Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 67

Date de la décision : 2020-05-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Bellaggio Properties Inc.

Opposante

et

 

Mirage Resorts, Incorporated

Requérante

 

1,660,785 pour BELLAGIO

1,660,786 pour BELLAGIO Dessin

Demandes

Introduction

[1]  Mirage Resorts, Incorporated (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement des marques de commerce BELLAGIO (la Marque nominale) et BELLAGIO Design (la Marque figurative), reproduite ci-dessous, sous les numéros de demande 1,660,785 et 1,660,786, respectivement. La Requérante est propriétaire de l’hôtel BELLAGIO à Las Vegas, Nevada :

BELLAGIO Design

[2]  Dans cette décision, je fais référence à la demande d’enregistrement BELLAGIO comme étant la « Demande de Marque nominale ». Je parle de la demande BELLAGIO Dessin comme de la « Demande de marque figurative ». Collectivement, je fais référence aux « Marques » et aux « Demandes ».

[3]  La Demande de Marque nominale est fondée sur l’emploi et l’enregistrement aux États‑Unis et est en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Articles vestimentaires, nommément tee-shirts, débardeurs, chemises de golf, chandails, vestes, ensembles de jogging, pulls d’entraînement, pantalons d’entraînement, pantalons courts, vêtements de bain, chemises habillées, jupes, chemisiers, pantalons habillés, casquettes, chapeaux et bandanas.

(2) Eau de Cologne; parfums; eau de toilette; lotion pour le corps; crème à mains; gels de bain et de douche; huiles de massage; sels de bain; savons de bain; shampooing; revitalisant.

(3) Matelas.

(4) Serviettes et débarbouillettes; linge de lit, nommément draps, housses de couette, couvertures et taies d’oreiller.

(5) Articles pour boissons en verre; grandes tasses; chopes; tasses; assiettes; plateaux de service autres qu’en métal précieux; jarres à biscuits; bouteilles à eau vendues vides; manchons isothermes pour cannettes; contenants isothermes pour boissons; vases; sous-verres autres qu’en papier et n’étant pas du linge de table; statues en porcelaine de Chine, en cristal, en faïence, en verre, en porcelaine et en terre cuite; brosses à cheveux; peignes à cheveux; tirelires autres qu’en métal.

Services

(1) Services de casino et de spectacles, à savoir représentations par des chanteurs, des humoristes, des danseurs et des groupes de musique.

(2) Hôtels, salons de beauté et spas santé.

(3) Services de chapelle pour cérémonies de mariage.

(4) Services de photographie.

(5) Offre de salles de congrès et offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales.

(6) Services de magasin de vente au détail, nommément d’articles vestimentaires et de vêtements; magasins de vente au détail de parfums, d’eau de Cologne, de cosmétiques, de lotions de soins du corps, de savons, de gels et de produits pour le corps en vaporisateur; services de magasin de vente au détail de sacs à main, de porte-monnaie, de chaussures et d’accessoires; services de magasin de vente au détail d’articles de dépanneur.

(7) Exploitation de casinos; tenue d’évènements spéciaux au cours desquels sont organisés des concours et des tournois de casino et de jeu, ainsi qu’offre d’installations pour ces évènements; jardins botaniques; réservation de billets de théâtre; cabarets; boîtes de nuit; arcades; clubs de plage et de piscine, nommément offre d’installations d’entraînement physique et d’exercice avec piscines ainsi que d’installations pour le bain et la douche.

(8) Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; offre de salles d’exposition; services d’agence de voyages, nommément réservation d’hébergement, de restaurants et de repas.

[4]  La Demande de Marque figurative, également fondée sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis, est en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Vêtements, nommément tee-shirts; débardeurs; polos; pulls d’entraînement; vestes; shorts; robes bain-de-soleil; ensembles deux pièces constitués de vêtements pour le haut et le bas du corps; couvre-chefs; vêtements de nuit; chaussettes.

(2) Matelas.

(3) Articles pour boissons en verre; grandes tasses; chopes; tasses; assiettes; plateaux de service autres qu’en métal précieux; jarres à biscuits; bouteilles à eau vendues vides; manchons isothermes pour cannettes; contenants isothermes pour boissons; vases; sous-verres autres qu’en papier et n’étant pas du linge de table; statues en porcelaine de Chine, en cristal, en faïence, en verre, en porcelaine et en terre cuite; brosses à cheveux; peignes à cheveux; tirelires autres qu’en métal.

Services

  • (1) Hôtel, salons de beauté et spas santé.

  • (2) Services de casino et de divertissement, à savoir représentations devant public par des chanteurs.

  • (3) Services de photographie.

  • (4) Services de chapelle pour cérémonies de mariage.

  • (5) Galeries d’art; émission de chèques-cadeaux échangeables contre des produits ou des services; mise à disposition d’installations pour des réunions d’affaires; diffusion d’information dans le domaine du magasinage par Internet.

  • (7) Services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre d’installations de congrès; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; offre de services d’information sur l’hébergement par Internet; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration, d’hébergement et d’exposition par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas.

  • (8) Services de magasin de vente au détail, nommément d’articles vestimentaires et de vêtements; magasins de vente au détail de parfums, d’eau de Cologne, de cosmétiques, de lotions de soins du corps, de savons, de gels et de produits pour le corps en vaporisateur; services de magasin de vente au détail de sacs à main, de porte-monnaie, de chaussures et d’accessoires; services de magasin de vente au détail d’articles de dépanneur.

(6)  Tenue d’évènements spéciaux au cours desquels sont organisés des concours et des tournois de casino et de jeu ainsi qu’offre d’installations pour ces évènements; jardins botaniques; services de centre de mise en forme; réservations de billets de théâtre; planification d’évènements spéciaux; cabarets; boîtes de nuit; salles de jeux électroniques; clubs de plage et de piscines, nommément offre d’installations d’entraînement physique et d’exercice comprenant des piscines et des installations pour le bain et la douche; diffusion d’information dans le domaine du jeu et du divertissement par Internet.

[5]  Bellaggio Properties Inc. (l’Opposante) s’est opposée aux Demandes d’enregistrement, alléguant l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif en fonction de l’emploi antérieur des marques de commerce et des noms commerciaux y compris Bellaggio et Bellaggio Café en liaison avec des services de restaurant, de bar et de café. Les autres motifs d’opposition sont fondés sur des contestations techniques des Demandes.

Le dossier

[6]  Les Demandes d’enregistrement des Marques ont été déposées le 23 janvier 2014, et toutes deux ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 juillet 2015.

[7]  Le 14 décembre 2015, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante sont identiques dans les deux affaires, et comprennent les articles 30, 16 et 2 de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que le libellé de l’article 38(2) de la Loi s’applique aux demandes annoncées avant le 17 juin 2019).

[8]  La Requérante a déposé ses contre-déclarations le 23 février 2016.

[9]  À l’appui de ses oppositions, dans chaque cas, l’Opposante a produit l’affidavit d’Emil Malak. M. Malak a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et la transcription, en plus des réponses aux engagements qui font partie du dossier.

[10]  À l’appui de ses demandes d’enregistrement, dans chaque cas, la Requérante a produit une copie certifiée de l’enregistrement no LMC540,882 pour la marque de commerce BELLAGIO, ainsi que l’affidavit d’April Chaparian. La Requérante a par la suite demandé et obtenu la permission de produire un autre affidavit d’April Chaparian. Mme Chaparian n’a pas subi de contre-interrogatoire.

[11]  Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et elles ont comparu à une audience.

[12]  Étant donné que les Requérantes visent des marques de commerce semblables et que les motifs d’opposition, la preuve et les plaidoyers écrits sont identiques, les deux affaires sont traitées dans la présente décision.

Aperçu de la preuve

[13]  La preuve au dossier est résumée brièvement ci-dessous. Les parties pertinentes de la preuve font l’objet de discussions approfondies dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve de l’Opposante – Affidavit d’Emil Malak

[14]  L’Opposant a produit l’affidavit d’Emil Malak (assermenté le 3 juin 2016), président-directeur général de l’Opposante. M. Malak participe activement aux activités quotidiennes de l’Opposante depuis sa constitution en société en janvier 1999 (affidavit Malak, para 2).

[15]  M. Malak présente une preuve ayant trait à l’établissement et à l’exploitation des restaurants de l’Opposante situés à Vancouver, le Bellaggio Café (en 1999) et le Bellaggio Wine Bar (en 2011). L’affidavit Malak fournit également des preuves relatives à l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce et de ses noms commerciaux de Bellaggio, des renseignements sur les ventes annuelles et de certains renseignements publicitaires.

Preuve de la Requérante – Affidavits d’April Chaparian

[16]  La Requérante a produit une copie certifiée de son enregistrement no LMC540,882 pour la marque de commerce BELLAGIO en liaison avec les « services de promotion et de relations avec les clients, nommément services de réservation à l’hôtel et au casino ». La Requérante a également produit l’affidavit d’April Chaparian (assermenté le 11 septembre 2017). Mme Chaparian est la directrice de la propriété intellectuelle de MGM Resorts International, dont la Requérante est une filiale. Dans le cadre de ses fonctions auprès de MGM Resorts International, Mme Chaparian gère les portefeuilles de marques de commerce de cette société et des sociétés connexes, y compris la Requérante (affidavit Chaparian, para 1 à 3).

[17]  Mme Chaparian fournit des preuves ayant trait à : l’histoire et au fonctionnement de l’hôtel BELLAGIO à Las Vegas; des renseignements sur le site Web qui se trouve à l’adresse www.bellagio.com; des exemples de couverture médiatique dans les publications canadiennes pour l’hôtel BELLAGIO au fil des ans (para 23; Pièce A); et des renseignements sur le nombre de Canadiens qui visitent Las Vegas et l’hôtel BELLAGIO (para 24 à 29).

[18]  L’affidavit supplémentaire d’April Chaparian (assermenté le 26 octobre 2017) fournit des échantillons supplémentaires de couverture médiatique pour l’hôtel BELLAGIO qui sont parus dans des publications canadiennes au cours des années 1998-1999 et qui font référence à l’hôtel BELLAGIO (para 4).

[19]  Pour parvenir à ma décision, j’ai examiné toute la preuve au dossier. Toutefois, je ne discute que des parties des éléments de preuve qui sont directement pertinentes à mes conclusions.

Fardeau ultime et fardeau initial de la preuve

[20]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne (i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter une opposante d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition et (ii) le fardeau ultime qui incombe à la requérante de prouver sa cause.

[21]  En ce qui concerne le point (i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposante a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels elle appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : [John Labatt Limited c Molson Companies Limited, 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 à 298 (CF 1re inst)]. La présence d’un fardeau de preuve imposé à l’opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point (ii), la requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue une opposante dans la déclaration d’opposition (dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe à la requérante signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la requérante.

Analyse des motifs d’opposition

Les motifs d’opposition en vertu de l’article 30

[22]  La date pertinente pour examiner un motif d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la page 475].

[23]  En ce qui a trait aux motifs d’opposition plaidés en vertu de l’article 30 de la Loi énoncés ci-dessous, ils ont soit été plaidés de façon inappropriée, ou soit l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, de sorte qu’ils sont rejetés sommairement.

Article 30d)

[24]  L’Opposante a plaidé que, contrairement à l’article 30d) de la Loi, la Requérante n’a jamais employé les marques en liaison avec chacun des services indiqués dans les Demandes; la Requérante n’est pas la propriétaire des enregistrements étrangers; à la date du dépôt, les Marques n’étaient pas employées aux États-Unis; et la Requérante n’a pas nommé ses prédécesseurs en titre. Je note que ce motif ne fait aucune référence aux produits dans les Demandes.

[25]  Ce motif d’opposition est rejeté au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. Il n’y a aucune preuve qui mette en cause l’exactitude de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger revendiquée dans les Demandes de la Requérante. De même, rien n’indique que la Requérante n’est pas la propriétaire des enregistrements à l’étranger, ni que la Requérante n’a pas nommé ses prédécesseurs en titre.

Articles 30d) et h)

[26]  L’Opposante a plaidé que, contrairement aux articles 30d) et h) de la Loi, les marques de commerce dont l’emploi est allégué ne sont pas les Marques. Subsidiairement, l’Opposante a plaidé que, contrairement à l’article 30d) de la Loi, l’emploi des Marques n’a pas été continu pour chacun des services indiqués dans les Demandes. Je note que ces motifs ne font aucune référence aux produits dans les Demandes.

[27]  Même si ce motif est incorrectement plaidé à l’égard de la Marque nominale (puisque les exigences de l’article 30h) ne s’appliquent pas), ce motif est rejeté sommairement puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de fardeau de preuve initial. De même, le motif en vertu de l’article 30d) plaidé dans l’alternative est rejeté sommairement au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. Il n’y a aucune preuve qui remet en question la question si l’emploi des Marques par la Requérante de n’importe lequel de ses services a été continu ou non.

Articles 30e) et h)

[28]  L’Opposante a plaidé que, contrairement aux articles 30e) et h) de la Loi, les marques de commerce dont l’emploi proposé ne sont pas les Marques. De plus ou dans l’alternative, l’Opposante a plaidé que contrairement à l’article 30e) de la Loi, la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer les Marques elles-mêmes, par l’entremise d’un licencié ou elle-même et par l’entremise d’un licencié en liaison avec chacun des services indiqués dans les Demandes. Je note que ces motifs ne font aucune référence aux produits dans les Demandes.

[29]  Ces motifs d’opposition sont rejetés puisqu’ils ont été plaidés de façon inappropriée. Puisque les demandes ne sont pas fondées sur l’emploi projeté au Canada, les exigences de l’article 30e) ne s’appliquent pas. De plus, les dispositions de l’article 30h) ne s’appliquent pas à la Demande de Marque nominale, puisque la Marque est un mot qui n’est pas représenté sous une forme spéciale.

Article 30i)

[30]  L’Opposante a plaidé que, contrairement aux articles 7b) et 30i) de la Loi, la déclaration de la Requérante quant à son droit à l’emploi des Marques au Canada est fausse en raison du contenu de la déclaration d’opposition, y compris sa connaissance des droits de l’Opposante et de l’illégalité de cet emploi. En particulier, l’Opposant allègue que l’emploi de la Requérante serait, était et est illégal en ce sens que :

  i.  elle empiète sur les droits de propriété de l’Opposante;

  ii.  elle aura probablement l’effet de diriger l’attention du public sur les produits, services ou l’entreprise de la Requérante de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, au moment où elles comment à appeler ainsi l’attention à ceux-ci, entre les produits et les services ou l’entreprise de la Requérante et ceux de l’Opposante;

contraire à l’article 7b) de la Loi.

[31]  L’article 30i) de la Loi exige qu’une requérante ajoute dans sa demande d’enregistrement une déclaration affirmant qu’elle est convaincue d’avoir droit d’employer sa marque de commerce au Canada (comme la Requérante l’a fait dans ce cas). L’Opposante n’a produit aucune preuve que la Requérante était peut-être au courant des droits antérieurs allégués par l’Opposante, bien qu’en tout état de cause, il ait été établi que la simple connaissance des droits antérieurs allégués par une opposante n’empêche pas une requérante de faire la déclaration requise par l’article 30i) de la Loi [4072430 Canada Inc c Roberto Cavalli SpA, 2015 COMC 189; Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. Étant donné que les Demandes comprennent la déclaration requise et qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi, cette partie du motif en vertu de l’article 30i) est rejetée.

[32]  En ce qui concerne la combinaison de l’article 30i) et de l’article 7 de la Loi, comme l’a fait remarquer le registraire dans la décision Intercast Europe Srl c Next Retail Limited, 2017 COMC 12, « Non seulement est-il loin d’être certain que la combinaison de l’article 30i) et de l’un quelconque des articles 7b), 20 et 22 de la Loi constitue un motif d’opposition valable [voir Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19, au para 13, citant Parmalat Canada Inc c Sysco Corp (2008), 69 CPR (4th) 349 (CF), aux para 38 à 42] […] »

[33]  Cela dit, même si je supposais que cela constitue un motif d’opposition valable, je conclurais néanmoins que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à l’établissement des trois éléments requis pour démontrer une violation de l’article 7b) de la Loi [tel qu’énoncé dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 RCS 120, au para 33 cité par Pharmacommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2008 CF 828, au para 41].

[34]  Par ailleurs, je note que dans son plaidoyer écrit, l’Opposante allègue en outre que :

[traduction]

49 […] les Marques visées par la demande à leur valeur nominale comprennent les marchandises qui sont contraires au Code criminel à moins d’avoir obtenu une licence, à savoir :

  1. En ce qui a trait à la marque 1,660,785 : (1) Services de casino et de spectacles, à savoir représentations par des chanteurs, des humoristes, des danseurs et des groupes de musique et (7) Exploitation de casinos; tenue d’évènements spéciaux au cours desquels sont organisés des concours et des tournois de casino et de jeu […]

  2. En ce qui a trait à la marque 1,660,786 : (1) Services de casino et de divertissement, à savoir représentations devant public par des chanteurs.

50. La Requérante n’a pas établi d’approbation réglementaire ou d’approbation pendante pour ces marques, malgré que M. Malak l’ait enjointe à le faire pendant son contre-interrogatoire.

[35]  Toutefois, comme il est établi dans Le Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 2011 CF 118 (CanLII), le registraire n’a pas compétence pour trancher un motif d’opposition qui n’est pas expressément plaidé dans une déclaration d’opposition. Par conséquent, je n’ai pas examiné cette allégation, bien que je remarque qu’en tout état de cause, l’Opposante ne se serait pas acquittée de son fardeau de preuve pour ce motif [Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc, 2002 CanLII 61461, (2002) 25 CPR (4th) 572 (COMC); Interprovincial Lottery Corp c Monetary Capital Corp, 2006 CanLII 80348, (2006), 51 CPR (4th) 447 (COMC).

Les motifs d’opposition en vertu de l’article 16

[36]  L’Opposante a plaidé que la Requérante n’est pas la personne ayant le droit à l’enregistrement des Marques en vertu de l’article 16 comme suit :

[traduction]

a) Contrairement aux articles 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, pendant la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante Bellaggio, Bellaggio, Bellaggio Café, Bellaggio Special, Bellaggio Appetizer, Bellaggio Sandwich, Bellaggio Pizza, Bellaggio Pasta, Bellaggio Breakfast, Full Bellaggio French Toast, Bellaggio Chicken Wings dont chacune a été employée au préalable ou été connues au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou à leur profit par les licenciés) en liaison avec des services de restaurant, de bar et de café.

b) Contrairement aux articles 16(2)c) et 16(3)c) de la Loi, pendant la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante Bellaggio, Bellaggio Café, Bellaggio Wine Bar, Bellaggio Café Hornby, Bellaggio Café Convention, et Bellaggio Properties Inc. dont chacun a été employé au préalable au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou à leur profit par les licenciés) en liaison avec des services de restaurant, de bar et de café.

 

Les motifs d’opposition en vertu de l’article 16(2)a)

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de la preuve

[37]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve d’un motif en vertu de l’article 16(2)a), l’Opposante doit démontrer qu’à la date de dépôt de la demande (le 23 janvier 2014), une ou plusieurs de ses marques de commerce invoquées ont été employées au Canada et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement des Marques, à savoir le 15 juillet 2015 [article 16(5) de la Loi].

[38]  À la lumière de mon examen de l’affidavit Malak, et en particulier des parties résumées ci-dessous, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial et a démontré l’emploi des marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café en liaison avec des services de restaurant, de bar et de café avant le 23 janvier 2014, et que ces marques de commerce n’avaient pas été abandonnées en date du 15 juillet 2015. Je n’ai pas tenu compte du reste des marques de commerce alléguées plaidées par l’Opposante, car je considère que les marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café représentent le meilleur cas de l’Opposante :

·  En 1999, l’Opposante a commencé l’exploitation d’un restaurant situé au 773, rue Hornby, Vancouver, en Colombie-Britannique, sous le nom commercial Bellaggio Café, et elle exerce ses activités à cet emplacement de façon continue depuis cette date (para 5). L’Opposante a obtenu une licence pour débit de boisson en 1999, après quoi l’Opposante a commencé à offrir la vente de boissons alcoolisées à l’emplacement rue Hornby (para 7).

·  La Pièce F est constituée de photographies du restaurant de la rue Hornby indiquant une affiche arborant bien en vue les marques de commerce Bellaggio Café et Bellaggio. M. Malak affirme que ces affiches sont en place depuis 1999 (para 15). Je remarque que sur l’une des photographies, on voit un tapis d’entrée devant la porte du restaurant portant les lettres stylisées B et C. Le B stylisé sur le tapis ainsi que sur l’affiche (le B dans Bellaggio) ressemble à l’élément stylisé B dans la Marque figurative de la Requérante.

·  Le 1er juillet 2011, l’Opposante a ouvert un deuxième emplacement, le Bellaggio Wine Bar (para 11). Le Bellaggio Wine Bar est également connu sous le nom de Bellaggio Convention en raison de son emplacement au Vancouver Convention Center (para 11). La Pièce G consiste en des photographies de ce restaurant qui démontrent des parasols de terrasse affichant bien en vue la marque de commerce Bellaggio. M. Malak affirme que cet affichage est la même depuis l’ouverture (para 17).

·  M. Malak décrit la Pièce H comme [traduction] « une copie de la preuve de menu reçue par l’Opposante le ou vers le 14 novembre 2007 et deux copies de l’extérieur des menus tel qu’utilisé au cours des dernières années » (para 20). M. Malak affirme que l’Opposante utilise ce menu ou ses variantes étroites depuis au moins 2007 […] y compris le même logo et la même image » (para 21). Je remarque qu’une marque composite présentant les mots Bellaggio Café apparaît à la première page de la preuve de menu. Je considère également que cela constitue l’emploi de la marque de commerce Bellaggio Café puisque j’estime que ces mots se démarquent des éléments du dessin de cette marque, de sorte que le public percevrait que la marque nominale en soi est employée [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)]. Je remarque également qu’une lettre B stylisée (ressemblant au B stylisé dans la Marque figurative de la Requérante) semble être en relief sur la couverture extérieure des menus.

·  M. Malak affirme que la plupart des menus de l’Opposante sont également disponibles en ligne sur son site Web à l’adresse www.bellaggiocafe.com depuis au moins octobre 2010 (para 22). La Pièce I est décrite comme une copie de la page d’accueil du site datée du 23 septembre 2013, telle qu’elle a été obtenue de la Wayback Machine Internet Archive. M. Malak affirme que la page d’accueil est restée similaire depuis ce temps (para 22). Je remarque que les marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café figurent toutes les deux sur la page d’accueil.

·  M. Malak affirme que l’Opposante a enregistré des ventes brutes de plus de 25 millions de dollars depuis 1999 et il fournit des données annuelles sur les ventes brutes de 2003 à 2016 (de janvier à mai) (para 23). Ces ventes sont presque exclusivement de nourriture et de boissons réalisées par des ventes à l’emplacement rue Hornby et à partir du 1er juillet 2011, comprennent les ventes effectuées à l’emplacement du Vancouver Convention Center (para 24).

·  M. Malak estime que l’Opposante a servi plus d’un million de clients depuis son lancement et environ 800 000 clients entre son lancement et le 22 janvier 2014 (para 25).

[39]  Pendant le contre-interrogatoire, M. Malak a indiqué que l’emplacement Bellagio Convention est exploité par une entité distincte, « Bellaggio Convention Inc. ». (Q104). Une déclaration assermentée du contrôle de l’Opposante sur l’emploi des marques par cette entité n’a pas été fournie, et aucune copie d’un accord de licence n’a été fournie. Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante suggère qu’il peut être déduit de l’affidavit Malak dans son ensemble que l’emploi des marques de commerce de l’Opposante est clairement sous le contrôle commun de l’Opposante – en particulier, il est fait référence à l’emploi répétée de [traduction] « nous » et de [traduction] « nos » par M. Malak lorsqu’il fait référence aux deux restaurants, à l’inclusion des deux emplacements sur le site Web de l’Opposante, et à la fourniture de données de ventes communes dans les données fournies dans l’affidavit. Compte tenu de mon examen et en l’absence d’oppositions de la part de la Requérante, j’accepte qu’il soit possible de déduire de la preuve dans son ensemble que le contrôle requis par l’Opposante existe. Toutefois, si je me trompe en le faisant, je constate que cela n’a pas d’incidence sur ma conclusion concernant la question de l’Opposante qui démontre l’emploi antérieur de ses marques de commerce puisque la preuve de l’Opposante établit sans équivoque que le premier restaurant (emplacement rue Hornby) appartient à l’Opposante et est exploité par celle-ci.

[40]  En plus des services susmentionnés, M. Malak déclare que [traduction] « nous (l’Opposante) offrons également des spectacles, des diffusions d’évènements sportifs et la tenue d’évènements spéciaux et de fêtes, ce qui permet d’attirer davantage de clients et d’accroître la sensibilisation à notre marque dans la collectivité locale » (para 18). À l’appui de cette déclaration, l’Opposante, dans son plaidoyer écrit, cite la Pièce B, qui est une copie du permis d’exploitation d’un commerce de 1999 de l’Opposante, et la Pièce I, une copie archivée de la page d’accueil du site Web de l’Opposante. En examinant ces documents, je remarque que le texte du permis d’exploitation d’un commerce est que [traduction] « […] tous les spectacles, y compris les DJ, doivent cesser leurs activités entre 12 h et 9 h tous les jours […] » La copie de la page d’accueil du site Web de l’Opposante, qui semble datée du 23 septembre 2013, décrit le restaurant parfait comme [traduction] « un lieu parfait pour divers évènements comme des réunions d’entreprise et des fêtes, des repas privés, des réunions informelles, des mariages ou des cocktails […] » Elle comprend également l’en-tête [traduction] « Réservation pour des fêtes », suivie de la phrase [traduction] « Pendant plus de dix ans, Bellaggio a été le lieu de choix pour des évènements privés entraînants et sophistiqués […] » Au bas de la page se trouve un autre en-tête intitulé [traduction] « Réservez pour des fêtes », sous laquelle on mentionne des caractéristiques des installations, y compris [traduction] « 2 télés jeux et amplificateur pour DJ ».

[41]  Compte tenu de ce qui précède, je suis prête à conclure que l’Opposante a offert des services dans la nature de la tenue d’évènements spéciaux et des fêtes avant la date pertinente. Toutefois, la preuve de l’Opposante ne me convainc pas que l’Opposante employait ses marques de commerce en liaison avec les services de [traduction] « spectacles et de diffusion d’évènements spéciaux » avant la date pertinente.

Allégation que l’emploi de BELLAGGIO par l’Opposante est illégale

[42]  La Requérante est d’avis que, dans la mesure où la preuve de l’Opposante démontre l’emploi antérieur de ses marques de commerce et de ses noms commerciaux, l’Opposante ne devrait pas être autorisée à invoquer un tel [traduction] « emploi illégal ».

[43]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

61. Il s’agit d’un principe de droit canadien reconnu que la Loi ne doive pas être interprétée comme offrant un soutien à un emploi illégal. « Légal » signifie légal en ce qui a trait au droit des marques de commerce (en plus des droits contractuels avec d’autres personnes et du droit général, y compris d’autres critères statutaires et du droit pénal).

McCabe c Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 CPR (3d) 498 (Cour fédérale, CF 1re inst); Lunettes Cartier Ltee c Carties, Inc. (1990), 36 CPR (3d) 391 (COMC); Erva Pharmaceuticals Inc. c American Cyanamid Co. 19 USPQ (2d) 1460 (DPR 1991).

62. En l’espèce, l’Opposante a admis, en contre-interrogatoire, avoir adopté les marques de commerce et les noms commerciaux BELLAGGIO sur lesquels elle se fonde dans ces oppositions, en sachant pertinemment que la Requérante avait employé sa marque de commerce BELLAGIO au préalable. De plus, il est évident que l’Opposante a pris cette mesure dans l’intention de tirer parti de la réputation que la Requérante avait rapidement acquise au Canada en liaison avec la marque de commerce BELLAGIO.

63. Par conséquent, si le motif d’opposition considéré est l’absence de caractère distinctif ou de droit, l’Opposante ne devrait pas être autorisée à dépendre de son emploi illégal de ses marques de commerce et noms commerciaux allégués.

[44]  À l’appui de cette position, la Requérante a noté ce qui suit, en mettant l’accent sur la chronologie de ces évènements :

[traduction]

·  Le 17 octobre 1997, la Requérante a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BELLAGIO fondée sur l’emploi projeté au Canada. Le 6 février 2001, cette demande s’est vu émettre l’enregistrement numéro LMC540,882; les services couverts par l’enregistrement sont des [traduction] « services de réservation d’hôtel et de casino et services de réservations ».

·  La construction de l’hôtel BELLAGIO à Las Vegas a été amorcée par la Requérante en mai 1996. La Requérante a commencé à prendre des réservations pour l’hôtel le 20 avril 1998 (premier affidavit Chaparian, para 5), et l’hôtel a ouvert ses portes le 15 octobre 1998 (premier affidavit Chaparian, para 6).

·  L’inauguration de l’hôtel BELLAGIO en 1998 a fait l’objet de couverture par la presse dans des publications canadiennes comme The Globe and Mail et le National Post (deuxième affidavit Chaparian, Pièce A).

·  En contre-interrogatoire, M. Malak a admis qu’il s’était rendu à l’hôtel Bellagio lorsqu’il est allé à Las Vegas en 1998 (Q68-72) et que, même s’il ne s’en souvient pas, il avait peut-être mangé un repas à l’hôtel Bellagio (Q74). M. Malak a également reconnu que beaucoup de gens à Vancouver vont au Bellagio [Hotel] Vegas (Q130), et [traduction] « que certaines personnes ont dit, oh, vous êtes propriétaire du Bellagio […] » (Q130).

[45]  En réponse, l’Opposante a soutenu que la Requérante n’avait fourni aucune preuve que l’emploi par l’Opposante de sa marque de commerce Bellaggio à la date pertinente du 23 janvier 2014 était illégal ou douteux d’une quelconque façon. L’Opposante a également soutenu qu’il n’y a aucune preuve à l’appui de l’allégation de la Requérante selon laquelle l’adoption par l’Opposante de la marque de commerce Bellaggio en 1999 était d’une façon illégale, et que l’examen d’une telle question n’est même pas du ressort du registraire.

[46]  L’Opposante a également soutenu que ce n’est pas plus que de la spéculation de la part de la Requérante que c’est la source de la sélection de la marque de commerce et du nom commercial Bellaggio par l’Opposante. À cet égard, à l’audience, l’Opposante a fait référence à des parties de la transcription du contre-interrogatoire, y compris aux déclarations de M. Malak :

[traduction]

·  indiquant qu’il n’était pas au courant que la marque de commerce Bellagio de la Requérante, avec un G, avait une demande d’enregistrement canadienne qui avait été déposée en 1997 au Canada (Q88);

·  demander si la Requérante [traduction] « Bellagio 1997 a déjà obtenu une marque de commerce au Canada » (Q90);

·  indiquant qu’il n’a pas discuté avec son frère (son partenaire d’affaires) qu’il y avait déjà un hôtel et un casino à Vegas appelé le Bellagio parce qu’ils faisaient affaire au Canada à l’époque (Q123);

·  ajoutant que [traduction] « peut-être je lui en ai parlé (son frère), mais je ne m’en souviens pas vraiment […] nous étions à ce moment-là concentrés sur l’obtention de divers endroits en Italie […] d’abord, nous allions l’appeler Venitian; nous allions l’appeler Milan. Et puis nous avons regardé tellement de noms et nous avons dit, oh, Bellaggio est un bon nom. C’est ce sur quoi nous nous sommes concentrés. Nous n’étions pas concentrés sur le maudit Vegas parce que je déteste le jeu de toute façon » (Q124);

·  niant que l’Opposante avait intentionnellement copié le dessin ou le logo B utilisé par l’hôtel et le casino Bellagio (Q125).

[47]  Je conclus que le passage suivant de Sunbeam Products, Inc. c. Mister Coffee & Services Inc. (2001), 16 CPR (4th) 53 (FC) [Sunbeam] est instructif dans son approche à cette question :

Dans l’affaire McCabe, la Cour fédérale avait été saisie de la preuve qu’un tribunal américain avait conclu que l’emploi de la marque de commerce par l’intimée constituait une atteinte aux droits de l’appelante. Dans l’affaire Lunettes Cartier, la Commission des oppositions avait été saisie d’éléments de preuve indiquant que l’intimée était visée par une injonction de la Cour fédérale lui interdisant d’employer les marques de commerce, les mêmes marques de commerce qu’invoquait l’intimée au soutien de son opposition.

En l’espèce, la preuve n’indique pas clairement que l’emploi de la marque de commerce MISTER COFFEE par la défenderesse est illégal. Cette question nécessite la tenue d’une audience […] Dans le cadre d’une opposition faite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, le registraire n’a pas compétence pour procéder à une audience complète avec présentation de preuves orales pour déterminer la légalité de l’emploi par la défenderesse de sa marque de commerce. Si la question de la légalité est claire, le registraire a alors compétence pour statuer que la défenderesse ne peut pas invoquer son emploi de la marque de commerce parce que cet emploi n’est pas légal. En l’espèce, le registraire ne peut pas en arriver à cette conclusion claire dans la procédure d’opposition.

[48]  Comme dans Sunbeam, précitée, je conclus que la question de la légalité de l’emploi des marques Bellaggio et Bellaggio Café par l’Opposante n’est pas suffisamment claire. Contrairement aux affaires McCabe et Lunettes Cartier citées par Sunbeam, il n’y a, en l’espèce, aucune preuve d’une conclusion d’atteinte aux droits par un tribunal, et il n’y a pas de preuve que l’Opposante est assujettie à une injonction. J’ajouterais également que je n’ai aucune preuve que la Requérante a contesté l’emploi par l’Opposant des marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café, malgré la preuve indiquant que ces marques de commerce sont employées depuis de nombreuses années. J’hésiterais à rendre une décision quant à savoir si l’emploi par l’Opposante constitue effectivement un cas dans lequel une entité se fait passer pour une autre en l’absence non seulement d’une conclusion de se faire passer pour l’autre et/ou de dépréciation de l’achalandage par un tribunal, mais aussi de toute preuve d’une action intentée par la Requérante contre l’Opposante [The Blue Note Restaurant Inc c Bensusan Restaurant Corporation, 2000 CanLII 28646 (CA COMC)].

[49]  Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante peut invoquer l’emploi des marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café pour appuyer ce motif d’opposition.

Test en matière de confusion

[50]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si les marques sont susceptibles de créer de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, Bellaggio et Bellaggio Café.

[51]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[52]  Par conséquent, le problème n’est pas la confusion entre les marques de commerce elles‑mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les acheteurs des produits et services fournis en liaison avec les Marques croiraient que ces produits et services ont été produits, autorisés ou licenciés par l’Opposante.

[53]  Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 (CanLII), [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54].

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[54]  J’estime que la Marque nominale BELLAGIO visée par la demande possède un degré suffisant de caractère distinctif inhérent, puisque le mot n’a pas de signification en français ou en anglais. Dans la mesure où le mot Bellagio pourrait avoir une signification géographique (qui n’a pas été invoqué par la Requérante, et qui a simplement été affirmée par M. Malak sans preuve à l’appui (affidavit Malak, para 5)), je ne considère pas qu’il influe sur le caractère distinctif inhérent de la Marque, puisqu’il n’y a aucune preuve que la Marque suggère le lieu d’origine des produits ou services énumérés. En ce qui a trait à la Marque figurative, j’estime que l’élément figuratif constitué de la lettre B dans une police spéciale superposée au mot BELLAGIO augmente le caractère distinctif inhérent général de la marque de commerce, mais pas de façon importante.

[55]  J’estime que les marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café ont un caractère distinctif inhérent assez important. Le mot Bellaggio est identique à la Marque, sauf pour l’ajout d’un « g » supplémentaire que je ne considère pas comme une différence importante, et l’ajout de l’élément Café n’augmente pas le caractère distinctif inhérent global de la marque de commerce Bellaggio Café, compte tenu de sa connotation descriptive.

[56]  Il est possible de renforcer une marque de commerce en la faisant connaître par son emploi ou sa promotion. La preuve de l’Opposante établit qu’elle a fourni des services de restaurant, de bar et de café en liaison avec les marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café depuis plus d’une décennie. Ouvert en 1999, le Bellaggio Café rue Hornby est ouvert au public tous les jours et peut servir jusqu’à 120 personnes (il y a eu une augmentation du nombre de places assises par rapport aux 80 en 1999) (affidavit Malak, para 5 à 10). Le Bellaggio Wine Bar, situé au Vancouver Convention Center, ouvert en juillet 2011, est ouvert tous les jours et peut accueillir 300 personnes (affidavit Malak, para 11 et 12). Les marques de commerce de l’Opposante ont figuré sur des affiches, des menus et sur le site Web de l’Opposante (affidavit Malak, para 15 à 22; Pièces F à I).

[57]  L’Opposante a enregistré des ventes brutes de plus de 25 millions de dollars depuis 1999, avec des ventes annuelles en 2003-2015 entre 1 et 2,2 millions de dollars annuellement (affidavit Malak, para 23). Ces ventes sont presque exclusivement de nourriture et de boissons réalisées par des ventes à l’emplacement rue Hornby et à partir du 1er juillet 2011, comprennent les ventes effectuées à l’emplacement du Vancouver Convention Center (para 24). M. Malak estime que l’Opposante a servi plus d’un million de clients depuis son lancement, et environ 800 000 clients entre son lancement et le 22 janvier 2014 (affidavit Malak, para 24 et 25). L’Opposante a également fait de la publicité directe, entraînant des dépenses publicitaires de plus de 65 000 $ entre 1999 et à ce jour (juin 2016), dont plus de 40 000 $ ont eu lieu avant le 22 janvier 2014 (para 26). Toutefois, sans plus d’information sur la nature de ces publicités, cette information est d’une aide limitée dans l’évaluation (un seul échantillon de publicité (© 2016) est fourni à la Pièce J). La majorité des clients de l’Opposante sont des Canadiens, avec un mélange d’habitants de la région de Vancouver et d’ailleurs (para 28).

[58]  À la lumière de ce qui précède, je conclus que les marques de commerce de l’Opposante, Bellaggio et Bellagio Café, ont été connues dans une certaine mesure au moins dans la région de Vancouver en liaison avec des services de restaurant, de bar et de café.

[59]  La preuve de la Requérante fournit des renseignements sur l’hôtel et le casino BELLAGIO de la Requérante à Las Vegas, qui a ouvert ses portes le 15 octobre 1998 (premier affidavit Chaparian, para 6). Des parties du premier affidavit Chaparian sont résumées ci‑dessous :

·  Mme Chaparian explique que l’hôtel offre de nombreux services et attractions, dont un grand casino, plusieurs restaurants, un large éventail de divertissements, dont des spectacles permanents et tournants, la grande présentation chorégraphiée [traduction] « Fontaines de Bellagio », une serre et des jardins botaniques et la Bellagio Gallery of Fine Art (para 9 à 15).

·  Mme Chaparian déclare qu’[traduction] « il y a 14 restaurants à l’intérieur de l’hôtel BELLAGIO ainsi que des options de repas privés, en chambre et au bord de la piscine. Ces restaurants comprennent des restaurants lauréats comme LE CIRQUE, PICASSO et MICHAEL MINA. Il y a aussi un restaurant appelé CAFÉ BELLAGIO qui est ouvert pour le déjeuner, le dîner et le souper » (para 10). Toutefois, aucun autre renseignement n’est fourni, comme les dates d’exploitation, les renseignements sur les ventes et les présences, et la façon dont les Marques de la Requérante ont figuré (s’il y a lieu) en liaison avec ces restaurants, s’ils sont fournis.

·  Mme Chaparian déclare que l’hôtel BELLAGIO a remporté de nombreux prix au fil des ans et énumère certains de ces prix datant de 2001 à 2016, y compris l’AAA Five Diamond Award, 2001-2016; Celebrated Living #1 Hotel in the US Readers Choice Platinum List, 2009; et Condé Nast Traveler Magazine Gold List of the World’s Best Places to Stay, 2008-2012 (para 16). Toutefois, sans plus de détails, ces prix ont un poids limité, puisque je ne suis pas en mesure de conclure dans quelle mesure les consommateurs canadiens en seraient au courant.

·  Mme Chaparian affirme que Mirage exploite depuis de nombreuses années un site Web situé à l’adresse www.bellagio.com pour promouvoir l’hôtel BELLAGIO et ses diverses commodités et divers services (para 18). Mme Chaparian explique que [traduction] « le site Web permet aux clients, y compris aux Canadiens, d’effectuer une grande variété de transactions, comme : a) faire des réservations dans les restaurants situés à l’hôtel BELLAGIO; b) réserver des chambres d’hôtel; c) acheter des billets pour des spectacles et autres divertissements à l’hôtel; et d) obtenir des renseignements sur les évènements que nous organisons à l’hôtel, comme les mariages et autres évènements de groupe » (para 19). Des renseignements sur le nombre de visiteurs uniques du site Web du Canada entre 2014 et 2017 sont également fournis (para 20 à 22), bien que ces renseignements ne soient pas ventilés davantage (par exemple, en indiquant le nombre de réservations effectuées sur le site pour le restaurant). Plus important encore, toutefois, je note qu’aucune preuve n’est fournie pour montrer les Marques telles qu’elles figurent ou ont figuré sur le site Web.

·   Mme Chaparian affirme que l’hôtel BELLAGIO a, depuis son ouverture en 1998, reçu beaucoup d’attention dans la presse (para 23). La Pièce A est décrite comme certains des nombreux articles de publications canadiennes qui ont mentionné cet hôtel au fil des ans. Je note qu’il y a environ 20 articles de publications canadiennes, dont le Calgary Herald, le Toronto Sun, le Vancouver Sun et The Globe and Mail. Dans ces articles, dont la plupart sont antérieurs à la date pertinente, les références à BELLAGIO ne sont pas toujours en évidence (mais sont souvent présentes en même temps que les références à d’autres établissements).

·  Mme Chaparian fournit des renseignements sur le nombre de personnes qui ont visité Las Vegas en provenance du Canada entre 2006 et 2015, d’après les rapports de la Las Vegas Convention and Visitors Authority (para 24). Mme Chaparian fournit également des renseignements sur le nombre de clients canadiens (définis comme des clients ayant des adresses canadiennes) qui ont visité l’hôtel BELLAGIO entre 2012 et 2016. Les renseignements sont ensuite ventilés en fonction du nombre de personnes qui ont séjourné à l’hôtel BELLAGIO ou qui l’ont visité (para 26). Bien que des données sur le nombre de personnes menant [traduction] « une certaine activité payante » soient fournies, ces renseignements ne sont pas ventilés davantage pour refléter l’activité particulière (par exemple, la visite d’un restaurant ou d’un spa).

[60]  Le deuxième affidavit Chaparie comprend des copies d’environ 13 articles supplémentaires qui ont été publiés dans des publications canadiennes au cours de 1998-1999, et qui font référence à l’hôtel BELLAGIO (deuxième affidavit Chaparie, para 4, Pièce A).

[61]  Je suis prête à déduire de la preuve de la Requérante, en particulier les articles faisant référence à l’hôtel Bellagio dans des publications canadiennes avant la date de référence, et des renseignements sur le nombre de visiteurs canadiens à l’hôtel Bellagio en 2012 et 2013 (premier affidavit Chaparian, para 26 à 28) que la Requérante avait acquis un certain caractère distinctif dans la marque de commerce BELLAGIO au Canada pour l’exploitation de l’hôtel BELLAGIO à Las Vegas avant la date pertinente du 23 janvier 2014. Toutefois, je ne suis pas prête à conclure que cette réputation s’appliquerait également aux services de restauration, de bar et de café, qui, à mon avis, constituent un [traduction] « créneau » différent des services de la catégorie générale de services d’accueil [voir 4072430 Canada Inc c Roberto Cavalli SpA, 2015 COMC 189, aux para 52 et 53 citant Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation 2012 COMC 19, au para 23].

[62]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le premier facteur, qui est une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise l’Opposante en ce qui a trait aux services de restauration, de bar et de café seulement.

La période de l’emploi

[63]  La preuve de l’Opposante montre que l’Opposante a, depuis plus de dix ans, employé ses marques de commerce au Canada, alors que la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi des marques au Canada. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

La nature des biens, des services ou des affaires; et la nature du commerce

[64]  Les services de l’Opposante, comme il est plaidé dans la déclaration d’opposition, sont désignés comme étant des [traduction] « services de restaurant, de bar et de café ».

[65]  Les produits et services de la Requérante tels qu’ils sont décrits dans les Demandes de Marque nominale et Marque figurative sont énumérés ci-dessus aux paragraphes 3 et 4, respectivement.

[66]  Les plaidoyers écrits de l’Opposante sur la nature des produits, des services et du commerce des parties sont reproduits en partie ci-dessous. Je note que l’accent mis sur des services précis aux paragraphes 29 et 30 des observations de l’Opposante a été ajouté par l’Opposante :

Article 6(5)c) – Le genre de produits, services ou entreprises

28. L’Opposante offre des services de restauration, y compris des boissons alcoolisées, ainsi que des spectacles, des diffusions d’évènements sportifs et l’accueil d’évènements spéciaux et de fêtes, y compris l’inscription pour la même chose sur Internet par l’entremise de son site Web.

29. La Requérante fait, entre autres, deux revendications de services relativement à la demande d’enregistrement no 1,660,785 pour BELLAGIO avec un chevauchement important avec les services offerts par l’Opposante, à savoir :

(5) Offre de salles de congrès et offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales.

(8) Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; offre de salles d’exposition; services d’agence de voyages, nommément réservation d’hébergement, de restaurants et de repas.

30. La Requérante fait, entre autres, deux revendications de services relativement à la demande d’enregistrement no 1,660,786 pour BELLAGIO Dessin avec un chevauchement important avec les services offerts par l’Opposante, à savoir :

(2) Services de casino et de divertissement, à savoir représentations devant public par des chanteurs.

(7) Services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre d’installations de congrès; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; offre de services d’information sur l’hébergement par Internet; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration, d’hébergement et d’exposition par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas.

31. Ce haut degré de chevauchement entre ces services et ceux de l’Opposante appuie fortement une conclusion de confusion.

Article 6d) – La nature du commerce

32. Il y a un chevauchement important entre les services demandés par la Requérante et ceux offerts par l’Opposante avant ces demandes.

33. La preuve de la Requérante est que son hôtel abrite de nombreux restaurants. Les services de la Requérante comprennent des revendications d’hébergement de congrès. La preuve de l’Opposante est qu’elle offre des services de restauration et tient des évènements spéciaux, y compris un restaurant de 300 places situé au Vancouver Convention Center.

34. Il est à noter que la confusion entre les services de l’Opposante et ceux visés par la demande de la Requérante est particulièrement marquée en ce qui a trait aux services de divertissement et de restauration, et non les services d’hôtel en général. La raison en est que les services de restauration et de café sont généralement considérés comme distincts des services hôteliers, peu importe si l’hôtel offre ou non des services de restauration, en raison de la clientèle différente […]

[67]  Nonobstant son allégation d’[traduction] « emploi illégal » par l’Opposante, la Requérante, dans son plaidoyer écrit, soutient ce qui suit :

[traduction]

68. Le seul chevauchement possible entre les services de l’Opposante et les services énumérés dans les Demandes serait lié aux services suivants énumérés dans les Demandes :

(1) Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur.

(2) services d’agence de voyages, nommément réservation de restaurants et de repas. »

[68]  Je conclus qu’il y a chevauchement direct entre les services de restaurant, de bar et de café de l’Opposante et les services de restaurant, de café et de bar énumérés dans les Demandes. J’estime également qu’il y a chevauchement avec les services énumérés dans les Demandes qui sont liées aux services de restaurant, de bar et de café, bien qu’à une capacité auxiliaire, comme la restauration, les cafétérias, les casse-croûte, la réalisation de réservations de restaurants et de repas, la fourniture d’informations dans le domaine des installations de salles à manger par Internet, et la fourniture des installations de banquet et de fonction sociale pour des occasions spéciales.

[69]  Bien que l’Opposante ait souligné qu’elle offre des services de restauration par l’intermédiaire de son emplacement Bellaggio Convention, je ne considère pas que le simple fait qu’il soit situé au Vancouver Convention Center constitue la fourniture d’installations de congrès et ne considère donc pas qu’il y ait chevauchement à cet égard.

[70]  En ce qui a trait aux services de [traduction] « spectacles » et de [traduction] « diffusion d’évènements sportifs » auxquels fait référence l’Opposante, je ne conclus pas que la preuve de l’Opposante montre l’emploi des marques de commerce de l’Opposante en liaison avec ces services, et je conclus donc qu’il n’y a pas de chevauchement avec les services de divertissement de la Requérante. De plus, je constate que l’Opposante n’a pas plaidé l’emploi de ses marques de commerce en liaison avec ces services.

[71]  Enfin, je ne considère pas qu’il y ait chevauchement à l’égard des [traduction] « services de restaurant, de bar et de café » de l’Opposante avec les autres services dans les Demandes de la Requérante, ou avec les produits énumérés dans les Demandes.

[72]  Par conséquent, en ce qui a trait à la demande no 1,660,785, je conclus que les services de restauration, de café et de bar de l’Opposante chevauchent directement les « Services de restaurant et de bar; cafés » de la Requérante. Je conclus également qu’il y a chevauchement en ce qui a trait aux services visés par la demande de « cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; services d’agence de voyages, nommément réservation de restaurants et de repas », et « offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales » puisqu’ils concernent également les services de restaurant et de bar, bien qu’à titre accessoire. En l’absence de preuve contraire, je suis prête à présumer que les voies de commercialisation des parties pour ces services se chevaucheraient également.

[73]  Pour ce qui est de la demande no 1,660,786 pour BELLAGIO & Dessin, je conclus que les services de restauration, de café et de bar de l’Opposante chevauchent directement les « Services de restaurant; services de bar et de bar-salon » de la Requérante. Je conclus également qu’il y a chevauchement en ce qui a trait aux services visés par la demande de « offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas » puisqu’ils concernent également les services de restaurant et de bar, bien qu’à titre accessoire. De plus, en l’absence de preuve contraire, je suis prête à présumer que les voies de commercialisation des parties pour ces services se chevaucheraient également.

Degré ressemblance

[74]  Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce sur le plan de l’apparence ou du son ou dans les idées suggérées est le facteur dominant et d’autres facteurs jouent un rôle servile dans les circonstances générales environnantes [Beverly Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2) 145, conf. par 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst)]. Ce principe a été maintenu par la Cour suprême dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361.

[75]   Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, la loi est claire que les marques doivent être envisagées dans leur totalité; il n’est pas exact de placer les marques de commerce côte à côte et de comparer et observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques [Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, (2006) CSC 23 (CanLII), 49 CPR (4th) 401, au para 20]. En l’espèce, étant donné qu’ils contiennent tous la composante presque identique et dominante BELLAGIO ou BELLAGGIO, la marque de commerce Bellaggio de l’Opposante et les marques de la Requérante ont un degré significatif de ressemblance en matière d’apparence et de son. En ce qui a trait aux idées suggérées, comme nous l’avons mentionné plus haut dans l’analyse du caractère distinctif inhérent des marques (paragraphes 54 à 55 de la présente décision), les marques des parties sont également semblables.

[76]  Il y a également un degré important de ressemblance entre la marque de commerce de l’Opposante, Bellaggio Café, et les Marques de la Requérante. Le mot CAFÉ ne diminue pas la ressemblance entre les marques des parties puisqu’il décrit les services de l’Opposante [Reno‑Dépôt Inc c Homer TLC Inc (2009), 2010 COMC 11 (CanLII), 84 CPR (4th) 58 (COMC), au para 58].

[77]  Dans l’ensemble, ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Circonstances de l’espèce – preuve de confusion réelle

[78]  Au cours du contre-interrogatoire, M. Malak a indiqué qu’il y avait eu des cas de confusion dans lesquels [traduction] « certaines personnes pensaient même que j’en étais propriétaire (l’hôtel Bellagio et le casino de Las Vegas) » (Q130). Toutefois, sans plus de détails, je ne peux pas tenir compte de cette preuve, d’autant plus qu’il n’est pas clair si ces cas se sont produits avant la date de dépôt du 23 janvier 2014 [Servicemaster Co c 385229 Ontario Ltd 2015 CAF 114 (CanLII), aux para 21 et 22].

Circonstances de l’espèce – Enregistrement antérieur de la Requérante pour BELLAGIO

[79]  La Requérante a fourni une copie certifiée de son enregistrement no LMC540,882 pour la marque de commerce BELLAGIO. Toutefois, il est bien établi que l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir un autre enregistrement, peu importe la mesure dans laquelle il est lié à l’enregistrement antérieur [Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 à 538 (COMC)]. Par conséquent, je ne considère pas qu’il s’agisse d’une circonstance en l’espèce qui aide la Requérante.

Conclusion

[80]  Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom des Marques alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce Bellaggio et Bellaggio Café de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot, précitée, au para 20].

[81]  Après avoir tenu compte des circonstances en l’espèce, en particulier du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce, du chevauchement dans divers services des parties, et de la mesure dans laquelle les marques de commerce de l’Opposante sont connues et de la durée de leur emploi avec les services de restaurant, de bar et de café, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la marque verbale ne crée pas de la confusion avec les marques de l’Opposante pour les services suivants visés par la demande : « offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales; services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services d’agence de voyages, nommément réservation d’hébergement, de restaurants et de repas ».

[82]  J’estime également que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque figurative ne crée pas de la confusion avec les marques de l’Opposante pour les services suivants visés par la demande : « services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas ».

[83]  Je fais ces constatations en reconnaissant que la Requérante possède une certaine réputation au Canada en liaison avec l’exploitation d’un hôtel à Las Vegas, mais que cette réputation ne s’étend pas nécessairement aux services de restauration au Canada.

[84]  Par conséquent, dans le cas de la demande d’enregistrement de Marque nominale, le motif d’opposition prévu à l’article 16(2)a) n’est retenu que pour les « Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales; services d’agence de voyages, nommément réservation de restaurants et de repas ». Le motif en vertu de l’article 16(2)a) est rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

[85]  En ce qui a trait à la demande d’enregistrement de la Marque figurative, le motif d’opposition en vertu de l’article 16(2)a) n’est donc retenu qu’en ce qui concerne les « services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas. » Le motif en vertu de l’article 16(2)a) est rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

Les motifs d’opposition en vertu de l’article 16(2)c)

[86]  Dans la mesure où je pourrais être inexact dans la catégorisation de l’emploi de Bellaggio et de Bellaggio Café par l’Opposante comme emploi de marque de commerce, et qu’un tel emploi (de façon additionnelle ou alternative) constituait un emploi de nom commercial, je conclus qu’en ce qui a trait à la demande de Marque nominale, le motif prévu à l’article 16(2)c) aurait réussi pour les « Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales; services d’agence de voyages, nommément réservation de restaurants et de repas » pour les motifs ci-dessus. Le motif en vertu de l’article 16(2)c) aurait été rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

[87]  Similairement, en ce qui a trait à la demande d’enregistrement de la Marque figurative, le motif en vertu de l’article 16(2)c) aurait été retenu ce qui a trait aux « services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas. » Le motif en vertu de l’article 16(2)c) aurait été rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

Motifs d’opposition en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) – rejetés sommairement

[88]  Puisque les Demandes sont fondées sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis, j’estime que les motifs d’opposition en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) ont été incorrectement plaidés en ce qui a trait à l’emploi projeté d’une marque de commerce. Par conséquent, ces motifs d’opposition sont également rejetés.

Motif d’opposition en vertu de l’article 2

[89]  L’Opposante a plaidé que les Marques ne sont pas distinctives puisque les Marques [traduction] « ne distinguent effectivement pas les services en liaison avec lesquels ils sont employés ou leur emploi est projeté par la Requérante des services de l’Opposante, ni ne sont adaptés à faire leur distinction. » Je note qu’aucune référence n’est faite aux produits employés ou proposés par la Requérante pour ce motif d’opposition.

[90]  La date pertinente en ce qui a trait au caractère distinctif est la date de production de l’opposition, à savoir le 14 décembre 2015 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185, CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[91]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démontrer que ses marques de commerce Bellaggio et/ou Bellaggio Café ou que ses noms commerciaux étaient devenus suffisamment connus pour nier que le caractère distinctif de la Marque [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657, aux para 33 et 34]. Lorsque la réputation de l’opposante se limite strictement à une région précise du Canada, le fardeau de preuve peut être respecté si sa marque de commerce est bien connue dans cette région précise [Bojangles, précitée; CEG License Inc c Joey Tomato’s (Canada) Inc. (2011), 97 CPR (4th) 436 (COMC) conf. par (2012), 110 CPR (4th) 398 (COMC)].

[92]  Je conclus que la preuve de l’Opposante, telle que décrite ci-dessus, est suffisante pour s’acquitter du fardeau de l’Opposante. Par conséquent, il incombe à la Requérante d’établir que ses Marques sont adaptées à distinguer ou distingue effectivement les services de restaurant, de bar et de café de l’Opposante [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[93]  J’estime que la différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence significative sur ma conclusion concernant le motif d’opposition en vertu de l’article 16(2)a) mentionné ci‑dessus. Par conséquent, pour des raisons semblables à celles exprimées dans l’analyse ci-dessus, j’en arrive à la même conclusion en ce qui concerne la probabilité de confusion que pour le motif d’opposition en vertu de l’article 16(2)a). Par conséquent, dans le cas de la demande d’enregistrement de Marque nominale, ce motif d’opposition n’est retenu que pour les « Services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse-croûte; services de traiteur; offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales; services d’agence de voyages, nommément réservation de restaurants et de repas ». Ce motif d’opposition est rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

[94]  Pour la demande d’enregistrement de la Marque figurative, ce motif d’opposition n’est retenu qu’en ce qui concerne les « services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas. » Ce motif d’opposition est rejeté à l’égard des autres services et de tous les produits.

Décision

[95]  Conformément au pouvoir qui m’est délégué en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande no 1,660,785 en ce qui a trait aux services d’« offre de salles de banquet et de réception pour occasions spéciales; services de restaurant et de bar; cafés; cafétérias; casse‑croûte; services d’agence de voyages, nommément réservation d’hébergement, de restaurants et de repas », et je rejette l’opposition en ce qui a trait aux services restants et tous les produits indiqués dans la demande, conformément à l’article 38(12) de la Loi.

[96]  Je rejette la demande no 1,660,786 en ce qui a trait aux services « services de restaurant; services de bar et de bar-salon; offre de salles de banquet et de réception pour des occasions spéciales; services de traiteur; diffusion d’information dans les domaines des installations de restauration par Internet; services d’agence de voyages, nommément services de réservation d’hébergement temporaire, de restaurants et de repas », et je rejette l’opposition en ce qui a trait aux services restants et à tous les produits indiqués dans la demande, conformément à l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-02-17

COMPARUTIONS

James J.D. Wagner

POUR L’OPPOSANTE

Anthony Prenol

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

Silvergate Law

POUR L’OPPOSANTE

CPST Intellectual Property Inc.

POUR LA REQUÉRANTE

 

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