Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2020 COMC 143

Date de la décision : 2020-12-23

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

2571011 Ontario Limited

Partie requérante

et

 

Fig (Holding) SAL

Propriétaire inscrite

 

LMC882,211 pour MAYRIG CUISINE TRADITIONNELLE

Enregistrement

introduction

[1]  Le 24 juillet 2017, à la demande de 2571011 Ontario Limited (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), à Fig (Holding) SAL (la Propriétaire) la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC882,211 de la marque de commerce figurative MAYRIG CUISINE TRADITIONNELLE (la Marque), reproduite ci-dessous :

MAYRIG CUISINE TRADITIONNELLE

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants :

MARCHANDISES

Produits alimentaires, nommément plats principaux semi-cuits, préparés et emballés composés principalement de viande, de fromage, de poisson, de volaille et de légumes; légumes et fruits en conserve, séchés et cuits.

SERVICES

Services de restaurant, nommément préparation ainsi que service d’aliments et de boissons en tous genres à consommer sur place, à emporter ou pour livraison.

[3]  Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement devrait être radié.

[4]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des produits et services visés par l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 24 juillet 2014 au 24 juillet 2017.

[5]  Les définitions pertinentes d’emploi sont énoncées à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6]  Il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit d’Aline Kamakian, une propriétaire et Gestionnaire de la Propriétaire, souscrit le 21 février 2018. Seule la Partie requérante a produit des observations écrites. Aucune audience n’a été tenue.

la preuve de la propriétaire

[8]  Mme Kamakian explique que la Propriétaire exploite des restaurants au Liban, avec des franchises en Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, ainsi que des franchises supplémentaires prévues en Arménie et en Arabie Saoudite. Elle déclare que la Propriétaire exploite également une ligne de restauration et une épicerie-boutique au Liban. En outre, elle déclare qu’en 2011, elle a écrit un livre de cuisine contenant des recettes du menu de la Propriétaire, et [traduction] qu’« au moins 1 000 exemplaires ont été vendus ou expédiés au Canada ». Elle déclare qu’en avril 2012, elle a participé à des événements à Montréal pour promouvoir le livre et les restaurants et les produits alimentaires de la Propriétaire.

[9]  Mme Kamakian déclare que la Propriétaire participe à des négociations visant à exploiter la franchise pour ouvrir un restaurant au Canada depuis juin 2014. Elle explique que le processus de franchisage peut être long; les négociations de franchisage préalables nécessitant la participation de la Propriétaire ont duré entre deux et quatre ans, avec un délai supplémentaire d’un an à deux ans entre la conclusion des négociations et l’ouverture de la succursale. Elle explique que la Propriétaire a participé à des négociations infructueuses pour ouvrir une franchise au Canada de décembre 2014 à janvier 2015 et de juin à juillet 2017, lesquelles ont toutes deux été interrompues par des franchisés potentiels. Elle déclare que les décisions de ces parties d’interrompre les négociations ont été [traduction] « [m]otivées par des circonstances indépendantes de la volonté de [la Propriétaire] ». Elle déclare en outre que la Propriétaire participe à des négociations en cours pour ouvrir une franchise à Toronto depuis décembre 2016, et à Montréal depuis mars 2017, mais que des franchisés potentiels dans les deux cas [traduction] « hésitent à conclure les négociations en vue d’exploiter la franchise » en raison d’une affaire de marque de commerce distincte impliquant la Propriétaire. Elle indique que l’un de ces derniers franchisés potentiels [traduction] « a obtenu un emplacement » à Toronto.

[10]  Enfin, Mme Kamakian déclare [traduction] qu’« [à] plusieurs occasions au cours des trois dernières années, dans la pratique normale de notre commerce », la Propriétaire a [traduction] « expédié au Canada des échantillons de produits alimentaires contenant des légumes, de la viande, du poisson ou de la volaille et étiquetés avec notre marque de fabrique Mayrig ». Comme Pièce 1, elle joint des photographies d’un certain nombre de produits alimentaires, y compris des boulettes de viande et de fromage et des pâtisseries ainsi que du chocolat, étiquetés avec un logo qui comprend le mot « mayrig » en écriture cursive et l’élément figuratif de la Marque, mais pas les mots « Mayrig cuisine traditionelle ». Elle déclare que [traduction] « [c]es produits alimentaires ont été soit expédiés au Canada, soit rapportés par des clients de leur visite de notre site de Beyrouth. » Comme Pièce 2, elle inclut [traduction] « les factures d’expédition et de douane pour les produits alimentaires que nous avons expédiés en juillet 2014. » Les documents sont datés des 5 et 6 juillet 2014 et montrent une expédition de produits répertoriés uniquement comme « SUPPLEMENTS » et « ALIMENTS » à un client au Canada.

analyse

[11]  La Partie requérante présente les observations suivantes : la preuve de la Propriétaire ne démontre pas l’emploi de la Marque au sens de la Loi, et la Propriétaire n’a pas décrit de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque. Chaque observation sera examinée à tour de rôle.

Emploi de la Marque

[12]  La Partie requérante soutient que la preuve de la Propriétaire ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits ou des services visés par l’enregistrement. En particulier, en ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, la Partie requérante note ce qui suit :

[traduction]

[13]  Je suis d’accord avec la Partie requérante pour dire que les preuves de la Propriétaire ne sont pas suffisantes pour démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits visés par l’enregistrement, car il n’existe aucune preuve d’un transfert de produits en liaison avec la Marque pendant la période pertinente. En ce qui concerne les produits représentés sur les photographies de la Pièce 1, même si j’admettais qu’ils présentent une variation acceptable de la Marque telle qu’elle est enregistrée, la preuve de la Propriétaire est insuffisante pour démontrer l’emploi pour plusieurs raisons.

[14]  Je note tout d’abord que Mme Kamakian déclare que ces produits ont été transférés [traduction] « à plusieurs occasions au cours des trois dernières années »; étant donné que son affidavit a été souscrit le 21 février 2018, cette période de trois ans ne correspond pas tout à fait à la période pertinente. Dans la décision Grapha-Holding AG c Illinois Tool Works Inc, 2008 CF 959, au para 22, la Cour fédérale a conclu que « […] la mention de l’emploi à des dates qui sont comprises à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la période pertinente ne constitue pas une preuve claire parce qu’on ne peut pas déterminer s’il y a eu emploi au cours de la période pertinente. » De même, en l’espèce, il n’est pas clair si les [traduction] « plusieurs occasions » se sont produites pendant la période pertinente en l’absence d’autres preuves, telles qu’une déclaration sous serment claire du déposant à cet effet.

[15]  Je note en outre que la déclaration de Mme Kamakian selon laquelle [traduction] « ces produits alimentaires ont été soit expédiés au Canada, soit rapportés par des clients de leur visite de notre site de Beyrouth », soulève la question de savoir si un quelconque transfert des produits représentés aurait eu lieu au Canada, comme l’exige la loi, ou si les produits ont été achetés au Liban et rapportés au Canada. À cet égard, les seules preuves de la Propriétaire d’un transfert de produits au Canada sont les documents de la Pièce 2 relatifs à une seule transaction qui a eu lieu peu avant la période pertinente. Comme l’a fait remarquer la Partie requérante, Mme Kamakian décrit ces documents comme se rapportant uniquement aux « produits alimentaires », sans préciser qu’il s’agit des mêmes produits que ceux qui figurent dans la Pièce 1, et les documents eux-mêmes mentionnent uniquement « SUPPLEMENTS » et « FOOD ». Par conséquent, même si j’admettais que les documents fournis à titre de preuve montrent un transfert de produits par la Propriétaire à un client canadien, les documents sont antérieurs à la période pertinente et n’identifient aucun des produits visés par l’enregistrement. En outre, cette unique transaction n’établit pas de modèle concernant la pratique normale du commerce de la Propriétaire.

[16]  En résumé, la Propriétaire n’a pas établi que l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement a été transféré au Canada dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente. En conséquence, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits visés par l’enregistrement.

[17]  De même, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement. En ce qui concerne les activités promotionnelles de Mme Kamakian à Montréal en 2012, la Partie requérante fait observer que rien n’indique si, ou comment, la Marque a été affichée en liaison avec les services visés par l’enregistrement dans le cadre de ces activités promotionnelles et, dans tous les cas, qu’il n’existe aucune preuve établissant que ces activités se sont poursuivies pendant la période pertinente. En conséquence, la Partie requérante soutient, et j’en conviens, que malgré les activités promotionnelles de Mme Kamakian à Montréal en 2012, rien n’indique que la Propriétaire a offert ou exécuté les « services de restaurant » visés par l’enregistrement au Canada en liaison avec la Marque ou d’une autre manière, à un moment quelconque. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement.

Circonstances spéciales

[18]  Comme il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente, la question est de déterminer, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, s’il existait des circonstances spéciales qui justifiaient le défaut d’emploi. La règle générale porte que le défaut d’emploi sera pénalisé par la radiation, mais il peut exister une exception lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129 (Scott Paper)].

[19]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a effectivement pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting)]. La Cour fédérale a conclu que des circonstances spéciales signifient des circonstances ou des raisons qui sont « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst), au para 29].

[20]  Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances spéciales justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; (ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [Harris Knitting]. Ces trois critères sont tous pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [Scott Paper].

[21]  En l’espèce, comme il est indiqué ci-dessus, Mme Kamakian déclare que la Propriétaire a cherché à ouvrir une franchise au Canada, mais n’a pas réussi jusqu’à présent dans ses négociations en vue d’exploiter une franchise. À cet égard, elle fait référence aux négociations avec deux franchisés potentiels qui ont été interrompues par ces personnes en raison de « circonstances indépendantes de la volonté de [la Propriétaire] » non précisées, et aux négociations en cours qui ont été retardées par un différend au sujet d’une marque de commerce impliquant la Propriétaire. En conséquence, selon les déclarations de Mme Kamakian, les raisons du défaut d’emploi semblent être les négociations relatives à la franchise interrompues ou retardées. Toutefois, en l’absence de détails supplémentaires de la part de la Propriétaire concernant les circonstances dans ses affaires ou ces négociations en particulier, il n’est pas certain que l’échec des négociations équivaudrait à des circonstances inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles, ou que ces circonstances n’étaient pas simplement attribuables aux conditions de marché difficiles [voir Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)]. De même, je note que la Cour fédérale a conclu qu’un différend qui porte sur une marque de commerce ne constitue pas un fait exceptionnel dans le monde des affaires [voir Jose Cuervo SA de CV c Bacardi & Co, 2009 CF 1166, conf. par 2010 CAF 248; Karoun Dairies Inc c Karoun Dairies SAL, 2013 COMC 228].

[22]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a fourni des raisons du défaut d’emploi de la Marque qui puissent constituer des circonstances spéciales.

[23]  Quoi qu’il en soit, même si j’admettais que les négociations relatives à la franchise interrompues ou retardées constituaient des circonstances spéciales, ces circonstances ne justifieraient pas le défaut d’emploi de la Marque, étant donné que je ne serais pas convaincu que les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire en l’absence de renseignements supplémentaires concernant les négociations avec des licenciés potentiels. À cet égard, Mme Kamakian déclare que deux des négociations ont pris fin lorsque des franchisés potentiels ont [traduction] « décidé d’interrompre les négociations » en raison de [traduction] « circonstances indépendantes de la volonté de [la Propriétaire] » non précisées, sans que d’autres détails ne soient fournis. En l’absence de tels détails, il n’est pas certain que la fin de ces négociations était véritablement indépendante de la volonté de la Propriétaire. Par exemple, la décision des franchisés potentiels d’interrompre les négociations peut être due à des décisions d’affaires ou à d’autres actions de la Propriétaire qui étaient sous son contrôle.

[24]  Enfin, je ne serais pas non plus convaincu que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque. À cet égard, je note que l’intention d’un propriétaire de reprendre l’emploi ou de commencer à faire un emploi doit être corroborée d’une preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)]. Bien que la Propriétaire fasse référence à des négociations en cours, mais retardées avec deux franchisés potentiels, je note que les négociations ou les pourparlers avec des licenciés ou des franchisés potentiels, sans plus, sont insuffisants pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi [Canada Goose Inc c James, 2016 COMC 145, au para 47; NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst), au para 26]. En l’espèce, Mme Kamakian fait référence aux négociations en cours, mais n’indique aucun délai que la Propriétaire aurait imparti pour commencer à employer la Marque au Canada. Par conséquent, je ne serais pas non plus convaincu que la Propriétaire a fourni des preuves suffisantes pour étayer une intention sérieuse de commencer à faire un emploi ou de reprendre l’emploi de la Marque à court terme.

décision

[25]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

 

G. M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


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