Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 132

Date de la décision : 2020-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Sim & McBurney

Partie requérante

et

 

Vogue Tire & Rubber Company (une société de l’Illinois)

Propriétaire inscrite

 

LCD52,581 pour VOGUE

Enregistrement

Introduction

[1]  À la demande de Sim & McBurney (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé, le 8 juin 2017, un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), à Vogue Tire & Rubber Company (une société de l’Illinois) (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement LCDA52,581 pour la marque de commerce VOGUE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [traduction] « Pneus et chambres à air d’automobile ».

[3]  Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement ne devrait être maintenu qu’en ce qui concerne les pneus d’automobile.

[4]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer si la Marque a été employée au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier et la raison pour laquelle elle ne l’a pas été depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 8 juin 2014 au 8 juin 2017.

[5]  La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]  Il est bien établi que les simples déclarations selon lesquelles une marque de commerce est employée ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc., 1980, 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registrar of Trade Marks (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits mentionnés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF) (John Labatt)].

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a remis l’affidavit de Pat Davy, directeur des opérations de la Propriétaire, assermenté le 4 janvier 2018. Seule la Propriétaire a produit des observations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

La Preuve de la Propriétaire

[8]  Tout au long de l’affidavit, le déposant fait référence aux produits visés par l’enregistrement collectivement. Le déposant affirme que les produits ont été vendus au Canada pendant toute la période pertinente et par la suite, et que la Marque figure sur le côté de chaque pneu, ainsi que sur les listes de prix, les guides de demande et les documents promotionnels distribués au Canada. À titre de Pièce A, le déposant joint la page couverture d’un guide de demande daté d’août 2015, qui [traduction] « démontre le placement du mot VOGUE sur les pneus d’automobile vendus au Canada » par la Propriétaire. L’image montre un pneu arborant la Marque. À titre de Pièce B, le déposant joint une offre promotionnelle de rabais par carte prépayée en liaison avec les pneus de la Propriétaire. L’annonce montre un pneu arborant la Marque. Le déposant affirme que cette offre promotionnelle a été distribuée au Canada en octobre et novembre 2016.

[9]  Comme Pièce C, le déposant joint des copies de factures datées de la période pertinente, montrant les ventes d’articles décrits comme « VG CBR VII GW ». Le déposant déclare que [traduction] « [l]a mention VG au début de la description d’article sur chaque facture indique que les articles vendus sont des pneus automobiles VOGUE » et que ces factures démontrent [traduction] « les ventes réelles des produits à des adresses au Canada sous la Marque de commerce ». Deux des factures comprennent une adresse [traduction] « FACTURATION » pour une société située à Victoria, en C.-B. et une adresse [traduction] « EXPÉDITION » inscrite comme [traduction] « CARSON CUSTOM » située à Blaine, Washington, aux États‑Unis. La troisième facture ne comporte pas de rubrique [traduction] « FACTURATION » ou [traduction] « EXPÉDITION », mais comprend l’adresse d’une entité commerciale située en Colombie-Britannique et l’adresse de « PRO PACK » située à Blaine, Washington.

Analyse

[10]  D’emblée, je constate que rien dans la preuve de la Propriétaire ne se rapporte précisément aux [traduction] « chambres à air » des produits visés par l’enregistrement. À l’audience, la Propriétaire a soutenu que, dans le passé, il était courant que les pneus d’automobile aient des chambres à air et que, selon une interprétation généreuse des produits visés par l’enregistrement, l’utilisation de pneus et de chambres à air est interconnectée. Cependant, il est bien établi que l’emploi démontré par rapport à un produit en particulier ne peut pas servir à maintenir plusieurs produits dans un enregistrement; ayant fait la distinction entre des produits particuliers dans l’enregistrement, la Propriétaire avait l’obligation de fournir la preuve concernant chacun des produits indiqués en conséquence [selon John Labatt]. Étant donné qu’aucune preuve ne vise les chambres à air et que le déposant n’a décrit aucune circonstance particulière qui justifierait le non-emploi, la liste des produits visés par l’enregistrement sera modifiée en conséquence.

[11]  La Partie requérante soulève trois questions au sujet de la preuve de la Propriétaire : premièrement, les éléments de preuve n’établissent pas que la Marque a été affichée sur les produits; deuxièmement, la Propriétaire n’a pas établi sa pratique normale du commerce; et troisièmement, il n’y a aucune preuve que les produits en question ont été transférés au Canada. Chaque question sera traitée à tour de rôle.

Présentation de la Marque sur les Produits

[12]  La Partie requérante fait valoir que les photographies annexées aux Pièces A et B sont des représentations artistiques des pneus, comme le montrent les documents promotionnels, plutôt que des photographies des pneus eux-mêmes, et ne montrent donc pas comment la marque a été apposée sur les produits. Toutefois, compte tenu de la déclaration sous serment du déposant selon laquelle le pneu figurant sur la photo de la Pièce A, datée de la période pertinente, est représentatif de la présentation de la Marque sur les pneus vendus au Canada, je suis convaincu que tout pneu vendu au Canada au cours de la période pertinente aurait arboré la Marque de cette façon.

Pratique normale du commerce

[13]  La Partie requérante fait valoir que l’affidavit Davy ne fournit pas suffisamment de détails pour établir que les trois factures tiennent compte des ventes dans la pratique normale du commerce de la Propriétaire, notant que le déposant indique seulement que [traduction] « les produits ont été et continuent d’être vendus au Canada par [la Propriétaire] dans la pratique normale du commerce, en particulier pendant la période [pertinente] ». La Partie requérante fait valoir que cette déclaration ne fait pas expressément référence aux produits arborant la Marque et ne fournit aucun détail sur la nature du commerce de la Propriétaire, y compris la question de savoir si elle est un fabricant de pneus. À cet égard, la Partie requérante fait valoir que l’affirmation du déposant selon laquelle la Propriétaire [traduction] « produit des pneus d’automobile de luxe sur mesure » n’est qu’une [traduction] « simple affirmation » et ne fait pas référence au Canada. La Partie requérante cite Sim & McBurney c Madjell Manufacturing Co (1988), 11 CPR (3d) 306 (CF 1re inst) [Madjell], pour l’affirmation selon laquelle le registraire ne peut déduire qu’une transaction relevait de la pratique normale du commerce en l’absence d’une description précise du commerce d’un propriétaire, et Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245 [Guido Berlucchi], pour la proposition selon laquelle il n’appartient pas au registraire de fixer des normes pour la pratique normale du commerce.

[14]  En réponse aux observations de la Partie requérante sur cette question, la Propriétaire fait valoir que le déposant a déclaré que la Propriétaire produit des pneus d’automobile de luxe sur mesure et qu’elle vend des pneus au Canada dans la pratique normale du commerce. La Propriétaire fait valoir, et je suis d’accord, que la preuve d’une seule vente peut être suffisante pour démontrer l’emploi aux fins la procédure de radiation prévue à l’article 45, dans la mesure où il s’agit d’une véritable transaction commerciale et qu’elle n’est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l’enregistrement [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst), au para 12].

[15]  Cette affaire peut être distinguée de Madjell, où la propriétaire n’a pas déclaré que les ventes étaient dans la pratique normale du commerce ni fourni de détails sur la nature du commerce. En ce qui concerne Guido Berlucchi, affaire également citée par la Partie requérante, je constate que la Cour a, dans cette affaire, reconnu que la propriétaire avait utilisé sa marque dans la pratique normale du commerce, malgré la preuve d’une seule transaction, étant donné que la bonne foi est présumée, que des chiffres de vente détaillés ne sont pas requis et que la propriétaire a attesté que la vente a été effectuée dans la pratique normale du commerce [Guido Berlucchi, para 49 à 55]. En l’espèce, étant donné que le déposant a décrit la nature de son entreprise (quoique brièvement), a déclaré que la Propriétaire vend des pneus au Canada dans la pratique normale du commerce et a fourni la preuve de trois transactions distinctes avec un acheteur canadien, je suis convaincu que ces transactions se seraient déroulées dans la pratique normale du commerce de la Propriétaire.

Transfert des produits au Canada

[16]  La Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire n’établit pas que les produits en question ont été transférés au Canada, notant que chacune des factures, malgré l’existence d’une adresse [traduction] « FACTURATION » au Canada, a une adresse [traduction] « EXPÉDITION » située à Blaine, Washington. Par conséquent, la Partie requérante fait valoir qu’en l’absence de preuve démontrant que les produits ont réellement atteint le Canada, la Propriétaire n’a pas démontré leur emploi au sens de l’article 4 de la Loi.

[17]  Toutefois, je suis d’accord avec la Propriétaire pour dire qu’on peut déduire que les factures tiennent compte des ventes des produits en question au Canada. J’arrive à cette conclusion en m’appuyant sur les faits suivants :

[18]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que les factures tiennent compte des transferts réels des produits en question à des clients au Canada, dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente. Pour en arriver à cette conclusion, je suis conscient des principes selon lesquels il faut considérer la preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 dans son ensemble et qu’il faut éviter de se concentrer sur des éléments de preuve individuels [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)] et que des inférences raisonnables peuvent être tirées de la preuve fournie [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen (2005), 48 CPR (4th) 223 (CAF)].

[19]  Par conséquent, étant donné que la preuve de la Propriétaire établit que la Marque a été apposée sur ses pneus et que ces pneus ont été vendus à des clients au Canada pendant la période pertinente dans la pratique normale du commerce, je suis convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [traduction] « pneus d’automobile » au sens de la Loi.

Décision

[20]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et selon les dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer [traduction] « et chambres à air » de la liste de produits visés par l’enregistrement.

[21]  L’état déclaratif des produits modifié indiquera ce qui suit :

Pneus d’automobile.

 

 

G.M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


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