Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 140

Date de la décision : 2020-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

EAB Tool Company Inc.

Opposante

et

 

Norske Tools Ltd.

Requérante

 

 

 



 

1,768,577 pour TRADE-A-BLADE THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM & Design

 

Demande

Aperçu

[1]  Les deux parties de cette opposition exploitent des entreprises qui vendent des outils et des articles tels que des lames de scie et des mèches de perceuse, ainsi que des systèmes d’échange qui permettent aux clients de retourner les produits usés au point de vente pour obtenir un crédit sur leur prochain achat.

[2]  Les parties se connaissent. En 2015, Norske Tools Ltd. a acheté les actifs d’une entreprise appelée Sibkis Corporation dont l’un des prédécesseurs était propriétaire d’un enregistrement de marque de commerce pour TRADE-A-BLADE au Canada jusqu’en 1996. Les produits Sibkis Trade-A-Blade ont été distribués par Robert Forbes, aujourd’hui président de EAB Tool Company Inc. à la fin des années 1970. Avant que EAB Tool Company Inc ne soit constituée en société et n’offre des produits et services sous la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE dans les années 1980, les produits TRADE-A-BLADE ont cessé d’être vendus au Canada.

[3]  En 2016, Norske Tools Ltd. a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce TRADE-A-BLADE THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM & Design reproduite ci‑dessous (la Marque). Comme Norske Tools Ltd. avait acheté les actifs de Sibkis Trade-A-Blade Inc, sa position est que ses services constituent le système d’échange original.

 

TRADE-A-BLADE THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM & Design

[4]  EAB Tool Company Inc. s’est opposée à la demande au motif que la Marque (i) crée de la confusion avec ses marques de commerce et nom commercial EXCHANGE-A-BLADE et (ii) qu’elle donne une description fausse et trompeuse au motif que la Requérante n’était pas THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM pour lames de scie au Canada en raison de la longue période pendant laquelle les produits TRADE-A-BLADE n’ont pas été vendus. Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande d’enregistrement de la Marque sur la base que la Requérante n’a pas prouvé qu’elle ne donne pas une description fausse et trompeuse.

Historique du dossier

[5]  Le 19 février 2016, Norske Tools Ltd. (la Requérante) a déposé la demande en vue d’enregistrer la Marque en fonction de son emploi proposé en liaison avec les :

Lames, nommément lames de scie, lames de diamant, lames de scie alternative; scies, nommément, scies emporte-pièces bimétalliques, scies emporte-pièces au carbure, scies alternatives; mèches, nommément mèches de perceuse pour la tuile et les matériaux de maçonnerie, fers à toupie, mèches hélicoïdales et forets à trois pointes.

[6]  Le 8 juin 2016, la EAB Tool Company Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition qui a ensuite été modifiée en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition modifiés sont fondés sur les articles 30i), 12(1)b), 12(1)d), 16 et 2 (caractère distinctif) de la Loi (dans sa version antérieure au 19 juin 2020).

[7]  Comme preuve à l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Robert Forbes, Danny J. Wright et Lindsay Heard. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Robert Johnston, Laurie Jaegge, Leo Trudgeon et David Russell. Comme preuve en réponse, l’Opposante a produit un deuxième affidavit de Robert Forbes. M. Forbes, M. Johnston, M. Russell et M. Trudgeon été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits, le contre‑interrogatoire de M. Forbes portant sur ses deux affidavits. Aux fins de la présente décision, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’examiner les témoignages de Mme Heard, M. Wright, M. Russell ni de celui de Mme Jaegge. Tous les témoignages fournis par ces déposants sont soit non pertinents, soit conformes aux témoignages fournis par M. Forbes, M. Trudgeon et M. Johnston.

[8]  Les deux parties ont produit des observations écrites et l’Opposante a assisté à l’audience.

Fardeau de preuve

[9]  Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298].

La preuve des parties

[10]  Le témoignage des déposants suivants sera examiné dans la présente décision.

·  M. Forbes – le vice-président de l’Opposante.

·  M. Johnston – le vice-président et directeur général de la Requérante.

·  M. Trudgeon – l’ancien propriétaire de la marque de commerce TRADE-A-BLADE aux États-Unis et au Canada et de Sibkis Trade-A-Blade Inc.

[11]  En 1974, M. Trudgeon a acheté les droits d’une entreprise appelée Trade-a-blade and incorpoprated Sibkis Trade-A-Blade Inc. (affidavit Trudgeon, para 2). Cette entreprise offrait aux clients un crédit de fidélité lorsque des produits usagés étaient retournés pour des produits neufs ou reconditionnés à un taux réduit (affidavit Trudgeon, para 3). M. Forbes a distribué les produits TRADE-A-BLADE et les services d’échange de M. Trudgeon en 1974 ou vers 1974 (affidavit Johnston, para 8; affidavit en réponse de Forbes, para 4). En 1978-1979, M. Forbes a informé M. Trudgeon qu’il allait se lancer seul dans la vente de ses propres produits et accessoires pour lames (affidavit Johnston, para 7; affidavit Forbes en réponse, para 5). Une demande d’enregistrement de la marque de commerce TRADE-A-BLADE a été déposée par M. Trudgeon a été approuvée et la marque de commerce a été enregistrée au Canada en 1980 en liaison avec les [traduction] « lames de scie circulaire » (affidavit Jaegge, Pièce C). Peu de temps après, M. Forbes a cessé d’employer la marque de commerce TRADE-A-BLADE et a commencé à employer la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE (affidavit en réponse de l’affidavit de Forbes, para 8).

[12]  M. Trudgeon confirme qu’entre 1978-1979 (période au cours de laquelle la relation avec M. Forbes a pris fin) et 1996, il n’y a eu aucune vente de TRADE-A-BLADE (contre-interrogatoire de Trudgeon, Question 52). M. Johnston explique qu’en 1996, lorsque l’enregistrement canadien de TRADE-A-BLADE devait être renouvelé, M. Trudgeon a choisi de ne pas renouveler la marque de commerce TRADE-A-BLADE au Canada parce qu’il n’avait plus envie de vendre les produits qui y sont liés au Canada (affidavit Johnston, para 7).

[13]  Depuis plus de 35 ans, depuis le lancement de la marque de commerce EXCHANGE‑A‑BLADE, l’entreprise de l’Opposante fabrique, recycle et distribue des outils et des accessoires électriques en Amérique du Nord, y compris des lames, des scies et des mèches sous cette marque (affidavit Forbes, para 4). Les produits usés peuvent être retournés par le client au point de vente et le client reçoit un crédit pour acheter davantage d’outils et d’accessoires électriques de l’Opposante (affidavit Forbes, para 4) L’Opposante refabrique, reconditionne ou recycle ensuite les produits usagés (affidavit Forbes, para 4).

[14]  Les produits et services de l’Opposante sont vendus aux consommateurs dans plus de 2 700 magasins vendant des matériaux de construction en détail en Amérique du Nord (dont une « forte majorité » au Canada) notamment Rona, Home Hardware, Windsor Plywood, et Federated Co-operatives Limited (affidavit Forbes, para 11). Les ventes annuelles au Canada de produits arborant les marques de commerce EXCHANGE-A-BLADE ont dépassé les 3,5 millions de dollars entre 1992 et 2016 (affidavit Forbes, para 20). De 2006 à 2016, l’opposante a dépensé plus de 350 000 $ par an pour la publicité de la marque EXCHANGE-A-BLADE au Canada (affidavit Forbes, para 25).

[15]  Enfin, la Requérante et l’Opposante étaient toutes deux parties à une instance devant la Cour fédérale engagée par l’Opposante concernant l’emploi de la Marque par la Requérante au Canada [EAB Tool Company Inc. c Norske Tools Ltd., 2017 CF 898].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[16]  L’Opposante soutient que la Marque donne une description fausse et trompeuse en langue anglaise de la nature et de la qualité des Produits dans la mesure où la Marque indique que les Produits sont fournis par le système d’échange original de lames de scie. Pour déterminer si une marque de commerce est enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve, mais également appliquer son sens commun; la décision concluant au caractère de description claire, ou encore de description fausse et trompeuse, est fondée sur la première impression à la lumière du produit ou service visé [Neptune S.A. c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst)]. Pour qu’une marque de commerce soit considérée comme donnant une description fausse et trompeuse, elle doit tromper le public quant à la nature (une particularité, un trait ou une caractéristique) ou à la qualité des produits ou des services [Atlantic Promotions Inc c le Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst)].

[17]  La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est la date de production de la demande, qui est en l’espèce le 19 février 2016 [Fiesta Barbecues Ltd c General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst)].

[18]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en renvoyant au sens du dictionnaire ordinaire des mots de la Marque. La Requérante doit maintenant prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa Marque ne donne pas de description fausse et trompeuse.

[19]  La Requérante soutient que l’emploi du mot « ORIGINAL » dans la Marque signifie premier, une revendication qui n’est pas diminuée par une lacune survenue dans l’offre de produits et un système d’échange (Observations écrites de la Requérante, para 44). La Requérante soutient en outre que si M. Forbes a été la première personne à employer le système d’échange au Canada, la preuve établit qu’il l’a fait en tant que distributeur et agent de Sibki (le prédécesseur de la Requérante). Le témoignage de M. Johnston au para 11 est le suivant :

[traduction]

Norske a conclu l’achat d’actifs afin de pouvoir, entre autres, vendre des lames de scie et des accessoires connexes en liaison avec la marque de commerce TRADE-A-BLADE, et afin de pouvoir prétendre à juste titre fournir le « service d’échange original » en ce qui concerne les lames de scie, puisque c’est M. Trudgeon qui a offert pour la première fois ce service au Canada décrit ci‑dessus.

[20]  La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime puisque j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que l’acheteur moyen des Produits considérerait que la Marque donne une description fausse et trompeuse, car elle induit les consommateurs en erreur en leur faisant croire que la Requérante est un commerce ou un système d’échange original de lames au Canada puisque, lorsqu’il est prononcé, « THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM » domine la Marque.

[21]  Le mot « Original » est un mot courant dont le sens serait facilement connu du consommateur moyen au Canada qui, à la première impression, penserait que les mots THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM indiquent que les Produits proviennent de la source qui exploitait à l’origine un système d’échange au Canada. Les preuves montrent cependant que ni la Requérante ni son prédécesseur en titre n’ont exploité une entreprise d’échange au Canada de 1979 à 2016 environ. En l’espèce, [traduction] « le système d’échange original » donne une description fausse et trompeuse, car il ne peut être considéré comme une description exacte étant donné la période de 35 ans de défaut d’emploi par la Requérante et son prédécesseur en titre, et l’emploi intermédiaire par une autre partie d’un système similaire. Mon opinion est renforcée par les commentaires de la Cour fédérale au para 11 de la décision EAB c Norske, précitée, où la Cour déclare, entre autres, « À mon avis, Norske ne peut prétendre être véritablement THE ORIGINAL EXCHANGE SYSTEM ». Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d), 16 et 2

[22]  Ces motifs d’opposition portent tous sur la question de la confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante EXCHANGE-A-BLADE. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont la date de la décision concernant le motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d), la date de production de la demande, à savoir, le 19 février 2016, en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) et la date de l’opposition, à savoir, le 8 juin 2016, en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif [pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 (CF 1re inst)].

Test en matière de confusion

[23]  Le critère applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte, au moment de décider si deux marques créent de la confusion, sont toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles mentionnées expressément aux articles 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi.

La question de savoir s’il y a confusion ou non avec la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE est déterminante

[24]  Je vais comparer la Marque à la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE (enregistrement no LMC324,393) de l’Opposante, car je considère que cette marque est la plus susceptible de donner à l’Opposante gain de cause. Si l’Opposante ne réussit pas à faire valoir qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et son emploi et l’enregistrement de la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE, elle n’obtiendra pas gain de cause en ce qui concerne les autres marques invoquées dans la déclaration d’opposition. La marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE est enregistrée pour emploi avec les produits et services suivants :

[traduction]

Produits : (1) Lames de scie circulaire, fers à toupie et mèches de perceuse remis à neuf et réaffûtés.

Services : (1) Refabrication de lames de scies circulaires; (2) Refabrication et reconditionnement de lames de scies, de fers à toupie et de mèches de perceuse.

[25]  Étant donné que l’enregistrement de l’Opposante est existant, elle s’acquitte de son fardeau en ce qui concerne son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). La preuve de l’Opposante concernant la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE à l’égard de ses produits et ses crédits, ainsi que les ventes importantes de ses produits à des détaillants canadiens, est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau au regard de son motif fondé sur l’article 16(3)a) et de ses deux motifs d’opposition (voir l’affidavit Forbes, para 20 et, par exemple, les Pièces C, D, R, et V).

[26]  Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne chacun des motifs d’opposition fondés sur la confusion, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante EXCHANGE-A-BLADE.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues

[27]  Les marques des parties sont toutes deux des marques extrêmement faibles, car elles sont descriptives des produits et services des parties, à savoir que les produits qui y sont liés, notamment les lames de scie, les mèches de perceuse et les fers à toupie, peuvent être employés et ensuite commercialisés ou échangés contre de nouveaux outils et accessoires. Comme l’Opposante a prouvé que les ventes annuelles de ses produits et services de marque dépassaient 3 millions de dollars et que la Requérante n’a pas fourni de preuve de l’étendue de ses ventes, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Période d’emploi

[28]  Ce facteur favorise l’Opposante qui a prouvé l’emploi de sa marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE depuis 1982 (affidavit Forbes, para 6). En revanche, la Requérante a lancé ses produits en liaison avec la Marque le 13 octobre 2016 (affidavit Johnston, para 20). Bien qu’il existe des preuves de l’emploi de la marque de commerce TRADE-A-BLADE avant 1982, puisqu’elle n’a pas été employée de 1982 à 2016, l’emploi historique n’est pas pertinent pour mon évaluation de ce facteur [EAB c Norske, précitée, para 34].

Genre des Produits, des entreprises et nature du commerce

[29]  Le genre des produits, des services, des entreprises et la nature du commerce des parties sont essentiellement semblables. De plus, la preuve des parties établit que les produits sont distribués aux mêmes détaillants, y compris RONA et Home Hardware (affidavit Forbes, para 11; affidavit Johnston, para 15).

Degré de ressemblance

[30]  Bien que les marques des parties se ressemblent dans une certaine mesure puisqu’elles partagent toutes deux le composant –A-BLADE, le degré de ressemblance pour ce qui est du son et de la présentation est réduit en raison des différences entre les premiers composants des marques TRADE et EXCHANGE. Même si les marques des parties EXCHANGE-A-BLADE et la Marque suggèrent la même idée, à savoir le commerce d’une lame ou l’échange d’une lame, il ne peut y avoir de monopole sur cette idée [American Retired Persons c. Canadian Retired Persons, précité, au para 34].

Circonstance de l’espèce : Jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[31]  La jurisprudence sur les marques faibles appuie la position de la Requérante selon laquelle les marques ne créent aucune confusion. Il est généralement admis que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles les unes des autres [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc, 2001 (CF 1re inst) 1024, au para 66]. Dans la décision Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL, 2005 CF 1550, au para 31(FCTD), le juge de Montigny J. explique :

[traduction]

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […]

[32]  Enfin, une partie qui adopte une marque de commerce faible est réputée accepter un certain risque de confusion [General Motors c Bellows (1949), 10 CPR 101, aux p. 115 et 116].

Circonstance de l’espèce : Absence de preuve de confusion réelle

[33]  Dans certains cas, l’absence de preuve de confusion réelle entre les marques des parties, malgré un chevauchement des produits ou des voies de commercialisation, peut conduire à une conclusion défavorable quant à la solidité de la thèse de l’Opposante. Toutefois, comme la Requérante n’a pas prouvé l’étendue de ses ventes au Canada, l’absence de preuve de confusion réelle n’a pas d’incidence sur mon appréciation de la confusion aux trois dates pertinentes différentes. Il se peut qu’il n’y ait pas eu de cas de confusion réelle parce que même si les produits des parties ont été vendus dans les mêmes chaînes de commerce de détail, ils peuvent ne pas avoir été vendus dans les mêmes magasins ou dans des magasins proches dans un nombre suffisant d’endroits (contre-interrogatoires de Johnston, Questions 248 à 250).

Circonstance de l’espèce : Rebaptême d’EXCHANGE-A-BLADE au nom EAB

[34]  La Requérante soutient qu’en 2013-2014, l’Opposante a rebaptisé EXCHANGE‑A‑BLADE en lui donnant le nouveau nom EAB (Observations écrites de la Requérante, page 11). Toutefois, comme les preuves montrent que la marque EXCHANGE‑A‑BLADE est apparue sur les produits de l’Opposante après le rebaptême, bien qu’en tant que marque secondaire, je ne trouve pas qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce significative [voir Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC, 2010 CF 918, au para 47, qui confirme que la loi ne fait pas de distinction entre les marques de commerce principales et secondaires].

Circonstance de l’espèce : Choix d’EXCHANGE-A-BLADE par M. Forbes

[35]  Je n’estime pas que le fait que M. Forbes ait choisi le nom EXCHANGE-A-BLADE pour qu’il soit différent de TRADE-A-BLADE (contre-interrogatoire de Forbes, Questions 46 à 53) soit pertinent étant donné le temps qui s’est écoulé depuis que la marque de commerce EXCHANGE‑A‑BLADE a été adoptée et les dates importantes en l’espèce.

Conclusion

[36]  La question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les acheteurs des Produits fournis en liaison avec la Marque peuvent croire que ces produits sont fournis, autorisés ou font l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante en raison de sa marque de commerce EXCHANGE‑A‑BLADE. Je l’ai évalué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce EXCHANGE-A-BLADE, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[37]  Eu égard à l’article 6(5), en particulier au faible caractère distinctif inhérent de la marque de commerce de l’Opposante et aux différences entre les marques de commerce des parties et au fait que de petites différences peuvent suffire à différencier les marques faibles, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante EXCHANGE-A-BLADE à chacune des trois dates pertinentes. En conséquence, les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 12(1)d), 2 et 16(3)a) sont rejetés.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)c

[38]  La Requérante souligne dans ses observations écrites qu’en 2013, l’Opposante a changé son nom Exchange-A-Blade Ltd. pour EAB Tool Company Inc. (Observations écrites de la Requérante, para 34). Si l’Opposante s’acquittait de son fardeau de preuve en ce qui concerne ce motif d’opposition, qui allègue la confusion de la Marque avec son nom commercial EXCHANGE-A-BLADE, la Requérante se serait acquittée de son fardeau ultime pour les mêmes raisons qu’en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur la confusion. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[39]  L’article 30i) de la Loi exige qu’une requérante ajoute une déclaration dans la demande selon laquelle la requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Lorsqu’une requérante a fourni la déclaration requise, la jurisprudence suggère que la non-conformité ne peut être soulevée que dans des circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration de la requérante fausse, par exemple, en présence de preuve de mauvaise foi ou de non‑conformité à une loi fédérale [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155; Société canadienne des postes c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire. Je ne considère pas que le témoignage de M. Forbes selon lequel l’Opposante a employé plusieurs des employés de la Requérante avant que ces personnes ne démissionnent et commencent à travailler pour elle (affidavit Forbes, para 68) conteste la capacité de la Requérante à déclarer qu’elle a le droit d’employer la Marque. Il n’y a rien d’intrinsèquement inapproprié à imiter un modèle commercial réussi et à embaucher les employés d’un concurrent [EAB c Norske, précité, au para 49]. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

 

[40]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

____________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 


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