Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 128

Date de la décision : 2020-11-17

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

WiringPro Corporation Inc.

Opposante

et

 

Sensolutions Inc.

Requérante

 

1,548,572 pour MAKE THE CONNECTION

Demande

Introduction

[1]  Sensolutions Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce MAKE THE CONNECTION (la Marque) en liaison avec les produits suivants en fonction d’une revendication de l’emploi de la Marque au Canada depuis aussi tôt que juin 2009.

Connecteurs de câbles, nommément pour câbles et fils d’automobile électriques et électroniques; connecteurs de cartes de circuits imprimés, nommément pour circuits électriques d’automobile ainsi que câbles et fils de connecteurs électroniques d’automobile; câbles et fils d’automobile électriques et électroniques; adaptateurs de câbles d’automobile électriques et électroniques; boîtiers de connecteurs de câbles d’automobile électriques et électroniques, protecteurs de câble; boîtiers d’adaptateurs d’éclairage pour câbles et fils de connecteurs d’automobile électriques et électroniques; boîtiers d’adaptateurs d’allume-cigarettes pour câbles et fils de connecteurs d’automobile électriques et électroniques; appareils électroniques, nommément appareils de diagnostic pour automobiles permettant de relier un raccord autodiagnostic d’automobile et de l’équipement de télématique automobile à un appareil informatique. (les Produits)

[2]  WiringPro Corporation Inc. (l’Opposante) est propriétaire d’une demande en instance pour la marque de commerce MAKE THE CONNECTION (la marque de commerce de l’Opposante ou la marque WP) en liaison avec des produits, y compris des « connecteurs de fils ». La demande de l’Opposante a été déposée après la demande en question, mais revendique une date de premier emploi antérieure au Canada.

[3]  Pour les motifs qui suivent, j’estime que la demande devrait être rejetée.

Le dossier

[4]  La demande relative à la Marque a été produite le 20 octobre 2011 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 26 novembre 2014. Le 20 janvier 2015, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 30, 16 et 2 de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi tel qu’il se lit avant le 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[5]  Le 14 mars 2015, la Requérante a déposé et signifié une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[6]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Marilyn Fraser (assermenté le 19 juillet 2016). Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Corinne Timmer (assermenté le 15 décembre 2016). En réponse, l’Opposante a produit l’affidavit d’Ivone Vieira (assermenté le 27 décembre 2017). Mme Timmer a été contre‑interrogée relativement à son affidavit.

[7]  Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. Seule l’Opposante a été représentée à une audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[8]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’examinerai les exigences concernant i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations formulées dans la déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe à un requérant, soit celui de prouver sa cause.

[9]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposant a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Limited c Molson Companies Limited, 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 à 298 (CF 1re inst)]. La présence d’un fardeau de preuve imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point ii), le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue l’opposant (dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe à une requérante signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, selon la norme de la prépondérance des probabilités, la question doit être tranchée à l’encontre de la requérante.

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition en vertu de l’article 30

[10]  La date pertinente pour examiner un motif d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p. 475].

Article 30i)

[11]  L’Opposante a plaidé que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi puisque :

(a)  la Requérante ne pouvait pas se dire convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits décrits dans la Demande. À la date de production, la Requérante était au courant (ou aurait dû être au courant) des droits antérieurs de l’Opposante quant à la marque WP, cette marque étant la propriété et étant employée par l’Opposante au Canada avant la date de premier emploi de la Marque de la Requérante.

(b)  la Requérante n’aurait pas pu être convaincue, en vertu de l’article 30i), qu’elle a le droit d’employer la Marque en liaison avec les services décrits dans la demande, puisque la Requérante n’était pas la propriétaire de la Marque visée par la demande à la date de production.

[12]  Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi, le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi d’un requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155]. En supposant que la Requérante était au courant que l’Opposante était la propriétaire de sa marque de commerce MAKE THE CONNECTION (laquelle n’a pas été établie) la simple connaissance de son existence n’étaye pas en soi une allégation selon laquelle la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel.

[13]  En ce qui a trait au deuxième volet, je note qu’il a été plaidé de façon inappropriée, puisque la Marque visée par la demande ne couvre que les produits et que les allégations ont trait aux services. Quoi qu’il en soit, même si elle avait été dûment plaidée, comme pour le premier motif, l’Opposante aurait néanmoins omis de s’acquitter de son fardeau initial.

[14]  Par conséquent, les motifs d’opposition fondés en vertu de l’article 30i) sont rejetés sommairement.

Article 30b)

[15]  L’Opposante a plaidé que [traduction] « la Requérante n’emploie pas et n’a pas l’intention d’employer la Marque Sensolutions ». Bien que l’Opposante ait simplement indiqué ce motif d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi, je suis prête à l’accepter comme motif d’opposition en vertu de l’article 30b), étant donné qu’il suit en partie le libellé de cet article. De plus, il est évident que certaines parties du contre-interrogatoire de Mme Timmer par l’Opposante et de la contre-preuve de l’Opposante visent à contester si c’est la Requérante qui a employé la marque au Canada (voir le contre-interrogatoire Timmer aux questions Q89 à 97 et l’affidavit Vieira, au para 3). Enfin, dans ses plaidoyers écrits et à l’audience, l’Opposante a présenté des observations citant expressément l’article 30b).

[16]  Le fardeau initial d’une Opposante est léger quant à la question de la non-conformité avec l’article 30b) de la Loi, puisque les faits concernant le premier emploi par une requérante relèvent particulièrement des connaissances d’une requérante [Tune Masters v Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Il est possible de s’acquitter de ce fardeau en renvoyant non seulement à la preuve de l’opposante, mais également à celle de la requérante [Brasserie Labatt Ltée c Brasseries Molson (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. Toutefois, une opposante peut uniquement se fonder avec succès sur un élément de preuve présenté par la requérante pour s’acquitter de son fardeau initial si elle démontre que la preuve de la requérante remet en question les allégations formulées dans la demande de la requérante [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 30 à 38].

[17]  À l’audience, l’Opposante a soutenu que l’utilisateur de la Marque n’est pas la Requérante, mais plutôt une société distincte, « Automotive Connectors, and Cables Corporation » (AC3). L’Opposante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve d’une licence entre ces deux parties, de sorte que tout emploi pertinent par AC3 ne constitue pas un emploi par la Requérante. Dans cette optique, des parties du dossier sont présentées ci-dessous.

Preuve de la Requérante – L’affidavit Timmer

[18]  Corinne Timmer est la cofondatrice de la Requérante depuis sa création en 2000 et elle est devenue la présidente et propriétaire unique en date du 19 juillet 2013 (para 1 et 2) (contre‑interrogatoire, Q8). Elle explique que la Requérante est dans le domaine de la conception et de la fabrication de connecteurs, de câbles, de fils, d’adaptateurs et de boîtiers de diagnostic embarqués employés dans diverses applications automobiles. Les produits de diagnostic embarqué sont vendus aux clients de la Requérante par l’entremise de son bureau canadien sur son site Web, à l’adresse www.sensolutions.com, ou par l’entremise de ses représentants commerciaux (para 3).

[19]  En ce qui a trait à la vente et l’expédition de produits de diagnostic embarqué aux clients, l’affidavit de Mme Timmer fournit ce qui suit :

·  Mme Timmer déclare que [traduction] « le 18 mars 2008, nous avons expédié des produits de diagnostic embarqués dans notre emballage de marque à Durametric Software Inc., située aux États-Unis » (para 6). Elle décrit la Pièce B comme une [traduction] « photographie de l’emballage utilisé pour expédier les produits de diagnostic embarqué à Durametric le 18 mars 2008 qui présente clairement la marque ». Je remarque que la Pièce B comprend une photographie d’une boîte en carton arborant la Marque sur un côté. Un autre côté de la boîte affiche les informations sur le numéro de pièce et la quantité correspondant aux objets qui se trouvent dans la boîte (contre-interrogatoire, Q17 à 22).

·  La Pièce D reproduit également des photographies de l’emballage extérieur des boîtes utilisé par la Requérante pour expédier les produits de diagnostic embarqué à des clients au Canada et à l’étranger (para 8). La présentation de la Marque sur la boîte (comme indiqué ci-dessous) est la même que dans la Pièce B (contre-interrogatoire, Q25 à 29) :

·  La case arbore « Automotive Connectors and Cables Corporation ». Ils n’arborent pas « Sensolutions Inc. ». (Pièce D, Q30 et 31, 44 à 52 et 90 et 91).

·  La Pièce C est une copie d’une facture datée du 17 mars 2008, démontrant la vente du produit de diagnostic embarqué expédié à Durametric Software Inc. (para 7). Durametric Software est situé en Oregon, aux États-Unis (contre-interrogatoire, Q34 à 37).

[20]  Mme Timmer fournit des copies supplémentaires des factures, datant de 2008 à 2016, de produits de diagnostic embarqué expédiés à des clients au Canada et à l’étranger (Pièce E). Certaines des factures présentent la Marque dans le coin inférieur droit des factures (para 9, contre-interrogatoire Q67).

[21]  Mme Timmer fournit les chiffres de ventes annuelles pour les exercices 2008-2009 et 2016 (novembre) générées par la vente de produits de diagnostic embarqué, ainsi que le volume annuel total des ventes (unités) de produits de diagnostic embarqué vendus au Canada et en provenance du Canada pour la même période (para 10 et 11). Je constate que le revenu total généré par la vente des produits de diagnostic embarqué au cours de cette période est d’environ 8 millions CAD.

[22]  Mme Timmer indique que les articles promotionnels, à savoir les cartes professionnelles et des agendas arborant la Marque, sont envoyés aux clients de la Requérante (para 13). Mme Timmer fournit des copies de cartes professionnelles identifiant Martin Siebert comme président chez « Automotive Connectors, and Cables Corporation » et Corrine Timmer chez « Sensolutions Inc. » (Pièce G). Je remarque que les deux cartes affichent la même adresse et le même numéro de téléphone (avec différents numéros de poste). Le dos d’une carte professionnelle est également fourni et arbore la Marque, bien qu’il ne soit pas indiqué à quelle carte cela s’applique.

[23]  Dans son affidavit, Mme Timmer déclare également qu’en octobre 2011 ou vers cette date, M. Siebert, son mari et le cofondateur de la Requérante, a demandé à son agent de l’époque, Illuminate IP, de déposer une demande pour la Marque auprès du Bureau des marques de commerce du Canada en liaison avec les Produits, en revendiquant une date de premier emploi aussi tôt que juin 2009 (para 5, contre-interrogatoire Q99 à 102). Je note que M. Siebert est décédé (contre-interrogatoire à la Q102). En contre-interrogatoire, l’avocat de l’Opposante a demandé à Mme Timmer de produire toute correspondance entre M. Siebert et Illuminate IP qui indiquerait pourquoi la date de juin 2009 a été choisie pour la date du premier emploi (Q103).

[24]  En réponse à cette demande, l’avocat de la Requérante a fait remarquer que ces renseignements pourraient être protégés par le secret professionnel de l’avocat. L’avocat a indiqué qu’il devrait trancher et s’est par la suite engagé à examiner la [traduction] « question de privilège » (engagement à la page 25). La Requérante a par la suite déposé, en réponse à cet engagement, une lettre auprès du registraire indiquant que l’agent (avec Illuminate IP) qui avait déposé la demande en question était un avocat reçu au barreau de la Colombie-Britannique. Toutefois, cette lettre n’a pas été consignée au dossier, puisqu’elle n’a pas été dûment produite (par l’Opposante) comme il est énoncé dans le Règlement sur les marques de commerce en vigueur à l’époque.

Contre-interrogatoire de Mme Timmer

[25]  Mme Timmer a fait les déclarations et les admissions suivantes en ce qui a trait à la relation entre la Requérante, Sensolutions Inc., et AC3 :

[traduction]

88 Q. Si je peux vous ramener à la première partie de votre affidavit, page 3, paragraphe 8, vous verrez ici que les photos que nous examinons à la Pièce D sont des photographies de l’emballage utilisé par la requérante. C’est exact?

Oui.

89 Q. Et vous savez que la requérante est Sensolutions Inc.?

R. Oui.

90 Q. Et nous avons déjà convenu que Sensolutions Inc. ne figure pas vraiment sur les boîtes qui sont représentées derrière la Pièce D. C’est exact?

C’est exact.

91 Q. Et que ce semble être Automotive Connectors and Cables Corporation. C’est exact?

R. C’est exact.

Q. Il s’agit d’une société différente de Sensolutions Inc., n’est-ce pas?

R. Non. C’est seulement une division de Sensolutions.

93 Q. Il est écrit corporation sur les mots. N’est-ce pas?

R. Oui, et c’est une division alors –

94 Q. Je suis désolé. Je ne vous pose pas de questions au sujet des divisions ou des relations de ces entreprises. Ce que je vous demande, c’est qu’il utilise en fait le mot corporation. C’est exact?

R. C’est exact.

95 Q. Et il a un site Web, wwwac3.ca. C’est exact?

R. C’est exact.

96 Q. Ce n’est pas la même chose que le site Web Sensolutions. Est-ce le cas?

R. C’est lié.

97 Q. Ce n’est pas la même chose. Est-ce le cas?

R. Non, ce n’est pas exactement la même chose, non.

98 Q. En fait, si vous allez sur ce site Web, il est dirigé Automotive Connectors and Cables Corporation. N’est-ce pas?

R. AC3, c’est exact.

[…]

106 Q. Je vais poser une question technique. C’est-à-dire, Mme Timmer, dans votre affidavit, vous n’avez pas expliqué quelle serait la relation, s’il y a lieu, entre Automotive Connectors and Cables Corporation et la requérante, et je suis très spécifique ici. Je dis que dans votre affidavit, vous n’avez pas précisé quelle était la relation. C’est exact?

R. C’est exact.

 

Preuve en réponse – L’affidavit Vieira

[26]  Ivone Vieira est employée à titre de chercheuse en entreprise auprès de l’agent de l’Opposante (para 1). Elle a effectué des recherches pour obtenir des détails complets sur AC3 Automotive Connectors and Cable Corp. Le profil de l’entreprise pour cette société est joint à titre de Pièce A à son affidavit (para 3).

[27]  Le rapport de recherche sur les dénominations sociales, datée du 10 octobre 2017, identifie AC3 AUTOMOTIVE CONNECTORS & CABLE CORP. comme une société de l’Alberta nommée enregistrée le 6 août 2003. L’entreprise indique que « Corrine Siebert » est l’unique administratrice de l’entreprise (Pièce A).

Analyse

[28]  Je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en présentant des preuves, plus précisément la recherche sur les dénominations sociales, qui met en cause l’emploi de la Marque par la Requérante. Comme il est indiqué ci-dessous, je conclus que la preuve établit l’emploi de la Marque, conformément à l’article 4 de la Loi, par AC3. J’estime également qu’un tel emploi par AC3 constitue un emploi de la Marque par la Requérante, de sorte que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime relativement à l’alinéa 30b) de la Loi.

La preuve établit l’emploi de la Marque par AC3

[29]  J’estime que la preuve est suffisante pour établir l’emploi de la Marque par AC3 en vertu de l’article 4 de la Loi en liaison avec divers des Produits depuis le 18 mars 2008, ce qui est même antérieur à juin 2009, la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Je ne considère pas que cela pose problème, puisque la jurisprudence reconnaît qu’une demande peut revendiquer une date postérieure à la date de premier emploi réelle « prenant des précautions supplémentaires » et « dans l’intérêt d’une plus grande certitude » [Marineland c Marine Wonderland and Animal Park (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].

[30]  Je fais cette constatation d’emploi en tenant compte de la preuve qui démontre que le 18 mars 2008, certains des Produits (connecteurs) ont été expédiés dans une boîte en carton arborant la Marque à Durametric Inc., un client de l’Oregon, ce qui constitue un emploi par exportation en vertu de l’article 4(3) de la Loi. L’affichage de la Marque sur l’emballage extérieur de la boîte où les Produits ont été expédiés à des consommateurs au Canada constitue également un emploi de la Marque, conformément à l’article 4(1) de la Loi (par exemple, la vente et l’expédition de Produits (connecteurs) à un client au Québec daté du 04/11/2008, selon la facture no 5240, Pièce E).

[31]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante fait valoir que la Marque a été affichée en tant que slogan plutôt qu’en tant que marque de commerce. À cet égard, je note que le fait que la Marque soit employée comme slogan ne signifie pas nécessairement qu’elle ne peut être employée comme marque de commerce [Valeo Electrical Systems, Inc c Pennzoil-Quaker State Company, 2011 COMC 90]. Dans la mesure où la Marque telle qu’elle figure sur les boîtes est un slogan, je conclus qu’elle est également employée comme marque de commerce, comme nous l’avons vu plus haut.

[32]  En ce qui a trait à l’inclusion de la Marque sur certaines factures de la Requérante, il n’est pas clair que ces factures (ou toute autre facture) accompagnaient les Produits au moment du transfert. En l’absence de ces renseignements, il n’est pas nécessaire de considérer si la présentation de la Marque sur ces factures constitue un emploi en liaison avec les Produits indiqués sur ces factures « de toute autre manière » en vertu de l’article 4(1) de la Loi [Tint King of California Inc c Registraire des marques de commerce et al, 2006 CF 1440 (CanLII), 56 CPR (4th) 223 (CF)].

L’emploi de la marque par AC3 peut être considéré comme un emploi par la Requérante

[33]  L’article 50(1) de la Loi exige que le propriétaire d’une marque de commerce exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des produits et services afin que l’emploi de la marque de commerce par un licencié soit réputé être un emploi par la propriétaire. L’article 50(1) n’exige pas une entente écrite. La preuve de contrôle par la propriétaire de la marque de commerce peut appuyer l’existence d’une entente de licence implicite [Wells’ Dairy Inc. c UL Canada Inc. (2000), 2000 CanLII 15538 (CF), 7 CPR (4th) 77 (CF 1re inst)].

[34]  Il est un principe élémentaire de droit qu’une relation d’affaires, à elle seule, ne suffit pas à satisfaire à l’exigence de l’article 50 de la Loi [MCI Communications Corp. c MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC); Dynatech Automation Systems Inc. c. Dynatech Corp. (1995), 64 CPR (3d) 101 (COMC)]. Toutefois, la présence d’une personne physique exerçant le contrôle peut être en mesure de satisfaire à l’exigence de l’article 50 de la Loi [Petro-Canada c 2946661 Canada Inc. (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst); Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 241 NR 362 (CAF)]. À cet égard, il a été décidé que si le président, l’administrateur ou le dirigeant d’un propriétaire de société est également le président ou un administrateur ou un dirigeant de l’utilisateur de la marque de commerce, cela pourrait suffire à satisfaire aux exigences de contrôle de l’article 50 de la Loi [TGI Friday’s of Minnesota Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 243 NR 362 (CAF); Goodwill Industries International Inc c Vedett IP Corporation, 2015 COMC 212].

[35]  Je conclus qu’il existe suffisamment de preuves que Mme Timmer est une personne physique exerçant le contrôle. La preuve établit que Mme Timmer a cofondé la Requérante (avec son époux, M. Siebert) et en est devenue la présidente et la propriétaire unique en date du 19 juillet 2013. La preuve démontre également que Corinne Siebert (qui semble être le nom marital de Mme Timmer) est également l’unique directrice d’AC3 (affidavit Vieira, Pièce A). Par conséquent, j’estime qu’il est raisonnable de déduire qu’AC3 a employé la Marque sous licence de la Requérante, ou dans le cadre d’un arrangement qui équivalait à une licence de la Requérante, de sorte que la Marque demeurait sous le contrôle direct ou indirect de la Requérante. À ce titre, je suis convaincue que l’emploi de la Marque présenté par AC3 profite à la Requérante.

[36]  En outre, je souligne que dans la mesure où la preuve indique également que M. Siebert a déjà collaboré avec la Requérante (affidavit Timmer, para 5) et AC3 (affidavit Timmer, Pièce G), je conclurais de la même façon que le contrôle commun est favorable à la Requérante.

Aucune conclusion négative n’a été tirée – engagements pris au contre-interrogatoire

[37]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante note qu’au contre-interrogatoire, elle a demandé à l’agent de la Requérante de s’engager à produire le dossier de l’ancien agent de la Requérante dans le but de déterminer la base de la date de premier emploi énoncée dans la demande, mais que cela n’a pas été fourni en raison d’une objection en ce qui a trait au secret professionnel de l’avocat. L’Opposante est d’avis qu’à l’époque pertinente, la correspondance de l’agent de marques de commerce (même à un agent également qualifié en tant qu’avocat) ne relevait pas du privilège du secret professionnel de l’avocat et que même si le dossier était privilégié, les faits concernant la date du premier emploi ne le sont pas. L’Opposante soutient qu’il faut donc tirer une conclusion défavorable qu’il n’y avait pas de fondement approprié au dossier, ou autrement, pour la date de premier emploi indiquée dans la demande.

[38]  Je ne considère pas qu’il soit nécessaire de tenir compte de cet argument, puisque la preuve de la Requérante est suffisante pour s’acquitter de son fardeau ultime de prouver qu’elle avait employé la Marque à la date revendiquée. Même si je me trompe en ne tenant pas compte de cet argument et en ne faisant aucune inférence négative, cela n’a aucune conséquence sur le résultat global de cette affaire.

[39]  En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition en vertu de l’article 16

[40]  L’Opposante a soutenu que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque puisque, contrairement aux articles 38(2)c) et 16(2)a) de la Loi, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante qui avait déjà été employée au Canada par l’Opposante et par ses prédécesseurs en titre en ce qui a trait aux produits de l’Opposante

[41]  Étant donné que la demande en question est fondée sur l’emploi au Canada, ce motif d’opposition aurait dû être invoqué en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi. Toutefois, puisque le motif a été autrement exposé de façon suffisamment détaillée pour que la Requérante puisse répondre, je suis prête à traiter cela comme une erreur de typographie et je considère ce motif comme s’il avait été dûment plaidé.

[42]  Tel que mentionné ci-dessus, bien que la demande revendique une date de premier emploi de juin 2009, l’affidavit Timmer établit l’emploi de la Marque par la Requérante aussi tôt que le 18 mars 2008. Je considère que cette date devient alors la date de détermination du droit à l’enregistrement antérieur plutôt que la date ultérieure revendiquée dans la demande [voir Allan Candy Co v Hostess Food Prods. Ltd (1986), 9 CPR (3d) 461, à la p. 463 (COMC), citant DeCaria Hair Studio Ltd Massimo De Berardinis et al (1984), 2 CPR (3d) 309, à la p. 312]. Par conséquent, pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit établir l’emploi de sa marque de commerce MAKE THE CONNECTION avant le 18 mars 2008.

[43]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient que l’affidavit Fraser démontre que [traduction] « l’Opposante a employé la marque de commerce MAKE THE CONNECTION sur l’emballage de ses produits depuis avant le 31 mars 2009, mais pas avant le 20 février 2009 », puisque le dessin final de l’emballage a été approuvé en février 2009. Du matériel supplémentaire, y compris le logo de l’Opposante, les cartes professionnelles et la papeterie, portait la marque MAKE THE CONNECTION depuis aussi tôt que 2008 » (soulignement ajouté). Les allégations de février ou mars 2009 de l’Opposante (soulignées ci‑dessus) sont postérieures à l’emploi de la Requérante de mars 2008, de sorte que même si j’acceptais ces allégations d’emploi sur l’emballage du produit, cet emploi ne serait pas antérieur à la date de premier emploi établie par la Requérante dans sa preuve.

[44]  En ce qui a trait au « matériel supplémentaire », y compris le logo, les cartes professionnelles et la papeterie arborant la Marque depuis 2008, je note que l’affidavit Fraser les appelle des dossiers sur le système informatique de l’Opposante, qui ont été modifiés pour la dernière fois entre octobre et décembre 2008, en incorporant la marque de l’Opposante (para 10, Pièce M). Des copies du contenu de ces dossiers sont jointes comme pièces à l’affidavit Fraser et semblent être des maquettes de matériel, y compris un logo, un autocollant, un bloc-notes, du papier à en-tête et une carte (Pièces N à R). Toutefois, sans plus d’information, par exemple pour démontrer comment ce matériel aurait été associé aux produits de l’Opposante au moment du transfert, je les juge insuffisants pour démontrer l’emploi de la marque de l’Opposante en vertu de l’article 4 de la Loi. Il ne semble pas non plus que l’Opposante tente de s’appuyer sur cette preuve pour établir l’emploi antérieur de la marque de commerce, puisqu’elle s’est concentrée sur la preuve de l’Opposante concernant les nouvelles maquettes d’emballage approuvées de février 2009 pour établir son calendrier de l’emploi [traduction] « depuis au moins aussi tôt que le 31 mars 2009 ».

[45]  En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition en vertu de l’article 2

[46]  L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas distinctive puisqu’elle créée de la confusion avec la marque de commerce MAKE THE CONNECTION qui a [traduction] « déjà été déposée, enregistrée, employée et révélée au Canada par l’Opposante en liaison avec les Produits susmentionnés, et par conséquent, elle n’établit pas une distinction (ni est adaptée pour établir une distinction) avec les services proposés annoncés de la Requérante ».

[47]   Ce motif d’opposition a été incorrectement invoqué en ce sens qu’il fait référence aux services de l’Opposante et de la Requérante, puisque la Demande ne fait état que de produits, et que l’Opposante n’a pas indiqué qu’elle offre des services, mais plutôt des produits. Toutefois, je suis prête à traiter cette erreur comme une erreur typographique, particulièrement puisque la Requérante, dans son plaidoyer écrit, a simplement remplacé les références aux [traduction] « services » par les [traduction] « produits » en exposant les actes de procédure.

[48]  La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)]. J’estime que la preuve de l’Opposante dont il est question ci-dessous est suffisante pour qu’elle s’acquitte de son fardeau de preuve d’établir que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue au Canada en date du 20 janvier 2015 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd  (2006), 48 CPR (4th) 427 (FC)]

Preuve de l’Opposante – L’affidavit Fraser

Question préliminaire – Les objections à l’égard de la preuve par ouï‑dire à des parties de l’affidavit Fraser

[49]  Marilyn Fraser est la gestionnaire des ressources financières et humaines de l’Opposante et travaille avec l’Opposante depuis environ vingt ans (para 1). Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a fait remarquer que l’affidavit Fraser contient des éléments de preuve par ouï-dire, puisque Mme Fraser s’appuie sur des renseignements fournis oralement par Leslee Hrapchak, la coordonnatrice du marketing de l’Opposante. La Requérante soutient que cette preuve devrait donc être rejetée.

[50]  Bien que je convienne que les renseignements fournis par Mme Hrapchak constituent un ouï-dire, Mme Fraser fournit des raisons pour lesquelles une personne ayant des connaissances directes n’aurait pas pu fournir la preuve. Elle explique que le directeur de l’Opposante, qui avait une connaissance complète et directe des marques de commerce de l’Opposante au Canada, devait confirmer l’affidavit, mais n’a pas pu le faire pour des raisons médicales. Compte tenu de son indisponibilité inattendue et des contraintes de temps, pour assermenter l’affidavit, Mme Fraser devait s’informer de certaines questions liées à cette affaire en parlant avec Mme Hrapchak, la coordonnatrice du marketing de l’Opposante. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les exigences de nécessité et de fiabilité ont été satisfaites et je considère donc que les parties de l’affidavit Fraser qui se fondent sur les renseignements fournis par Mme Hrapchak sont admissibles [R c Khan, 1990 CanLII 77 (CSC), [1990] 2 RCS 531 (CSC)].

Affidavit Fraser

[51]  L’affidavit de Mme Fraser fournit la preuve suivante :

·  L’Opposante est une société ontarienne dont le siège social est situé à Mississauga, et elle se spécialise dans la fabrication, la vente et l’entretien de produits de câblage électrique, y compris des bornes de fils, des connecteurs, des adaptateurs à fusible et des bornes de fils à déconnexion rapide. En plus d’employer divers distributeurs partout au Canada, l’Opposante vend ses produits directement aux consommateurs par l’entremise de son site Web www.wiringpro.com (para 4).

·  L’Opposante a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce MAKE THE CONNECTION en liaison avec, entre autres, des bornes de fils, des connecteurs, des connexions à languette, et des bornes à déconnexion rapide (para 5, Pièce B).

·  Mme Fraser affirme que, comme il est indiqué dans la demande de l’Opposante pour la marque de commerce MAKE THE CONNECTION, elle a employé la marque de commerce au Canada depuis au moins le 31 mars 2009 et elle emploie toujours la marque actuellement. Elle affirme que, par exemple, la marque de commerce est bien en vue dans l’en-tête du site Web de l’Opposante sous le nom de l’Opposante, formant ainsi le logo de l’Opposante (Pièce C) :

·  Les Pièces D à J sont des maquettes de conceptions d’emballage pour des produits vendus par l’Opposante, qui affichent toutes la marque de commerce de l’Opposante de la manière indiquée ci-dessus. Les dessins ont été approuvés pour emploi le 19 février 2009, et Mme Fraser a été informée par Mme Hrapchak qu’ils ont été [traduction] « mis sur le marché peu après (une fois approuvés, tous les produits nouvellement emballés sont étiquetés avec ces dessins) ».

·  Mme Fraser fournit des photographies représentatives de certains des produits de fils de l’Opposant (y compris des connecteurs) dans l’emballage arborant la marque de l’Opposante (Pièce K). Mme Fraser comprend de Mme Hrapchak que ces photographies ont été prises à l’été et à l’automne 2015 ou vers cette période. Mme Fraser affirme que ces produits représentent certains des dessins approuvés tels qu’ils sont actuellement employés par l’Opposante (juillet 2016) et que les produits vendus en 2009 auraient été identiques ou très semblables à ces photographies (para 8). Je note que bien que la Requérante, dans son plaidoyer écrit, soutienne qu’elle ne peut voir aucun emploi de la Marque sur ces photographies, je la trouve visible, bien qu’elle soit présentée dans une petite police.

·  Mme Fraser fournit des copies de deux factures, datées de novembre et de décembre 2009, démontrant les ventes de divers produits de l’Opposante aux consommateurs canadiens (para 9, Pièce L). Je fais remarquer que la Marque de l’Opposante figure dans le coin supérieur gauche des factures.

·  Mme Fraser présente un graphique résumant les ventes annuelles des produits de fils de l’Opposante depuis 2008 (para 12). Elle affirme que le nouvel emballage a été créé en février 2009 ou vers cette date, lorsque les dessins susmentionnés ont été approuvés, de sorte que les ventes annuelles fournies reflètent les produits de marque MAKE THE CONNECTION, bien qu’il y ait encore de vieux emballages dans la chaîne d’approvisionnement jusqu’en 2009-2010 (para 13). Les ventes annuelles pour l’exercice 2009-2010 étaient d’environ 480 000 $. En 2014-2015, les ventes annuelles étaient d’environ 814 000 $. Je constate que le revenu total généré par la vente des produits de l’Opposante de 2009-2010 à 2014-2015 est d’environ 3,9 millions CAD. Aucune ventilation des unités vendues ou des renseignements sur le prix unitaire moyen n’est fournie, bien qu’il y ait certains renseignements sur le prix unitaire sur les factures à la Pièce L.

[52]  Notamment, l’Opposante n’a fourni que peu d’information sur la publicité. Aucune dépense de publicité n’est incluse, et bien que l’on fasse référence à la marque de commerce qui figure « actuellement » sur le site Web de l’Opposante (vers juillet 2016, la date de la délivrance de l’affidavit), rien n’indique à quel moment cela a commencé, pendant combien de temps et le nombre de consommateurs canadiens qui ont pu accéder au site Web. Toutefois, compte tenu des ventes annuelles des produits de l’Opposante en liaison avec sa marque de commerce (près de six ans avant la date pertinente) et du fait que la marque de commerce de l’Opposante figure sur l’emballage et sur des matériaux connexes comme des factures, je conclus que la marque de commerce de l’Opposante était devenue suffisamment connue au Canada à la date de production de l’opposition pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

[53]  Étant donné que je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en vertu de ce motif, je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre sa Marque et la marque de commerce MAKE THE CONNECTION de l’Opposante.

Analyse relative à la confusion

[54]  Le critère pour trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi qui indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire cette évaluation, je dois considérer toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[55]  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824, au paragraphe 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[56]  Les critères à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3 894 207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au paragraphe 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[57]  Surtout, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des Produits de la Requérante, fournis sous la marque MAKE THE CONNECTION, croiraient que ces Produits sont fournis par l’Opposante, ou que la Requérante détient une autorisation ou une licence de l’Opposante qui offre des produits de fils sous la marque de commerce MAKE THE CONNECTION.

[58]  En l’espèce, et en l’absence d’observations importantes de l’une ou l’autre des parties sur cette question, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de procéder à une longue analyse relative à la confusion. Les marques de commerce des parties sont identiques sur le plan de l’apparence, du son et de l’idée suggérés. Aucune des marques des parties n’est intrinsèquement forte puisque les deux marques suggèrent des produits de connecteurs ou liés à des connecteurs.

[59]  En ce qui a trait à la mesure selon laquelle elle est connue et à la durée d’emploi, ce facteur ne favorise pas de façon implorante l’une ou l’autre des parties. Bien que la requérante ait utilisé le plus tôt la Marque (2008), l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante a commencé en 2009. Aucune des parties n’a fourni d’information importante sur les dépenses ou les initiatives publicitaires pour leurs marques de commerce respectives.

[60]  En ce qui a trait à la nature des produits, il y a un certain chevauchement dans la mesure où les deux parties offrent des produits de fils et de câbles, y compris des connecteurs. Toutefois, les Produits de la Requérante sont limités aux applications automobiles et ont une clientèle spécialisée. La Requérante indique que ses clients vont de la mécanique domestique aux petites entreprises et aux grandes entreprises, et que bon nombre de ses clients emploient ses produits comme base pour fournir des solutions de rechange à un large éventail de marques automobiles (affidavit Timmer, para 3). En revanche, les produits de l’Opposante ne sont pas soumis à des restrictions semblables et, par conséquent, ils semblent être destinés à une application générale. Les deux parties indiquent que leurs produits respectifs sont vendus sur le site Web de leur entreprise et par l’entremise de [traduction] « représentants commerciaux » (affidavit Timmer, para 3) ou de [traduction] « divers distributeurs » (affidavit Fraser, para 4). Sans plus, il est difficile de déterminer s’il existe (ou s’il pourrait exister) un chevauchement des voies de commercialisation.

[61]  À titre de circonstance environnante, dans son plaidoyer écrit, la Requérante a également fait remarquer que l’Opposante n’a présenté aucune preuve de confusion réelle malgré la coexistence des marques des parties sur le marché. En l’espèce, je ne suis pas convaincue que le défaut de l’Opposante de produire une preuve de confusion réelle favorise la Requérante en raison de l’absence de preuve que les produits des parties ont été offerts à la vente dans les mêmes voies de commercialisation. De plus, les deux parties ont démontré l’emploi de la marque MAKE THE CONNECTION conjointement avec une grande marque maison bien en vue. La présence des marques maison telles qu’elles sont employées peut expliquer le manque de confusion réelle [voir Gurwitch Products, LLC c Groupe Marcelle Inc, 2014 COMC 22].

[62]  Compte tenu de toutes les circonstances mentionnées ci-dessus, en particulier du fait que les marques des parties sont identiques sur le plan de l’apparence, du son et des idées suggérées, et qu’elles ont un certain chevauchement dans la nature des produits, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MAKE THE CONNECTION de l’Opposante. Par conséquent, ce motif est accueilli.

Remarque – autre motif d’opposition fondé sur l’article 2

[63]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante fait référence à un deuxième motif en vertu duquel la Marque visée par la demande n’est pas distinctive [traduction] « en raison de l’emploi par AC3 ». L’Opposante soutient qu’il n’y a aucune preuve au dossier de l’emploi sous licence par AC3, ou qu’en fait, la Requérante a été la première à employer la Marque, si elle est effectivement employée comme marque de commerce, ce qui est refusé. Toutefois, comme il est établi dans Le Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 2011 CF 118, 95 CPR (4th) 249, le registraire n’a pas compétence pour trancher un motif d’opposition qui n’est pas expressément plaidé dans une déclaration d’opposition. Par conséquent, je n’ai pas examiné cette allégation, bien que je remarque qu’en tout état de cause, l’Opposante ne se serait pas acquittée de son fardeau de preuve pour ce motif puisque j’ai conclu que l’emploi de la marque par AC3 est un emploi de marque de commerce qui profite à la Requérante.

Décision

[64]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-07-23

COMPARUTIONS

Kenneth R. Clark

POUR L’OPPOSANTE

Aucune comparution

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

Aird & Berlis LLP

POUR L’OPPOSANTE

Fasken Martineau DuMoulin LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

 

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