Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 111

Date de la décision : 2020-10-05
[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Limited

Opposantes

et

 

Hi-Star Franchise Systems, Inc.

Requérante

 

1 807 098 pour McMORTGAGE

 

 

 

Demande

Aperçu

[1]  Hi-Star Franchise Systems, Inc. (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce McMORTGAGE (la Marque) en liaison avec les services suivants :

(1) Obtention et offre de crédit, de prêts, d’assurance, de change de devises et de chèques de voyage; agences d’assurance; courtage d’assurance; services d’assurance; courtage hypothécaire; refinancement hypothécaire; services hypothécaires; agences immobilières; courtage immobilier; courtiers immobiliers.

 

 

[2]  McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Limited (collectivement l’Opposante) allègue que la Marque crée de la confusion avec leurs marques de commerce, notamment McDONALD’S, BIG MAC, MCCHICKEN, McCAFE, MCNUGGETS et MCFLURRY, entre autres, pour emploi en liaison avec des services de restauration et des produits alimentaires liés. La preuve de l’Opposante démontre que, de 2011 à 2017, les ventes annuelles totales des restaurants McDonald’s au Canada ont dépassé en moyenne 3,5 milliards de dollars. En revanche, il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que l’opposition est admise.

Contexte

[4]  Le 31 octobre 2016, la Requérante a produit une demande d’enregistrement pour la Marque fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis le 1er mars 2008.

[5]  La demande a fait l’objet d’une annonce à des fins d’opposition dans l’édition du 30 août 2017 du Journal des marques de commerce.

[6]  Le 18 septembre 2017, l’Opposante s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T-13 (la Loi). L’opposition était fondée sur divers motifs, dont le fait que la Requérante n’était pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque, que la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante et que la Marque n’est pas distinctive. Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi).

[7]  La Requérante a déposé et signifié une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition et a plaidé en ce qui a trait aux allégations de confusion de l’Opposante :

[traduction]

L’Opposante, McDonald’s Corporation, détient un grand nombre de marques de commerce déposées au Canada comportant l’élément MC (ou son équivalent phonétique MAC) […] La nature de l’entreprise des Opposantes est la restauration et les services de restauration. À ce titre, l’emploi de l’élément MC est employé avec le libellé lié aux produits alimentaires et aux services alimentaires. L’opposante n’est aucunement impliquée dans les affaires immobilières et de courtage d’hypothécaire, par conséquent, il serait très peu probable qu’elle crée de la confusion sur le marché.

[8]  L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de Hope Bagozzi, Michael S. Duchesneau, Darcie Lee et Gay Owens. Aucune preuve n’a été produite par la Requérante. L’Opposante a déposé un plaidoyer écrit et aucune audience n’a été demandée.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[9]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations contenues dans la déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui d’établir le bien-fondé de sa cause.

[10]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298]. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point ii) ci-dessus, le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi que l’allègue l’opposant (mais uniquement à l’égard des allégations relativement auxquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[11]  J’examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. La date pertinente pour l’appréciation du caractère distinctif est la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)]. L’Opposante allègue ce qui suit :

[traduction]

En vertu de l’article 38(2)d), la [Marque] n’est pas distinctive et ne distingue pas réellement ni n’est adaptée pour distinguer les services de la Requérante des produits et services de l’[Opposante] en raison de l’existence, de l’adoption, de l’emploi et de la révélation antérieurs d’une des marques de commerce ou plus de l’Opposante énoncées à l’Annexe « A », ou d’une famille de marques de commerce déposées composées des marques de commerce établies à l’Annexe « A » ou un sous‑ensemble de ces dernières.

L’annexe « A » dresse une liste de plus de 70 marques de commerce déposées.

[12]  Une marque de commerce est distinctive si les consommateurs l’associent à une source unique; si une marque de commerce est liée à plus d’une source, elle ne peut pas être distinctive [Moore Dry Kiln Co of Canada Ltd c US Natural Resources Inc (1976), 30 CPR (2d) 40 (CAF), à la page 49]. L’Opposante allègue que la Marque n’est pas et ne peut pas être distinctive des Services en ce qu’elle ne distingue pas les Services des produits de l’Opposante. L’Opposante a le fardeau initial d’établir, à la date du 18 septembre 2017, que l’une ou plus de ses marques de commerce étaient connues dans une mesure telle qu’elle faisait perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles' International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427, au para 34 qui énonce les exigences pour qu’une opposante s’acquitte de son fardeau en ce qui a trait au caractère distinctif].

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve

[13]  La preuve de l’Opposante résumée ci-dessous est suffisante pour s’acquitter du fardeau de preuve de l’Opposante.

Affidavit de Hope Bagozzi

  [traduction]

a)  Hope Bagozzi est employée par l’opposante McDonald’s Restaurants of Canada Limited depuis octobre 2004 et est l’agente de marketing (para 1). Mme Bagozzi explique la relation entre les opposants et me fournit suffisamment de preuves pour conclure que tout emploi des marques de commerce appartenant à McDonald’s Corporation lui profite en vertu de l’article 50(1) de la Loi (para 3 et 4; Empresa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84). Mme Bagozzi explique au paragraphe 3 que :

McDonald’s Corporation est la propriétaire des diverses marques de commerce et noms commerciaux dont il est question […] McDonald’s Restaurants of Canada Limited (ci-après « McDonald’s Canada ») est une filiale en propriété exclusive de McDonald’s Corporation. De plus, au Canada, les restaurants McDonald’s appartiennent à McDonald’s Canada et sont exploités par McDonald’s Canada ou par des franchisés de McDonald’s Canada […] Toutes les marques de commerce et les dénominations commerciales appartenant à McDonald’s Corporation et employées à tout moment pertinents par McDonald’s Canada et/ou par les franchisés de McDonald’s Canada […] ont été employées sous licence de McDonald’s Corporation. En vertu de cette licence, McDonald’s Corporation exerce un contrôle direct sur la nature et la qualité des produits et services liés.

Au paragraphe 4 de son affidavit, Mme Bagozzi donne des exemples précis de la façon dont McDonald’s Corporation exerce le contrôle, y compris l’examen d’échantillons d’emballage et de matériaux et la fourniture de précisions pour les produits et services fournis en liaison avec les marques de commerce.

b)  McDonald’s Corporation est propriétaire au Canada d’un grand nombre de marques de commerce comportant le préfixe Mc ou Mac qui ont été employés en liaison avec les services de restauration de McDonald’s et une grande variété de produits alimentaires et d’autres articles, y compris les suivants : McDONALD’S, BIG MAC, MCCHICKEN, McCAFE, MCNUGGETS, MCFLURRY et MCMUFFIN (para 8).

c)  Les services de restauration de McDonald’s et la vente de produits alimentaires de McDonald’s se déroulent en liaison étroite avec les marques de commerce de MCDONALD’s, y compris dans les restaurants portant l’enseigne de McDonald’s, les cartes à menus et l’emballage des produits (para 11; Pièces 1 à 3), couvre-plateaux (Pièce 14); et les affiches suspendues au plafond (Pièce 15), comportant tous une marque de commerce ou plus de l’Opposante.

d)  Le premier restaurant McDonald’s au Canada a ouvert ses portes à Richmond, en Colombie-Britannique, en 1967 (para 2). Il y a maintenant plus de 1 400 restaurants McDonald’s au Canada (para 2).

e)  De 2011 à 2016, les ventes annuelles totales des restaurants McDonald’s au Canada ont dépassé 3,5 milliards de dollars. En moyenne, de 2011 à 2017, les ventes annuelles de sandwiches BIG MAC a dépassé 200 millions de dollars, les pépites de poulet McNUGGETS 230 millions de dollars, les sandwiches MCMUFFIN 155 millions de dollars et les sandwiches McCHICKEN 90 millions de dollars (para 9).

f)  Chaque année, McDonald’s dépense des dizaines de millions de dollars en publicité et en promotion de ses produits et services. Depuis au moins dix ans, McDonald’s produit des campagnes de marketing importantes au moins dix fois par année. Ces grandes campagnes de marketing visent à joindre de 75 % à 90 % des ménages au Canada (para 14). La publicité comprend la publicité imprimée dans des journaux, des magazines et du publipostage (Pièces 5 à 8), de la publicité et de la promotion sur les sites Web et dans les médias sociaux (Pièces 9 à 13), de la publicité sur 700 panneaux d’affichage (para 29; Pièce 16) et de la publicité à la télévision et à la radio (para 30 et 31).

g)  McDonald’s Canada et ses franchisés organisent chaque année un événement national de collecte de fonds appelé le GRAND MCDON pour appuyer les organismes de bienfaisance pour enfants, y compris les MANOIRS RONALD MCDONALD (para 36 et 37; Pièces 27 à 29).

Affidavit de Darcie Lee

  [traduction]

h)  Darcie Lee est employée par l’opposante McDonald’s Restaurants of Canada à titre de directrice nationale de la gestion des actifs et de l’impôt foncier depuis décembre 2015 (para 1). Dans son affidavit, elle désigne collectivement les deux opposantes comme McDonald’s, ce que je continue de faire dans les sous-paragraphes ci-dessous.

i)  McDonald’s compte 1 400 restaurants au Canada (para 3).

j)  McDonald’s possède, loue ou licencie la propriété pour tous ses restaurants au Canada (para 4). Elle possède également des biens immobiliers commerciaux excédentaires partout au Canada qu’elle loue à titre de propriétaire à des tiers (para 4). McDonald’s a ses propres services de l’Immobilier et de la Construction situés à Toronto, à Vancouver et à Montréal, qui sont chargés de situer, d’obtenir et de développer des biens immobiliers commerciaux vacants dans le but de construire de nouveaux restaurants McDonald’s partout au Canada (para 7).

k)  Cette activité immobilière commerciale est effectuée par McDonald’s en liaison avec le nom commercial McDonald’s Restaurants of Canada Limited, comme il est indiqué dans la correspondance, les cartes professionnelles et les plans de chantier représentatifs (Pièces 1(a) à 3).

Test pour déterminer la confusion

[14]  En l’espèce, une détermination de la question de confusion entre les marques des parties décide en effet la question du caractère distinctif. Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion avec les marques de commerce de l’Opposante.

[15]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est précisé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même classification de Nice. Pour faire cette évaluation, je dois considérer toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 (CanLII), [2006] 1 RCS 824, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom [de la Marque] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[16]  Les critères à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3 894 207 Canada Inc, 2006 CSC 22 (CanLII), [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je renvoie également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 49, où la Cour suprême du Canada indique que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, sera susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[17]  Enfin, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des Services de la Requérante, fournis sous la Marque, croiraient que ces Services sont fournis par l’Opposante, ou que la Requérante détient une autorisation ou une licence de l’Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[18]  Ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties. La marque de commerce McMORTGAGE a un caractère distinctif inhérent puisqu’il s’agit d’un mot inventé. Toutefois, comme l’élément descriptif MORTGAGE occupe une place prédominante, il est impossible de prétendre que la marque est dotée d’un fort caractère. Comme la marque de commerce MCDONALD’S de l’Opposante est la forme possessive d’un nom de famille, elle possède un caractère distinctif faible. Similairement à la Marque, les marques de commerce de l’Opposante commençant par MC et se terminant par un type d’aliment ou de service comme MCCHICKEN, McCAFE et McNUGGETS ne sont pas des marques fortes puisqu’elles sont dominées par leurs éléments descriptifs.

Mesure où elles sont connues et durée d’utilisation des marques de commerce

[19]  Ce facteur favorise fortement l’Opposante. La Requérante n’a pas démontré l’emploi de la Marque. Compte tenu du volume des ventes associées aux marques de commerce de l’Opposante et les efforts de publicité des Opposantes, on peut présumer, sans risque, que la marque de l’Opposante est connue par à peu près tous les Canadiens en liaison avec les produits et services de restaurant. Enfin, l’Opposante emploie la marque de commerce McDonald’s au Canada depuis les années 1960 en liaison avec des emplacements de restaurants (affidavit Bagozzi, para 2). Dans Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp, [1998] 3 CF 534 (CAF), la Cour d’appel fédérale confirme que la période pendant laquelle une marque de commerce a été en usage constitue un facteur auquel il faut accorder du poids dans l’évaluation de la confusion :

[traduction]

La période pendant laquelle une marque a été en usage est manifestement un facteur susceptible de faire naître la confusion chez le consommateur quant à l’origine des marchandises ou des services. Par rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids.

 

La nature des produits, des services ou des entreprises, et la nature du commerce

[20]  La nature des produits, services et échanges commerciaux de base des parties est très différente et cible différents consommateurs (ceux qui cherchent des services financiers et ceux qui cherchent un repas rapide et peu coûteux). Même si la nature des biens, des services ou des affaires et du commerce est très différente, je constate qu’il existe un lien limité entre eux. Plus précisément, compte tenu du nombre d’emplacements physiques des restaurants McDonald’s, les consommateurs peuvent considérer que l’Opposante et ses franchisés participent au secteur de l’immobilier au Canada.

Degré de ressemblance

[21]  Le degré de ressemblance entre les marques de commerce sera souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, précitée, au para 20].

[22]  La marque de commerce McMORTGAGE présente au moins un certain degré de ressemblance tant en apparence qu’en son par rapport à un certain nombre de marques de commerce formatives « Mc » de l’Opposante, y compris MCDONALD’S. Par contre, les marques de commerce en cause ne suggèrent pas les mêmes idées. Bien qu’un certain nombre des marques de commerce de l’Opposante suggèrent un nom, un nom de famille ou un produit alimentaire, aucune ne suggère l’idée d’un produit financier lié à l’immobilier.

Circonstances de l’espèce – famille de marques

[23]  Comme autre circonstance de l’espèce supplémentaire, l’Opposante se fonde sur sa famille ou sa série de marques. L’Opposante fait valoir que le fait qu’elle possède une famille de marques de commerce qui comprennent les préfixes MC et MAC pour les produits alimentaires et les services de restauration, accroît la probabilité de confusion [McDonald’s Corp. c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR(2d) 101 (CF 1re inst)]. L’Opposante a prouvé l’existence d’une grande famille de marques débutant par MC en combinaison avec un nom lié à un produit alimentaire ou à un restaurant ayant d’importantes ventes, y compris MCNUGGETS, MCCHICKEN, MCMUFFIN et MCCAFE. Toutefois, je n’estime pas que la famille de marques de commerce de l’Opposante soit particulièrement pertinente parce que le deuxième élément de la Marque est un produit de services financiers plutôt qu’un produit lié à la restauration [McDonald’s Corp c McKenna, 1997 CanLII 15884 (COMC)].

Conclusion

[24]  La preuve de Mme Bagozzi est que la marque de commerce de l’Opposante McDONALD’S est célèbre au Canada et bon nombre des marques de commerce pour ses produits alimentaires liés sont bien connues, sinon aussi célèbres en raison du niveau des ventes et de la publicité. En raison du nombre de restaurants McDonald’s que j’estime être environ 1 400 à la date pertinente, je conclus que la prépondérance des probabilités est équilibrée également entre une conclusion de confusion entre les marques des parties et une conclusion de non-confusion. Plus précisément, j’estime que les consommateurs qui rencontrent McMORTGAGE peuvent, de première impression, croire que cette marque de commerce est une indication des services financiers fournis à ceux qui cherchent à posséder une franchise de MCDONALD’S ou une franchise semblable ou que les services visés par la demande sont autrement affiliés ou liés à l’Opposante. La Requérante n’ayant présenté ni preuve ni observations, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de prouver que la Marque est distinctive ou est adaptée à distinguer les Services selon la prépondérance des probabilités. Ce motif d’opposition est donc accueilli.

Motif d’opposition fondé sur les articles 30i) et 22

[25]  J’examinerai maintenant le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur les articles 30i) et 22 de la Loi. La date pertinente qu’il faut considérer relativement à ce motif d’opposition est la date de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la page 475]. L’Opposante allègue ce qui suit :

[traduction]

[…] la demande n’est pas conforme à l’article 30i) puisque la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la [Marque] en liaison avec les services indiqués à la lumière des faits établis ci-dessus. Plus particulièrement, la Requérante savait ou aurait dû savoir que l’emploi de la marque de commerce en question en liaison avec les services énumérés aurait vraisemblablement pour effet de déprécier la valeur de l’achalandage rattaché à l’une ou plus des marques de commerce déposées de l’Opposante énoncées à l’Annexe A [à la déclaration d’opposition telle qu’elle a été produite] […] contrairement à l’article 22.

[26]  L’article 22(1) de la Loi énonce ce qui suit :

Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

[27]  L’article 30) de la Loi exige que tout requérant se déclare convaincu qu’il a droit d’employer la marque visée par la demande. Selon la jurisprudence, il peut y avoir violation de l’article 30i) dans l’une des deux situations suivantes. La première vise des cas exceptionnels, par exemple l’existence de mauvaise foi qui rend fausse la déclaration dans laquelle le requérant affirme être convaincu qu’il a le droit d’utiliser la marque de commerce visée par la demande [Sapodilla Co. Ltd. c Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la page 155; Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la page 369]. En l’espèce, aucun élément de preuve ne tend à indiquer l’existence de mauvaise foi chez la Requérante. La deuxième circonstance est lorsqu’il y a une non-conformité à première vue d’une loi fédérale en vertu du principe général selon lequel le registraire ne peut pas sanctionner l’enregistrement d’une marque si l’emploi de la marque contrevient à la législation fédérale, y compris la Loi [Interactiv Design Pty Ltd. c Grafton-Fraser Inc. (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC), aux pages 542 et 543; Bojangles’ International, LLC v Bojangles Café, 2004 CanLII 71764 (COMC) cité dans Dairy Processors Association of Canada c Dairy Farmers of Canada, 2014 CF 1054; River Island Clothing Co c International Clothiers Inc, 2013 COMC 88] avec la mise en garde suivante. L’article 30i) n’est pas une [traduction] « clause fourre-tout ». Par conséquent, un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) fondé sur une allégation selon laquelle la requérante n’a pas le droit d’enregistrer la marque de commerce visée par la demande ou qu’elle n’est pas distinctive ou qu’elle n’est pas enregistrable sera déclaré invalide puisqu’il s’agit d’un double motif d’opposition comme ceux énoncés aux articles 38(2)b) à 2d) respectivement [Ali Baba’s Middle Eastern Cuisine Ltd c Nilgun Dardere, 2012 COMC 223, au para 15].

[28]  Le registraire a déjà fait remarquer que ni le registraire ni la Cour fédérale n’ont tranché la question de savoir si un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) fondé sur la violation de l’article 22 est un motif d’opposition valable [Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19, au para 13; Parmalat Canada Inc. c Sysco Corp., 2008 CF 1104, 69 CPR (4th) 349 (CF), aux para 38 à 42]. J’estime qu’il s’agit d’un motif d’opposition valide puisque le registraire ne saurait consentir à l’enregistrement d’une marque si le demandeur de cette marque l’emploie d’une manière qui contrevient aux lois fédérales, y compris à la Loi. Je conclus que cette affaire est analogue aux cas où le registraire a conclu qu’un motif d’opposition fondé sur la violation de l’article 7b) en vertu de l’article 30i) était valable [Bojangles, précitée; voir aussi la discussion dans Dairy Processors Association of Canada c Dairy Farmers of Canada, précitée, aux para 38 à 45].

[29]  Dans Veuve Clicquot, précitée au para 46, le juge Binnie a identifié quatre éléments requis pour l’article 22 qui sont énoncés en gras ci-dessous. Étant donné que l’Opposante a fourni la preuve de chacun de ces éléments comme il est décrit ci-dessous, je conclus qu’il a satisfait à son fardeau de preuve initial.

a)  Emploi – la demande revendique l’emploi depuis le 1er mars 2008. Bien que McMORTGAGE ne soit pas l’une des marques de commerce déposées de l’Opposante, puisqu’elle commence par MC et qu’elle est suivie d’une description des produits financiers associés, elle est suffisamment similaire aux marques de commerce déposées de l’Opposante, y compris McDONALD’S (LMC141,977), MCFLURRY (LMC477,525), MCNUGGETS (LMC393,609), MC CHICKEN (LMC275,398) et MCMUFFIN (LMC321,522), toutes enregistrées à la date pertinente (affidavit Gay Owens, Pièce 1). Cette interprétation donne lieu à l’emploi d’une marque de commerce si proche de ces marques de commerce de l’Opposante qu’elle soit comprise comme l’une de ses marques [Venngo Inc v Concierge Connection Inc (Perkopolis), 2017 CAF 96, aux para 13, 80].

b)  Suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable – L’Opposante a démontré un emploi important de ses marques de commerce McDONALD’S, MCFLURRY, MCNUGGETS, MC CHICKEN et MCMUFFIN, y compris des ventes importantes par l’entremise de ses restaurants et de la publicité et de la promotion de ses marques de commerce partout au Canada. Les marques de commerce enregistrées de l’Opposante sont célèbres et suffisamment connues pour que l’achalandage y soit attaché. De plus, l’accroissement de l’achalandage est attribuable aux efforts de bienfaisance de l’Opposante [Toys « R » Us (Canada) Ltd. c Herbs « R » Us Wellness Society, 2020 CF 682, au para 57, où des preuves semblables des efforts de bienfaisance ont contribué à l’achalandage].

c)  Faire surgir un lien – Je conclus qu’un lien, une liaison ou une association mentale qui est susceptible d’avoir une incidence sur l’achalandage [Veuve Clicquot, précitée, aux para 46, 56] existerait dans l’esprit d’un consommateur en raison de la construction similaire de la marque de commerce McMORTGAGE, à la lumière de l’emploi, des ventes et de la publicité étendues des produits et services de l’Opposante en liaison avec ses marques déposées mentionnées ci-dessus. Même si je suis consciente que la Cour suprême affirme que le lien entre l’emploi d’un demandeur et l’achalandage d’un défendeur est une question de « preuve, non de spéculation » (paragraphe 60), je conclus qu’étant donné la preuve de l’Opposante quant à son emploi étendu, ma conclusion selon laquelle l’Opposante a démontré cet élément n’est pas spéculative.

d)  Dommages-intérêts – Je conclus que les dommages-intérêts peuvent être déduits de la probabilité d’« affaiblissement » du pouvoir de la marque McDonald’s de distinguer les produits de l’Opposante : Veuve Clicquot, aux para 63 et 64. Comme dans la décision récente Toys « R » Us (Canada) Ltd., précité, au para 62, il n’y a pas de preuve ou de raison apparente pour la Requérante d’adopter et d’employer la marque de commerce McMORTGAGE autrement que pour compromettre l’achalandage et la réputation établies par l’Opposante et cela amène à une conclusion de dépréciation.

[30]  Par conséquent, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve de soulever une affaire prima facie que l’emploi de la Requérante n’est pas conforme à l’article 22 de la Loi. Puisque la Requérante n’a présenté aucune preuve ni observation, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime et ce motif d’opposition est admis. Si la Requérante avait produit des preuves ou observations, le résultat de ce motif d’opposition aurait bien pu être différent.

Autres motifs d’opposition

[31]  Étant donné que j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante pour deux motifs d’opposition, je ne considère pas qu’il soit nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition.

Décision

[32]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

Agents au dossier

Smart & Biggar

Pour les Opposantes

Aucun agent nommé

Pour la Requérante

 

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