Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 138

Date de la décision : 2020-12-11

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

  9333-4266 Québec inc.

Opposante

et

 

Clearsurance, Inc.

Requérante

 

1,779,348 pour CLEARSURANCE

Demande

[1]  9333-4266 Québec inc. (l’Opposante) s’oppose à une demande d’enregistrement de la marque de commerce CLEARSURANCE (la Marque) au nom de Clearinsurance, Inc. (la Requérante).

[2]  Pour les motifs qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[3]  La demande en cause (la Demande) a été produite par le prédécesseur en titre de la Requérante, Clearinsurance, LLC, le 26 avril 2016, et a reçu le no de série 1,779,348. Elle est fondée sur l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants :

(1) Services d’assurance; offre d’un site Web qui affiche des demandes, des critiques, des recommandations, des classements, des suivis, des votes et de l’information ayant trait à des opérations et à des questions d’assurance (les Services de la Requérante).

[4]  La Requérante revendique la date de priorité conventionnelle du 26 octobre 2015, fondée sur la demande américaine no 86/799,964 produite à cette date pour la même marque de commerce, ou sensiblement la même, en liaison avec le même genre de services.

[5]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 21 décembre 2016, et a fait l’objet de l’opposition le 20 février 2017, quand l’Opposante a produit la déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi pour les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement la modification, à l’exception que la définition de confusion à l’article 6(2) de la Loi dans sa version actuelle sera appliquée.

[6]  L’opposition est principalement fondée sur l’allégation de l’Opposante selon laquelle la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées CLICKINSURANCE et CLICASSURE (les Marques de commerce de l’Opposante), employées au Canada en liaison avec un site Web permettant aux clients de remplir des demandes de produits d’assurance et financiers et de comparer les offres des assureurs et des institutions financières. Les motifs d’opposition précis sont fondés sur les articles 12(1)d), 16(3), et 2 de la Loi.

[7]  Clearinsurance, LLC a produit une contre-déclaration le 19 avril 2017, niant chacun des motifs d’opposition.

[8]  L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de son vice-président, Développement commercial, Martin Dufour, daté du 16 août 2017. Dans son affidavit, M. Dufour explique comment les Marques de commerce de l’Opposante ont été employées et promues au Canada. Je note qu’il a également fait des commentaires sur les similitudes visuelles entre les marques de commerce en cause ainsi que sur les droits de l’Opposante et sur la probabilité de confusion; toutefois, comme il ne s’est pas établi en tant qu’expert en droit des marques de commerce et n’est pas indépendant des parties, j’ai fait fi de ses opinions sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées dans la présente instance.

[9]  Clearsurance, LLC a produit comme preuve un affidavit de Sarina Nemirov, une administratrice de Marques de commerce employée par son agent, daté du 15 décembre 2017. L’affidavit de Mme Nemirov fournit des extraits de quatre dictionnaires en ligne (www.dictionary.com, www.meriam-webster.com, www.vocabulary.com et dictionary.cambridge.org) qu’elle a consultés pour les mots clés CLICK, CLEAR, INSURANCE et ASSURE en utilisant le moteur de recherche Google le 12 décembre 2017. En l’espèce, même si l’affidavit provient d’un employé de l’agent d’une partie, il ne porte que sur des questions non controversées et non centrales et est donc admissible [selon Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada, 2005 CF 1254, conf. par 2006 CAF 133].

[10]  Ni M. Dufour ni Mme Nemirov n’ont été contre-interrogés.

[11]  Le 19 mars 2018, Clearsurance, LLC a cédé la Demande à la Requérante, à compter du 19 septembre 2017. La cession a été inscrite le 12 avril 2018. Ce n’est pas en cause dans la présente procédure.

[12]  Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[13]  Dans les procédures d’opposition, il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition qui existe. Si fois ce fardeau initial rempli, la Requérante doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité au titre de l’article 12 (1)d)

[14]  L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion ou risquait de causer de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, enregistrées sous les nos LMC926,111 (CLICKINSURANCE) et LMC926,110 (CLICASSURE) pour emploi en liaison avec les services suivants (les Services de l’Opposante) :

(1) Opération d’un site web permettant à des clients de compléter des demandes d’assurance et comparer les offres des assureurs.

(2) Opération d’un site web permettant à des clients de compléter des demandes de produits financiers et comparer les offres des institutions financières.

[15]  Des copies certifiées de ces deux enregistrements (les enregistrements de l’Opposante) sont jointes à l’affidavit de M. Dufour à titre de Pièces MD6 et MD7.

[16]  Bien que les motifs aient trait à la date de production de la Demande, la date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Étant donné que cette date pertinente est bien établie par la jurisprudence, je ne considère pas que l’erreur technique évidente dans la procédure ait une incidence sur la validité du motif.

[17]  L’Opposante s’acquitte de son fardeau initial pour ce motif si au moins l’un des enregistrements qu’elle invoque est en règle à la date pertinente. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre à cet égard [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que les deux enregistrements existent encore et sont établis au nom de l’Opposante.

[18]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec l’une ou l’autre des marques de commerce de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[19]  Le test pertinent en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui précise que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice (un système international utilisé pour classer les produits et les services aux fins de l’enregistrement des marques de commerce).

[20]  Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt la confusion portant à croire que les produits et les services liés à chacune des marques de commerce proviennent de la même source. Le test en matière de confusion est décrit en ces termes par le juge Binnie dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au paragraphe 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque de la requérante], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [de l’opposante] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[21]  Au moment de déterminer si des marques de commerce créent de la confusion, il faut prendre en considération les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énoncées à l’article 65(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot, supra; Mattel USA Inc c 3 894 207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[22]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, ibid., dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion. Les marques de commerce devraient être regardées globalement et évaluées selon leur effet sur l’ensemble des consommateurs moyens [voir Veuve Clicquot, précité; et Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst)]. Toutefois, il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières de chaque marque de commerce susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [United Artists Pictures Inc c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF)]. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[23]  Je conclus que l’aspect le plus frappant et le plus unique de la Marque est qu’il s’agit d’un mot inventé qui combine le terme « CLEAR » avec le suffixe « SURANCE » afin de suggérer que les Services de la Requérante clarifient la façon de choisir et d’acheter une assurance.

[24]  En ce qui a trait aux Marques de commerce de l’Opposante, étant donné que la partie « INSURANCE » ou « ASSURE » est clairement descriptive, je conclus que « CLICK » ou « CLIC », bien que suggestif, est l’aspect le plus frappant et unique. Ces marques de commerce combinent les termes anglais « CLICK » (signifiant « clic ») et « INSURANCE » (signifiant assurances) ou les termes français « CLIC » et « ASSURE » pour suggérer des services pour obtenir une assurance en « cliquant ».

Ressemblance entre la Marque et CLICKINSURANCE

[25]  J’estime que la marque et la marque de commerce CLICKINSURANCE ont une apparence quelque peu semblable, en ce sens que les deux sont composées d’un seul mot commençant par « CL » et se terminant par « SURANCE », avec seulement quelques lettres entre les deux.

[26]  Toutefois, étant donné la différence phonétique entre « CLEAR » et « CLICKIN », je conclus qu’il n’y a qu’une légère similitude lorsque les deux marques de commerce sont prononcées. Je suis d’avis que ces syllabes initiales auront plus d’influence que le suffixe SURANCE sur la perception de l’ensemble des marques de commerce, étant donné que la première partie d’une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante aux fins de distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)] et que les parties descriptives ou suggestives des marques de commerce ont tendance à perdre de leur importance [voir Merial LLC c Novartis Animal Health Canada Inc (2001), 11 CPR (4th) 191 (CF 1re inst)].

[27]  En ce qui a trait aux idées suggérées, je trouve encore une fois que le degré de ressemblance est relativement faible. À mon avis, comme première impression sur un consommateur moyen d’assurance, la Marque suggérerait l’idée de clarifier l’assurance, alors que la marque de commerce de l’Opposante suggérerait l’idée de cliquer sur une souris d’ordinateur pour obtenir une assurance en ligne. (Je comprends que le mot « click » (clic) est également lié au concept de « clarity » (clarté) lorsqu’il est utilisé dans des expressions comme « it all clicked » (ça cliqué) pour signifier que tout est soudainement devenu compréhensible. Toutefois, dans le contexte des Services de l’Opposante, lesquels sont offerts en ligne, je considère que la marque de commerce CLICKINSURANCE est plus susceptible d’évoquer le concept de clics de souris.)

[28]  En l’absence d’observations sur le point de vue d’un consommateur unilingue francophone, je ne crois pas que cela augmenterait le degré de ressemblance. Dans le contexte des Services de l’Opposante, dans la mesure où « CLICK » ressemble à sa traduction française « CLIC » et « INSURANCE » ressemble au nom français « assurance », j’estime que la marque de commerce CLICKINSURANCE évoque probablement l’idée de services d’assurance qui impliquent le fait de cliquer. En ce qui a trait à la marque, dans le contexte des Services de la Requérante, j’estime que CLEARSURANCE évoquera probablement aussi l’idée d’assurance, peut-être avec l’idée ajoutée de créer de la « clarté », puisque le mot « CLEAR » est sans doute un peu semblable à sa traduction française « claire ». Toutefois, même si aucune idée supplémentaire n’est véhiculée, la Marque ne véhiculerait pas l’idée de [traduction] « cliquer », alors que cette idée constitue l’aspect le plus frappant et le plus unique de la marque de commerce de l’Opposante.

[29]  Dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante pour la marque de commerce CLICKINSURANCE.

Ressemblance entre la Marque et CLICASSURE

[30]  J’estime qu’il y a encore moins de similitudes entre la Marque et la marque de commerce CLICASSURE. Bien que les deux marques de commerce consistent en un seul mot commençant par « CL » et partageant certaines lettres subséquentes, leurs fins respectives diffèrent quant à leur apparence et à leur son, peu importe la langue utilisée. En ce qui a trait aux idées véhiculées, étant donné la nature hautement suggestive de l’élément SURANCE et le caractère descriptif du mot ASSURE, je considère qu’au moins les consommateurs bilingues seront susceptibles d’accorder plus d’attention aux parties initiales des marques de commerce et de percevoir la Marque comme suggérant l’idée de clarifier l’assurance alors que la marque de commerce l’Opposante suggère l’idée de cliquer au moyen d’une souris d’ordinateur pour obtenir une assurance en ligne. Même si « assurance » et « assure » peuvent aussi signifier s’assurer que quelque chose se produit ou donner à quelqu’un la confiance qu’une chose est vraie, je trouve que le contexte des services des parties est plus susceptible de susciter l’idée plus précise de l’assurance.

[31]  Je considère que les consommateurs unilingues anglophones ont probablement une perception semblable du mot CLICASSURE. Les définitions du dictionnaire jointes comme pièces à l’affidavit de Mme Nemirov démontrent qu’un sens du mot « assure » en anglais est « to insure, as against a loss » (assurer, contre une perte) (voir la définition no 7 de www.dictionary.com à la page 1 de la Pièce A.4). Bien que ce sens particulier semble être principalement britannique, le mot « assure » signifie aussi de façon plus générale [traduction] « s’engager ou promettre; donner une assurance de; garantie »; « rendre (un événement futur) sur; assurer »; et « sécuriser ou confirmer; rendre sûr ou stable » (définitions nos 3 à 5, ibid.). Étant donné que l’assurance agit pour garantir, assurer ou obtenir ou position financière en cas de perte, les concepts d’assurance et de finances en général sont également liés à ces significations plus communes du mot « assure ». De plus, CLIC est visuellement et phonétiquement semblable au mot anglais « click ». Par conséquent, j’estime que si CLICASSURE suggère une idée à un consommateur unilingue anglophone des Services de l’Opposante, il serait probablement l’idée de cliquer pour obtenir soit une assurance en soi, soit au moins une forme d’assurance au sens de la sécurité, particulièrement la sécurité financière. Ainsi, le degré de ressemblance ne serait pas plus grand du point de vue anglophone.

[32]  En ce qui a trait au point de vue du consommateur unilingue francophone, je conclus que les marques de commerce respectives des parties seraient perçues comme différentes, pour les raisons énoncées ci-dessus en ce qui a trait à CLICKINSURANCE, avec le commentaire ajouté que l’idée de cliquer pour obtenir une assurance serait plus évidente dans la marque de commerce CLICASSURE.

[33]  Dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante pour la marque de commerce CLICASSURE également.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[34]  Il est bien établi que les marques de commerce contenant des mots descriptifs ou suggestifs ont peu de distinction inhérente et, à ce titre, n’auront qu’un degré minimum de protection [Prince Edward Island Mutual Insurance Co v Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342; Kellogg Canada Inc v Weetabix of Canada Ltd, 2002 CFPI 724]. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’une marque de commerce consiste en tout ou en partie en des mots décrivant des articles à vendre ou des services à fournir, de sorte que les différences relativement faibles soient suffisantes pour éviter la confusion [General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39, à la p. 41 (CL)].

[35]  En l’espèce, les marques de commerce de l’Opposante sont composées de mots ordinaires du dictionnaire et la Marque commence également par un mot ordinaire du dictionnaire. Je prends note en particulier des définitions choisies et de l’exemple d’emploi ci‑dessous tiré des extraits de dictionary.cambridge.org joints en pièce à l’affidavit de Mme Nemirov :

click :

  • to carry out a computer operation by pressing a button on the mouse or keyboard

  • to be understood, or become clear suddenly (Suddenly everything clicked and I realized where I’d met him.)

clear:

  • easy to understand, hear, read, or see

insurance:

  • an agreement in which you pay a company money and they pay your costs if you have an accident, injury, etc.

assure :

  • to tell someone confidently that something is true, especially so that they do not worry

  • to cause something to be certain

  • uk (of an organization) to promise to pay an amount of money to a person or their family if that person becomes ill, gets injured, or dies, in return for small regular payments

[36]  Même si aucune des parties ne l’a cité, je note également les définitions choisies suivantes du dictionnaire de langue française dictionnaire.lerobert.com, qui donnent des significations similaires pour les noms « clic » et « assurance » et le verbe « assurer » [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 645, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du registraire de prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire] :

clic :

  • Pression du doigt sur le bouton de la souris d’un ordinateur.

assurance :

  • Promesse ou garantie qui assure qqn de qqch.

  • Contrat par lequel un assureur garantit à l’assuré, moyennant une cotisation, le paiement d’une somme convenue en cas de réalisation d’un risqué déterminé.

assurer :

  • Assurer à qqn que, lui affirmer, lui garantir que.

  • Rendre sûr, certain, durable; mettre à l’abri des accidents, des risques.

  • Garantir par un contrat d’assurance.

[37]  Étant donné que les Marques de commerce de l’Opposante combinent des mots du dictionnaire ordinaire pour suggérer un aspect des services de l’Opposante – soit l’exploitation d’un site Web où les utilisateurs cliquent pour remplir des demandes et recevoir des offres d’assurance – les Marques de commerce de l’Opposante n’ont qu’un faible caractère distinctif inhérent. Je n’estime pas que la présentation des deux éléments verbaux en un seul mot augmente sensiblement le caractère distinctif.

[38]  La Marque combine un mot ordinaire du dictionnaire avec le suffixe SURANCE pour suggérer un aspect des Services de la Requérante : la mise à disposition d’un site Web contenant des renseignements pour clarifier les options d’assurance. À ce titre, elle possède également un degré de caractère distinctif inhérent très faible. Toutefois, dans la mesure où la Marque emploie une mention du mot « insurance » plutôt que du mot du dictionnaire ordinaire pour évoquer l’idée d’assurance, je conclus que la Marque est plus évocatrice d’un seul mot inventé et légèrement plus distinctive que l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante.

[39]  Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’emploi et la promotion au Canada [voir Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst); GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. Seul l’Opposante a produit une preuve à cet égard. Elle se compose de l’affidavit de son vice-président, Développement commercial, Martin Dufour. M. Dufour affirme qu’il est également l’un des fondateurs et le vice-président et directeur du prédécesseur en titre de l’Opposante, Informatique Devexpert Inc. (Devexpert) (para 5). Devexpert a attribué les Marques de commerce de l’Opposante à l’Opposante le 17 décembre 2015, à compter du 1er mars 2016 (para 9, Pièce MD2), et l’Opposante a fourni les services associés aux Marques de commerce de l’Opposante depuis mars 2016 (para 8).

[40]  La preuve de M. Dufour démontre que les Marques de commerce de l’Opposante ont été employées en liaison avec le site Web disponible en anglais à l’adresse www.clickinsurance.ca et en français à l’adresse www.clicassure.com (le site Web de l’Opposante). Les documents imprimés de l’Internet Archive web.archive.org en date du 16 mars 2015, du 24 mars 2016 et du 7 juin 2017 montrent la version anglaise du site tandis qu’une copie imprimée du 4 août 2017 directement à l’adresse www.clicassure.com montre la version française; les deux versions semblent être les mêmes en termes de style et de contenu, ce qui semble également être cohérent au fil du temps (Pièces MD4, MD5). Environ une centaine d’assureurs, appelés « partenaires », sont inscrits sur le site, la majorité ayant des adresses au Québec, quelques-unes en Ontario et une en Nouvelle-Écosse (Pièce MD5).

[41]  Toutefois, je note que la page Web de www.clicassure.com, datée du 4 août 2017, affiche l’avis suivant (soulignement ajouté) : « © 2017 Ce site et la marque de commerce “clicassure” sont exploités sous licence par 933-4233 Québec inc. Tous droits réservés. » Par conséquent, suivant la cession du 1er mars 2016, ou au moins en date d’août 2017, l’emploi de la marque de commerce CLICASSURE semblerait être par un licencié et par directement par l’Opposante. Toutefois, M. Dufour ne fournit aucun renseignement sur les relations de licencié avec l’Opposante ou sur les conditions de la licence. En l’absence d’indication que l’Opposante avait le contrôle de la nature ou de la qualité des services fournis en vertu d’une licence conformément aux exigences de l’article 50(1) de la Loi, et comme l’avis n’identifie pas le propriétaire de la marque de commerce conformément à l’article 50(2) de la Loi, je ne peux conclure que l’utilisation de CLICASSURE par le licencié profite à l’Opposante.

[42]  Le seul autre avis de ce genre apparaît sur la page Web www.clickinsurance.ca qui précède la cession, et où on lit simplement « © 2015 Informatique DevExert Inc. All Rights Reserved. » (© 2015 Informatique DevExert Inc. Tous droits réservés.) Par conséquent, j’accepte que l’emploi des Marques de commerce de l’Opposante avant la cession ait été fait par le prédécesseur en titre de l’Opposante. De plus, puisqu’il n’y a pas d’avis de ce genre, ni aucun autre signe d’entente de licence, sur les pages Web www.clickinsurance.ca qui font suite à la cession, je suis également disposée à accepter l’emploi de CLICKINSURANCE après la cession comme étant une garantie au bénéfice de l’Opposante aux fins de la présente procédure. Toutefois, si je n’avais pas été prête à accepter un tel emploi, il n’aurait pas changé le résultat de cette affaire.

[43]  Les versions française et anglaise du site affichent les marques de commerce CLICKINSURANCE et CLICASSURE respectivement, sous forme de logo au haut de chaque page Web. Je suis convaincue que l’emploi de tels logos constitue l’emploi des Marques de commerce de l’Opposante : appliquer les principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et Stikeman, Elliot c Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC), j’estime que les Marques de commerce de l’Opposante n’ont pas perdu leur identité et demeurent reconnaissables malgré la stylisation et les éléments de conception mineurs des logos.

[44]  Les Marques de commerce de l’Opposante sont également incorporées dans les noms de domaine utilisés textuellement sur le site, dans des expressions comme « ClickInsurance.ca allows you to get, at no cost, proposals from several different insurers by filling out only one quote request form » (ClickInsurance.ca vous permet d’obtenir, sans frais, des propositions de plusieurs assureurs en ne remplissant qu’un formulaire de demande de soumission) (Pièce MD­4, à la page 4), et les titres de page Web, comme « Le Comparateur d’Assurance Auto # 1 au Québec | clicassure.com » (ibid., aux pages 8 à 12). L’incorporation d’une marque de commerce dans un nom de domaine peut constituer un emploi en liaison avec des services si, comme ici, le nom de domaine est immédiatement lié à des renseignements importants sur les services [voir Salam Toronto Publications c Salam Toronto Inc, 2009 CF 24].

[45]  De plus, les Marques de commerce de l’Opposante sont employées sur le site comme noms commerciaux pour identifier l’Opposante et son prédécesseur en titre, par exemple, dans des expressions comme « ClickInsurance is not an insurance company » (Clicassurance n’est pas une compagnie d’assurances) (Pièce MD4, à la page 1) et « I authorize ClickInsurance to collect and disclose my personal information to her business partners so they can send me insurance quotes by email, telephone or mail » (J’autorise Clicassurance à recueillir et à divulguer mes renseignements personnels à ses partenaires commerciaux afin qu’ils puissent m’envoyer des offres d’assurance par courriel, téléphone ou par la poste) (ibid., à la page 6). L’emploi des marques de commerce et des dénominations commerciales n’est pas nécessairement mutuellement exclusif [Consumers Distributing Co v Toy World Ltd, 1990 CarswellNat 1398 (COMC)]. Toutefois, dans des expressions comme celles-ci, on peut se demander si ClickInsurance et ClicAssure sont employées comme marques pour distinguer des services spécifiques ou seulement comme noms pour identifier une entité juridique. Dans ce dernier cas, ils ne correspondraient pas à la définition de « marque de commerce », mais seulement à celle de « nom commercial » (voir l’article 2 de la Loi). Je reviendrai sur l’importance de cette distinction dans la discussion ci-dessous.

[46]  En ce qui concerne la mesure dans laquelle les Marques de commerce de l’Opposante sont devenues connues au Canada, les parties les plus pertinentes de la preuve de M. Dufour peuvent être résumées comme suit :

  • 1) En date du 26 novembre 2008, la version en français du site Web de l’Opposante a été offerte au Canada à clicassure.com sous la marque de commerce CLICASSURE (para 11).

  • 2) Entre janvier 2010 et en février 2017, le site a été annoncé sous la marque de commerce CLICASSURE dans un large éventail de médias, y compris sur plusieurs stations de télévision et de radio et par Google AdWords (para 35, voir aussi des exemples de factures à la Pièce MD16). M. Dufour affirme que ces médias ont « une couverture importante au Canada »; toutefois, toutes les stations de télévision et de radio dont les factures types sont fournies semblent se trouver à Montréal et à Québec. Les dépenses de publicité ont totalisé plus de 4 millions de dollars (para 36, avec le tableau des dépenses mensuelles à la Pièce MD17). Des exemples de publicité ne sont pas fournis.

  • 3) Entre le 1er janvier 2010 et le 28 février 2017, clicassure.com a généré plus de 4,6 millions de sessions et plus de 36 millions de visionnements de pages (para 37). Un extrait de Google Analytics est fourni à l’appui (Pièce MD18). Il comprend un graphique linéaire démontrant le nombre de visiteurs qui augmente au fil du temps, mais le graphique semble arrêter un peu avant 2016. De plus, il n’y a aucune indication directe de l’origine de l’une ou l’autre des séances. Au mieux, il semblerait que les personnes dont la langue est « fr-ca » ou « en-ca » – que j’interprète comme signifiant le français canadien et l’anglais canadien, respectivement – qu’il y a eu un eu moins de 1,2 million de sessions du Canada. Un graphique à secteurs démontre qu’environ 45 % des sessions mondiales représentent de nouveaux visiteurs; toutefois, il n’y a aucune indication du pourcentage de visiteurs uniques du Canada. Il n’y a pas non plus d’indication que les visiteurs étaient des consommateurs potentiels, des partenaires d’assurance, d’autres personnes ou des robots automatisés.

  • 4) Le 17 février 2011 ou vers cette date, le site Web de l’Opposante est devenu accessible en anglais à clickinsurance.ca, sous la marque de commerce CLICKINSURANCE (para 12). La publicité pour le site a commencé en 2011 et visait principalement les anglophones du Québec (para 24).

  • 5) Du 1er janvier 2013 au 28 février 2017, plus de 200 000 $ ont été dépensés dans le cadre des campagnes Google AdWords pour générer de l’achalandage sur le site en lien avec la marque de commerce CLICKINSURANCE, dont la première somme de 190 000 $ a été dépensée avant le 26 avril 2016 (para 28 à 29).M. Dufour précise que, de 2014 à 2017, de telles campagnes ont ciblé le terme de recherche « car insurance » (assurance automobile) en particulier, et les rapports de coûts montrent des campagnes ciblant l’Ontario avec des mots clés comme « Car Insurance » (assurance automobile) et « assurance automobile » (assurance habitation) (para 27, Pièces MD10 et MD11). Toutefois, les résultats du moteur de recherche Google de 2017 fournis à l’appui sont plutôt pour le terme de recherche « click insurance » (clic assurance) (Pièce MD9). Le premier résultat est une publicité intitulée « clickinsurance.ca - Free Car Insurance Quote » (clicassurance.ca – soumission d’assurance automobile gratuite). Les quatre résultats suivants sont des visites pour www.clickinsurance.ca, le premier étant une page intitulée « ClickInsurance ». Les résultats comprennent également une carte montrant l’emplacement au Québec de la compagnie d’assurance « Clic Assure ».

  • 6) Une campagne de marketing en Ontario et dans les provinces maritimes a été lancée à la fin de 2014 et M. Dufour fournit deux exemples d’articles et un communiqué de presse de cette campagne, publié en janvier 2015 sur les sites d’information Insurance Business Canada (www.insurance‌business‌mag.com), Canadian Underwriter (www.canadian‌underwriter.ca) et insPRESS.ca Insurance Press Release Service (www3.canadian‌underwirter.ca/‌inspress/) (para 25, Pièce MD­8). Un logo CLICKINSURANCE est affiché au-dessus du communiqué de presse et de l’article d’Insurance Business Canada. Je remarque que ces publications mentionnent clicassure.com qui génère plus de 4 000 demandes de soumission chaque semaine, ce que j’accepte serait généralement des demandes de consommateurs canadiens.

  • 7) Entre février 2015 et février 2017, environ 300 000 $ ont été dépensés pour annoncer la marque de commerce CLICKINSURANCE et le site Web clickinsurance.ca (para 32, avec le tableau des dépenses mensuelles à la Pièce MD14).

  • 8) En 2015 et 2016, le site a été annoncé en lien avec la marque de commerce CLICKINSURANCE sur le réseau de télévision de CTV, pour laquelle les dépenses se chiffraient en dizaines de milliers de dollars (para 30, avec des exemples de factures à la Pièce MD12). Bien que M. Dufour affirme que CTV « rejoint un vaste auditoire », les exemples de factures ne semblent couvrir que Montréal et Toronto-Hamilton. Aucun exemple de publicité n’est fourni.

  • 9) Également en 2015 et en 2016, le site Web a été promu avec la marque de commerce CLICKINSURANCE sur le réseau social Facebook, avec des publicités parrainées pour plus de 10 000 $ (para 31, avec l’imprimé de compte Facebook à la Pièce MD13). Toutefois, aucun exemple de publicité n’est fourni et le nombre de visionnements en provenance du Canada n’est pas indiqué.

  • 10) Du 1er janvier 2015 au 28 février 2017, clickinsurance.ca a généré plus de 140 000 sessions et plus de 500 000 visionnements de pages (para 33). L’extrait de Google Analytics fourni à l’appui (Pièce MD15) comprend un graphique linéaire montrant le nombre de visiteurs au fil du temps, mais le graphique prend fin vers août 2016. De plus, aucune des données d’analytique n’indique l’origine des sessions. Au mieux, il semblerait que les personnes dont la langue est « en-ca » ou « fr-ca » étaient d’un peu plus de 30 000 du Canada. Un graphique à secteurs démontre qu’environ 68 % des sessions représentent de nouveaux visiteurs, mais n’indique pas la proportion du Canada.

[47]  Je suis prête à accepter les données de Google Analytics comme preuve d’un nombre important de sessions canadiennes générées par clicassure.com avant la cession du 1er mars 2016. En outre, je suis prête à accepter le chiffre de 4 000 demandes de soumissions hebdomadaires du communiqué de presse publié sur clicassure.com au début de 2015 comme étant fiable : bien que le communiqué de presse soit techniquement du ouï-dire, il est présenté dans le cadre de la campagne de marketing de l’Opposante et, lorsque M. Dufour déclare qu’il traite du site Web CLICKINSURANCE, je le considère comme adoptant le contenu du communiqué de presse en ce qui a trait aux deux versions du site. Le communiqué de presse affiche la version anglaise du logo et j’estime qu’il est raisonnable de conclure que la version française correspondante aurait été employée en même temps, affichée sur le site Web de l’Opposante de la manière indiquée sur les pages Web dans la preuve, dont la première date est à peu près contemporaine avec le communiqué de presse. Je conclus également qu’il est raisonnable de déduire que la marque de commerce CLICASSURE aurait été employée à ce moment-là dans le texte des pages Web, tel que discuté ci-dessus. Par conséquent, j’accepte que la marque de commerce CLICASSURE soit devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada au moment où elle a été cédée. Toutefois, en l’absence de données plus récentes et de détails sur la licence qui semblent être en vigueur depuis au moins août 2017, il n’est pas possible d’évaluer la mesure dans laquelle la réputation de la marque de commerce continuerait de bénéficier à l’Opposante à la date pertinente.

[48]  M. Dufour laisse entendre dans son affidavit que la version anglaise du site profite également de la réputation de la version française (para 34). Toutefois, pour évaluer la probabilité de confusion du motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d), chacune des marques de commerce d’une opposante doivent être considérée individuellement. Dans ce cas, il n’y a aucune indication du taux de demande de soumission hebdomadaire d’assurance de clickinsurance.ca et les données de Google Analytics montrent que le nombre de visites canadiennes dans cette version du site est beaucoup moins élevé. Par conséquent, je conclus que la marque de commerce CLICKINSURANCE aurait été connue dans une moindre mesure.

[49]  En ce qui a trait à la publicité, le logo CLICKINSURANCE est affiché sur l’article susmentionné et le communiqué de presse, publié sur les sites Web d’information sur les assurances (para 25, Pièce MD8). Toutefois, bien que M. Dufour atteste que ce sont « les sites les plus importants dans le domaine de l’assurance au Canada et sont par exemple au pays » (para 26), il ne donne aucune indication concrète de la mesure dans laquelle les Canadiens, qu’ils soient des fournisseurs d’assurance ou des consommateurs, ont vu l’article et le communiqué de presse en question. Ces documents fournissent donc peu d’aide pour démontrer la mesure dans laquelle les Marques de commerce de l’Opposante ont pu devenir connues par la promotion et la publicité.

[50]  De plus, bien que M. Dufour fournisse de l’information sur les dépenses publicitaires dans divers autres médias, comme la publicité à la télévision et à la radio, le seul exemple de publicité fourni est le résultat de recherche de Google intitulé « clickinsurance.ca – Free Car Insurance Quote ». Toutefois, comme ce résultat a été obtenu en faisant une recherche pour le terme « click insurance », il ne s’agit pas d’une preuve que la marque de commerce est devenue connue par des personnes qui ne la connaissent pas déjà. En l’absence d’exemples de publicité à la radio, à la télévision et sur Facebook, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure ces publicités présentaient les Marques de commerce de l’Opposante. Comme j’en ai discuté plus haut, pour qu’un nom de domaine soit employé à titre de marque de commerce, il doit immédiatement être lié à des renseignements importants sur les services associés. De même, l’emploi d’un nom commercial ne correspond pas nécessairement à la définition d’une marque de commerce dans tous les cas. En l’absence d’autres détails, il n’est pas possible d’évaluer la mesure dans laquelle les Marques de commerce de l’Opposante ont été employées comme telles dans la publicité ou, par conséquent, portées à l’attention des Canadiens. Les dépenses publicitaires ne me permettent pas non plus de déterminer dans quelle mesure les Canadiens ont été exposés à de telles publicités.

[51]  Quant à la Marque, rien n’indique qu’elle soit devenue connue au Canada. Bien que M. Dufour inclue dans son affidavit des imprimés du site Web de la Requérante aux États-Unis (Pièce MD19), rien n’indique que la Requérante a commencé à mener ses activités sous la Marque au Canada ou que des Canadiens ont visité le site des États-Unis.

[52]  Dans l’ensemble, je conclus que la marque est légèrement plus distinctive que les Marques de commerce de l’Opposante; toutefois, rien n’indique que la Marque est devenue connue au Canada, tandis qu’il y a au moins une preuve qui laisse entendre que chaque Marque de commerce de l’Opposante est devenue connue au Canada au moins dans une certaine mesure. Tout compte fait, j’estime que l’emploi et la promotion des Marques de commerce de l’Opposante auront accru leur caractère distinctif, en particulier dans le cas de CLICASSURE; toutefois, la preuve ne me permet pas de conclure que l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante est devenue connue dans une mesure qui améliorerait considérablement la protection à laquelle elle a droit à la date pertinente.

Durée d’emploi des marques de commerce

[53]  M. Dufour atteste que le site Web de l’Opposante est disponible au Canada sous la marque de commerce CLICASSURE depuis le 26 novembre 2008 et sous la marque de commerce CLICKINSURANCE depuis le 17 février 2011. Toutefois, de simples déclarations sur l’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi au sent de l’article 4 de la Loi [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[54]  La première preuve documentaire de l’emploi montre la marque de commerce CLICKINSURANCE dans un communiqué de presse et sur le site Web de l’Opposante en 2015 (Pièces MD5 et MD8). Comme je l’ai mentionné plus haut, je conclus également qu’il est raisonnable de déduire qu’il y aurait eu un emploi correspondant de la marque de commerce CLICASSURE dans le site Web de l’Opposante au même moment.

[55]  Puisqu’il n’y a aucune preuve que la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada, ce facteur favorise l’Opposante, pour ses deux marques de commerce.

Genre des services et nature du commerce des parties

[56]  Lorsqu’on examine la nature des services et la nature des opérations des parties en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, il faut évaluer l’état déclaratif des services tel que défini dans l’état déclaratif des services figurant dans l’enregistrement de l’opposant, compte tenu des voies de commercialisation normalement liées à ces services [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. Les états déclaratifs doivent être effectués de manière à déterminer le type probable de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober; une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd, 1999 CarswellNat 3465 (COMC)].

[57]  À partir d’une simple lecture de la Demande et des enregistrements de l’Opposante, la nature des services des parties se chevauche, puisque les services des deux parties comprennent un site Web qui fournit des renseignements sur les transactions d’assurance et permet aux utilisateurs de comparer les assureurs. De plus, la description plus vaste des [traduction] « services d’assurance » dans la Demande pourrait englober directement le service dans les enregistrements de l’Opposante, ce qui permettrait aux clients de remplir des demandes d’offres d’assurance.

[58]  En ce qui a trait aux transactions réelles des parties, la Requérante n’a pas produit de preuve de la façon dont elle entend employer la Marque au Canada. Toutefois, l’affidavit de M. Dufour pour l’Opposante présente les imprimés faits entre le 21 décembre 2016 et le 4 août 2017 de l’adresse www.clearsurance.com, qu’il déclare être le site Web américain de la Requérante (para 39, Pièce MD19). Le site est présenté comme une ressource indépendante d’information sur l’assurance sous forme de critiques participatives, de notes des clients, d’évaluations d’organismes indépendants, etc., afin d’aider les utilisateurs à choisir un assureur; les clients peuvent également soumettre du contenu (critiques, évaluations et articles) et lire des [traduction] « renseignements et conseils » sur la façon d’améliorer la couverture existante (www.clearsurance‌.com/‌faq aux pages 4 et 5, 10 à 12 et 15 à 16). Le [traduction] « Centre d’apprentissage » du site comprend des articles sur des sujets comme [traduction] « Les fondements de l’assurance des propriétaires occupants » et [traduction] « Attention locataires : Les 5 principales choses à savoir au sujet de l’assurance locataire » (page d’accueil, à la page 4). La plateforme permet aux assureurs abonnés de publier un profil et de répondre aux commentaires des clients laissés sur le site, et, moyennant des frais, de déployer un widget pour encourager la rétroaction des clients (www.clearsurance‌.com/‌for-companies, aux pages 2 à 5).

[59]  Cette preuve est techniquement du ouï-dire; toutefois, elle est nécessaire dans la mesure où l’Opposante ne connaît pas personnellement les activités de la Requérante et qu’elle est fiable, puisque la Requérante est la source des pages Web et a eu l’occasion de les réfuter [quant à l’admissibilité des preuves par ouï-dire qui sont nécessaires et fiables, voir Labatt Brewing Co c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. En effet, la Requérante a semblé accepter cette preuve et y a fait référence dans ses observations verbales. Une conclusion selon laquelle les services de la Requérante au Canada refléteront nécessairement ceux fournis aux États-Unis serait quelque peu hypothétique; toutefois, les pages Web fournies font partie de la portée des services définis dans la Demande. Tout bien pesé, je suis disposée à accorder une certaine considération à cette preuve, comme discuté ci-dessous.

[60]  En ce qui a trait au site Web de l’Opposante, l’affidavit de M. Dufour démontre qu’il permet aux utilisateurs de recevoir et de comparer des offres d’un maximum de trois assureurs en remplissant un seul formulaire de demande; les offres sont envoyées par courriel par les assureurs sélectionnés par l’Opposante (Pièce MD4). Le site fournit également ce qui semble être une série de liens internes vers des articles contenant des [traduction] « renseignements pratiques qui vous aideront à remplir pleinement votre demande de soumission » (ibid., à la page 4). Les titres vont de [traduction] « Le fonctionnement de l’assurance copropriétaire occupant » et [traduction] « Cinq avantages d’un système de sécurité à domicile » à [traduction] « Les 10 automobiles les plus volées en Ontario » et [traduction] « Nos conseils d’assurance de retour en classe pour les étudiants et les parents ». L’exemple d’article fourni explique comment certains partenaires du site se spécialisent dans l’aide aux clients dont l’assurance habitation et automobile a été annulée pour non-paiement (ibid., page 5).

[61]  À l’audience, la Requérante a souligné que le site Web de l’Opposante est un marché (le site se décrit comme tel : voir, par exemple, ibid., à la page 1), alors que le site Web de la Requérante ne permet pas aux consommateurs d’entamer des achats et ressemble davantage à un kiosque à journaux numérique. De plus, bien que les titres des articles auxquels les sites Web respectifs font référence suggèrent un sujet semblable, la Requérante a soutenu à l’audience qu’il n’y a aucune preuve de similitude dans la nature et la perspective des articles. La Requérante a souligné que l’information sur son site est fournie par les consommateurs et a soutenu qu’il s’agit d’une distinction importante.

[62]  Néanmoins, j’estime qu’il y a un chevauchement considérable dans la nature des services des parties. Les services des deux parties consistent à fournir un site Web contenant des renseignements permettant aux consommateurs de comparer les offres des assureurs, qui peuvent être spécifiques ou générales. Il est vrai que les services actuels de la Requérante aux États-Unis semblent différer de ceux de l’Opposante du point de vue des renseignements fournis; dans la nature des outils de comparaison fournis; et dans les mécanismes spécifiques permettant aux consommateurs d’interagir avec les assureurs. Toutefois, la plateforme de la Requérante permet déjà aux assureurs de publier un profil et de répondre aux commentaires des clients, et rien dans la Demande n’empêcherait la Requérante d’élargir les options des assureurs pour promouvoir leurs activités et communiquer avec les clients dans la version canadienne proposée du site.

[63]  Il y a également la possibilité d’un chevauchement important entre les voies de commercialisation des parties. Il semble que les deux parties offrent actuellement un site Web neutre ciblant les consommateurs, y compris ceux de l’assurance habitation et automobile, tout en invitant les compagnies d’assurance à en tirer profit en devenant des « partenaires » ou des [traduction] « abonnés ». En effet, le communiqué de presse de l’Opposante pour l’expansion en Ontario et dans les Maritimes visait de nouveaux partenaires et énumérait les avantages que le partenariat a à offrir, comme [traduction] « Un prix très concurrentiel par piste » (Pièce MD8). Le site Web de la Requérante s’adresse aux compagnies d’assurance qui s’annoncent comme [traduction] « une plateforme pour vous permettre de communiquer avec vos clients, d’améliorer votre réputation et de faire croître votre marque », offrant des abonnements gratuits et payés (Pièce MD19 à www.clearsurance.com/for-companies, pages 2 à 4). Bien que la Requérante ne puisse pas nécessairement offrir exactement les mêmes services au Canada, le mémoire descriptif des services dans la Demande comprend les « Services d’assurance » et l’« offre d’un site Web qui affiche des demandes [...] des recommandations [...] et de l’information ayant trait à des opérations [...] d’assurance. » Cette description est suffisamment vaste pour englober une plateforme en ligne à laquelle les assureurs peuvent souscrire, dans le but de non seulement répondre aux questions et aux commentaires des clients, mais aussi de fournir des offres d’assurance et d’autres recommandations.

[64]  À l’audience, la Requérante a soutenu que les partenaires de l’Opposante sont des entreprises sophistiquées dans une industrie hautement réglementée, qui emploient eux-mêmes le terme suggestif « Assurance » dans leurs dénominations commerciales (comme le montre la liste des assureurs à la Pièce MD5), et qu’il est donc peu probable qu’elles soient confondues avec les marques de commerce en cause. En ce qui a trait aux consommateurs, la Requérante a soutenu que les parties peuvent coexister dans un [traduction] « écosystème » où les consommateurs lisent l’information sur le site Web de la Requérante et se rendent ensuite sur le site Web de l’Opposante pour entamer un achat.

[65]  Toutefois, il demeure que la Demande et les enregistrements de l’Opposante peuvent viser les mêmes voies de commercialisation, soit (i) les consommateurs qui cherchent une plateforme de comparaison et (ii) les assureurs qui cherchent à avoir accès à des clients potentiels. De plus, la confusion ne doit pas être évaluée du point de vue d’un client averti ou d’un consommateur qui examine côte à côte les services des deux parties. Il s’agit plutôt d’une question de première impression pour un consommateur occasionnel qui ne s’arrête pas pour examiner la question de façon approfondie.

[66]  Enfin, je note que les enregistrements de l’Opposante couvrent également un site Web permettant aux clients de remplir des demandes de produits financiers et de comparer les offres des institutions financières; toutefois, aucune preuve n’est fournie indiquant qu’il s’agit d’un aspect supplémentaire des services de l’Opposante. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il est moins pertinent, puisqu’il n’y a aucune indication que les Services de la Requérante se rapportent à des produits autres que l’assurance.

[67]  Je conclus que les facteurs des articles 6(5)c) et d) favorisent l’Opposante.

Autres circonstances additionnelles

[68]  Dans ses observations écrites et à l’audience, la Requérante a soulevé plusieurs autres circonstances additionnelles, comme suit.

Emploi de la marque dans la forme figurative

[69]   À l’audience, la Requérante a fait remarquer que, dans les logos de l’Opposante, le mot CLICK ou CLIC est dans une teinte plus claire que le mot INSURANCE ou ASSURE, renforçant ainsi l’impression de deux mots distincts. Selon la Requérante, cette façon de présenter donne l’impression que la marque de commerce de l’Opposante est en fait CLICK ou CLIC alors que INSURANCE ou ASSURE décrit le service.

[70]  Des facteurs comme le contexte de la marque dans lequel une marque de commerce est employée peuvent être importants dans une action en commercialisation trompeuse. Cependant, lorsqu’on examine un motif d’opposition fondé sur l’article 12(l)d), c’est l’effet même de la marque visée par l’enregistrement de l’Opposante qui doit être prise en considération, et non l’effet d’autres indices qui peuvent apparaître avec la marque de commerce. Lorsque l’enregistrement d’un opposant vise une marque nominale, son emploi réel n’est pas sans pertinence, mais l’analyse ne devrait pas se concentrer entièrement sur le mode de présentation actuel, puisque ce qui est accordé par l’enregistrement est le droit d’arborer la marque en employant n’importe quel style de lettrage, de couleur, de dessin ou d’autres caractéristiques [Masterpiece, précité; Advance Magazine Publishers, Inc c Banff Lake Louise Tourism Bureau, 2018 CF 108].

[71]  En l’espèce, ce facteur n’aide ni l’une ni l’autre des parties.

Termes suggestifs communément employés dans ce secteur le commerce

[72]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que le consommateur moyen aura tendance à faire la distinction entre les marques de commerce incorporant des mots communs au commerce par les caractéristiques non communes des marques. La Requérante soutient qu’en arriver à une conclusion autrement [traduction] « brouillerait les principes d’équité dans les activités commerciales qui permettent à un commerçant de distinguer ses produits et services de ceux de ses concurrents en s’appuyant librement sur le vocabulaire commun des commerçants » (au para 21) et qu’en accordant à l’Opposante un monopole sur l’utilisation des mots du dictionnaire ordinaire, on [traduction] « élargirait la portée de l’Opposant au-delà de l’objet et du but de la Loi, qui est de protéger les consommateurs contre confusion » (para 27).

[73]  La Requérante tente, en particulier, d’établir un parallèle entre la présente affaire et celle de Assurant, Inc c Assurancia, Inc, 2018 CF 121, où la Cour fédérale a conclu que le degré de ressemblance entre les marques de commerce ASSURANT et ASSURANCIA provenait de la caractéristique partagée ASSURAN, qui est très suggestive de l’industrie de l’assurance dans laquelle les deux parties offraient leurs services. La Cour a conclu que, par conséquent, de légères différences entre les deux marques de commerce suffiraient à les distinguer et à réduire le risque de confusion, et la Cour a conclu que les suffixes T et CIA constituaient une telle différence. Dans cette conclusion, elle a cité avec approbation [traduction] « le principe de longue date selon lequel lorsqu’une partie emploi des mots ou des termes couramment employés dans son secteur d’activités, il faut s’attendre à un certain degré de confusion, mais que le consommateur moyen dans un tel contexte aura tendance à faire la distinction entre les caractéristiques non communes des marques respectives » [au para 46, citant Molson Co c John Labatt Ltd (1994), 58 CPR (3d) 527 CAF), aux para 6 à 8].

[74]  En effet, c’est un principe généralement reconnu que l’utilisation courante d’un certain élément dans les marques de commerce tend à inciter les acheteurs à porter davantage leur attention sur les autres éléments des différentes marques et à faire ainsi la distinction entre elles [voir Polo Ralph Lauren Corp c United States Polo Assn (2000), 9 CPR (4th) 51 (CAF); Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[75]  À l’audience, la Requérante a attiré l’attention sur la liste des partenaires de l’Opposante à la Pièce MD5 de l’affidavit de M. Dufour, dont bon nombre sont identifiés dans cette liste par un nom commercial qui comprend le mot « Assurance ». Selon l’Opposante, cette preuve indique que les Marques de commerce de l’Opposante n’ont pas droit à une grande quantité de protection, parce que les consommateurs de produits d’assurance seront habitués à faire la distinction entre les marques de commerce et les dénominations commerciales comportant le mot « Assurance » ou « Insurance ». En effet, plus de la moitié des dénominations commerciales de ces assureurs intègrent le terme « Assurance » en totalité ou en partie et six intègrent le terme « Insurance » (par exemple, LEDOR Assurances, Assurpro Direct inc., et BMT insurance). Je note en particulier « Club Assurance », dont le logo est composé du mot « clubassurance » en lettrage simple; cette entreprise figure également dans la liste partielle des logos des partenaires qui apparaît à la fin de chacune des pages Web exposées (Pièce MD4).

[76]  Je suis prête à accepter la liste des assureurs de la Pièce MD5 comme preuve de l’état du marché en ce qui a trait aux dénominations commerciales des assureurs. Cette liste est tirée du site Web de l’Opposante telle qu’elle a été publiée en 2015; toutefois, les noms commerciaux incorporant le terme « Assurance » demeurent prévalents dans les listes partielles des assureurs à la fin des pages Web à la Pièce MD4, qui sont plus récentes, et je n’ai aucune raison de douter qu’ils demeureraient prévalents jusqu’à aujourd’hui.

[77]  Ce facteur milite en faveur de la Requérante.

Aucun cas de confusion réelle

[78]  Dans ses observations écrites, la Requérante soutient que l’Opposante n’a produit aucune preuve que l’une ou l’autre de ses marques de commerce a été confondue avec la Marque et qu’il n’y a pas de preuve de [traduction] « connaissance réelle, ni de fondement raisonnable, pour appréhender que la [Marque] suggérerait une association avec l’Opposante » (para 25).

[79]  Toutefois, une opposante n’est aucunement tenue de faire la preuve de l’existence de cas de confusion réelle ou d’association. C’est au requérant qu’incombe le fardeau de démontrer l’absence de probabilité de confusion. Une inférence défavorable peut néanmoins être tirée lorsqu’une preuve de confusion réelle pourrait facilement être obtenue [Mattel, précitée]. Toutefois, en l’espèce, puisqu’il n’y a aucune preuve que la Marque est employée ou révélée sur les marchés de l’Opposante au Canada, il n’est pas possible de tirer une conclusion significative en ce qui a trait à l’absence de confusion réelle.

[80]  Par conséquent, j’estime que l’absence de preuves de confusion réelle dans cas n’est pas un facteur pertinent.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[81]  Pour qu’une Requérante puisse s’acquitter de son fardeau juridique, le registraire doit être raisonnablement convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’enregistrement demandé ne créera vraisemblablement pas de confusion; il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute que la confusion est improbable [Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29].

[82]  À la suite de mon analyse de tous les facteurs pertinents, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque ne créera vraisemblablement pas de confusion avec l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante. J’estime que les différences entre les Marques et chacune des Marques de commerce de l’Opposante sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion quant à la source des services respectifs des parties, même à titre de première impression et de souvenir imparfait, en dépit du chevauchement de la nature générale des services et des commerces. Étant donné le degré relativement faible de ressemblance entre les marques de commerce des parties, je ne crois pas qu’il soit probable que les Services de la Requérante proviennent de la même source que ceux de l’Opposante, soit comme une extension de celle-ci, soit comme un complément de celle-ci.

[83]  J’en arrive à cette conclusion en gardant à l’esprit que les Marques de commerce de l’Opposante présentent un caractère distinctif inhérent relativement faible et, à ce titre, qu’elles n’ont pas droit à une protection particulièrement étendue. Lorsqu’une partie a consulté le vocabulaire courant du commerce pour sa marque et cherche à empêcher des concurrents de faire de même, la portée de la protection accordée est plus limitée que dans le cas d’un mot inventé, unique ou non descriptif [General Motors, précité]. Bien que le caractère distinctif d’une marque de commerce puisse être accru par l’emploi et la promotion, la preuve au dossier ne me permet pas de conclure que l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante est connue à un point tel qu’elle contrebalance son manque de caractère distinctif inhérent.

[84]  Pour ces motifs, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a)

[85]  L’Opposante fait aussi valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(3) de la Loi parce que, à la date de production de la Demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, qui avaient antérieurement été employées au Canada. Plus précisément, l’Opposant plaide la confusion avec ses marques de commerce CLICKINSURANCE, employée au Canada depuis au moins le 17 février 2011, et CLICASSURE, employée au Canada depuis au moins le 26 novembre 2008, en liaison avec les Services de l’Opposante.

[86]  Afin de s’acquitter de son fardeau initial pour ce motif, l’Opposante doit prouver l’emploi antérieur d’au moins une de ses marques de commerce conformément à l’article 16(3)a) de la Loi et également que cette marque de commerce n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande, comme le stipule l’article 16(5) de la Loi. L’emploi sur lequel se fonde l’Opposante doit être son propre emploi ou celui de son prédécesseur en titre, conformément à l’article 17(1) de la Loi.

[87]  La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de priorité revendiquée dans la demande, soit le 26 octobre 2015, conformément à l’article 34(1) de la Loi [voir Shell Canada Limited c P T Sari Incofood Corp, 2005 CF 1040].

[88]  La preuve démontre que la marque de commerce CLICKINSURANCE est affichée sur le site Web de l’Opposante depuis au moins le 16 mars 2015 (Pièce MD5). De plus, même si la preuve aurait pu être plus explicite, il ressort du rapport de Google Analytics à la Pièce MD15 que cette version du site a généré au moins 30 000 sessions au Canada du 1er janvier 2015 au 28 février 2017, et un graphique linéaire inclus dans le rapport démontre que le nombre d’utilisateurs mensuels dans l’ensemble était généralement plus élevé en octobre 2015 et avant qu’après. Je suis donc prête à conclure qu’au moins certaines des sessions canadiennes auraient été générées avant le 26 octobre 2015. Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante a démontré l’emploi de la marque de commerce CLICKINSURANCE (par l’entremise de son prédécesseur en titre) avant la date pertinente. De plus, j’accepte l’affichage de cette marque de commerce sur les pages Web de l’Opposante en date du 24 mars 2016 et du 7 juin 2017 (Pièce MD4) comme preuve que la marque de commerce n’avait pas été abandonnée lorsque la Demande a été annoncée le 21 décembre 2016.

[89]  Comme je l’ai mentionné plus haut, il me semble raisonnable de déduire de la preuve que la marque de commerce CLICASSURE aurait été affichée sur le site Web de l’Opposante au début de 2015 également et j’accepte qu’à ce moment-là, environ 4 000 Canadiens par semaine demandaient des soumissions d’assurance du site (Pièce MD8). Je suis donc convaincue que la marque de commerce CLICASSURE a également été employée au Canada avant la date pertinente. De plus, j’accepte l’affichage de cette marque de commerce par un licencié sur la page Web de l’Opposante en date du 4 août 2017 (Pièce MD4) comme preuve que la marque de commerce n’avait pas été abandonnée lorsque la Demande a été annoncée le 21 décembre 2016. Peu importe si cet emploi sous licence constitue un avantage pour l’Opposante en vertu de la Loi, il semble que l’Opposante n’avait pas l’intention d’abandonner la marque de commerce [à l’égard de l’abandon exigeant à la fois une absence d’emploi et une intention d’abandonner l’emploi, voir Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); et Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].

[90]  Par conséquent, j’estime que le fardeau initial de l’Opposante doit être assumé à l’égard des deux marques de commerce. Le fardeau incombe donc à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec l’une ou l’autre à la date pertinente. Je note que, si je n’avais pas été prête à déduire l’affichage de CLICASSURE sur le site Web de l’Opposante en 2015 et un manque d’intention de l’abandonner en 2017, je n’aurais pas trouvé que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve pour la marque de commerce CLICASSURE; toutefois, pour les raisons énoncées ci-dessous, cela n’aurait pas eu d’incidence sur le résultat de ce motif d’opposition.

[91]  La date pertinente antérieure associée au motif d’opposition prévu à l’article 16 ne modifie pas de façon importante les résultats du test en matière de confusion effectué en vertu du motif de l’article 12(1)d). En vertu de l’article 16(3)a), la preuve de l’emploi et de la promotion des Marques de commerce de l’Opposante est plus proche de la date pertinente, mais je conclus qu’elle est encore insuffisante pour conclure que l’une ou l’autre des marques de commerce est devenue connue à un point tel qu’elle contrebalance son manque de caractère distinctif inhérent. Je souligne également qu’en vertu de l’article 16(3)a), c’est l’énoncé des services tel que défini dans la Demande par rapport aux services pour lesquels l’Opposante a démontré un emploi réel qui régit l’analyse des facteurs prévus aux articles 6(5)c) et d). Toutefois, je suis convaincue, à la suite de mon examen de la preuve discutée au motif précédent, que les services réellement offerts par l’Opposante étaient essentiellement les mêmes que les services les plus pertinents visés par ses enregistrements.

[92]  Par conséquent, la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime et le motif d’opposition prévu à l’article 16(3) est également rejeté.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la loi

[93]  L’Opposante plaide également que la Marque n’est pas distinctive ou ne peut pas devenir distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce que la Marque ne fait pas réellement la distinction entre les Services de la Requérante et ceux de l’Opposante, compte tenu de l’emploi antérieur et actuel et de la révélation des Marques de commerce de l’Opposante pour les mêmes services ou des services semblables.

[94]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est le 20 février 2017, la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185]. Pour que ce motif d’opposition soit accueilli, un opposant utilisant sa propre marque de commerce doit établir que, à la date pertinente, sa marque était devenue suffisamment connue au Canada pour annuler le caractère distinctif de la marque du requérant [Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. Si ce fardeau initial est satisfait, la requérante aura alors le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la marque qu’il cherche à enregistrer a été adaptée pour distinguer ou distinguer les services du requérant de ceux de l’opposant. À cet égard, un requérant doit démontrer que sa marque de commerce ne créera probablement pas de confusion avec la marque de commerce de l’opposant à la date pertinente [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[95]  Il n’est pas nécessaire d’aborder ce motif d’opposition en détail. Dans la mesure où l’Opposante a pu s’acquitter de son fardeau initial, la requérante se sera acquittée de son fardeau juridique, puisque le cas de confusion de l’opposante ne serait pas plus solide à la date pertinente du 20 février 2017 qu’aux dates pertinentes pour évaluer la confusion en vertu des motifs des articles 12(1)d) et 16(3)a). Ainsi, le résultat du motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi serait le même et, par conséquent, ce motif d’opposition serait également rejeté.

Décision

[96]  Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-08-27

COMPARUTIONS

Aucune comparution

POUR L’OPPOSANTE

Andrea Friedman-Rush

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

POUR L’OPPOSANTE

Andrea Friedman-Rush
(Blaney Mcmurtry LLP)

POUR LA REQUÉRANTE

 

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