Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 103

Date de la décision : 2020-08-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Epic Aviation, LLC

Partie requérante

et

 

Imperial Oil Limited

Propriétaire inscrite

 

LMCDF 03778 pour EPIC

Enregistrement

[1]  Le 19 octobre 2017, à la demande de Epic Aviation, LLC (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a émis un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) à Imperial Oil Limited (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMCDF03778 pour la marque de commerce EPIC (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour l’emploi en liaison avec les produits suivants : [traduction] « Essence, huiles lubrifiantes et autres produits pétroliers ».

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement à un moment quelconque entre le 19 octobre 2014 et le 19 octobre 2017. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec les produits est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi sont d’assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le [traduction] « bois mort » du registre et, par conséquent, le niveau de preuve requis du propriétaire inscrit est peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de son directeur des ventes de lubrifiants, Peter Shaw, établi sous serment le 27 avril 2018. Les deux parties ont produit des représentations écrites; une audience n’a pas été demandée.

preuve de la propriétaire

[7]  Dans son affidavit, M. Shaw déclare que la Propriétaire est [traduction] « une société énergétique intégrée qui explore, produit, raffine et commercialise des produits énergétiques au Canada et sur les marchés d’exportation ». En ce qui concerne la Marque, il déclare que la Propriétaire a développé [traduction] « une série de graisses semi-synthétiques toutes saisons de première qualité, également appelées huiles lubrifiantes, sous la Marque EPIC au Canada ». M. Shaw confirme qu’en tant que directeur des ventes de lubrifiants pour la Propriétaire, il est chargé de [traduction] « la supervision des ventes et de la commercialisation des produits de lubrification au Canada ».

[8]  M. Shaw précise que, tout au long de la période pertinente, la Marque a été affichée sur des contenants de produits d’huiles lubrifiantes qui ont été vendus en diverses quantités au Canada, y compris des seaux de 16 kilogrammes, des fûts de 55 kilogrammes, des barils de 180 kilogrammes et des conteneurs de 1 450 kilogrammes. Il a joint, comme Pièce A à son affidavit, deux photographies représentatives [traduction] « illustrant comment la Marque EPIC était affichée en liaison avec les huiles lubrifiantes » pendant la période pertinente au Canada, à savoir [traduction] « directement sur les contenants d’huiles lubrifiantes ».

[9]  La première photographie montre un seau de 16 kilogrammes étiqueté [traduction] « GRAISSES ». Le coin supérieur gauche de l’étiquette affiche la mention « EPIC™ EP 102 » en lettres simples noires, dans une police de caractère fine et étroite. Immédiatement au-dessus de cette mention se trouve un logo composé du mot « Mobil » dans une police de caractères épaisse et grande, où la lettre « o » est rouge et les autres lettres sont bleues, suivi d’un symbole ™. La deuxième photographie montre une étiquette pour un conteneur de 1 450 kilogrammes de [traduction] « GRAISSES ». La même mention « EPIC™ EP 102 » est affichée dans le coin supérieur gauche, mais dans une police légèrement plus grande. Un dessin de cheval ailé est affiché au-dessus de cette mention. Le logo Mobil est affiché séparément, sans symbole ™, plus près du coin supérieur droit de l’étiquette.

[10]  M. Shaw explique qu’il y a deux façons dont la Propriétaire a vendu des produits d’huiles lubrifiantes affichant la marque au Canada au cours de la période pertinente. La première méthode consistait à conclure des contrats de vente directe avec des utilisateurs finaux, qui prenaient livraison du produit directement à l’un des centres de distribution de la Propriétaire ou se faisaient expédier le produit directement par la Propriétaire ou un distributeur autorisé. La deuxième méthode consistait à vendre par des distributeurs canadiens en vertu d’ententes avec le propriétaire. M. Shaw atteste des ventes de plus d’un million de litres [traduction] d’« huiles lubrifiantes de marque EPIC » au Canada au cours de la période pertinente. À titre de Pièce B à son affidavit, il joint un échantillon représentatif de factures pour ces ventes; il précise que les [traduction] « produits d’huiles lubrifiantes de marque EPIC » sont identifiés comme des postes dans les factures.

[11]  La Pièce B contient 15 factures datées de la période pertinente, montrant les ventes de divers produits par la Propriétaire à des sociétés partout au Canada. Certaines factures indiquent une expédition depuis un entrepôt (« Warehse ») tandis que d’autres expéditions semblent provenir de distributeurs (dont certains figurent comme acheteurs sur une facture différente). Chaque facture énumère au moins un produit dont la description comprend la Marque, par exemple, « Mobil EPIC EP Moly, 55KG », « MOBIL EPIC EP 102, 55KG », « MOBIL EPIC EP 102 Electroluber, 10X1MI », « EPIC MQ vrac lubrifube, 1 450 KG » et « EPIC EP Moly Bik Bin, 1 450 KG ». Je remarque que, sur certaines factures, l’adresse de [traduction] « Livraison » est la même que l’adresse de [traduction] « Facturation ».

remarques préliminaires

[12]  D’emblée, comme l’a fait remarquer la Partie requérante, la preuve omet les produits visés par l’enregistrement [traduction] « Essence ». En outre, la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la Marque à l’égard de tels produits. Par conséquent, à tout le moins, les produits [traduction] « Essence » seront supprimés de l’enregistrement.

[13]  La preuve omet également les produits visés par l’enregistrement « autres produits pétroliers ». Cependant, dans ses représentations écrites, la Propriétaire soutient que, si le registraire ne considère pas ses produits comme des [traduction] « huiles lubrifiantes », alors ils « doivent être considérés comme relevant de la description large des [traduction] “autres produits pétroliers” » [soulignement dans l’original]. Je discuterai donc des « autres produits pétroliers » après ma discussion sur les « huiles lubrifiantes ».

[14]  Je voudrais également souligner, à cette étape-ci, que les représentations écrites de la Partie requérante comprennent des observations basées sur la date de l’enregistrement et sur d’autres marques de commerce dans le portefeuille de la Propriétaire. Dans la mesure où ces observations sont fondées sur les propres recherches de la Partie requérante, les faits allégués ne sont pas produits en preuve et les observations qui en résultent seront écartées en conséquence. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec la Propriétaire pour dire que l’âge de son enregistrement et la nature de son portefeuille ne sont pas pertinents dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45. La seule question à trancher est celle de savoir si la preuve fournie est suffisante pour maintenir l’enregistrement.

analyse

[15]  M. Shaw a fait une claire affirmation de l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les [traduction] « huiles lubrifiantes » pendant la période pertinente. Son affirmation est appuyée par des images de la Marque affichées sur les étiquettes apposées sur les produits qu’il identifie comme étant des [traduction] « huiles lubrifiantes » – dont il confirme qu’elles ont été vendues au Canada tout au long de la période pertinente – et par des factures documentant les ventes et les expéditions de produits qu’il identifie comme étant des [traduction] « huiles lubrifiantes de la marque EPIC » à diverses sociétés au Canada pendant la période pertinente.

[16]  La Partie requérante soutient que les éléments de preuve ne démontrent pas l’emploi de la Marque en soi, mais plutôt l’emploi de la marque de commerce MOBIL EPIC. La Partie requérante soutient en outre que la seule preuve documentaire fournie concerne les [traduction] « graisses », plutôt que le produit visé par l’enregistrement [traduction] « huiles lubrifiantes ». J’examinerai ces arguments à tour de rôle.

Emploi de la Marque en soi

[17]  La Partie requérante soutient que, selon la première impression, le public ne percevrait probablement pas le mot EPIC comme une marque distincte, étant donné que le mot MOBIL [traduction] « apparaît en tout temps au-dessus du mot EPIC” », dans une [traduction] « police de caractères tellement plus grande et plus épaisse », et est dans une [traduction] « police de caractères bicolore brillante, tandis que le mot “EPIC” est dans une police de caractères noire ».

[18]  La Partie requérante cherche à faire une analogie avec la décision du registraire dans l’affaire 88766 Canada Inc c Coca-Cola Ltd/Coca-Cola Ltée (2006), 52 CPR (4th) 50 (COMC), où il a été conclu que l’affichage du mot CLASSIC sous les mots COCA-COLA beaucoup plus grands dans un caractère et une taille qui sont différents, serait probablement perçu, selon la première impression, comme étant la marque de commerce COCA-COLA ou COCA-COLA CLASSIC, mais pas CLASSIC en soi. Il a été conclu que le mot non distinctif CLASSIC ne se démarquait pas et ne créerait vraisemblablement pas l’impression d’une marque de commerce distincte, mais serait plutôt considéré comme faisant référence à une caractéristique, à une qualité ou à un type du produit de marque COCA‑COLA. La Partie requérante soutient que le mot EPIC serait également considéré comme un élément non distinctif qui décrit [traduction] « la caractéristique, la qualité ou le type supérieurs du produit de marque MOBIL” ».

[19]  La Partie requérante cite également la décision Method Law Professional Corp c Black & Decker Corp, 2015 COMC 225, 2015 CarswellNat 8202, dans laquelle il a été conclu que l’affichage d’une marque sur les factures peut donner un contexte informant le registraire de ce que le public percevrait. Plus précisément, il a été conclu que l’affichage bien en vue de BLACK&DECKER dans la partie supérieure des factures et des listes de prix, séparément de tout affichage de PIRANAHA appuyait la conclusion selon laquelle le public percevrait l’affichage de BLACK&DECKER au-dessus de PIRANHA sur les lames de scie comme constituant deux marques de commerce distinctes. La Partie requérante soutient qu’en revanche, les mots MOBIL et EPIC ne sont pas affichés [traduction] « séparément » sur les factures en l’espèce; [traduction] « le mot “MOBIL” apparaît plutôt seul dans la plupart des factures fournies […] et, lorsque le mot “EPIC” figure sur les factures, il est toujours placé après le mot “MOBIL” ». La Partie requérante soutient que le public percevrait donc la marque comme étant MOBIL ou, au mieux, MOBIL EPIC. La Partie requérante ajoute qu’il n’y a aucune preuve d’une campagne de marketing ou d’une notoriété générale de la marque pour montrer que le mot EPIC crée une impression distincte dans l’esprit du public.

[20]  En général, l’emploi d’un mot servant de marque en combinaison avec des éléments de termes ou de dessin supplémentaires permet de la qualifier comme un emploi du mot servant de marque, lorsqu’à la première impression le public peut percevoir le mot servant de marque en soi comme étant employé [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. Il s’agit d’une question de fait, qui est tributaire de réponses à certaines questions comme celle de savoir si la marque est plus en évidence que les éléments supplémentaires, par exemple lorsque le caractère ou la taille utilisés sont différents, ou comme celle de savoir si les éléments supplémentaires peuvent être perçus comme purement descriptifs ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distincts [Nightingale, supra; voir aussi Loro Piana SPA v c Le conseil canadien des ingénieurs (CCI), 2009 CF 1096, 2009 CarswellNat 3400]. Bien que cela ne soit pas nécessairement déterminant, le placement de symboles de marque ou de symboles d’enregistrement peut être un facteur pertinent à considérer à cet égard [voir Rogers, Bereskin & Parr c Canada (Registrar of Trade Marks) (1986), 9 CPR (3d) 260 (CF 1re inst)].

[21]  En l’espèce, je conclus que, compte tenu des différences de taille et de caractères, ainsi que de couleur, le logo Mobil et la Marque se démarquent l’un de l’autre, de sorte que chacun crée une impression distincte. Je tiens également à noter que, dans l’un des deux exemples fournis, ces deux marques de commerce sont également séparées par une distance physique, ce qui renforce l’impression de marques distinctes.

[22]  À mon avis, la présente affaire se distingue de l’affaire Coca-Cola en ce que le mot EPIC, selon la première impression, ne fait pas référence à un type de graisse, d’huile ou de lubrifiant. De plus, dans l’affaire Coca-Cola, le positionnement d’un seul symbole d’enregistrement (« ®/MD ») sous toute la présentation empilée des mots « COCA-COLA CLASSIC » a contribué à la conclusion du registraire selon laquelle le public ne percevrait pas CLASSIC comme étant une marque de commerce distincte de COCA-COLA CLASSIC. En revanche, en l’espèce, les deux étiquettes produites en pièce affichent le mot EPIC avec son propre symbole de marque.

[23]  Je tiens à souligner que je ne considère pas l’ajout des caractères « EP 102 » comme une modification de l’identité de la Marque, bien qu’ils aient la même taille et le même caractère que le mot « EPIC ». À mon avis, un tel élément additionnel serait probablement perçu comme une désignation identifiant une version ou une formulation spécifique de la graisse de marque EPIC, tandis que le logo Mobil serait perçu comme une marque de commerce supplémentaire, peut-être de la nature d’une marque maison. À cet égard, il est bien établi que deux marques de commerce peuvent être utilisées en même temps [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst); et Loro Piana, supra].

[24]  J’estime que les factures à la Pièce B renforcent cette impression. Plusieurs d’entre elles contiennent au moins une entrée supplémentaire où MOBIL est immédiatement suivi d’un mot inventé et fantaisiste, par exemple, « MOBIL PEGASUS GMA », « MOBIL DELVAC Extended Life », « MOBIL Centaur Moly 1 », et « Mobil NUTO H-C 68 ». À mon avis, le fait de voir le mot MOBIL affiché de cette manière sur les factures renforcerait l’impression que MOBIL est une marque maison et que le mot EPIC qui le suit est une marque de commerce secondaire.

[25]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’affichage du mot EPIC sur les étiquettes de la manière indiquée à la Pièce A constitue l’affichage de la Marque en soi. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’affichage du mot EPIC sur les factures produites en pièce constitue également un affichage de la Marque en soi.

Emploi de la Marque avec les produits visés par l’enregistrement

[26]  La Partie requérante soutient que les seuls produits en preuve sont les [traduction] « graisses », qui n’entrent pas dans la catégorie des produits visés par l’enregistrement [traduction] « huiles lubrifiantes ».

[27]  À cet égard, la Partie requérante soutient que M. Shaw déclare simplement que de telles graisses sont des [traduction] « huiles lubrifiantes », sans vraiment démontrer que c’est le cas. La Partie requérante soutient que la preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 doit établir les faits à partir desquels une conclusion peut logiquement être inférée [citant Keepsake Inc c Prestons Ltd (1982), [1983] 2 CF 489 (CF 1re inst); et Gesco Industries Inc c Sim & McBurney (1997), 76 CPR (3d) 289 (CF 1re inst), conf. par (2000), 9 CPR (4th) 480 (CAF)] et que les faits présentés dans l’affidavit de Shaw sont [traduction] « insuffisants pour créer l’inférence logique selon laquelle les graisses semi-synthétiques toutes saisons sont incluses dans les “huiles lubrifiantes” ». La Partie requérante remarque que la Propriétaire n’a fourni aucune preuve d’expert ni d’autres explications dans sa preuve concernant sa classification de ces graisses comme [traduction] « huiles lubrifiantes » et soutient que cette [traduction] « ambiguïté » doit être interprétée à l’encontre de la Propriétaire.

[28]  À l’appui, la Partie requérante invoque l’affaire Smart & Biggar c Constellation Brands Quebec, Inc, 2015 COMC 82, 138 CPR (4th) 128, dans laquelle il a été conclu que le produit visé par l’enregistrement [traduction] « liqueurs » n’incluait pas le vin, malgré une déclaration dans l’affidavit de la propriétaire à cet effet.

[29]  La Partie requérante se fonde également sur la définition du Merriam-Webster du terme [traduction] « huile lubrifiante » comme étant [traduction] « une huile (comme un distillat de pétrole ou une huile grasse) utilisée comme lubrifiant » pour indiquer que les [traduction] « graisses » ne sont pas incluses.

[30]  La Propriétaire, pour sa part, soutient que l’explication de son directeur des ventes de lubrifiants – qui est sans équivoque lorsqu’il assimile les graisses de marque EPIC vendues au Canada à des [traduction] « huiles lubrifiantes » – devrait se voir accorder un poids considérable et, en l’absence de preuve au contraire, être admise dans réserve.

[31]  La Propriétaire soutient en outre que le dictionnaire en ligne Merriam-Webster appuie en fait l’explication de M. Shaw. La Propriétaire fait remarquer que ce dictionnaire définit [traduction] « graisse » comme [traduction] « matière huileuse » et définit [traduction] « huile » comme [traduction] « l’une des nombreuses substances combustibles onctueuses qui sont liquides ou qui peuvent être liquéfiées facilement lors du réchauffement, sont solubles dans l’éther, mais pas dans l’eau, et laissent une tache grasse sur du papier ou un morceau de tissu » tout en énumérant [traduction] « huile » comme synonyme de [traduction] « graisse ». Le propriétaire ajoute que Dictionary.com définit [traduction] « graisse » comme [traduction] « matière grasse ou huileuse en général; lubrifiant ».

[32]  Aucune des parties ne fournit d’extraits des dictionnaires susmentionnés; cependant, le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65, 92 CPR (4th) 408]. Ayant exercé ce pouvoir discrétionnaire, je confirme que les dictionnaires en ligne sur les sites merriam-webster.com et dictionary.com comprennent les définitions citées par les deux parties, bien que l’énumération de [traduction« graisse » comme synonyme d’[traduction« huile » semble être uniquement pour le verbe « huiler » plutôt que pour le nom.

[33]  Je ferai d’abord remarquer que ce que la Cour fédérale a jugé inadéquat dans les procédures en vertu de l’article 45 ce sont des allégations d’emploi (une question de droit) par opposition aux allégations de faits démontrant l’emploi [Mantha & Associés/Associates c Central Transport Inc (1995), 64 CPR (3d) 354]. Un propriétaire peut [traduction« démontrer » l’emploi de sa marque de commerce en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [traduction] « en décrivant les faits à partir desquels le registraire ou la Cour peut former un avis ou peut logiquement déduire l’emploi au sens de l’article 4 » [voir Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245, 56 CPR (4th) 401, au para 18]. En l’espèce, la déclaration de M. Shaw selon laquelle les types de graisses développées sous la marque EPIC au Canada sont également appelés [traduction] « huiles lubrifiantes » est une affirmation d’un fait liant les images de produits de marque EPIC en preuve à un produit visé par l’enregistrement, appuyant ainsi une conclusion d’emploi de la Marque en liaison avec ce produit visé par l’enregistrement.

[34]  De plus, nonobstant les observations de la Partie requérante, je ne vois aucune raison d’admettre sans réserve la caractérisation des produits faite par M. Shaw. En effet, j’admets que M. Shaw, en raison de son poste de directeur des ventes de lubrifiants et de sa responsabilité en matière de [traduction] « supervision des ventes et de commercialisation des produits de lubrification au Canada », serait en mesure de savoir comment les produits de lubrification sont connus et décrits au Canada, en particulier ceux vendus et commercialisés par la Propriétaire au Canada. Contrairement aux observations de la Partie requérante, les déclarations factuelles spécifiques d’un déposant doivent généralement se voir accorder une crédibilité substantielle dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Ogilvy Renault c Compania Roca‑Radiadores SA, 2008 CarswellNat 776 (COMC)]. La preuve de la propriétaire doit être considérée dans son ensemble et les pièces doivent être interprétées conjointement avec les déclarations faites dans l’affidavit [voir, par exemple, Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)].

[35]  J’estime que la situation dans Constellation Brands Quebec est distincte. Dans cette affaire, les produits visés par l’enregistrement ont été définis en utilisant le terme français « liqueurs » (en anglais, « liqueurs »); cependant, l’emploi de la marque en question au cours de la période pertinente semblait être en liaison avec le vin uniquement. Bien que le déposant de la Propriétaire ait affirmé que, selon son expérience dans le domaine des boissons alcoolisées, le terme « liqueurs » englobait les vins, elle n’a pas confirmé que les vins spécifiques vendus sous la marque pouvaient être considérés comme tels.

[36]  En l’espèce, M. Shaw déclare clairement et sans ambiguïté que les graisses développées sous la Marque au Canada sont également appelées [traduction] « huiles lubrifiantes »; en faisant référence aux produits décrits à la Pièce A comme étant des [traduction] « huiles lubrifiantes »; et en faisant référence aux produits identifiés par la Marque dans les factures de la Pièce B comme étant des [traduction] « huiles lubrifiantes ».

[37]  Dans tous les cas, il est bien établi, lorsqu’on interprète un état déclaratif des produits dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45, qu’il faut se garder [traduction] « d’examiner avec un soin méticuleux [le] langage utilisé ». [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, 51 CPR (4th) 434, au para 17]. De plus, il faudrait éviter de [traduction] « radier une marque de commerce dont l’emploi est établi en conformité avec l’article 45(1), en raison uniquement de l’ambiguïté de la description des marchandises qu’elle vise » puisque ce résultat serait [traduction] « incompatible avec l’objet de l’article 45 » [voir Fetherstonhaugh & Co c ConAgra Inc, 2002 CFPI 1257, 23 CPR (4th) 49, au para 23]. La procédure prévue à l’article 45 ne vise pas à trancher des questions de fait contestées ou à offrir une solution de rechange à l’attaque inter partes habituelle contre une marque de commerce visée à l’article 57 de la Loi [Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409 (CAF)].

[38]  En l’espèce, la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les produits étiquetés comme [traduction] « GRAISSES » pendant la période pertinente. Compte tenu des attestations de M. Shaw concernant la nature de ces produits, je conviens qu’ils entrent dans la catégorie des produits définis dans l’enregistrement comme étant des [traduction] « huiles lubrifiantes ».

[39]  En ce qui concerne les [traduction] « autres produits pétroliers », rien ne prouve que la Marque ait déjà été employée au Canada avec des produits pétroliers autres que les [traduction] « graisses » que M. Shaw considère comme des [traduction] « huiles lubrifiantes ».

décision

[40]  Compte tenu de ce qui précède, je suis seulement convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [traduction] « huiles lubrifiantes » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[41]  Puisque la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la Marque au sens l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer les autres produits.

[42]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et selon les dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer les éléments suivants de l’état déclaratif des produits :

Essence […] et autres produits pétroliers.

[43]  L’état déclaratif modifié des produits sera libellé comme suit :

Huiles lubrifiantes.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Gowling WLG (Canada) LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Fillmore Riley LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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