Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 118

Date de la décision : 2020-10-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Famic Technologies Inc.

Opposante

et

 

Bluebeam, Inc.

Requérante

 

1,733,035 pour STUDIO GO et DESSIN

Demande

[1]  Famic Technologies Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce STUDIO GO et DESSIN (la Marque), présentée ci-dessous, qui fait l’objet de la demande no 1,733,035 au nom de Bluebeam, Inc. (la Requérante).

Le Dossier

[2]  La demande visant la Marque a été produite le 16 juin 2015 sur la base de son emploi au Canada depuis au moins en février 2015 en liaison avec :

Logiciel serveur permettant d’héberger de multiples utilisateurs collaboratifs lors de la reconnaissance et de la reproduction de pages pour la visualisation, l’impression, l’édition, l’organisation, l’annotation et l’indexation de commentaires électroniques ainsi que le stockage de documents et de dossiers électroniques, y compris en format PDF (format de document portable).

(les Produits)

[3]  La demande revendiquait aussi une date de priorité de production du 18 décembre 2014 fondée sur la demande no 86/484,749 aux États-Unis.

[4]  La Marque a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 30 mars 2016 et, le 17 mai 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Tous les renvois dans la présente décision sont faits à la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des renvois faits aux motifs d’opposition, qui renvoient à la Loi avant sa modification [voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date].

[5]  L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur les articles 30 (non-conformité); 12 (non-enregistrabilité); 16 (absence d’un droit à l’enregistrement); et 2 (absence de caractère distinctif) de la Loi, tel qu’il est précisé à l’Annexe A de la présente.

[6]  Le 19 juillet 2016, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition.

[7]  Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit :

·  des copies certifiées des enregistrements des marques de commerce nos LMC463,461 pour AUTOMATION STUDIO et LMC835,102 pour AUTOMATION STUDIO PLC;

·  l’affidavit de Charbel Nasr, président de l’Opposante, assermenté le 7 octobre 2016 (l’affidavit Nasr). L’affidavit Nasr fournit des renseignements sur les activités de l’Opposante, y compris la promotion et l’emploi de la marque de commerce AUTOMATION STUDIO au Canada. M. Nasr a été contre-interrogé au sujet de son affidavit, et la transcription de son contre-interrogatoire fait partie du dossier.

[8]  À l’appui de sa demande, la Requérante a produit deux affidavits au nom de Diane Montreuil, adjointe administrative employée par le cabinet d’avocats représentant la Requérante, tous deux assermentés le 12 septembre 2017 (le premier affidavit Montreuil et le deuxième affidavit Montreuil, respectivement). Le premier affidavit Montreuil présente la preuve de l’état du registre sous forme de recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes. Le deuxième affidavit Montreuil introduit en preuve des extraits de la même base de données concernant les enregistrements des marques de commerce de la Requérante nos LMC975,152 pour STUDIO et LMC849,926 pour STUDIO Logo, qui portent sur les mêmes produits que ceux énumérés dans la demande visant la Marque. Mme Montreuil n’a pas été contre-interrogée au sujet de ses affidavits. La Requérante a par la suite demandé et s’est vu refuser l’autorisation de produire des éléments de preuve supplémentaires le 3 juillet 2020.

[9]  Seule la Requérante a produit des observations écrites. Bien qu’une audience ait été prévue à la demande des deux parties, elle a finalement été annulée lorsqu’elles ont décidé de ne pas y assister.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[10]  L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)]. Si elle s’acquitte de ce fardeau, la Requérante a ensuite le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi.

[11]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la demande, soit le 16 juin 2015 [Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la p. 475 (COMC)]; John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293, à la p. 296 (CF 1re inst); Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc, (1990) 28 CPR (3d) 428, aux p. 432 et 433 (COMC)];

·  articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991) 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  article 38(2)c) et 16 de la Loi – la date de premier emploi revendiquée dans la demande (étant donné que la date de premier emploi dans la demande est février 2015, elle est interprétée comme le 28 février 2015) [article 16(1) de la Loi];

·  articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir le 17 mai 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse

Article 30b)

[12]  L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve ou n’a présenté aucune observation à l’appui de ce motif d’opposition. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Article 30i)

[13]  L’article 30i) de la Loi exige qu’un requérant inclue dans sa demande une déclaration portant qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer sa marque de commerce. Lorsque cette déclaration est fournie, un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve d’agissement de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Le simple fait que la Requérante ait pu connaître l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux de l’Opposante ne suffit pas pour établir que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir le droit d’employer sa Marque, comme l’allègue l’Opposante [voir Woot, Inc c WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. La demande visant la Marque contient la déclaration exigée et il n’y a aucune preuve que la présente espèce est un cas exceptionnel.

[14]  De plus, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de son allégation selon laquelle la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque en raison de l’application combinée de l’article 30i) et de l’article 7b) ou de l’article 22 de la Loi. L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui des trois éléments requis d’une violation de l’article 7b) [tels qu’ils sont énoncés dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 RCS 120, au para 33] et n’a produit aucun élément de preuve à l’appui d’une probabilité de dépréciation de l’achalandage pour établir une violation de l’article 22 [tel qu’il est énoncé dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, aux para 46 et 63 à 68].

[15]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Article 12(1)d)

[16]  Le fardeau de preuve initial d’un opposant est satisfait à l’égard d’un motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d) si l’enregistrement invoqué est en règle. À cet égard, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de tout enregistrement invoqué par un opposant [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Après avoir exercé mon pouvoir discrétionnaire, je confirme que les enregistrements nos LMC463,461 et LMC835,102 sont en règle.

[17]  La Requérante doit maintenant démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[18]  Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est précisé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[19]  En faisant une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Veuve Clicquot; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que la ressemblance entre les marques aura souvent le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[20]  Les marques de commerce en cause possèdent un degré de caractère distinctif inhérent tout aussi faible, en liaison avec les produits qu’elles visent respectivement. Les marques des deux parties sont composées de mots de dictionnaire ordinaires. Le terme AUTOMATION est descriptif de la fonction logicielle de l’Opposante (confirmée par l’avertissement contenu dans l’enregistrement de sa marque de commerce no LMC463,461) et, dans la mesure où le logiciel de l’Opposante a une fonction de conception, la combinaison AUTOMATION STUDIO évoque sans doute l’atelier virtuel où la conception se produit et les simulations d’automatisation sont faites. L’acronyme PLC (que l’Opposante n’a pas défini) dans la marque de commerce AUTOMATION STUDIO PLC de l’Opposante ajoute peu au caractère distinctif inhérent de cette marque dans son ensemble. De même, dans la mesure où le logiciel de la Requérante englobe une fonction de reproduction en rapport avec l’édition de documents, la combinaison STUDIO GO évoque sans doute l’atelier virtuel où se déroule la modification de documents. La stylisation et la caractéristique du dessin inclus dans la Marque n’ajoutent pas grand-chose à son caractère distinctif inhérent. Cela dit, la marque de la Requérante est légèrement plus distinctive en raison de l’inclusion du mot GO, qui n’est ni suggestif ni descriptif des produits connexes.

Mesure dans laquelle les marques de commerce étaient connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[21]  Ces facteurs ne favorisent pas de manière significative l’une ou l’autre partie. En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce des parties respectives sont devenues connues, la Requérante n’a présenté aucune preuve que sa Marque a été employée ou est devenue connue dans une certaine mesure au Canada. En ce qui a trait aux marques de commerce déposées AUTOMATION STUDIO et AUTOMATION STUDIO PLC de l’Opposante, je ne suis pas convaincue que les éléments de preuve de cette dernière démontrent que ses marques sont connues dans une large mesure au Canada ou établissent plus qu’un emploi minimal.

[22]  Selon le témoignage de M. Nasr :

  L’Opposante (également connue sous le nom de « Famic » et « Automation Studio » [para 1]) a pour mission de proposer des produits et services d’ingénierie logicielle et d’automatisation industrielle [para 4].

  Depuis 1986, l’Opposante commercialise un logiciel de conception et de simulation de systèmes sous la marque AUTOMATION STUDIO, qui était initialement destiné à l’éducation et à la formation sur les systèmes hydrauliques, et qui est depuis utilisé à grande échelle dans le secteur industriel pour la conception, l’ingénierie, l’entretien de systèmes en plus de la formation [para 5]. Plus précisément, le logiciel gère les connaissances techniques des machines. Il porte sur les technologies hydrauliques, pneumatiques, électrotechniques, électriques, de commande et de communication (machine) qui peuvent être utilisées pour concevoir, tester et documenter des systèmes et inclut des interfaces interactives personnalisables [para 6, transcription Nasr, p. 7 à 11].

  Le logiciel AUTOMATION STUDIO se présente dans une édition professionnelle et pédagogique ainsi que dans une édition « Live Manifold » utilisée pour la conception, l’estimation et le prototypage des blocs forés hydrauliques [para 7, Pièce NS-1].

  Entre 2005 et 2016, les ventes totales de l’Opposante au Canada pour le « programme » AUTOMATION STUDIO ont dépassé 4 M$ et l’Opposante a dépensé plus de 185 000 $ pour promouvoir ce « programme informatique » [para 12 et 13].

  Depuis 2005, l’Opposante publie son logiciel AUTOMATION STUDIO sur ses sites Web aux adresses : http://www.famictech.com/fr/ et http://www.automationstudio.com/index_fr.html et en distribuant sa brochure [para 8 à 11, Pièces NS-1 à NS-3]. Le logiciel de l’Opposante a également fait l’objet de promotion par la participation à des foires commerciales, par ce qui semble être de la publicité imprimée et par des articles de tiers [Pièce NS-4].

[23]  Toutefois, je note que M. Nasr ne fournit aucun exemple d’emploi réel des marques de commerce de l’Opposante au sens de l’article 4 de la Loi. M. Nasr ne fournit pas d’étiquettes, de colis, de factures ou d’exemples clairs de la façon dont l’Opposante présente l’une quelconque de ses marques de commerce en relation avec ses produits logiciels au moment de la vente. Il ne fait aucune déclaration au sujet de transactions particulières ou de la pratique normale du commerce de l’Opposante.

[24]  En ce qui concerne la marque AUTOMATION STUDIO PLC, M. Nasr est complètement silencieux. Pour ce qui est de la marque AUTOMATION STUDIO, M. Nasr ne fournit aucune documentation à l’appui de ses déclarations selon lesquelles l’Opposante commercialise le logiciel depuis 1986. Même si je devais accepter d’après ses déclarations que les ventes du logiciel AUTOMATION STUDIO ont été effectuées entre 2005 et 2016 et même si je devais déduire de l’importance même des chiffres de vente fournis que ces ventes ont été faites dans la pratique normale du commerce de l’Opposante, le témoignage de M. Nasr n’offre que peu de renseignements sur la façon dont cette marque de commerce était réellement associée au logiciel de l’Opposante au moment du transfert.

[25]  Je remarque ce qui peut être des images de l’emballage du produit logiciel arborant la marque AUTOMATION STUDIO représentée dans certains extraits du site Web de l’Opposante [Pièce NS-1] et dans sa brochure pour la version éducationnelle du logiciel [Pièce NS-3]. Cependant, ces images ne sont pas toutes très claires et je suis troublée par le fait que M. Nasr n’indique pas si, quand ou comment l’emballage de produits arborant l’une de ses marques de commerce peut avoir été utilisé. Je remarque également que les sites Web de l’Opposante semblent permettre aux consommateurs de demander des démonstrations en ligne du produit. Cependant, M. Nasr ne fait aucune déclaration au sujet des démonstrations de produits et, en particulier, du fait que de telles démonstrations ont été effectivement demandées par les consommateurs canadiens ou fournies à ces derniers. Il n’y a pas non plus d’indication du nombre de visiteurs canadiens sur les sites Web de l’Opposante à tout moment, d’indication de la question de savoir si les consommateurs canadiens ont utilisé la brochure promotionnelle ou les sites Web de l’Opposante pour commander ses produits logiciels ou si des brochures promotionnelles accompagnent ces produits au moment du transfert, ni d’indication quant à la quantité de publicité et de diffusion potentielle au Canada de la brochure de l’Opposante ou d’un des articles de tiers.

[26]  L’enregistrement de l’Opposante pour la marque AUTOMATION STUDIO montre qu’une déclaration d’emploi a été produite le 11 juin 1996. L’enregistrement de l’Opposante pour la marque de commerce AUTOMATION STUDIO PLC montre qu’une déclaration d’emploi a été produite le 26 octobre 2012. En l’absence d’éléments de preuve établissant clairement l’emploi en vertu de l’article 4 de la Loi, je ne peux que déduire l’emploi minimal des marques de commerce de l’Opposante à partir des certificats d’enregistrement [Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 FC 951, au para 37; Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC), à la p. 430]. L’inférence d’un emploi minimal ne permet pas de conclure que les marques de commerce de l’Opposante étaient connues dans une mesure significative ou qu’elles ont nécessairement été employées de façon continue depuis les dates énoncées respectivement [Krauss-Maffei Wegmann GmbH & Co KG c Rheinmetall Defence Electronics GmbH, 2017 COMC 50, au para 20].

Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[27]  Pour évaluer le genre de produits et services et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits et services de la Requérante avec ceux figurant dans les enregistrements invoqués par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être interprété dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve établissant la nature réelle des activités exercées par les parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[28]  Ce facteur favorise l’Opposante dans la mesure où les marques de commerce en question couvrent tous les logiciels. Je souscris aux arguments de la Requérante selon lesquels la fonction et le domaine d’emploi du logiciel doivent être pris en considération. Toutefois, bien que la fonction principale et le domaine d’emploi des logiciels respectifs des parties en l’espèce soient certes différents, je conclus qu’il existe un chevauchement ou au moins un lien entre les produits des parties dans la mesure où le logiciel AUTOMATION STUDIO de l’Opposante contient également une fonction de collaboration et permet la gestion de documents, y compris la visualisation, l’organisation et le stockage de documents (y compris en format PDF [format de document portable]) [transcription Nasr, aux p. 17 à 19 et 21]. En l’absence d’éléments de preuve ou d’arguments en ce qui concerne les consommateurs visés par le produit de la Requérante ou la nature de son commerce, il n’y a aucune raison de conclure que les voies de commercialisation des parties ne pourraient pas également se chevaucher.

Degré de ressemblance

[29]  Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il faut examiner dans leur ensemble les marques de commerce et non scruter séparément chacun de leurs éléments constitutifs. Le critère approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot, au para 20]. Néanmoins, dans certains cas, la première partie d’une marque de commerce peut s’avérer la plus importante aux fins de la distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Dans cette optique, ce facteur favorise la Requérante.

[30]  Dans leur ensemble, j’estime que les marques de commerce déposées des parties sont plus différentes que semblables. Les marques se ressemblent dans la mesure où elles partagent le mot STUDIO et évoquent donc toutes un espace virtuel où les fonctions logicielles respectives des parties sont exécutées. Cependant, à part ce mot commun et l’idée qu’elle suggère, la Marque ne ressemble à aucune des marques de commerce de l’Opposante dans la présentation ou le son. Les marques comprennent différents éléments supplémentaires et commencent et se terminent par des composantes différentes, ce qui donne aussi des structures différentes. De plus, comme je l’ai mentionné ci-dessus, le terme AUTOMATION est descriptif dans le contexte des produits de l’Opposante, alors que le mot GO ne semble pas avoir de signification claire dans le contexte des produits de la Requérante et, en tant que telles, les idées que suggèrent les marques des parties dans leur ensemble diffèrent également. Somme toute, lorsqu’on les examine dans leur ensemble, le degré de ressemblance entre les marques est faible.

Circonstances de l’espèce – coexistence

[31]  Le deuxième affidavit Montreuil contient des détails des enregistrements des marques de commerce de la Requérante nos LMC975,152 pour STUDIO et LMC849,926 pour STUDIO Logo, qui, selon la Requérante, coexistent déjà à la fois dans le registre et sur le marché avec les marques de commerce déposées invoquées par l’Opposante.

[32]  Je ne considère pas que l’existence des enregistrements des marques de commerce de la Requérante soit déterminante [Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH/Produits Ménagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108, à la p. 115 (COMC)]; Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533, à la p. 538 (COMC); American Cyanamid Co c Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 CPR (3d) 571 (COMC); 385229 Ontario Limited c ServiceMaster Company, 2012 COMC 59, au para 47], surtout que la Requérante n’a présenté aucune preuve de coexistence sur le marché.

Circonstances en l’espèce – état du registre

[33]  La preuve de l’état du registre est produite pour démontrer le caractère distinctif commun ou l’absence de caractère distinctif d’une marque ou, comme en l’espèce, d’une partie d’une marque. Il est établi que lorsque des marques de commerce renferment un élément commun qui fait également partie de plusieurs autres marques sur le même marché, cela a tendance à amener les consommateurs à prêter davantage attention aux autres éléments qui ne sont pas communs aux marques en question et à les distinguer [K-Tel International Ltd c Interwood Marketing Ltd (1997), 77 CPR (3d) 523 (CF 1re inst)]. Cela dit, cette preuve n’est pertinente que dans la mesure où des inférences peuvent en être tirées en ce qui concerne l’état du marché, lesquelles ne peuvent être tirées que lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents sont trouvés [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[34]  Dans le premier affidavit Montreuil, Mme Montreuil affirme qu’elle a cherché dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes des marques de commerce actives qui renferment le mot STUDIO et qui sont soit visées par la demande, soit enregistrées pour être employées en liaison avec des logiciels ou des modèles SaaS (SaaS). Des copies d’imprimés d’écran des renseignements complets des 112 marques de commerce provenant de sa recherche sont jointes en vrac à son affidavit [Pièce DM-1].

[35]  Dans ses observations écrites, la Requérante fait valoir que [traduction] « il ressort clairement des 112 [marques de commerce] reproduites dans la Pièce DM-1 […] que le mot “studio” est adopté par de nombreux propriétaires [marques de commerce] différents dans le domaine des logiciels ». Il n’est pas clair si la Requérante est d’avis que la preuve de l’état du registre produite est pertinente, peu importe la question de savoir si le domaine et la fonction des produits et services logiciels visés par les résultats obtenus sont semblables ou non. Quoi qu’il en soit, je note que les résultats de recherche assez longs de Mme Montreuil ne sont ni paginés, ni résumés de quelque manière que ce soit et qu’ils ne semblent pas être organisés dans un ordre particulier (par exemple, en ordre alphabétique, par marque de commerce ou par statut, ou numériquement, par numéro de demande ou d’enregistrement). Je note en outre que Mme Montreuil n’a pas limité sa recherche aux marques de commerce admises ou déposées et que sa preuve inclue donc aussi des résultats non pertinents sous forme de marques – formalités accomplies, en défaut, a fait l’objet d’une recherche/durant l’examen et même en opposition. Étant donné que la Requérante n’a fait aucun effort pour indiquer précisément les résultats pertinents ou, à tout le moins, les présenter d’une manière clairement identifiable, je ne crois pas être tenue d’examiner les détails de chaque extrait de registre inclus dans la preuve de Mme Montreuil pour effectuer ce qui constitue essentiellement la partie significative de la recherche à la place de la Requérante et l’aider à faire valoir son point de vue à cet égard.

[36]  La Requérante soutient en outre que [traduction] « bon nombre des marques formatives “studio” » trouvées par Mme Montreuil [traduction] « visent les logiciels décrits comme ayant une fonction de collaboration », mais cette fois-ci elle attire plus particulièrement l’attention sur cinq enregistrements suivants :

[37]  L’enregistrement no LMC627,300 n’est pas pertinent car il a depuis été supprimé du registre pour défaut de renouvellement. Le reste de ces enregistrements appuie dans une certaine mesure l’affirmation de la Requérante. Toutefois, étant donné le faible nombre d’enregistrements précisément indiqués par la Requérante et en l’absence de preuve de l’emploi réel, je ne suis pas disposée à tirer des inférences portant sur l’état du marché en ce qui concerne les produits et services logiciels comprenant des fonctions de collaboration et de gestion de documents.

[38]  Cela dit, en l’espèce, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de compter sur le témoignage de Mme Montreuil pour tirer une conclusion favorable à la Requérante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[39]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec les marques de commerce AUTOMATION STUDIO et AUTOMATION STUDIO PLC invoquées par l’Opposante. J’arrive à cette conclusion principalement parce que je conclus que le manque de ressemblance entre les marques de commerce en question dans la présentation et le son l’emporte sur le chevauchement possible en ce qui a trait aux produits des parties et le chevauchement possible de leurs voies de commercialisation. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Articles 16(1)a) et 16(1)c)

[40]  Je ne suis pas convaincue que les éléments de preuve présentés démontrent que l’Opposante a utilisé l’une de ses marques de commerce ou l’un de ses noms commerciaux incorporant le mot STUDIO au Canada, à compter de la date du premier emploi alléguée de la Marque [voir l’article 16(5) de la Loi], et qu’une inférence d’emploi minimal fondée sur des copies certifiées conformes des enregistrements d’un opposant ne satisfait pas aux exigences de l’article 16 de la Loi [Rooxs, Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)]. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(1)c) sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[41]  J’ajouterais que le résultat global de ces motifs serait identique même si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve, étant donné que je conclus que la Marque ne créait pas de confusion avec les marques ou les noms invoqués par l’Opposante à la date de premier emploi revendiquée dans la demande (principalement en raison du degré insuffisant de ressemblance entre les marques, comme je l’ai indiqué ci-dessus).

Article 2

[42]  En ce qui concerne le premier volet de ce motif, une fois que les chiffres partiels pour 2016, où aucune ventilation mensuelle n’a été fournie, ont été actualisés, l’Opposante a fourni la preuve que ses ventes pour le « programme » AUTOMATION STUDIO se sont élevées à près de 4 M$ et qu’elle a dépensé près de 180 000 $ pour en faire la promotion [affidavit Nasr, para 12 et 13]. Toutefois, les éléments de preuve ne permettent pas d’évaluer (même de façon générale) le nombre de consommateurs canadiens de l’Opposante ou la quantité de logiciels vendus au Canada en tout temps. Il n’y a pas non plus de preuve de l’étendue de la distribution des brochures produites en preuve de l’Opposante, ou de la façon dont la distribution a été faite, des visites ou des utilisateurs de ses sites Web ou du nombre de Canadiens qui ont pu être exposés à la publicité ou à la promotion de ses produits logiciels. Par conséquent, il m’est impossible de tirer une conclusion significative quant à l’étendue de l’emploi, de la publicité ou de la réputation de l’une des marques de commerce ou de l’un des noms commerciaux invoqués au Canada [pour une discussion sur ce qu’un opposant est tenu de fournir afin de s’acquitter de son fardeau en ce qui concerne le caractère distinctif, voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 25 à 34; Scott Paper Ltd c Georgia-Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478; et 1648074 Ontario Inc c Akbar Brothers (PVT) Ltd, 2019 CF 1305].

[43]  Par conséquent, le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[44]  Le deuxième volet de ce motif (emploi allégué non autorisé de la marque par des tiers en violation de l’article 50 de la Loi) est également rejeté, car l’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve ou n’a présenté aucune observation à cet égard.

[45]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté dans son intégralité.

Décision

[46]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


Annexe A

Extraits de la déclaration d’opposition

[…]

CONFORMITÉ

 

 

 

MARQUE en liaison avec chacun des produits mentionnés dans la demande sous opposition est discontinu, pour tout ou partie des produits y mentionnés et ce, contrairement à l’alinéa 30(b) de la Loi;

 

 

 

 

ENREGISTRABILITÉ

 

et ce, contrairement aux dispositions de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi.

 

DROIT À L’ENREGISTREMENT

 

 

et ce, contrairement aux dispositions de l’alinéa 16(1)(a) de la Loi;

 

et ce, contrairement aux dispositions de l’alinéa 16(1)(c) de la Loi.

 

DISTINCTIVITÉ

 

 

 

[…]


 

Annexe B

État déclaratif des produits visés par l’enregistrement no LMC463,461

Logiciel de formation et de conception utilisé dans le domaine des technologies de l’automatisation.

 

État déclaratif des produits visés par l’enregistrement no LMC835,102

[traduction]

Logiciel informatique destiné à la programmation et à la configuration de contrôleurs pour l’automatisation industrielle et pour la formation à la technologie d’automatisation.

 

 


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