Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 96

Date de la décision : 2020-07-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Anenda Systems Inc.

Opposante

et

 

EasyTrim Reveals Inc.

Requérante

 

1,690,913 pour EZ.BUMP & Design

1,690,914 pour EZ.PLANE & Design

1,690,915 pour EZ.LOCK & Design

Demandes

Introduction

[1]  En août 2014, EasyTrim Reveals Inc. (EasyTrim ou la Requérante) a produit des demandes d’enregistrement pour trois marques figuratives sous les nos 1,690,913, 1,690,914, et 1,690,915, représentées ci-dessous. La Requérante fait référence à ces demandes comme EZ.BUMP & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.LOCK & Design, respectivement, et je ferai de même :

  (collectivement, les Marques)

[2]  Les demandes sont fondées sur l’emploi des Marques au Canada depuis au moins aussi tôt que juin 2010 et sont présentées en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

 

Services

(les Produits et Services)

 

[3]  Anenda Systems Inc. (Anenda ou l’Opposante) s’est opposée à ces demandes pour plusieurs motifs liés, entre autres, à la fonctionnalité, au caractère descriptif, à tout emploi allégué des Marques ne constituant pas un emploi de marque de commerce, à l’absence de caractère distinctif et à la question de savoir si les demandes d’enregistrement relatives à ces Marques sont plus correctement caractérisées comme étant des signes distinctifs.

le dossier

[4]  Les demandes d’enregistrement relatives aux Marques ont été produites le 22 août 2014. Elles ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 3 juin 2015.

[5]  Le 31 juin 2015, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chaque demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante à l’encontre de chaque demande sont identiques et comprennent les articles 30, 12, 13, et 2 de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi tel qu’il se lit avant le 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date). Les motifs d’opposition précis plaidés par l’Opposante sont énoncés à l’Annexe A de la présente décision.

[6]  La Requérante a produit une contre-déclaration pour toutes les trois procédures le 26 octobre 2015.

[7]  À l’appui de chacune de ses oppositions, l’Opposante a produit deux affidavits de Murray Hone et l’affidavit d’Adel Elmourad. À l’appui de ses demandes, la Requérante a produit l’affidavit de Joshua George Singh. M. Singh a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription fait partie du dossier de chaque procédure.

[8]  Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

[9]  Étant donné que les questions soulevées dans chaque cas sont identiques et que le dossier de preuve et les observations écrites sont substantiellement similaires dans chaque cas, les trois questions sont traitées dans la présente décision.

fardeau de preuve et fardeau ultime

[10]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne (i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition et (ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant de prouver sa cause.

[11]  En ce qui concerne le point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’appuyer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298]. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à un opposant relativement à une question donnée signifie que la question ne sera examinée que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point (ii) ci-dessus, c’est à un requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, comme l’allègue un opposant (pour les allégations où un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve, le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue un opposant (dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

aperçu de la preuve

[12]  La preuve de l’Opposante comprend deux affidavits de Murray Hone, le directeur national de l’installation de l’Opposante. M. Hone occupe ce poste depuis environ octobre 2011. Le même premier affidavit Hone (souscrit le 26 février 2016) a été souscrit à l’égard des trois oppositions et fournit des éléments de preuve relatifs aux activités et aux produits de l’Opposante. M. Hone décrit l’Opposante comme un producteur et distributeur canadien de panneaux extérieurs et de produits de revêtement, y compris des panneaux extérieurs en matériau composite d’aluminium. M. Hone déclare que l’opposante, ou son prédécesseur, exerce ses activités au Canada depuis environ février 2011, fournissant des panneaux extérieurs et des produits de revêtement de qualité pour des projets corporatifs, commerciaux et résidentiels (para 4).

[13]  M. Hone explique que parmi les produits commercialisés et vendus par l’Opposante, il y a un système de panneaux de revêtement à base de composants (le « système AL13 »). Le système AL13 comprend des profilés extrudés, y compris un cadre de bout, un cadre pour angle rentrant, un cadre pour angle saillant, un ensemble de cadre à panneaux et un ensemble de cadre périmétrique, qui peuvent être utilisés en combinaison avec des panneaux architecturaux et des entretoises de panneau pour fixer les panneaux de l’Opposante à une surface (para 6 et 7). L’Opposante utilise des représentations graphiques de ses composants du système AL13 (montrés ci-dessous) pour expliquer le fonctionnement de ses produits et comment les utiliser et les installer :

Ces représentations graphiques sont également utilisées dans le cadre de la vente, de la distribution et de la promotion du système AL13 et de ses composants au Canada (para 13). Des renseignements sur la publicité, les canaux de commercialisation et les ventes des produits du Système AL13 sont également fournis.

[14]  Un deuxième affidavit Hone (souscrit le 26 février 2016) a également été produit dans chaque opposition. Bien qu’ils ne soient pas identiques, les affidavits sont substantiellement similaires pour chaque demande et servent généralement à introduire des éléments de preuve, notamment : (i) des copies des documents promotionnels de la Requérante pour les Produits accessibles à partir du site de la Requérante www.easytrimreveals.com, (ii) des copies des demandes de protection de son brevet aux États-Unis et au Canada par la Requérante en rapport avec ses systèmes de revêtement mural à moulures en retrait, ses pièces de couvre-joints et ses profilés; et (iii) divers documents, tels que les documents promotionnels et les demandes de brevet, de tiers dans l’industrie destinés à montrer que d’autres personnes fabriquent ou vendent des matériaux de construction similaires ou identiques en apparence aux Marques visées par la demande et utilisent des représentations graphiques similaires pour décrire leurs produits et montrer comment ils doivent être utilisés. Tout au long, je note que M. Hone donne ses opinions sur les points litigieux de l’opposition (par exemple, si les marques donnent une description claire, ou si elles sont fonctionnelles, etc.). Je ne ferai pas référence ni n’accorderai de poids aux déclarations de M. Hone qui constituent les opinions sur des questions relatives au bien-fondé des oppositions [British Drug Houses Ltd v Battle Pharmaceuticals (1944), 1944 CanLII 308 (CF), 4 CPR 48, à la page 53 et Les Marchands Deco Inc c Society Chimique Laurentide Inc (1984), 2 CPR (3d) 25 (COMC)].

[15]  L’Opposante a également produit trois affidavits distincts d’Adel Elmourad, le directeur du développement des affaires de l’Opposante. Les affidavits ont été souscrits le 26 février 2016 et sont essentiellement identiques pour chaque opposition. M. Elmourad s’est rendu chez un distributeur et chez un détaillant de produits de construction en Colombie-Britannique vendant les produits de la Requérante et a photographié certains des produits et emballages liés à certains des produits de la Requérante. M. Elmourad a également acheté divers produits de la Requérante et a fourni des photographies des produits et le reçu d’achat.

[16]  Comme preuve pour les trois oppositions, la Requérante a produit l’affidavit de Joshua George Singh (souscrit le 27 juin 2016), le président et directeur général de la Requérante. M. Singh décrit le demandeur comme un fabricant de matériaux de construction qui se concentre sur la fabrication et la vente de composants de couvre-joints en aluminium extrudé pour les produits de revêtement extérieur comme le fibrociment, le bois, les panneaux en acier ondulé et les matériaux composites en aluminium à usage intérieur et extérieur (para 3). L’affidavit de M. Singh fournit des renseignements sur l’activité de la Requérante, les Produits visés par les demandes (il y a notamment peu de références aux Services), ses méthodes de promotion, ses documents promotionnels, et les canaux de distribution des Produits (para 14 à 27), et les données sur les ventes et les recettes (para 28 à 31).

[17]  Pour parvenir à ma décision, j’ai examiné tous les éléments de preuve aux dossiers. Toutefois, je ne discute que des parties des éléments de preuve qui sont directement pertinentes à mes conclusions.

motifs d’opposition relatifs à la fonctionnalité

[18]  L’Opposante a plaidé que les demandes d’enregistrement ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30 de la Loi en ce que les Marques alléguées ne sont pas des marques de commerce selon la définition énoncée à l’article 2. Plus particulièrement, l’Opposante a plaidé que [traduction] « les marques alléguées ne sont pas susceptibles d’être employées par une personne aux fins de distinguer les produits et services décrits dans les demandes des produits et services d’autres personnes, car les Marques alléguées décrivent simplement une caractéristique utilitaire ou fonctionnelle (ou principalement utilitaire ou fonctionnelle) des produits en liaison avec lesquels elles sont prétendument employées ou la manière dont ces produits devraient être utilisés ou installés. »

[19]  L’Opposante a également plaidé que les demandes d’enregistrement ne sont pas conformes à l’article 30b) de la Loi en ce sens que les Marques ne sont pas employées dans le but de distinguer les produits et services décrits dans la Demande des produits et services d’autres personnes, car elles sont [traduction] « tout au plus, une représentation transversale d’une partie des produits de la Requérante, qui est utilisée par la Requérante pour démontrer les caractéristiques des produits ou comment les produits devraient être mis en pratique, utilisés ou installés, plutôt que dans le but de distinguer les produits et services de la Requérante ». Je remarque que si les Marques ne sont pas des marques de commerce, la date de premier emploi revendiquée par la Requérante ne peut pas tenir, car il n’y aurait pas d’emploi de marque à la date revendiquée.

[20]  Bien qu’il puisse y avoir une certaine incertitude quant à savoir si le premier motif d’opposition, qui repose sur la partie introductive de l’article 30 de la Loi, a été correctement plaidé, la même allégation constitue également le fondement du dernier motif d’opposition, que j’estime avoir été correctement plaidé. Par conséquent, j’ai examiné les deux motifs ensemble, reconnaissant qu’ils seront accueillis ou rejetés tous les deux.

Date pertinente

[21]  La date pertinente pour les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 est la date de la production des demandes, à savoir le 22 août 2014 [Georgia-Pacific Corp. c Scott Paper Ltd. (1984),3 CPR (3d) 469 (COMC), à la page 475].

Le principe de la fonctionnalité

[22]  La fonction et l’objet d’une marque de commerce servent à indiquer l’origine des produits (H.G. Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd. (1972), aux pages 21 et 25). Le principe de la fonctionnalité reconnaît que le droit des marques de commerce ne vise pas à empêcher l’utilisation concurrentielle des particularités utilitaires d’un produit, mais sert plutôt à distinguer les sources des produits.

[23]  Le principe de la fonctionnalité a été examiné par la Cour Suprême du Canada dans l’affaire Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc., (2005) CSC 65 (CanLII), [2005] 3 RCS 302. Les paragraphes 44 à 46 de la décision sont reproduits en partie ci-dessous :

44. Au Canada comme dans plusieurs autres pays ou régions du monde, ce principe fait partie intégrante du droit des marques de commerce. En droit de la propriété intellectuelle, il empêche l’abus des monopoles exercés sur des produits et des procédés. Il décourage notamment les tentatives de rétablir sous une autre forme les brevets expirés.

45. Le principe de la fonctionnalité constitue un principe bien établi du droit canadien des marques de commerce. En fait, notre Cour l’a qualifié, en 1964, de principe juridique « bien établi » :

[traduction]

Il semble bien établi en droit que si ce que l’on cherche à faire enregistrer comme marque de commerce comporte une utilisation ou caractéristique fonctionnelle, cette chose ne peut pas faire l’objet d’une marque de commerce.

(Parke, Davis & Co v Empire Laboratories Ltd, 1964 CanLII 74 (CSC), [1964] RCS 351, p. 354, le juge Hall.)

46. La Cour fédérale du Canada a appliqué systématiquement ce principe. Comme elle l’a fait en l’espèce, elle a statué, à maintes reprises, que les marques ne sauraient être constituées de particularités utilitaires. Le contraire transformerait des marchandises en une partie de la marque elle‑même, ce qui conférerait alors à leurs titulaires un monopole sur leurs caractéristiques fonctionnelles. À ce sujet, il vaut la peine de citer ces propos du juge MacGuigan au sujet de la validité d’une marque qui prenait la forme d’une tête de rasoir :

Le signe distinctif dans la présente espèce est invalide, selon moi, parce qu’il se rapporte aux aspects fonctionnels du rasoir Philips. Une marque qui ne se borne pas à distinguer les marchandises de son titulaire, mais se rapporte à la structure fonctionnelle des marchandises même, outrepasse les limites légitimes d’une marque de commerce.

(Remington Rand Corp c Philips Electronics N.V. (1995), 64 CPR (3d) 467 (CAF), p. 478; voir aussi Pizza Pizza Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce), [1989] 3 C.F. 379 (C.A.), p. 381, le juge Pratte; Thomas & Betts, Ltd c Panduit Corp., 2000 CanLII 17096 (CAF), [2000] 3 C.F. 3 (C.A.) au para 25.)

Cette jurisprudence reprend l’orientation qu’avaient déjà adoptée des décisions rendues par la Cour de l’Échiquier du Canada, où celle‑ci avait appliqué, sous le régime d’une loi antérieure, le principe de la fonctionnalité en matière de marques de commerce. Une combinaison d’éléments essentiellement destinés à remplir une fonction ne saurait faire l’objet d’une marque de commerce (Imperial Tobacco Co. of Canada c Registrar of Trade Marks, 1939 CanLII 261 (CF), [1939] RC de l’É 141, p. 145; Elgin Handles Ltd. c Welland Vale Manufacturing Co. (1964), 43 CPR 20 au para 24).

47. Cette jurisprudence canadienne reflète l’orientation législative et jurisprudentielle d’autres pays […]

[…]

52. En droit européen comme en droit canadien de la propriété intellectuelle, le principe de la fonctionnalité repose sur le souci d’éviter d’étendre démesurément le monopole aux produits eux‑mêmes et de gêner ainsi la concurrence entre des marchandises partageant les mêmes caractéristiques techniques […]

[24]  Alors que la marque de commerce en question dans la décision Kirkbi, précitée, se présentait sous la forme d’un signe distinctif, le principe de fonctionnalité ne se limite pas à ces marques et s’applique également aux marques figuratives à deux dimensions [Remington Rand Corp. et al c Philips Electronics N.V. (1995), 64 CPR (3d) 467 (CAF), à la page 476].

Les Marques sont principalement fonctionnelles

[25]  D’après mon examen de la preuve, dont certaines parties sont examinées ci-dessous, je conclus que les Marques ont un rapport intrinsèque avec les principales caractéristiques fonctionnelles des Produits de la Requérante à savoir les caractéristiques de bosse, de plan incliné et de verrouillage ou de clic représentées dans les marques EZ.BUMP & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.LOCK & Design, respectivement. La représentation de ces principales caractéristiques fonctionnelles ne se rapporte pas à l’identification de la source des Produits et Services. Je conclus plutôt qu’elle sert à identifier l’objet et la fonction des Produits et Services de la Requérante.

Demande de brevet américain no 13/194451 intitulé « Wall Panel Trim Reveal System and Method »

[26]  Une copie de ce brevet est jointe comme Pièce E au deuxième affidavit Hone produit à l’égard de la procédure relative à la marque EZ.PLANE & Design, et comme Pièce F au deuxième affidavit Hone produit à l’égard des procédures relatives aux marques EZ.BUMP et EZ.LOCK & Design. Le brevet mentionne Joshua George Singh comme inventeur; lors du contre-interrogatoire, M. Singh a confirmé qu’il avait connaissance et était le propriétaire de la demande (Q61-67). La demande porte une date de publication du 11 octobre 2012.

[27]  À l’audience, la Requérante s’est opposée à la présentation du document de brevet au motif qu’il est nécessaire de présenter une preuve d’expert lorsqu’il s’agit de brevets et que M. Hone n’est pas un expert.

[28]  Laissant de côté la question de l’expertise de M. Hone en droit des brevets, ou même celle de savoir si l’intention était que M. Hone agisse à titre d’expert, je note qu’en tant qu’employé de l’Opposante, il n’est pas un témoin indépendant ou objectif. Par conséquent, je n’ai accordé aucun poids aux opinions avancées par M. Hone dans son examen du brevet. Cependant, je ne considère pas qu’il y ait de problèmes en ce qui concerne son introduction de ce brevet comme pièce.

[29]  En ce qui concerne l’observation de la Requérante selon laquelle une preuve d’expert est nécessaire pour examiner le brevet, je n’y souscris pas, avec respects, et je considère que dans la présente espèce, je suis capable de prendre connaissance du contenu des divers documents de brevet et d’en tirer mes propres conclusions [Player’s Company Inc c Rothmans, Benson & Hedges Inc., 2018 COMC 145, au para 23; voir aussi JTI-Macdonald TM Corp c Player’s Company Inc, 2012 COMC 236, au para 13].

[30]  En outre, et bien que cela n’ait pas été soulevé par la Requérante, je ne considère pas que le fait que le brevet soit un brevet américain influe sur sa pertinence ou sur le poids à lui accorder, car nous traitons essentiellement d’une question de fait, à savoir si les dessins représentés dans les marques sont principalement fonctionnels (voir Parke Davis, précitée). Quoi qu’il en soit, les mêmes descriptions associées aux figures telles qu’elles apparaissent dans le brevet américain apparaissent dans la demande de brevet canadien correspondante de la Requérante, qui est jointe comme Pièce F au deuxième affidavit Hone souscrit à l’égard de la procédure relative à la marque EZ.PLANE & Design, et comme Pièce G aux deuxièmes affidavits Hone souscrits à l’égard des procédures relatives aux marques EZ.BUMP et EZ.LOCK & Design. Lors du contre‑interrogatoire, M. Singh a confirmé qu’il avait connaissance et était le propriétaire de la demande canadienne (Q66). M. Singh a également confirmé que la demande de brevet canadien est maintenant un brevet délivré (Q67).

[31]  Dans Parke Davis, précitée, il a été statué que pour déterminer si une marque de commerce a une caractéristique ou un usage fonctionnel, une demande de brevet couvrant la marque fournit au moins une certaine preuve que la marque a un usage fonctionnel. Dans cette affaire, le demandeur était titulaire des enregistrements pour un certain nombre de marques de commerce représentant des bandes de gélatine colorées, qu’il utilisait pour sceller les moitiés de capsules de gélatine contenant une préparation pharmaceutique. Le défendeur a utilisé des bandes similaires et le demandeur a intenté une action en contrefaçon et une action en commercialisation trompeuse. Une question clé était celle de la validité des enregistrements de marques de commerce par le demandeur, et la cour a examiné la preuve établissant que le demandeur détenait, entre 1932 et 1949, un brevet américain pour des capsules scellées avec des bandes similaires en rapport avec la question de savoir si ces bandes avaient une caractéristique ou un usage fonctionnel. La Cour a conclu que la preuve établissant que le demandeur considérait ainsi ses bandes lorsqu’il a demandé le brevet américain en 1932 était certainement une preuve que les bandes avaient un usage fonctionnel.

[32]  Dans la procédure en question, d’après mon examen du brevet américain, dont certaines parties sont reproduites ci-dessous, je suis d’avis que la demande de brevet américain est instructive sur la similitude et appuie la conclusion selon laquelle les caractéristiques de bosse, de plan incliné et de verrou représentées bien en vue dans les marques EZ.BUMP & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.LOCK & Design ont une application principalement fonctionnelle en liaison avec les Produits et Services qui y sont liés.


 

EZ.BUMP & Design

[33]  La marque EZ.BUMP & Design est reproduite dans la demande de brevet américain comme il est indiqué ci-dessous :

Figure – 1E de la demande de brevet américain

Description

[traduction] [0039] La figure 1E est une vue en coupe transversale détaillée d’une pièce de couvre-joint vertical. Comme l’illustre la figure, la pièce de couvre-joint vertical 140 inclut un montage mural 142 et la languette 144 formant ainsi une fente pour la réception d’un angle d’une pièce de couvre-joint horizontal 400. La bosse 146 formée près d’un angle intérieur où la languette 144 est connectée au montage mural 142 sert à maintenir le panneau mural 50 loin du mur du bâtiment et plus près de la languette 144. La bosse 146 sert également de canal d’évacuation de l’humidité dans la pièce de couvre-joint vertical 140, permettant à l’humidité 150 de s’écouler le long de la pièce de couvre-joint vertical 140 et loin du mur du bâtiment.

[34]  Lors du contre-interrogatoire, M. Singh a reconnu que la Figure 1E est en apparence identique ou semblable à la marque EZ.BUMP & Design visée par la demande (Q142). M. Singh a également reconnu que la description ci-dessus décrit la Figure 1(e) de la demande de brevet américain (Q147).

[35]  La marque EZ.BUMP & Design montre une « bosse » (portant le numéro 146 dans la description). Cette bosse est décrite comme [traduction] « formant un canal de drainage d’humidité » permettant à l’humidité de s’écouler vers le bas et loin du mur du bâtiment.

[36]  Une copie de la demande canadienne correspondante à la demande américaine est jointe comme Pièce G au deuxième affidavit Hone (para 8, deuxième affidavit Hone produit à l’égard de la marque EZ.BUMP & Design). Bien que la demande jointe n’inclue pas le dessin physique de la Figure 1E, le même libellé la décrivant est inclus (au para [0039] à la page 6 du document).

[37]  M. Singh a également reconnu que la marque EZ.BUMP & Design a été employée pour décrire un mode de réalisation dans au moins une demande de brevet (Q139).

EZ.PLANE & Design

[38]  La marque EZ.PLANE & Design est reproduite dans la demande de brevet américain comme il est indiqué ci-dessous :

Figure 4E de la demande de brevet américain

Description

[traduction] [0048] Parlant maintenant de la figure 4E, elle montre une vue en coupe transversale détaillée des pièces de couvre-joint horizontal des figures 4A-4C avec les inclinaisons 404, 414A, 414B, 424 interagissant avec un panneau mural 50. Comme l’illustre la figure, un léger espace est formé entre le panneau mural 50 et les inclinaisons 404, 414A, 414B, 424, de sorte que toute humidité provenant de l’arrière du panneau mural 50 peut s’échapper et s’écouler loin du bâtiment et du couvre-joint.

[39]  Lors du contre-interrogatoire, M. Singh a reconnu que la Figure 4E est similaire à la marque de commerce EZ.PLANE & Design visée par la demande (Q212). M. Singh a également reconnu que la description ci-dessus décrit la Figure 4(e) de la demande de brevet américain (Q214).

[40]  La marque EZ.PLANE & Design montre une « inclinaison » interagissant avec le panneau mural 50. La description indique qu’[traduction] « un léger espace est formé entre le panneau mural 50 et les inclinaisons » […] par lequel toute humidité derrière le panneau mural 50 peut s’échapper et s’écouler loin du bâtiment et du couvre-joint ».

[41]  Une copie de la demande canadienne correspondante à la demande américaine est jointe comme Pièce F au deuxième affidavit Hone (para 8, deuxième affidavit Hone à l’égard de la marque EZ.PLANE & Design). Bien que la demande jointe n’inclue pas le dessin physique de la Figure 4E, le même libellé la décrivant est inclus (au para [0048] à la page 8 du document).

[42]  M. Singh a également reconnu que la marque EZ.PLANE & Design a été employée pour décrire un mode de réalisation dans au moins une demande de brevet (Q211).


 

EZ.LOCK & Design

[43]  La marque EZ.LOCK & Design est reproduite dans la demande de brevet américain comme il est indiqué ci-dessous :

Figures 7C et 7D de la demande de brevet américain

Description

[traduction] [0059] Les Figures 7A et 7B montrent, sur les illustrations 700 et 710, les pièces des Figures 6A-6C dans des positions verrouillées pour illustrer les différences entre les pièces de couvre-joint vertical du capuchon du dessus 620 et 630. Les Figures 7C et 7D montrent plus en détail les pièces de couvre-joint vertical des Figures 6A et 6B interverrouillées ensemble avec des panneaux muraux 50 reçus entre celles-ci. Lors de l’utilisation, la pièce de couvre-joint verticale du capuchon du dessus 620 peut être poussée dans la position de verrouillage à l’intérieur de la plaque arrière verticale 610 en utilisant un maillet en caoutchouc ou un outil similaire.

 

(Je note que le paragraphe [0056] se réfère aux figures 6A-6C en tant que vues en coupe transversale de diverses pièces de couvre-joint vertical avec des saillies interverrouillées)

[44]  Lors du contre-interrogatoire, M. Singh a reconnu que les Figures 7C et 7D sont semblables en apparence à la marque de commerce EZ.LOCK & Design visée par la demande (Q184). M.  Singh a également reconnu que la description ci-dessus décrit avec précision les Figures 7(c) et 7(d) de la demande de brevet américain (Q147).

[45]  La marque EZ.LOCK & Design montre les pièces de couvre-joint vertical imbriquées avec les panneaux muraux.

[46]  Une copie de la demande canadienne correspondante à la demande américaine est jointe comme Pièce G au deuxième affidavit Hone (para 8, deuxième affidavit Hone à l’égard de la marque EZ.LOCK & Design). Bien que la demande jointe n’inclue pas les dessins physiques des Figures 7C et 7D, le même libellé la décrivant est inclus (au para [0059] à la page 11 du document).

[47]  M. Singh a également reconnu que la marque EZ.LOCK & Design a été employée pour décrire un mode de réalisation dans au moins une demande de brevet (Q181).

Documents de la Requérante – Guide des meilleures pratiques d’installation d’Easytrim Reveals

[48]  La Pièce B de l’affidavit Singh consiste en une copie du Guide d’installation rendu accessible par la Requérante pour ses produits. M. Singh déclare que ce guide peut être téléchargé à partir du site Web de la société, que de tels guides sont facilement accessibles depuis au moins juin 2010 et que les informations de fond relatives à l’installation des produits visés par les marques de commerce sont similaires (para 17). Une copie de ce document figure également à la Pièce A du deuxième affidavit Hone. M. Hone déclare qu’il a été consulté à partir du site Web situé au nom de domaine http://easytrimreveals.com/wp-content/uploads/2013/10/combo2013.pdf (para 5).

[49]  À mon avis, comme pour les documents de brevet, le Guide d’illustration de la Requérante aide à démontrer que les Marques visées par la demande représentent effectivement que les produits de la Requérante comprennent une « bosse », un « plan incliné » ou un « verrou », et décrivent ou expliquent ce que font ces fonctionnalités (à cet égard, les flèches dans les marques EZ.PLANE & Design et EZ.LOCK & Design sont particulièrement instructives). Les Marques ne servent pas à indiquer la source des Produits. Les Marques font plutôt référence aux caractéristiques principalement fonctionnelles des produits du demandeur, à savoir les mécanismes de « bosse », de « plan » et de « verrouillage » qu’elles représentent.

[50]  La page 8 du document, intitulée « ez.bump™ », affiche la marque EZ.BUMP & Design – bien qu’il y ait quelques variations à la marque telle qu’elle apparaît, je les considère comme mineures de sorte que la marque EZ.BUMP & Design demeure reconnaissable [Canada (Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Promafil Canada Ltee c Munsingwear Inc (1992), 1992 CanLII 12831 (CAF), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. Une description de la marque « ez.bump™ » apparaît à côté du dessin et explique que le système ez.bump™ [traduction] « crée un canal de drainage intérieur qui dirige l’eau loin du revêtement en fibrociment et de l’enveloppe du bâtiment ». Ces éléments sont présentés ci-dessous :

[51]  Une photographie du produit de la Requérane figure également sur le document et est reproduite ci-dessous :

[52]  La page 12 du document, intitulée « ez.plane™ », affiche la marque EZ.PLANE & Design avec un texte descriptif indiquant que le système « ez.plane™ utilise une inclinaison positive de 8 degrés sur tous les profils horizontaux qui évacuent l’eau loin du mur » :

[53]  Des photographies du produit de la Requérane figurent également à la page 12 du document et sont reproduites ci-dessous :

[54]  La page 10 du document est intitulée « ez.lock™ », et la page 11 du document comprend la marque EZ.LOCK & Design – je tire cette conclusion en partant du principe que, bien qu’il y ait des variations dans la marque telle qu’elle apparaît (en particulier dans la disposition verticale des éléments au lieu de présentation horizontale), je les considère comme étant mineures, de sorte que la marque EZ.LOCK & Design visée par la demande demeure reconnaissable [Canada (Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Promafil Canada Ltee c Munsingwear Inc (1992), 1992 CanLII 12831 (CAF), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. À côté de la marque se trouve une description du [traduction] « système ez.lock™ » expliquant qu’il permet d’installer les couvre-joints verticaux rapidement et sans attaches, et indiquant qu’[traduction] « […] une fois le capuchon du dessus ajusté, les dents du canal s’engageront pour créer un verrouillage sécurisé ». La Marque et la description sont présentées ci-dessous.

[55]  Une photographie du produit de la Requérante figure également à la page 10 du document et est reproduite ci-dessous :

[56]  Je remarque en outre que dans l’ensemble des documents fournis dans l’affidavit Singh, y compris les autres documents de marketing et de publicité de la Requérante (Pièce E), les [traduction] « légendes de produits » (Pièces F, G), et les documents de tiers (Pièces H à M), les Marques visées par la demande sont présentées de la même manière et sont accompagnées d’un texte descriptif expliquant les caractéristiques fonctionnelles (bosse, plan incliné et verrouillage) des Produits (Q231, 233,236).

Caractérisation des marques par M. Singh

[57]  À l’audience, l’Opposante a soutenu que la caractérisation que fait M. Singh des Marques dans son affidavit est effectivement une admission du fait qu’elles sont principalement fonctionnelles. L’avocat a noté l’explication de M. Singh sur la motivation à l’égard des produits de la Requérante (lorsqu’ils sont mouillés, ils sont endommagés), l’innovation conçue pour remédier à ce problème, suivie d’un accent mis sur ce que M. Singh décrit comme [traduction] « une description graphique de la marque pour identifier les produits ». Les parties pertinentes de l’affidavit Singh (avec soulignement ajouté) sont énoncées ci-dessous :

[traduction]

9. De plus, les systèmes de couvre-joint de panneau mural rendent les panneaux muraux vulnérables à l’usure prématurée et aux dommages causés par l’humidité lorsqu’ils sont utilisés pour des applications extérieures en raison d’un manque de contrôle approprié de l’humidité.

10. EasyTrim Reveals a conçu des produits innovants pour une utilisation avec des panneaux muraux extérieurs utilisés pour le revêtement extérieur des bâtiments qui surmontent certains des inconvénients et limitations des produits d’autres concurrents et personnes, y compris les produits de la Société vendus sous les marques de commerce EZ.Lock, EZ.Plane or EZ.Bump.

11. Les produits couverts par la marque de commerce EZ.Bump visent à canaliser l’eau autour du revêtement, c’est [sic] une caractéristique de protection qui prolonge la durée de vie du fibrociment intégré. Une description graphique de la marque de commerce pour identifier les produits est présentée ci-dessous : [la marque EZ.BUMP & Design est représentée].

12. Les produits couverts par la marque de commerce EZ.Lock sont conçus avec un ensemble unique comportant deux pièces. Les produits comprennent un ensemble de pièces de couvre-joint vertical, horizontal et d’angle conçues pour être emboîtées. Le système EZ.Lock permet d’installer le couvre-joint vertical principal rapidement et sans attaches. Une fois le capuchon du dessus ajusté, les dents du canal s’engageront pour créer un verrouillage sécurisé. Une description graphique de la marque de commerce pour identifier les produits est présentée ci-dessous : [la marque EZ.LOCK & Design est représentée].

13. Les produits couverts par la marque de commerce EZ.Plane sont utilisés lorsque la gestion de l’eau des produits en fibrociment est nécessaire. Ces produits permettent à l’eau d’être évacuée du rebord horizontal et du revêtement encastré à l’aide d’une surface inclinée à 8 degrés vers le bas. Cette surface permet à la gravité d’extraire l’eau de la surface et empêche l’action capillaire d’extraire l’eau à travers le produit de fibrociment poreux reposant dessus. Une description graphique de la marque de commerce pour identifier les produits est présentée ci-dessous : [la marque EZ.PLANE & Design est représentée].

[58]  En réponse, la Requérante soutient que les Marques ne représentent pas les produits de la Requérante, mais fonctionnent plutôt comme des [traduction] « icônes » pour décrire ou représenter une catégorie de ses produits de manière conviviale. À cet égard, je note diverses parties du contre‑interrogatoire de Singh dans lesquelles M. Singh fait référence aux Marques comme des [traduction] « icônes » :

[traduction]

Q91 : […] Dans la représentation présentée au paragraphe 11 [de l’affidavit Singh qui représente la marque EZ.BUMP & Design] les parties sombres de cette représentation correspondent à des extrudés ou à des profilés vendus par la société; est-ce exact?

R : Non, pas nécessairement. C’est une icône qui dirige les clients vers une zone qui leur permet de choisir parmi différents profils de couvre-joint pour terminer leur produit, leur revêtement encastré. Elle ne représente pas exactement nos couvre-joints.

[…]

Q93 : Bien sûr. Lorsque vous utilisez le terme « EZ.Bump » dans votre marque – par exemple, au paragraphe 11, vous dites :

« Les produits couverts par la marque de commerce EZ.Bump. »

Faites-vous référence à des produits ayant une caractéristique particulière, par opposition aux extrudés ou aux profilés qui n’ont pas de caractéristique particulière?

R : Ouais. Nous l’utilisons comme icône pour séparer les différentes catégories de couvre‑joints. Ainsi, tous les profilés de terminaison sont énumérés sous cette icône EZ.Bump.

[…]

Q168 : […] Si j’utilise le terme « système EZ.Lock » comprendrez-vous que je fais référence à la combinaison en deux pièces de profilés?

R : Ouais. C’est l’icône qui représente différentes options de profilés de couvre-joints en deux pièces.

Q169 : D’accord. Mais si je fais référence au « système EZ.Lock », comprendrez-vous que je fais référence aux extrudés ou aux profilés eux-mêmes?

R : Oui.

Q170 : D’accord. Donc, dans certains contextes, la marque de commerce figurative alléguée EZ.Lock est une représentation du système allégué EZ.Lock; est-ce exact?

R : Encore?

Q171 : La marque de commerce figurative alléguée EZ.Lock, dans certains contextes, est-elle employée comme une représentation du système EZ.Lock?

R : Encore une fois, c’est une icône pour représenter une catégorie d’options de profilés parmi lesquelles mes clients peuvent choisir, identifiant vraiment les verticaux.

[…]

Q198 : […] Également au paragraphe 13 de votre affidavit, vous incluez une représentation de la marque de commerce figurative alléguée EZ.Plane; est-ce exact?

R : Oui.

Q199 : Ainsi, dans certains contextes où la marque de commerce figurative alléguée EZ.Plane est employée, les parties sombres correspondent à des extrudés ou à des profilés; est-ce exact?

A : Encore une fois, oui, une catégorie d’options parmi lesquelles les clients peuvent choisir, principalement pour les horizontaux.

[…]

Q217 : En ce qui concerne chacune des marques de commerce alléguées faisant l’objet de l’opposition, conviendriez-vous que les marques de commerce alléguées illustrent la manière dont les produits de la société doivent être mis en pratique, utilisés ou installés?

A : Non. Je les considère comme des icônes qui représenteraient un groupe de couvre-joints d’angle, un groupe de couvre-joints horizontaux, un groupe de couvre-joints verticaux afin que mes clients puissent accéder à une certaine section ou catégorie et sélectionner le couvre-joint qu’ils veulent utiliser qui entre dans ces catégories.

[…]

Q352 : Oui. Vous avez mentionné que la marque de commerce alléguée EZ.Bump, par exemple, est une icône.

R : Hummm-hmm.

Q353 : Si vous regardez la légende sur la deuxième page, y a-t-il une indication de ce à quoi la marque de commerce alléguée EZ.Bump fait référence? [faisant référence à la Pièce F de l’affidavit Singh]

R : Oui.

Q354 : Quoi? À quoi fait référence la marque commerce alléguée EZ.Bump à partir de ces profils?

R : Les profils sur lesquels une bosse est indiquée.

Q355 : Que voulez-vous dire par « sur lesquels une bosse est indiquée »?

R : EZ.1, EZ.2, EZ.10, EZ.13, EZ.14, EZ.15, EZ.3, EZ.18, EZ.31, EZ.33, EZ.34, EZ.35, EZ.36 […] font toutes partie de la série EZ.Bump.

[59]  La Requérante a également soutenu que les Marques visées par la demande ne doivent pas être confondues avec un profil des Produits de la Requérante, mais qu’il s’agit plutôt d’images ou d’interprétations fantaisistes, même si elles sont de nature suggestive, qui évoquent une idée et servent de marque de commerce. À cet égard, je note que les figures 1E et 4E mentionnées ci‑dessus dans la demande de brevet américain (correspondant aux marques EZ.BUMP& Design et EZ.PLANE & Design, respectivement) sont expressément décrites comme des [traduction] « vues détaillées en coupe transversale des pièces de couvre-joint ». Sur cette base, il ne serait pas déraisonnable de conclure que ces deux Marques sont en fait des profilés des Produits de la Requérante.

[60]  De toute façon, en ce qui concerne la qualification des Marques comme des icônes, je suis d’avis que même si elles sont considérées de cette manière, elles servent toujours à faire référence aux caractéristiques principalement fonctionnelles des Produits dans ces « catégories de produits » au lieu de leur source. En d’autres termes, les Marques peuvent très bien faire office de « raccourci » qui dirige les consommateurs vers des produits présentant les caractéristiques principalement fonctionnelles, à savoir la « bosse », le « plan » ou le « verrou » représentés dans les Marques. Cependant, ce raccourci ne fournit pas aux consommateurs une indication de l’origine des Produits et des Services, ce qui constitue la fonction et l’objet d’une marque de commerce [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (CanLII), [2011] 2 RCS 387, citant la décision Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22[2006] 1 RCS 772, au para 21].

Conclusion

[61]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait pour remettre en question si les Marques décrivent une caractéristique principalement fonctionnelle des Produits en liaison avec lesquels elles sont prétendument employées ou la manière dont ces Produits doivent être utilisés ou installés. C’est donc à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques visées par la demande ne sont pas principalement fonctionnelles eu égard au motif d’opposition fondé sur l’article 30. De plus, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques étaient capables de fonctionner comme une marque de commerce de sorte que l’emploi d’une marque conformément aux articles 2 et 4 de la Loi a eu lieu à la date revendiquée. À mon avis, le poids de la preuve indique que, même si la Requérante peut avoir eu l’intention d’employer les Marques visées par la demande comme marques de commerce, en pratique, les Marques servent à distinguer la structure fonctionnelle des Produits eux-mêmes, au lieu de distinguer leur source.

[62]  Dans l’affaire Remington Rand Corp c Philips Electronics NV (1995), 64 CPR (3d) 467(CAF), la marque de commerce en question consistait en la représentation d’une tête de rasage représentant un ensemble à trois de rasage têtes rotatives. La Cour nota que si une marque est principalement fonctionnelle en tant que [traduction] « partie des marchandises », l’enregistrement aurait pour effet de conférer aux requérantes [traduction] « un monopole sur les éléments ou les caractéristiques fonctionnelles de leurs marchandises ». Il créerait en réalité un brevet ou un dessin industriel plutôt qu’une marque de commerce. La Cour a conclu que la disposition en triangle à trois têtes de rasage était fonctionnelle. Par conséquent, la marque figurative représentant ces éléments fonctionnels a été jugée principalement fonctionnelle et a par la suite été radiée.

[63]  De même, en l’espèce, les trois marques de commerce visées par la demande décrivent principalement des éléments fonctionnels qui se rapportent aux Produits eux-mêmes qui y sont liés, et aux Services dans la mesure où ils se rapportent aux Produits. Cela peut être comparé à une situation dans laquelle l’élément fonctionnel d’une marque se rapporte à l’identification de la source et de la qualité des produits, comme dans Pizza Pizza Ltd C Canada (Registraire des marques de commerce) 1989, 26 CPR (3d) 355, où la fonctionnalité de la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement (un numéro de téléphone) n’était pas liée aux produits eux-mêmes, mais à la source des produits.

[64]  Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 30a) et 30b) sont accueillis.

motifs d’opposition – caractère descriptif des marques

[65]  L’Opposante a plaidé que les marques de commerce alléguées ne sont pas enregistrables en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, car « elle[s] donne[nt] une description claire ou donne[nt] une description fausse et trompeuse […] de la nature ou de la qualité des produits […] en liaison avec lesquels elle[s] [sont] [prétendument] employée[s]. »

[66]  Bien que cela n’ait pas été soulevé à l’audience, la Requérante, dans ses observations écrites, soutient que ce motif, tel qu’il a été plaidé, n’est qu’une reproduction du libellé législatif de l’article 12(1)b) et qu’il ne contient donc pas suffisamment de faits pertinents pour permettre à la Requérante d’y répondre.

[67]  À l’étape de la décision, au moment de déterminer si la Requérante était au courant des éléments de preuve à réfuter, je suis tenue d’interpréter le plaidoyer conjointement avec la preuve [Novapharm Ltd c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387 (CanLII), 21 CPR (4th) 289]. En l’espèce, contrairement à l’affirmation écrite de la Requérante selon laquelle il n’existe aucune preuve recevable qui remédie à l’irrégularité présente dans le plaidoyer, j’estime que la Requérante connaissait les éléments de preuve qu’elle devait réfuter compte tenu de la preuve de l’Opposante évoquée ci-dessus.

[68]  L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)b) doit être évaluée à la date de la production des demandes, en l’espèce, le 22 août 2014 [General Housewares Corp c Fiesta Barbeques Ltd (2003), 2003 CF 1021 (CanLII), 28 CPR (4th) 60 (CF)].

[69]  L’interdiction prévue à l’article 12(1)b) vise à empêcher un commerçant de monopoliser un mot qui donne une description claire ou qui est habituellement employé dans le commerce, et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst), au para 14].

[70]  La question de savoir si la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des produits doit être considérée du point de vue de l’acheteur moyen des produits. De plus, « nature » désigne une particularité, un trait ou une caractéristique des produits et services et « claire » signifie « facile à comprendre, évident, simple » [Drackett Co of Canada v American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C. de l’Éch.), à la page 34]. Il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, mais la considérer dans son ensemble sous l’angle de la première impression [Wool Bureau of Canada Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst), aux pages 27 et 28Atlantic Promotions Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst), à la page 186].

[71]  De plus, il a été établi que lorsqu’il évalue si une marque de commerce donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun dans la détermination du caractère descriptif [Neptune SA c Canada (Procureur général) 2003 CAF 715 (CanLII)].

[72]  Les interdictions énoncées à l’article 12(1)b) s’appliquent à toutes les marques de commerce, y compris les marques figuratives. Une représentation ou un dessin peut aussi donner une description claire ou une description fausse comme des mots [Fox dans son ouvrage Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition (4th ed.), aux pages 5 à 34]. Fox dit en outre que :

[traduction]

[…] Lorsque la marque n’est rien de plus qu’une simple image des produits, il semble que, nonobstant les observations du juge Kekewich comme il est indiqué ci-dessus, elle ne peut pas être considérée comme étant distinctive (Frost Steel & Wire Co. v Lundy (1925), 57 OLR 494). Mais si la représentation ne porte pas simplement sur les produits eux-mêmes, mais sur les produits sous un signe distinctif ou une forme distinctive et fantaisiste, il ne semble pas y avoir d’objection à son enregistrement. (Bowden Wire Ltd. v Bowden Brake Co. Ltd. (1913), 30 RPC 580; J. Lyons & Co. Ltd. v G. and K. Restaurants Ltd. (1955), 72 RPC 259).

Comme il a été déclaré dans la décision Frost Steel and Wire Co. Ltd. c Lundy,

[traduction]

Très peu de causes ont été rapportées où les tribunaux ont eu à juger s’il était possible d’enregistrer une marque sous forme d’un dessin descriptif. Mais il est difficile de voir pourquoi on devrait appliquer des règles différentes dans le cas d’un dessin et d’un mot […]

[73]  Dans l’affaire Ralston Purina Co c Effem Foods Ltd (1990), 31 CPR (3d) 52 (COMC), la marque de commerce en question était une marque figurative consistant en une représentation réelle d’un chat, plutôt qu’une représentation fantaisiste, pour emploi en liaison avec [traduction] « de la nourriture pour animaux domestiques, en l’occurrence, pour chats ». Bien que l’opposition fut accueillie pour le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, le Membre Martin a écrit ce qui suit :

[traduction]

[…] Je tiens à souligner que, selon toute vraisemblance, le deuxième motif d’opposition de l’opposante aurait également été accueilli. Le critère applicable en ce qui concerne l’article 12(1)b) de la Loi est celui de la première impression que la marque employée en liaison avec les marchandises laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire de ces marchandises. En l’espèce, je considère que l’emploi de la marque inscrite sur une boîte ou un paquet de nourriture pour chats indique clairement que la marchandise n’est autre qu’un produit destiné aux chats. L’emploi de représentations similaires dans le domaine des animaux de compagnie par d’autres ne sert qu’à renforcer cette conclusion.

[74]  Dans la procédure en question, considérant les Marques en liaison avec les Produits dans leur ensemble sous l’angle de la première impression, du point de vue du consommateur moyen, je ne les trouve pas de nature fantaisiste. Au contraire, je trouve que les marques EZ.BUMP & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.LOCK & Design sont des représentations picturales littérales des caractéristiques fonctionnelles des Produits liés, à savoir le mécanisme de verrouillage qui permet à une verticale d’être installée sans attaches; le plan incliné qui permet à l’humidité de s’écouler loin du mur; et la bosse qui crée un canal intérieur permettant à l’humidité de s’écouler vers le bas et loin du mur.

[75]  Je considère également le fait que des dessins identiques ou presque identiques aux Marques visées par la demande figurent dans la demande de brevet américain (discutée ci-dessus) pour renforcer le fait que les dessins sont de nature technique et descriptive. Il convient également de noter que les Marques, telles qu’elles figurent dans les documents de la Requérante (y compris, par exemple, le Guide d’installation discuté ci-dessus), sont généralement accompagnés d’un texte expliquant les caractéristiques (contre-interrogatoire de Singh à la Q227-236). Le texte est descriptif, identifie l’entité (bosse, inclinaison, verrou) et explique ce que font les entités. Les Marques servent le même but, bien qu’à titre strictement visuel.

[76]  Par conséquent, considérant la Marque comme une première impression dans le contexte des Produits, et en utilisant une approche fondée sur le bon sens, je détermine qu’il est raisonnable de conclure que la première impression créée par les Marques est qu’elles décrivent clairement et clairement le caractère des Produits, notamment l’inclusion d’un mécanisme de verrouillage qui permet d’installer un couvre-joint vertical sans attaches; un plan incliné qui permet à l’humidité de s’écouler loin du mur; et une bosse qui crée un canal intérieur permettant à l’humidité de s’écouler vers le bas et loin du mur (pour les marques EZ.LOCK & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.BUMP & Design, respectivement).

[77]  Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli à l’égard des Produits.

[78]  Comme j’ai conclu que les Marques de la Requérante étaient clairement descriptives, je n’ai pas à traiter de l’allégation fausse et trompeuse énoncée dans les plaidoyers.

motifs d’opposition restants

[79]  Ayant déjà rejeté les demandes pour au moins deux motifs, je ne discuterai pas des motifs d’opposition restants.

décision

[80]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les demandes d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


Annexe A

Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante au paragraphe 4 de chaque déclaration d’opposition (dans laquelle la Marque alléguée renvoie à la marque EZ.BUMP & Design, EZ.PLANE & Design, et EZ.LOCK & Design) sont reproduits comme suit :

 

4. Les motifs d’opposition de l’Opposante sont les suivants, et, sauf indication contraire, toutes les références aux articles et paragraphes du présent document renvoient à la Loi sur les marques de commerce du Canada :

 

 

 

 

 

  • e) L’Opposante invoque en outre l’article 38(2)a) et affirme que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 en ce sens que la Marque de commerce alléguée n’est pas une « marque de commerce » selon la définition énoncée à l’article 2. Plus particulièrement, la Marque de commerce alléguée ne peut pas être employée par une personne dans le but de distinguer les produits et services décrits dans la Demande des produits et services d’autres personnes, car la Marque alléguée représente simplement une caractéristique utilitaire ou fonctionnelle (ou principalement utilitaire ou fonctionnelle) des produits en liaison avec lesquels elle est prétendument employée ou la manière dont ces produits devraient être utilisés ou installés.

 

  • f) L’Opposante invoque en outre l’article 38 (2)b) et affirme que, si la Marque de commerce alléguée est une marque de commerce, la Marque de commerce alléguée est un signe distinctif, en ce sens qu’elle est une mise en forme des produits en liaison avec lesquels la Marque de commerce alléguée est prétendument employée. L’Opposante affirme que la Marque de commerce alléguée n’a pas été employée au Canada par la Requérante de façon à être devenue distinctive de la Requérante à la date de production de la demande et soutient en outre que l’utilisation exclusive par la Requérante de la Marque de commerce alléguée en liaison avec les produits et services décrits dans la Demande limiterait de manière déraisonnable le développement de l’industrie des systèmes de revêtement mural à moulures en retrait au Canada. Par conséquent, la Marque de commerce alléguée n’est pas conforme aux exigences de l’article 13(1)a) ou de l’article 13(1)b) et n’est pas enregistrable.

 


 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-01-17

COMPARUTIONS

Daniel Anthony

POUR L’OPPOSANTE

Aiyaz Alibhai

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Smart & Biggar LLP

POUR L’OPPOSANTE

Miller Thomson LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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