concernant la fiabilité de la preuve de la Propriétaire dans l’analyse qui suit sera évaluée en fonction du poids plutôt que de l’admissibilité.

Pratique normale du commerce

[20]  La Partie requérante remarque que les Pièces H et I mentionnent une vente aux enchères, suggérant que les articles énumérés dans les manifestes de remorques de la Pièce A étaient des articles [traduction] « restants » obtenus par la Propriétaire lors de sa transaction avec le prédécesseur en titre, puis vendus aux enchères aux magasins associés. La Partie requérante observe que si vendre des produits dans une vente aux enchères faisait actuellement partie de la pratique normale du commerce, il incomberait à la Propriétaire de le dire, puisque ce n’est pas la fonction du registraire que de juger et établir les normes pour la pratique normale du commerce [citant Phillip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 17 CPR (3d) 237 (CAF)]. En réponse, la Propriétaire observe que M. Prescott avait expliqué que la pratique normale du commerce de la Propriétaire comporte la vente de produits à ses magasins associés, puis que ces magasins vendent les produits au public; elle cite Smart & Biggar c Société Canadian Tire Limitée, 2017 COMC 153 (Société Canadian Tire Limitée) comme une affaire où une preuve semblable a fait l’objet de considérations et a été jugée comme constituant un emploi dans la pratique normale du commerce.

[21]  Je suis d’accord avec la Propriétaire sur ce point. M. Prescott a expliqué dans son affidavit que, dans la pratique normale du commerce, la Propriétaire vend des produits à ses magasins associés, lesquels vendent ensuite de tels produits au public canadien. La vente aux magasins associés au moyen d’une vente aux enchères correspond à la description de M. Prescott de la pratique normale du commerce.

[22]  De plus, les ventes par la Propriétaire à ses magasins associés sont suffisantes pour montrer un transfert dans la pratique normale du commerce, compte tenu du fait que l’emploi d’une marque de commerce à tout point le long de la chaîne de distribution est suffisant pour démontrer l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registraire des marques de commerce) (1997), 77 CPR (3d) 475 (CF 1re inst); pour une conclusion semblable concernant les mêmes parties, voir Société Canadian Tire Limitée, aux para 16 à 19]. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je tienne compte de la preuve de la Propriétaire des ventes par les magasins associés au public.

[23]  En réponse à l’observation de la Partie requérante qu’une vente aux enchères des actifs du prédécesseur en titre ne constitue pas des transferts dans la pratique normale du commerce de la Propriétaire, je note l’observation que le registraire avait précédemment conclu que les ventes de biens dans le contexte d’une faillite peuvent constituer des ventes dans la pratique normale du commerce. Par exemple, dans Nike International Ltd c Infinité Cycle Works Ltd, 2012 COMC 137, le registraire a conclu que le fait que les ventes aient été faites par un propriétaire aux liquidateurs dans le contexte d’une procédure de faillite n’était pas pertinent quant à savoir si de telles ventes étaient dans la pratique normale du commerce; de plus, le registraire a remarqué qu’il [traduction] « pourrait être approprié de considérer l’arrêté de mise sous séquestre et le certificat de nomination comme une forme d’attribution de la Marque, avec les ventes subséquentes par le séquestre comme étant “dans la pratique normale du commerce” aux fins des articles 4 et 45 de la Loi » [para 17]. Bien que les produits dans l’espèce ont été vendus par un nouveau Propriétaire qui a fait l’acquisition des biens du prédécesseur en titre, plutôt que par un séquestre, il n’y a aucune force qui appuie la proposition que les ventes de biens acquis dans le cadre d’une procédure de faillite ne peuvent pas constituer des ventes dans la pratique normale du commerce.

[24]  Dans tous les cas, il est bien établi que la preuve d’une seule vente peut suffire pour démontrer un transfert dans la pratique normale du commerce, à condition qu’elle présente les caractéristiques d’une opération commerciale authentique et qu’elle ne soit pas perçue comme ayant été délibérément fabriquée ou inventée en vue de protéger l’enregistrement de la marque de commerce [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst) (Philip Morris)]. Comme l’a remarqué la Cour fédérale dans Coscelebre Inc c Canada (registraire des marques de commerce), (1991), 35 CPR (3d) 74 (CF 1re inst), au para 22 :

[traduction]

Suivant mon interprétation de la jurisprudence, il n’est pas nécessaire de convaincre la Cour ou le registraire de l’existence d’un minimum d’activités commerciales pour prouver l’emploi de la marque de commerce. En l’occurrence, la vente isolée n’a pas été invoquée, parmi de nombreuses autres, à titre d’exemple, comme cela semble avoir été le cas dans l’affaire Phillip Morris. Toutefois, cette vente n’est pas totalement dissociée du contexte comme c’était le cas dans l’affaire Sim & McBurney c Majdell Manufacturing Co (1986), 11 CPR (3d) 306. Le commerce de l’appelant est clairement décrit. M. Mishkin affirme que la vente en était une faite « dans la pratique normale du commerce » et cette affirmation s’accorde avec la preuve au dossier dans le contexte dans lequel la vente a été faite.

[25]  Pareillement, je suis convaincu que l’enchère dans l’espèce respecte le déroulement de réels transferts commerciaux conformément à la pratique normale du commerce énoncée par la Propriétaire, compte tenu particulièrement du fait que la Propriétaire a démontré les ventes d’un grand volume de marchandises, avec une valeur totale de détail supérieure à 800 000 $. De plus, les transferts ne semblent pas avoir été [traduction] « délibérément fabriqués ou détournés dans la tentative de protéger l’enregistrement d’une marque de commerce plutôt que d’établir son réel emploi dans la pratique normale du commerce » [Philip Morris, au para 12], particulièrement vu que la vente aux enchères a eu lieu plusieurs années avant la que l’avis prévu à l’article 45 soit donné dans l’espèce [pour une conclusion semblable, voir Quarry Corp c Bacardi & Co (1996), 72 CPR (3d) 25 (CF 1re inst), au para 20]. Par conséquent, je suis convaincu que la vente aux enchères décrite dans la preuve de la Propriétaire constitue des transferts dans la pratique normale du commerce au sens de l’article 4(1) de la Loi.

Emploi de la marque telle qu’elle est enregistrée

[26]  La Partie requérante observe que la Marque, telle que déposée, ne figure nulle part dans la preuve de la Propriétaire, remarquant que la Marque comprend le mot « Arctic » dans un format de dessin et une police particuliers, avec seule la lettre « A » en majuscule et un dessin semi-circulaire ressemblant un igloo apparaissant dans la lettre « A ». En revanche, dans la Pièce B, le logo montre les deux mots « ARCTIC BRAND » tout en lettres majuscules, dans une police et un format de dessin différents et sans le dessin semi-circulaire; également, aux Pièces F, G et J, le logo est montré dans une police cursive sans le dessin. La Partie requérante observe que les caractéristiques dominantes de la Marque sont le « A » majuscule et le dessin semi-circulaire et qu’il est insuffisant que la Propriétaire maintienne seulement l’élément nominal d’un mot figuratif, citant en appui les affaires suivantes : Szibbo c 1772887 Ontario Limited, 2015 COMC 186; Trademark Tools Inc c Miller Thomson LLP, 2017 CAF 98 (Trademark Tools); et Cassels Brock & Blackwell, srl c Ultimate Garage Inc, 2010 COMC 101 (Ultimate Garage). La Partie requérante remarque que dans Cameron MacKendrick c Phoenix Brands Canada Laundry LLC, 2013 COMC 147, la marque de commerce déposée était l’unique mot « ARCTIC », mais le seul emploi était dans une marque composée en deux parties « ARCTIC POWER »; dans cette affaire, la marque de commerce a été radiée puisqu’on a conclu que le mot supplémentaire modifiait substantiellement les caractéristiques dominantes de la marque de commerce telle que déposée.

[27]  En réponse, la Propriétaire observe que des variations prudentes peuvent être apportées à une marque de commerce sans conséquence négative, tant que les caractéristiques dominantes sont maintenues et que les différences sont si insignifiantes qu’elles n’induisent pas en erreur un acheteur insouciant, citant un certain nombre d’affaires, y compris Lapointe Rosenstein Marchand Melançon LLP c American Dairy Queen Corporation, 2014 COMC 185 (American Dairy Queen Corporation); et Fraser Milner Casgrain LLP c JPI Limited, 2014 COMC 4 (JPI Ltd). En particulier, la Propriétaire remarque que dans Weir Foulds c WW Henry LP, 2011 COMC 23 (Weir Foulds), le registraire avait conclu que changer la police et omettre les petits dessins de feuilles d’une marque figurative constituaient des changements mineurs qui ne faisaient pas perdre à la marque de commerce son identité. Enfin, la Propriétaire observe que les affaires sur lesquelles s’appuie la Partie requérante peuvent être différenciées de l’espèce, puisque ces affaires concernaient des mots descriptifs ou d’autres différences contextuelles.

[28]  Il est vrai que les marques figuratives, par définition, sont caractérisées par des « particularités » au-delà des marques nominales [Trademark Tools, au para 6]; malgré tout, lorsqu’une marque de commerce employée diffère de la marque telle que déposée, la question à poser est de savoir si la marque de commerce était utilisée de manière à ce qu’elle ne perde pas son identité et demeure reconnaissable, malgré les différences entre la forme dans laquelle elle était déposée et la forme dans laquelle elle était employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour trancher cette question, il faut se pencher sur la question de savoir si les « traits dominants » de la marque ont été préservés [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. En outre, l’emploi d’une marque de commerce conjointement avec d’autres mots ou caractéristiques constitue un emploi de la marque de commerce déposée si le public perçoit, comme première impression, que la marque de commerce en soi est employée en tant que marque de commerce. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels, tels que par l’emploi de lettres différentes ou de tailles de caractères différents, ou si les éléments additionnels seraient perçus comme un élément clairement descriptif ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 35 (COMC); 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)].

[29]  Le registraire et les cours ont constaté à de nombreuses occasions que l’élément dominant d’une marque figurative est un mot [voir, par exemple, Rogers Media Inc c La Cornue, 2019 COMC 63, au para 44; JPI Ltd, au para 25]; que l’élément nominal dominant d’une marque figurative est préservé malgré les changements de police ou de majuscule ou minuscule [voir, par exemple, Gowling Lafleur Henderson LLP c Henry Company, LLC, 2017 COMC 51, aux para 23 et 24; Brouillette & Associés c Constellation Brands US Operations, Inc, 2016 COMC 159, aux para 19 et 20 (Constallation Brands); JPI Ltd, au para 23; Antler Limited c ATOM SpA, 2020 COMC 4, au para 11]; ou malgré l’omission de petits éléments figuratifs [voir Weir Foulds, au para 14; American Dairy Queen Corporation, au para 14].

[30]  En plus de Ultimate Garage, Universal Protein Supplements et Trademark Tools, la Partie requérante cite Diamant Elinor Inc c 88 766 Canada Inc, 2010 CF 1184, comme une affaire où il a été constaté que l’élément dominant d’une marque de commerce en particulier n’avait pas été maintenu malgré la préservation de l’élément nominal de cette marque figurative. Cependant, je remarque que les variations dans ces affaires étaient chacune beaucoup plus vaste que celles dans l’espèce et que, dans tous les cas, chaque affaire dépend de ses propres faits.

[31]  Dans l’espèce, je ne suis pas d’accord avec la Partie requérante que la caractéristique dominante du mot est la lettre en évidence « A » avec le dessin semi-circulaire. Bien que la lettre « A » est en majuscule alors que les autres lettres sont en minuscules, le « A » semble autrement être approximativement de la même taille et de la même police que le reste du mot et les variations stylistiques apportées à la lettre « A » sont mineures et subtiles. De plus, le dessin semi-circulaire est beaucoup plus petit comparativement au mot « Arctic ». Par conséquent, je conclus que la caractéristique dominante de la Marque est le mot « Arctic », plutôt que la lettre « A » particulière ou l’élément figuratif. Je conclus que la formule en majuscule montrée à la Pièce B et la formule en lettres cursives montrée aux Pièces F, G et J préservent les éléments dominants de la Marque; bien que je note que le mot « brand » figure à côté du mot « Arctic » dans les deux formules, je considère « BRAND » comme un mot descriptif, dont l’ajout n’entraînera probablement pas le public, comme première impression, à percevoir la Marque en tant que telle comme n’étant pas employée. Par conséquent, j’accepte que la présentation de la Marque telle que montrée dans les deux variations soulignées ci-haut constitue la présentation de la Marque telle que déposée, puisque chaque variation préserve l’élément dominant de la Marque telle que déposée. Également, comme il est décrit ci-haut, bien que les photos fournies à titre de preuve auraient pu être plus claires, j’accepte que de telles variations de la Marque figuraient sur chacun des trois produits vendus par la Propriétaire.

Emploi en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement

[32]  La Partie requérante remarque que certains des produits décrits comme « vestes » par M. Prescott sont identifiés comme des « manteaux » dans la preuve fournie, y compris le manteau avec isolant de duvet montré à la Pièce B, et observe que l’emploi en liaison avec les manteaux ne peut pas appuyer l’emploi en liaison avec des vestes, mentionnant les distinctions relevant du « bon sens » entre les deux types de vêtements. Cependant, il est bien établi [traduction] « qu’il faut se garder d’examiner avec un soin méticuleux » lorsqu’il est question du langage employé dans un état déclaratif des produits dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, au para 17]; par conséquent, je ne suis pas prêt à faire une telle distinction. Dans tous les cas, comme il a été susmentionné, M. Prescott associe chacun des produits montrés dans la preuve comme arborant la Marque avec l’un des produits visés par l’enregistrement : la veste de polyester et de laine avec le produit visé par l’enregistrement « vestes »; le manteau avec isolant de duvet avec le produit visé par l’enregistrement « vestes de duvet »; et le gilet avec le produit visé par l’enregistrement « gilets de duvet ».

[33]  En somme, la Propriétaire a montré l’emploi de la Marque en liaison avec les transferts des produits visés par l’enregistrement « vestes », « vestes de duvet » et « gilets de duvet » dans la pratique normale du commerce au Canada au cours de la période pertinente. Par conséquent, je suis convaincu que la Propriétaire a montré l’emploi de la Marque en liaison avec ces produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[34]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer « pantalons de duvet », « chemises de nuit » et « sacs de couchage » de l’état déclaratif des produits.

[35]  L’état déclaratif des produits modifié disposera ce qui suit :

[traduction]

Vestes, vestes de duvet, gilets de duvet.

 

 

G.M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-07-10

COMPARUTIONS

Steve Kennedy

Pour la Propriétaire inscrite

Mark Evans

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Cassels Brock & Blackwell LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Smart & Biggar LLP

Pour la Partie requérante

 

 

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