Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 95

Date de la décision : 2020-07-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Dentons Canada LLP

Partie requérante

et

 

CanWhite Sands Corp.

Propriétaire inscrite

 

LMC555,036 pour CANADIAN WHITE

Enregistrement

[1]  Le 26 février 2018, à la demande de Dentons Canada LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné un avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à CanWhite Sands Corp. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC555,036 pour la marque de commerce CANADIAN WHITE (la Marque).

  • [2] La Marque est enregistrée pour l’emploi en liaison avec les produits suivants :

Sable siliceux, sable utilisé pour la fracturation de puits de pétrole et de gaz, le terme utilisé dans l’industrie est sable de soutènement, sable utilisé pour maintenir ouvert la fracture permettant ainsi au pétrole ou au gaz naturel de s’échapper de la formation (le gisement) où il est emmagasiné.

  • [3] L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 26 février 2015 au 26 février 2018.

  • [4] La définition pertinente de l’emploi pour les produits énumérés à l’article 4(1) de la Loi est la suivante :

(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Feisal Somji, le président et directeur général de la Propriétaire, souscrit le 19 septembre 2018.

[7]  Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites; une audience n’a pas été demandée.

La preuve de la propriétaire

[8]  L’affidavit de M. Somji peut se résumer comme suit :

  [traduction]

  • La Propriétaire a été fondée en novembre 2016 en tant que « promoteur canadien de sables de fracturation de catégorie 1 » [para 3];
  • Le « sable de fracturation de catégorie 1 » est le type de sable siliceux de qualité supérieure utilisé dans l’industrie pétrolière et gazière aux fins de « fracturation hydraulique » [para 4];
  • Ayant fait des recherches sur le sable siliceux partout au Canada depuis 2013, la Propriétaire a découvert une grande ressource de sable de catégorie 1 près de Winnipeg, au Manitoba, en 2015 et a commencé à faire référence à ce sable par la Marque [para 6 et 7];
  • La Propriétaire a acquis la Marque en mai 2017 auprès de son propriétaire précédent « puisque la marque de commerce faisait partie intégrante de l’entreprise [de la Propriétaire] » [para 17];
  • La Pièce B de l’affidavit est une « Mise à jour de la société CanWhite » de décembre 2017 remise aux actionnaires, qui comprend une confirmation que la Propriétaire a récemment acquis la Marque [para 13];
  • L’industrie primaire des produits de sable siliceux CANADIAN WHITE de la Propriétaire est l’industrie pétrolière et gazière, mais elle peut être vendue dans de nombreuses industries qui utilisent de la silice de qualité supérieure. À ce titre, les produits de sable de la Propriétaire « auront également un marché secondaire en tant que charge d’alimentation dans le processus de fabrication de nombreux produits à base de silicium, comme le silicium métal, le câble à fibres optiques, le verre optique, les panneaux solaires, les micropuces, les gels de silicium et de nombreux autres produits à base de silicium » [para 8 et 9];
  • La Propriétaire a commencé le processus de mise en production d’une mine en avril 2017 [para 10];
  • Le processus de mise en production d’une mine peut prendre d’un an à quatre ans, « selon la vitesse de développement et de délivrance de permis », et il est attendu que les produits de sable siliceux CANADIAN WHITE de la Propriétaire soient prêts à être vendus en 2019 [para 10];
  • La Propriétaire a mobilisé des capitaux et commercialise ses produits de sable siliceux CANADIAN WHITE depuis 2017 [para 12];
  • La Pièce A de l’affidavit est une note de service interne du 15 novembre 2017 de M. Somji intitulée « Product Branding and Canadian White Trade Mark » (image de marque du produit et Marque de commerce Canadian White), qui comprend un aperçu des efforts du développement et du marketing de la Propriétaire [para 11];
  • Les efforts de marketing de la Propriétaire comprennent des observations et, depuis au moins aussi tôt que l’automne 2017, la remise d’échantillons de sable de marque CANADIAN WHITE (en petites bouteilles ou en flacons) à des tiers, y compris à des clients potentiels [para 12 et 14];
  • La Pièce C de l’affidavit est une photographie de 2018 d’un flacon de sable présentant la Marque, à titre d’exemple des échantillons mentionnés ci-dessus distribués aux investisseurs et aux clients potentiels [para 14];
  • Les produits de sable siliceux de la Propriétaire « font actuellement l’objet d’essais pilotes, d’approbations d’ingénierie et d’approbations réglementaires » et la Propriétaire doit obtenir une telle approbation réglementaire avant de pouvoir vendre les produits [para 17 et 18];
  • Depuis janvier 2018, la Propriétaire a fait progresser ses plans d’affaires par divers moyens, y compris « faire progresser les affaires gouvernementales liées aux permis et à la réglementation »; il est prévu que la production commerciale aura lieu à la fin de 2019 ou au début de 2020 [para 15];
  • La Pièce D de l’affidavit est une copie d’une présentation donnée en février 2018 aux investisseurs et aux clients potentiels des produits de sable siliceux CANADIAN WHITE de la Propriétaire [para 16];
  • La Propriétaire a obtenu un financement important en mai 2018 et prévoit qu’un financement supplémentaire sera achevé d’ici la fin de 2018 [para 19];
  • M. Somji résume ainsi l’intention « de bonne foi et sérieuse » de la Propriétaire d’employer la marque : l’acquisition de la Marque en 2017; la distribution d’échantillons de sable de Marque CANADIAN WHITE à des clients potentiels; la commande et l’utilisation d’étiquettes présentant la Marque; l’inclusion de la marque CANADIAN WHITE dans le matériel pour l’investissement, le gouvernement et la commercialisation; et l’affirmation selon laquelle la Propriétaire commencera à vendre des produits de sable siliceux de marque CANADIAN WHITE dès qu’elle obtiendra l’approbation gouvernementale et réglementaire [para 21].

Analyse et motifs

[9]  D’entrée de jeu, je constate qu’il y a sans doute une certaine ambiguïté dans l’articulation de l’état déclaratif des produits dans l’enregistrement. À cet égard, les produits enregistrés pourraient être interprétés comme trois produits :

  • i) « sable siliceux » (sans limitation quant à l’objet ou à l’emploi);

  • ii) « sable utilisé pour la fracturation de puits de pétrole et de gaz, le terme utilisé dans l’industrie est sable de soutènement »;

  • iii) « sable utilisé pour maintenir ouvert la fracture permettant ainsi au pétrole ou au gaz naturel de s’échapper de la formation (le gisement) où il est emmagasiné ».

  • [10] Toutefois, compte tenu des explications techniques contenues dans l’affidavit de M. Somji, il semblerait que ii) et iii), du moins, devraient être lues ensemble comme un seul et même produit. De plus, la preuve et les observations de la Propriétaire traitent les produits enregistrés comme un seul produit, c’est-à-dire du sable siliceux utilisé aux fins décrites aux points ii) et iii), c’est-à-dire, les « produits de sable siliceux » mentionnés ci-dessus. Aux fins de la présente décision, je considère qu’il est approprié d’appliquer cette interprétation. Quoi qu’il en soit, je note qu’une interprétation plus vaste de l’état déclaratif des produits, comme incluant, par exemple, « sable siliceux », ne favorise généralement pas la Propriétaire, à la lumière des motifs et de la disposition ci-dessous.

  • [11] Je note en outre au début que la Marque a été enregistrée le 5 décembre 2001 par 0311868 B.C. Ltd. [l’Inscrivante]. M. Somji n’atteste d’aucune activité de l’Inscrivante en ce qui a trait à la Marque, y compris la question de savoir si l’Inscrivante a participé à la recherche et à l’identification de la Propriétaire quant à la ressource en sable siliceux au Manitoba entre 2013 et 2015. Plus important encore, M. Somji n’atteste d’aucun emploi de la Marque par l’Inscrivante à aucun moment avant le changement de propriétaire en mai 2017. Ce changement a été enregistré par le registraire le 27 juin 2017, sur une période de deux ans à compter de la période pertinente. Ces omissions sont étudiées davantage ci-dessous en ce qui a trait à la question des circonstances spéciales.

  • [12] Tel qu’il est indiqué ci-dessus, la Propriétaire a commencé à commercialiser ses produits de sable siliceux en liaison avec la Marque en 2017. Bien que la présentation de la Marque dans le matériel publicitaire et de marketing ne soit pas suffisante pour démontrer l’emploi de la Marque en ce qui a trait aux produits, la Propriétaire soutient que la distribution d’échantillons présentant la Marque pendant la période pertinente satisfait aux exigences de l’article 4(1) de la Loi [Observations de la Propriétaire, article D(i)].

  • [13] À cet égard, la Propriétaire soutient que lorsque la distribution d’échantillons gratuits est considérée comme une étape régulière dans le cours normal des affaires dans l’industrie où la propriétaire de la marque de commerce cherche à développer un marché, la distribution d’échantillons présentant une marque de commerce constitue l’emploi de cette marque de commerce [citant à l’appui Conagra foods Inc c Fetherstonhaugh, 2002 CFPI 1257, 23 CPR (4th) 49, au para 16 (ConAgra Foods), et Karoun Dairies Inc c Karoun Dairies SAL, 2013 COMC 228, au para 29].

  • [14] Dans ce cas, la Propriétaire affirme que la distribution des échantillons est considérée comme une étape régulière dans le cours normal des affaires dans l’industrie pétrolière et gazière pour deux raisons : premièrement, [traduction] « pour développer leur marché et commencer à vendre immédiatement après la réception de l’approbation réglementaire » et, deuxièmement, permettre aux futurs clients de tester la qualité des produits et de les comparer à d’autres produits sur le marché [observations de la Propriétaire, au para 44].

  • [15] La Cour fédérale a conclu que, de façon générale, la distribution d’échantillons gratuits ne constitue pas un transfert dans le cours normal des affaires [JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co (2001), 16 CPR (4th) 151 (CF 1re inst), au para 92; voir également Distrimedic Inc c Dispill Inc, 2013 CF 1043, aux para 302 à 303]. Toutefois, la Cour fédérale a trouvé des exceptions à cette règle générale dans des circonstances particulières, par exemple lorsque la distribution d’échantillons était une étape dans le cours normal des affaires dans l’industrie et qu’il existe des preuves de ventes subséquentes [voir ConAgra Foods, précitée, aux para 12 à 18; et Estee Lauder Cosmetics Ltd c Loveless, 2017 CF 927, aux para 38 à 43].

  • [16] Dans ce cas, bien que la Propriétaire affirme son intention d’obtenir des ventes futures en fournissant des échantillons à des clients potentiels afin qu’ils vérifient la qualité des produits, elle n’a fourni aucune preuve de ventes subséquentes. En effet, l’auteur de l’affidavit déclare clairement que [traduction] « [la Propriétaire] commencera à vendre des produits de sable siliceux de marque CANADIAN WHITE dès que nous aurons obtenu l’approbation gouvernementale et réglementaire » [para 21], démontrant que de telles ventes subséquentes ne se produiront peut-être même pas en l’absence d’une telle approbation. Cela contraste avec ConAgra Foods, où une ordonnance pour les produits en cause dans cette affaire a été rendue peu avant la fin de la période pertinente et exécutée peu après [ConAgra Foods, au para 15]. Dans ce cas, il n’y a aucune preuve de telles commandes ou ventes subséquentes. Il n’y a pas non plus de preuve d’un modèle de ventes fondé, par exemple, sur des ventes antérieures des produits enregistrés par l’Inscrivante.

  • [17] Étant donné l’absence de ventes subséquentes et le fait que la Propriétaire attend apparemment l’approbation réglementaire, je ne conclus pas que les circonstances particulières dans cette affaire justifient une conclusion selon laquelle la distribution des échantillons de sable attestée constitue l’emploi de la marque au sens de l’article 4(1).

  • [18] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire ait établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Emploi de la Marque

[19]  Par conséquent, comme l’a indiqué la Propriétaire dans ses observations dans l’alternative, la question est de savoir si, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, des circonstances spéciales existaient pour justifier le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente.

Circonstances spéciales

[20]  La règle générale porte que le défaut d’emploi devrait donner lieu à la radiation, mais il peut exister une exception lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Scott Paper Limited c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303 (Scott Paper)]. Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting Mills)]. Les « circonstances spéciales » sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[21]  Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) s’il existe une véritable intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, précité].

[22]  L’intention de reprendre l’emploi sous peu doit être justifiée par « un fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73, au para 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[23]  Ces trois critères sont tous pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, précitée].

Observations de la propriétaire

[24]  La Propriétaire soutient, dans ses observations, que les raisons pour lesquelles la Marque n’a pas été employée pendant la période pertinente sont les suivantes : i) la Propriétaire n’était pas la propriétaire inscrite de la Marque avant mai 2017 et ii) la Propriétaire attendait et attend les approbations gouvernementales et réglementaires afin de commencer la vente de produits de sable siliceux de marque CANADIAN WHITE [para 53].

[25]  En ce qui a trait à la durée pendant laquelle la Marque n’a pas été employée, la Propriétaire soutient que, bien que la Marque ait été enregistrée en décembre 2001, la Propriétaire elle-même n’a acquis la Marque qu’en mai 2017. Par conséquent, elle affirme que la période de défaut d’emploi applicable n’a été que de deux ans (c.-à-d., de mai 2017 à mai 2019) [para 54]. À l’appui, la Propriétaire soutient que [traduction] « lorsqu’il y a eu cession récente de la marque de commerce, la période de défaut d’emploi peut être prise à partir de la date d’acquisition de la marque […] la [propriétaire] n’a qu’à justifier l’absence d’emploi depuis la date d’acquisition et à démontrer une véritable intention de reprendre l’emploi dans un proche avenir [para 40, citant Scott & Aylen c Ritter IBW Dentalsysteme GmbH (2001), 19 CPR (4th) 277 (COMC), au para 7 (Ritter)].

[26]  En ce qui a trait à la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi échappaient à son contrôle, la Propriétaire fait valoir que l’obtention d’une approbation gouvernementale et réglementaire permettant la vente de ses produits de sable siliceux est un obstacle et une circonstance hors du contrôle direct ou indirect de la Propriétaire. La Propriétaire soutient que ce type de retard est caractéristique de [traduction] « l’industrie pétrolière et gazière hautement spécialisée et hautement sophistiquée » [para 55].

[27]  Enfin, en ce qui a trait à l’intention de reprendre l’emploi, la Propriétaire attire l’attention sur sa fourniture continue d’échantillons à des clients potentiels; la commande et l’utilisation des étiquettes d’échantillons présentant la marque; les documents internes et les documents de marketing en preuve indiquant les progrès de la Propriétaire en matière de logistique et de marketing; et la date cible déclarée de la fin de 2019 pour le début des ventes [para 56 à 58].

Conclusion en ce qui a trait aux circonstances spéciales

[28]  Comme il a été mentionné ci-dessus, la Propriétaire n’a présenté aucune preuve concernant les activités de l’inscrivant ou les circonstances entourant l’acquisition de la Marque par la Propriétaire. Cette situation est problématique dans l’évaluation de la question relative aux circonstances spéciales en l’espèce, puisque la Propriétaire n’a pas abordé les raisons du défaut d’emploi avant son acquisition de la Marque, ce qui laisse, au moins, sans compte pour les deux premières années de la période pertinente.

[29]  Toutefois, les raisons du défaut d’emploi doivent s’appliquer à toute la période pertinente [voir Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34, 82 CPR (4th) 77, au para 12 (Rath); PM-DSC Toronto Inc c PM-International AG, 2013 COMC 15; Supreme Brands LLC c Joy Group OY, 2018 COMC 45, au para 31; Citadelle, Maple Syrup Producers’ Cooperatve c Ravintoraisio OY, 2018 COMC 55, au para 41].

[30]  Comme il a été mentionné ci-dessus, la Propriétaire se fie à Ritter pour le principe qu’un propriétaire n’a besoin de justifier que le défaut d’emploi d’une marque de commerce à compter de la date de son acquisition. Toutefois, ce principe présumé réduit indûment la durée du défaut d’emploi pour se concentrer sur le troisième critère du test de Harris Knitting Mills (la véritable intention de reprendre l’emploi). Selon la précision ultérieure de la Cour d’appel dans Scott Paper, l’approche appropriée n’est pas de se concentrer sur l’intention de reprendre l’emploi. Dans la mesure où ce principe de Ritter a été appliqué à des décisions plus récentes du registraire, il semblerait que de telles décisions ne tiennent pas nécessairement compte de la précision de la Cour d’appel ni du libellé simple de l’article 45(1).

[31]  À cet égard, en l’absence d’une preuve d’emploi de l’objet de la marque de commerce pendant la période pertinente, l’article 45(1) de la Loi exige qu’un propriétaire démontre « […] la date où [la marque de commerce] a été ainsi employée en dernier et la raison pour laquelle elle ne l’a pas été depuis cette date. » Aucune qualification de ces deux exigences en ce qui a trait à la date de cession ne figure dans la Loi.

[32]  En ce qui a trait à la première exigence (la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la dernière fois), lorsqu’une propriétaire d’indique pas ou ne peut pas indiquer la date du dernier emploi, le registraire peut considérer la date de l’enregistrement comme la date pertinente aux fins de l’évaluation de la durée du défaut d’emploi [voir, par exemple, Clark, Woods c Canaglobe International Inc (1992), 47 CPR (3d) 12 (COMC); et Rath, précitée].

[33]  En ce qui a trait à la deuxième exigence (la raison de l’absence d’emploi depuis cette date), j’accepte que la Propriétaire poursuivait et attendait l’approbation réglementaire comme raison du défaut d’emploi de la Marque après mai 2017. Toutefois, je ne l’accepte pas comme motif de défaut d’emploi avant mai 2017; le fait que la Propriétaire n’était pas la propriétaire de la Marque n’était pas la raison du défaut d’emploi de la Marque. On peut supposer que le défaut d’emploi était attribuable à l’inactivité ou à une autre circonstance de la propriétaire précédente, l’Inscrivante. Toutefois, en l’absence de détails concernant les activités de l’Inscrivante, on est laissés dans l’ombre quant à la raison précise du défaut d’emploi avant le changement de propriétaire.

[34]  Bien que les circonstances d’une propriétaire précédente ou les circonstances entourant l’acquisition d’une marque de commerce puissent être pertinentes, je ne considère pas qu’il soit approprié qu’une cession en soi constitue un bouton de [traduction] « réinitialisation » aux fins des exigences de l’article 45(1) ou, en outre, pour déterminer la durée du défaut d’emploi selon le premier critère du test énoncé dans le critère Harris Knitting Mills. La cession d’une marque de commerce en soi ne constitue pas une circonstance particulière [voir, par exemple, WIPG AG c Wico Distribution Corp (1999), 2 CPR (4th) 388 (COMC), à la page 397; Morrison Brown Sosnovitch LLP c Jax and Bones Inc, 2014 COMC 280, au para 22; et Fetherstonhaugh & Co c Bentley Leathers Inc, 2015 COMC 40, au para 32].

[35]  En l’espèce, la Propriétaire ne donne aucun détail sur les circonstances [traduction] « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » entourant l’attribution de la Marque à la Propriétaire qui constitueraient des circonstances spéciales. Je note également qu’il n’y a rien [traduction] « d’inhabituel, de peu commun ou d’exceptionnel » du fait que la Propriétaire n’était pas propriétaire de la Marque entre 2001 et 2017.

[36]  À mon avis, le calcul de la période du défaut d’emploi à partir de toute date de cession en règle générale inviterait un propriétaire de marque de commerce à enregistrer périodiquement un transfert de sa marque de commerce inutilisée à une société ou à une personne liée afin d’éviter l’effet d’un avis prévu à l’article 45. À tout le moins, la propriétaire d’une marque de commerce devrait fournir des détails sur les circonstances de son acquisition de la marque de commerce en question s’il souhaite que le défaut d’emploi antérieur de cette marque de commerce soit excusé.

[37]  Même s’il est approprié d’appliquer le principe allégué dans Ritter dans certains cas, je ne pense pas qu’il soit approprié de le faire en l’espèce. Encore une fois, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la Propriétaire ne donne aucun détail sur les activités de l’Inscrivante ou sur sa relation avec la Propriétaire. Les circonstances de l’acquisition de la Marque par la Propriétaire sont laissées à la spéculation. Par exemple, y avait-il une relation d’entreprise ou autre entre les entreprises avant le transfert de propriété de la Marque? La Propriétaire était-elle au courant d’un emploi ou d’un défaut d’emploi de la Marque par l’Inscrivante?

[38]  Étant donné que je ne suis pas en mesure de déterminer les raisons du défaut d’emploi du dernier emploi (en l’espèce, réputée être la date d’enregistrement), y compris les deux premières années de la période pertinente, je ne peux conclure que la Propriétaire a démontré des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque au sens de l’article 45 de la Loi.

[39]  De plus, même si j’étais en mesure de considérer les circonstances entourant les tentatives de la Propriétaire à obtenir l’approbation réglementaire comme [traduction] « de nature inhabituelle, peu commune et exceptionnelle », je ne suis pas convaincu qu’elles justifieraient la période de défaut d’emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire ait respecté les critères indiqués dans Harris Knitting Mills. Selon l’affidavit de M. Somji, il semblerait que les efforts pour obtenir une approbation réglementaire n’aient commencé qu’après l’acquisition de la Marque par la Propriétaire. Par conséquent, au mieux, il n’est pas clair si les raisons du défaut d’emploi de la Marque par l’Inscrivante étaient peut-être les mêmes ou semblables.

[40]  Quoi qu’il en soit, l’attente de l’approbation réglementaire peut constituer des raisons indépendantes de la volonté de la propriétaire d’une marque de commerce excusant le défaut d’emploi pendant une période relativement courte, même des raisons indépendantes de la volonté de la propriétaire n’excusent pas indéfiniment le défaut d’emploi. En l’espèce, la Marque a été enregistrée en décembre 2001, ce qui donne une période apparente de défaut d’emploi d’environ 18 ans. Même si j’accepte qu’il y ait une forte indication de l’intention véritable de la Propriétaire d’employer (ou de reprendre l’emploi) la Marque, même si j’accepte que l’attente d’une approbation réglementaire échappait au contrôle de la Propriétaire, la longue période de défaut d’emploi serait fortement défavorable à la conclusion que la période de défaut d’emploi est excusée dans cette affaire.

Décision

[41]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

DATE DE L’AUDIENCE Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

DLA Piper (Canada) LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Dentons Canada LLP

Pour la Partie requérante

 

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