Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 104

Date de la décision : 2020-08-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Digicel Caribbean Limited

Opposante

et

 

Richard Fearing

Requérant

 

1,752,690 pour DIGICEL COMMUNICATIONS

Demande

Introduction

[1]  Digicel Caribbean Limited (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,752,690 (la Demande), produite le 29 octobre 2015 par Richard Fearing (le Requérant).

[2]  La Demande est en liaison avec la liste des produits et services énoncés à l’Annexe « A » de la présente décision (collectivement les « produits et services »), et est fondée sur l’emploi de la Marque au CANADA depuis au moins le 30 juin 2005 en liaison avec les produits du point (1) et les services, et l’emploi de la Marque au CANADA depuis au moins le 31 janvier 2015 en liaison avec les produits du point (2).

[3]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 3 août 2016. Le 30 septembre 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[4]  L’Opposante soulève les motifs d’opposition en fonction de l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2; de l’absence de droit à l’enregistrement, en vertu des articles 16(1)a) et c), de la non-conformité aux articles 30b) et 30i) de la Loi.

[5]  Le 24 octobre 2016, le Requérant a déposé une contre-déclaration.

[6]  Les deux parties ont produit des éléments de preuve, qui sont examinés ci-dessous. Seule l’Opposante a produit des observations écrites. L’Opposante a d’abord demandé une audience (et était la seule partie à le faire), mais a retiré cette demande par la suite et par conséquent, aucune audience n’a été tenue.

[7]  Pour les motifs qui suivent, la Demande est rejetée.

La preuve

Preuve de l’Opposante

[8]  La preuve de l’Opposante se compose de quatre affidavits, qui sont résumés ci-dessous et sont examinés plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition. Aucun des auteurs d’affidavit de l’Opposante n’a été contre-interrogé concernant son affidavit.

Affidavit de Declan Cassidy souscrit le 17 février 2017 (Affidavit de M. Cassidy)

[9]  M. Cassidy est le président directeur général de l’entreprise Digicel Diaspora Business, qu’il décrit comme faisant partie de l’activité du groupe de sociétés Groupe Digicel limitée. M. Cassidy indique que l’Opposante, Digicel Caribbean Limited, est membre du groupe de sociétés Groupe Digicel limitée; chaque membre de ce groupe de sociétés étant des filiales directes ou indirectes de la société mère Groupe Digicel limitée [para 1 et 2]. Pour plus de facilité lors de la discussion des faits présentés dans l’Affidavit de M. Cassidy, je désignerai le Groupe Digicel limitée et ses filiales collectivement sous le nom de « Digicel », comme c’est fait dans l’Affidavit de M. Cassidy.

[10]  Digicel est un fournisseur de biens et de services liés aux télécommunications, y compris les communications mobiles, les services de réseau, les services de nuage, la télévision par câble résidentielle et la large bande, dans plus de 30 marchés des Caraïbes, de l’Amérique centrale et du Pacifique Sud [para 10]. La première exploitation de communications mobiles de Digicel a été lancée en Jamaïque en 2001 et s’est ensuite étendue à d’autres marchés dans les Caraïbes et le Pacifique Sud [para 14].

[11]  Le Digicel Diaspora Business a été lancé en 2010 et fait la promotion de la vente de biens et de services de télécommunications par le biais de la vente au détail et de canaux en ligne aux consommateurs, en particulier aux collectivités immigrées de la diaspora, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande [para 21]. Le Digicel Diaspora Business, par l’intermédiaire de distributeurs tiers, permet aux populations immigrées de ces pays d’acheter du temps d’antenne mobile à distance pour les abonnés de Digicel. Cela permet aux particuliers résidants en dehors des Caraïbes, de l’Amérique centrale et du Pacifique Sud d’[traduction] « offrir » du temps de téléphone mobile à des amis et à des familles de ces régions [para 22].

[12]  M. Cassidy indique que l’Opposante est propriétaire de la demande canadienne no 1,769,209 de la marque de commerce DIGICEL et que la marque de commerce DIGICEL (ainsi que diverses versions de la marque) est employée par Digicel au Canada depuis au moins 2011 en liaison avec les produits et services liés aux télécommunications, y compris les services d’appels internationaux, la vente de temps d’antenne mobile, de recharge de téléphones mobiles et de cartes téléphoniques [para 27, 28, 37 et 40]. M. Cassidy indique que l’Opposante contrôle directement ou indirectement la nature et la qualité des produits et services vendus en liaison avec la marque DIGICEL au Canada [para 31 et 40]. Compte tenu de ces affirmations dans l’Affidavit de M. Cassidy, et en l’absence de preuve contraire, j’accepte que l’emploi de la marque de commerce DIGICEL au Canada décrite dans l’Affidavit de M. Cassidy se fasse au profit de l’Opposante en vertu de l’article 50(1) de la Loi.

[13]  Les produits et services de marque DIGICEL sont vendus par l’entremise d’un réseau d’environ 9 distributeurs principaux au Canada, qui passent ensuite des contrats avec des sous‑distributeurs locaux qui vendent les produits aux détaillants. Les produits et services de marque DIGICEL sont offerts dans plus de 1 300 magasins de détail tiers au Canada. Depuis 2013, les ventes annuelles totales de produits et services de marque DIGICEL au Canada ont dépassé 7 millions de dollars américains et les dépenses publicitaires annuelles au Canada ont dépassé 300 000 $ [para 33 à 39].

[14]  Les produits et services de marque DIGICEL ont été promus au Canada de diverses façons, notamment par l’entremise d’un site Web, de médias sociaux, de la radio, de la presse écrite, d’événements et de parrainages [para 41 à 50]. De nombreux exemples de publicité arborant la marque de commerce DIGICEL sont inclus comme pièces jointes à l’Affidavit de M. Cassidy.

[15]  M. Cassidy décrit que, pendant une période antérieure à 2015, le Requérant, M. Fearing, et sa société Unlimicell Corp., étaient un sous-distributeur de produits et services de marque DIGICEL au Canada. M. Cassidy décrit que cette relation d’affaires avec le Requérant s’est dissoute à la fin de 2016 [para 53d)]. M. Cassidy indique que le Requérant n’est pas autorisé ni n’a jamais été autorisé à demander ou à enregistrer aucune des marques de commerce de la marque DIGICEL [para 6].

Affidavit de Robert Santana souscrit le 20 février 2017 (Affidavit de M. Santana)

[16]  M. Santana est le vice-président directeur des Amériques pour Ezetop Unlimited Company, négociant sous le nom de Ding (ci-après « Ding »). Il décrit Ding comme un fournisseur de services internationaux de recharge de téléphonie mobile, qui permet aux consommateurs de transférer du temps de leur téléphone portable vers les comptes prépayés d’amis et de membres de leur famille à l’étranger.

[17]  Dans le cadre de ses activités au Canada, Ding concluait des contrats avec des sous-distributeurs pour revendre des services internationaux de recharges mobiles de marque DIGICEL à des entreprises de vente au détail et directement aux consommateurs canadiens. À cet égard, M. Santana décrit qu’une société appelée Unlimicell Corp. (dont le Requérant était le seul administrateur) agissait à titre de sous-distributeur du temps d’antenne de recharge de téléphone mobile international de marque DIGICEL aux fins de revente aux détaillants et aux consommateurs au Canada. M. Santana indique que cette relation d’affaires avec Unlimicell Corp. a pris fin en janvier 2017 ou aux alentours.

Affidavit de Tamara Caldwell souscrit le 16 février 2017 (Affidavit de Mme Caldwell)

[18]  Mme Caldwell est une détective privée agréée. À la demande de l’agent de l’Opposante, elle s’est rendue au 268, chemin Lakeshore Est pour déterminer si une entité du nom de Digicel Top-Up Corporation ou toute entité exploitée par Richard Fearing menait des activités à cette adresse. Mme Caldwell décrit en détail les résultats de sa présence à cette adresse, y compris des photographies, et elle indique qu’il n’y a eu aucune preuve d’une entité nommée Digicel Top-Up Corporation ou d’une personne nommée Richard Fear qui menait des activités à cette adresse, ni dans l’une des diverses unités à cette adresse.

[19]  Mme Caldwell décrit une visite d’enquête semblable à l’adresse indiquée dans la Demande, soit 1060, rue Caven, app. 1006, qui, selon ses observations, était un immeuble résidentiel d’appartements et elle n’a observé aucun panneau faisant référence à Digicel Top-Up Corporation.

Affidavit de Vince A. Giorno souscrit le 22 février 2017 (Affidavit de M. Giorno)

[20]  M. Giorno est un enquêteur privé agréé. À la demande de l’agent de l’Opposante, M. Giorno a effectué une recherche en ligne pour tout emploi de la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS au Canada par le Requérant en liaison avec des produits ou services. M. Giorno dépose en pièce jointe une liste de plus de 130 termes, phrases et combinaisons de termes qu’il a utilisés pour effectuer ces recherches en ligne. Il indique qu’il n’a trouvé aucune preuve de l’emploi de la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS au Canada par le Requérant ni aucune entité connexe en liaison avec aucun des produits et services énoncés dans la Demande. L’Affidavit de M. Giorno comprend également les résultats de diverses recherches de noms de société et de domaine.

La preuve du Requérant

Affidavit de Richard Fearing souscrit le 21 juin 2017 (Affidavit de M. Fearing)

[21]  Le Requérant a déposé un affidavit en son propre nom, et a été contre-interrogé sur son affidavit le 9 avril 2018. La transcription et les pièces jointes de ce contre-interrogatoire font également partie du dossier.

[22]  M. Fearing se définit dans cet affidavit comme le [traduction] « propriétaire et exploitant de Digicel Communications » et comme le Requérant de la Demande en question. L’Affidavit de M. Fearing ne donne aucun détail sur la nature de « Digicel Communications » en tant qu’entité juridique ou entreprise ni sur la façon dont elle est connue sous ce nom. Au cours du contre-interrogatoire, M. Fearing s’est engagé à fournir la preuve que « Digicel Communications » était une dénomination sociale au Canada, mais il ne l’a finalement pas fait [voir les Q76 à Q82 de la transcription du contre-interrogatoire].

[23]  Au paragraphe 4 de son affidavit, M. Fearing indique que [traduction] « [a]u début de 2005, j’ai commencé à produire mes propres cartes d’appel sous le nom de “Digicel” ». Il indique que [traduction] « j’ai inventé le nom de “Digicel” entièrement par moi-même quand j’ai décidé de commencer à faire des produits de cartes d’appel » et que « Digicel » est une combinaison des mots anglais « digital » [numérique] et « cellular » [cellulaire].

[24]  M. Fearing indique que le 9 février 2005, il a passé sa première commande pour l’impression de [traduction] « cartes téléphoniques Digicel » et, à cet égard, joint une facture d’une imprimerie en tant que Pièce « A » à son affidavit. M. Fearing joint également en tant que Pièce « B » le dessin de la carte d’appel, qui affiche le terme « Digicel » bien en vue. Le terme DIGICEL COMMUNICATIONS n’est présenté nulle part dans la conception de la carte d’appel à la Pièce « B ».

[25]  Les Pièces jointes « C » à « G » et « I » et « J » constituent des factures supplémentaires à M. Fearing des imprimeurs pour les cartes d’appel et le matériel promotionnel (plus précisément les cartes de visite, les affiches et les autocollants). Aucun exemple des articles mentionnés dans les factures n’est inclus dans l’Affidavit de M. Fearing, à l’exception de la carte d’appel mentionnée ci-dessus qui figure à la Pièce « B ». M. Fearing ne donne aucune indication quant à la façon et à la date de présentation ou de distribution du matériel promotionnel. Aucune des factures incluses dans l’Affidavit de M. Fearing ne fait référence à DIGICEL COMMUNICATIONS en tant que nom commercial ou marque de commerce.

[26]  Je fais remarquer qu’à la suite du contre-interrogatoire de M. Fearing, le 16 avril 2018, l’avocat de l’Opposante a reçu un courriel de l’adresse <digicel@digicel.ca> joignant un document qui paraît semblable à la carte d’appel incluse dans la Pièce « B » de l’Affidavit de M. Fearing, bien qu’elle porte également le mot « Communications » en petites lettres sous le mot « Digicel ». Toutefois, aucune explication n’a été fournie quant à la nature ou à la date d’emploi, le cas échéant, du dessin de cette carte d’appel supplémentaire. L’Opposante a déposé une copie imprimée de ce courriel et de ce document auprès du registraire le 9 mai 2018. Dans une lettre en date du 30 mai 2018, le registraire a indiqué que ce document ne serait pas consigné au dossier puisque l’Opposante avait indiqué que ce n’était pas en réponse à un engagement.

[27]  Aux paragraphes 15 à 22 et 25 à 29 de l’Affidavit de M. Fearing, ce dernier décrit ses interactions avec des entités qu’il désigne comme « Digicel Caribbean » et « Digicel Diaspora ». Par exemple, au paragraphe 15, M. Fearing indique que [traduction] « [e]n 2009, j’ai commencé à vendre des cartes de recharge “Digicel Caribbean”, qui sont utilisées pour ajouter des minutes aux téléphones prépayés existants » et que « [e]n 2009, je suis allé en Jamaïque pour rencontrer Digicel Caribbean et acquérir les droits exclusifs de vendre des produits Digicel Caribbean au Canada ». Au paragraphe 20, il déclare que [traduction] « Digicel Caribbean m’a informé à la réunion que je n’obtiendrais pas de droits exclusifs au Canada ».

[28]  Au paragraphe 32 de l’Affidavit de M. Fearing, il indique : [traduction] « [e]n 2014, j’ai créé la société “Digicel Top-up Corporation” et je l’ai enregistrée en Alberta. » Au paragraphe 33, il indique que [traduction] « [l]e but de l’enregistrement en Alberta était de tirer profit de l’essor de l’emploi dans les sables bitumineux qui avait créé un marché important pour les cartes d’appel ».

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[29]  C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive en faveur du Requérant après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre du Requérant. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298].

[30]  Les dates pertinentes se rapportant aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la Demande, à savoir, le 29 octobre 2015 [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la page 475];

·  Articles 38(2)c) et 16(3)a) et c) – les dates d’emploi revendiquées dans la Demande, à savoir, le 30 juin 2005 pour les produits au point (1) et les services, et le 31 janvier 2015 pour les produits au point (2) [articles 16(3)a) et c) de la Loi];

·  Articles 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir, le 30 septembre 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[31]  Avec un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, il est bien établi que si la date de premier emploi revendiquée par le requérant dans la demande précède la date de premier emploi réelle de la marque de commerce au Canada, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli [voir Scenic Holidays (Vancouver) Ltd c Royal Scenic Holidays Ltd, 2010 COMC 63; Pharmacia AB c Homeocan Inc (2003), 33 CPR (4th) 375 (COMC), aux para 6 à 8; Hearst Communications Inc c. Nesbitt Burns Corp (2000), 7 CPR (4th) 161 (COMC), aux para 7 à 11].

[32]  Le fardeau de preuve initial d’un opposant en vertu de l’article 30b) est léger [voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), à la page 89] et il peut être respecté par renvoi non seulement à la preuve de l’opposant, mais également à celle du requérant [voir Labatt Brewing Co c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst), à la page 230]. Toutefois, un opposant peut uniquement se fonder avec succès sur un élément de preuve présenté par le requérant pour s’acquitter de son fardeau initial s’il démontre que la preuve du requérant remet en question les allégations formulées dans la demande [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 30 à 38].

[33]  En l’espèce, les éléments de preuve de l’Opposante comprennent des affidavits de deux enquêteurs privés. L’Affidavit de M. Giorno décrit les recherches en ligne effectuées avec de nombreux paramètres de recherche différents, à la recherche de toute indication que la Marque a été employée par le Requérant en liaison avec les biens et services. L’Affidavit de M. Caldwell contient la preuve de visites personnelles à l’adresse du Requérant mentionnée dans la Demande, ainsi qu’à une autre adresse corporative liée au Requérant. Aucune des enquêtes menées par les deux enquêteurs privés n’a révélé de preuve que la Marque est actuellement employée par le Requérant, ou qu’elle ne l’a jamais été. À mon avis, cette preuve de l’Opposante est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial léger en vertu de l’article 30b).

[34]  Toutefois, si ma conclusion ci-dessus est erronée, à mon avis, l’Opposante est en mesure de s’acquitter de son fardeau initial de preuve en vertu de l’alinéa 30b) par l’entremise des éléments de preuve du Requérant en l’espèce. En ce qui concerne l’emploi présumé de la Marque par le Requérant, l’Affidavit de M. Fearing se limite à des reçus d’imprimeurs pour les cartes d’appel arborant le terme « Digicel » et le matériel promotionnel connexe, ainsi qu’à un exemple du dessin de la carte d’appel. Il n’y a aucune preuve dans l’Affidavit de M. Fearing que ces cartes d’appel ont été vendues ou offertes à la vente aux consommateurs au Canada à la date réclamée dans la Demande, ni aucune preuve que le matériel promotionnel mentionné dans l’Affidavit de M. Fearing n’a jamais été présenté en association avec l’un des produits et services visés par la Demande. Plus important encore, il n’y a aucune preuve que les cartes d’appel ou le matériel promotionnel mentionnés dans l’Affidavit de M. Fearing n’ont jamais porté la Marque visée par la Demande, à savoir DIGICEL COMMUNICATIONS. Toutes les références dans l’Affidavit de M. Fearing à l’emploi présumé d’une marque de commerce ont trait à « Digicel », plutôt qu’à DIGICEL COMMUNICATIONS. Même si j’acceptais que l’Affidavit de M. Fearing démontre l’emploi de la marque de commerce Digicel par le Requérant en liaison avec les cartes d’appel, cet emploi ne constituerait pas un emploi de la Marque visée par la Demande, à savoir, DIGICEL COMMUNICATIONS [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF), au para 5]. En outre, il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque par le Requérant en liaison avec la longue liste de produits et services restants énoncés dans la Demande. À mon avis, les réponses de M. Fearing lors du contre-interrogatoire aux questions relatives à son emploi présumé de la Marque ne changent rien aux conclusions ci-dessus.

[35]  À la suite du contre-interrogatoire du Requérant, il semble que ce dernier ait fourni à l’Opposante une impression d’un dessin de carte d’appel portant la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS. Cependant, comme il a été mentionné ci-dessus, le Requérant n’a pas fourni de preuve quant au moment où, le cas échéant, ce dessin de carte d’appel supplémentaire a été annoncé, vendu ou offert à la vente au Canada.

[36]  À mon avis, les éléments de preuve du Requérant concernant son emploi présumé de la Marque soulèvent des doutes importants quant à la question de savoir s’il n’a jamais employé la Marque visée par la Demande, à savoir, DIGICEL COMMUNICATIONS, encore moins employé cette Marque depuis les dates de premier emploi revendiquées dans la Demande en liaison avec les produits et services.

[37]  En résumé, l’Opposante a rempli son fardeau initial de preuve pour le motif d’opposition fondé sur l’article 30b), alors que le Requérant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a employé la Marque au Canada en liaison avec les produits et services depuis les dates revendiquées dans la Demande. Par conséquent, le Requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait, et le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[38]  Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial au titre de ce motif d’opposition, une opposante doit démontrer que sa marque de commerce avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits et/ou services pertinents de manière à annuler le caractère distinctif de la marque visée par la Demande [voir Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles' International, LLC c Bojangles Café Ltd., 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427].

[39]  À mon avis, les éléments de preuve de l’Opposante concernant son emploi de la marque de commerce DIGICEL au Canada suffisent pour que l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 2. L’Opposante a fourni des éléments de preuve de l’emploi et de la publicité importants de la marque de commerce DIGICEL au Canada en liaison avec les services d’appels internationaux, de la vente de temps d’antenne mobile, de la recharge de téléphone mobile et de cartes téléphoniques depuis au moins 2013, bien avant le dépôt de la déclaration d’opposition dans la présente procédure.

[40]  Par conséquent, la question devient celle de savoir s’il y a une probabilité de confusion entre la Marque DIGICEL COMMUNICATIONS du Requérant et la marque de commerce de l’Opposante, DIGICEL. Je garderai cette discussion brève, car, à mon avis, chacun des facteurs pertinents de l’analyse de la confusion favorise l’Opposante en l’espèce.

Test en matière de confusion

[41]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est stipulé que « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice ». En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[42]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 1 RCS 772 (CSC), au para 54]. Je renvoie également à Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, dans laquelle la Cour suprême du Canada indique que l’article 6(5)e), concernant le degré de ressemblance entre les marques, est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[43]  La marque de commerce DIGICEL de l’Opposante a un caractère distinctif inhérent moyen. À mon avis, la marque de commerce DIGICEL est un peu suggestive des services de téléphonie cellulaire numérique, mais il n’y a aucune preuve dans la présente procédure pour suggérer que le terme est descriptif ou est devenu générique. De même, la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS du Requérant a un caractère distinctif inhérent moyen.

[44]  Pour ce qui est de la mesure dans laquelle les marques de commerce des parties sont devenues connues, les éléments de preuve de l’Opposante suggèrent que sa marque de commerce DIGICEL est connue au moins dans une certaine mesure au Canada en raison de l’emploi de la marque de commerce au Canada par l’Opposante depuis au moins 2013 (par souci de précaution, je fais référence à 2013, puisque c’est la première année pour laquelle les éléments de preuve de l’Opposante comprennent les chiffres d’affaires en association avec sa marque de commerce au Canada). En comparaison, le Requérant n’a fourni aucune preuve pour démontrer que sa Marque est connue du tout au Canada.

[45]  Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

La durée d’emploi des marques de commerce

[46]  Les éléments de preuve de l’Opposante démontrent qu’elle a employé sa marque de commerce DIGICEL depuis au moins 2013.

[47]  Comme il a été mentionné plus haut dans l’examen du motif d’opposition fondé sur l’article 30b), les éléments de preuve du Requérant ne démontrent aucun emploi de la marque de commerce DIGICEL COMMUNICATIONS à aucun moment.

[48]  Par conséquent, à mon avis, ce facteur est également favorable à l’Opposante.

Le genre de produits; la nature du commerce

[49]  Il existe un chevauchement important entre les produits et services offerts par l’Opposante au Canada en liaison avec la marque de commerce DIGICEL et la liste des produits et services énoncés dans la Demande; les deux concernent essentiellement les services de télécommunication et de téléphone cellulaire, et les produits promotionnels étroitement liés. Il semble également que les voies de commercialisation se chevauchent directement. En fait, les éléments de preuve des deux parties indiquent qu’à un moment donné, le Requérant vendait les produits de l’Opposante au Canada.

[50]  Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[51]  Le degré de ressemblance entre la marque de commerce DIGICEL de l’Opposante et la Marque DIGICEL COMMUNICATIONS du Requérant, en termes d’apparence, de son et de l’idée suggérée, est élevé. L’élément le plus frappant des deux marques, à savoir « DIGICEL », est identique, et la deuxième composante de la Marque du Requérant est descriptive des services pertinents. Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.

Conclusion concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 2

[52]  Compte tenu de tous les éléments susmentionnés, je conclus que le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité vraisemblable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante, DIGICEL. Par conséquent, le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue le Requérant au Canada conformément à l’article 2 de la Loi à la date pertinente. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est retenu.

Motifs d’opposition restants

[53]  Étant donné ma conclusion que les motifs d’opposition fondés respectivement sur l’article 30b) et l’article 2 sont accueillis, je m’abstiendrai d’examiner les motifs d’opposition restants.

Décision

[54]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Lili El Tawil


Annexe A

Produits et services visés par la Demande no 1,752,690 pour DIGICEL COMMUNICATIONS

Produits

 

(1) Équipement de télécommunication, équipement multimédia et interactif ainsi qu’équipement de technologies de l’information, nommément téléphones, téléphones cellulaires, accessoires de téléphone cellulaire, nommément étuis pour téléphones cellulaires, cordons d’alimentation USB et câbles USB pour la transmission de données, protecteurs d’écran, modems, ordinateurs de poche, cartes téléphoniques prépayées, étuis et pochettes de transport pour téléphones, téléphones cellulaires et ordinateurs de poche, microphones, adaptateurs électriques pour utilisation relativement à l’équipement de télécommunication susmentionné, casques d’écoute, batteries et chargeurs pour l’équipement de télécommunication susmentionné, façades, appareils photo et caméras, mémoires externes, nommément cartes mémoire pour ordinateur et clés USB à mémoire flash pour utilisation relativement à l’équipement de télécommunication susmentionné; cartes téléphoniques et cartes téléphoniques prépayées; guides d’utilisation; jeux informatiques.

 

(2) Vêtements, nommément chemises, pulls d’entraînement, chandails, gilets, pantalons, shorts, gants, ceintures, pyjamas, vêtements de dessous, chaussettes, vestes, manteaux, vêtements de plage, survêtements; couvre-chefs, nommément lunettes de soleil, visières, chapeaux, casquettes, bandanas; articles chaussants, nommément chaussures, espadrilles, bottes, sandales, pantoufles; souvenirs, nommément instruments d’écriture, aimants pour réfrigérateurs, étuis de transport pour CD, serviettes, nommément serviettes de bain, serviettes de golf et débarbouillettes, chaînes porte-clés, macarons de fantaisie et grandes tasses à café; imprimés, nommément papier à notes, feuilles mobiles, livres, décalcomanies, autocollants pour pare-chocs, cartes à collectionner, cartes de correspondance, affiches, chemises de classement et calendriers; logiciels pour le suivi en ligne de véhicules et de colis; terminaux de point de vente; distributeurs

 

Services

(1) Services de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile internationale, de paiement mobile, de carte téléphonique prépayée et de carte téléphonique, nommément l’ajout de fonds aux éléments susmentionnés; services de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile internationale, nommément exploitation d’un programme de distributeur autorisé pour la vente et la revente de services et d’équipement de télécommunication, nommément de téléphones, de téléphones mobiles, de cartes SIM et de cartes téléphoniques, ainsi que d’accessoires connexes, nommément de batteries, de chargeurs de batterie, de pinces de ceinture, d’écouteurs mains libres et d’étuis de transport, la location de téléphones cellulaires, de radiomessageurs, d’assistants numériques personnels, de cartes SIM mobiles, d’ordinateurs et d’ordinateurs portatifs; installation, entretien, réparation et mise à niveau d’équipement de télécommunication, nommément de téléphones, de téléphones cellulaires, de téléphones mobiles, d’ordinateurs et d’ordinateurs portatifs; exploitation d’un réseau de réapprovisionnement de téléphone mobile pour l’ajout de fonds à des téléphones, à des téléphones cellulaires et à des ordinateurs de poche; services de téléphonie cellulaire, nommément forfaits et contrats globaux de téléphonie; services de téléphonie cellulaire prépayés; services de vidéoconférence, nommément appels vidéo par appareils de communication sans fil; services de cartes d’appel; vente au détail d’équipement de télécommunication, nommément de téléphones, de téléphones mobiles, de cartes SIM et de cartes téléphoniques, ainsi que d’accessoires connexes, nommément de batteries, de chargeurs de batterie, de pinces de ceinture, d’écouteurs mains libres et d’étuis de transport, offerts au moyen du commerce électronique par un réseau informatique mondial; services de magasin de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile, nommément l’ajout de fonds à un compte de téléphonie mobile; services de magasin de détail en ligne dans le domaine de l’équipement de télécommunication, nommément des téléphones, des téléphones mobiles, des cartes SIM et des cartes téléphoniques, ainsi que des accessoires, nommément des batteries, des chargeurs de batterie, des pinces de ceinture, des écouteurs mains libres et des étuis de transport; promotion de la vente de marchandises et de services au moyen d’un programme de fidélisation de la clientèle et services de franchisage, nommément octroi à des tiers du droit de commercialiser les marchandises et les services susmentionnés relativement aux marques de commerce et aux noms commerciaux du requérant, ainsi qu’offre d’aide technique pour la mise sur pied et l’exploitation de franchises de magasins de téléphones mobiles; vente en ligne de produits de télécommunication, nommément réapprovisionnement en fonds pour la téléphonie mobile internationale pour téléphones cellulaires dans d’autres pays; développement et distribution de jeux, de logiciels, de programmes et d’applications téléchargeables, ainsi qu’offre d’accès à ceux-ci; services de virement électronique de fonds; services permettant aux utilisateurs d’effectuer des opérations financières et commerciales en ligne, grâce à un accès sécurisé offert sur un réseau de télécommunication et/ou de données; solutions de commerce électronique pour l’achat et la vente sur Internet, nommément pour le traitement et la transmission électroniques de données sur le règlement de factures; services contractuels et de consultation pour la sélection, l’installation, l’exploitation, l’entretien, la réparation, la remise à neuf et le rachat de services de télécommunication, nommément de services de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile, de paiement mobile, de carte téléphonique prépayée et de carte téléphonique, nommément l’ajout de fonds aux éléments susmentionnés; exploitation de magasins de détail et de sites Web pour la vente, la location, la démonstration, la consultation, l’installation, l’entretien, la réparation, la remise à neuf et le rachat de services de télécommunication, nommément de services de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile, de paiement mobile, de carte téléphonique prépayée et de carte téléphonique, nommément l’ajout de fonds aux éléments susmentionnés; gestion du service à la clientèle, de lignes d’assistance téléphonique et d’assistance aux opérations concernant l’offre de services de télécommunication, nommément de services de réapprovisionnement pour la téléphonie mobile, de paiement mobile, de carte téléphonique prépayée et de carte téléphonique, nommément l’ajout de fonds aux éléments susmentionnés et réapprovisionnement pour la téléphonie mobile internationale; transmission de la voix sur IP; services de communication télématique pour véhicules permettant la navigation et le repérage sans fil; repérage et suivi de colis en transit; appareils de distribution automatique de billets, de débit et de paiement.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Gowling WLG (Canada) s.r.l.

Pour l’Opposante

Aucun agent nommé

Pour le Requérant

 

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