Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 158

Date de la décision : 2021-01-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Greater Edmonton Taxi Service Inc.

Opposante

et

 

Tappcar Inc.

Requérante

 

1,764,943 pour Tappcar

Demande

Introduction

[1] Greater Edmonton Taxi Service Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce Tappcar (la Marque), qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1 764 943 produite par Tappcar Inc. (la Requérante).

[2] La Demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits (Produits) et services (Services) suivants :

Produits

(1) Logiciels pour la coordination de services de transport de personnes et de marchandises, nommément logiciels pour la planification et la répartition automatisées de véhicules automobiles.

Services

(1) Services de taxi.

(2) Services de messager.

(3) Véhicule pour services de location.

(4) Offre d’un site Web d’information concernant les services de transport et la réservation de services de transport par voiture.

(5) Offre d’utilisation temporaire de logiciels non téléchargeables en ligne pour l’offre de services de transport par voiture, la réservation de services de transport par voiture et pour la répartition de véhicules automobiles pour les clients.

(6) Services de télécommunication, nommément acheminement d’appels, de messages SMS et de notifications poussées à des répartiteurs de véhicules automobiles dans les environs de l’appelant au moyen de téléphones mobiles pour la coordination de services de transport de personnes et de marchandises.

 

[3] L’opposition est principalement fondée sur une allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec l’emploi antérieur par l’Opposante de ses marques de commerce TAPP, TAPP YOUR CAB et TAPP YOUR RIDE, en termes et en conception, en liaison avec les produits et les services, y compris les services de taxi.

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[5] La demande d’enregistrement relative à la Marque a été produite le 26 janvier 2016 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 7 septembre 2016.

[6] Le 6 février 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante comprennent les articles 12(1)d), 16(3)a), 16(3)b), 16(3)c) et 2 de la Loi, et traitent tous de la question d’une probabilité de confusion entre la Marque visée par la demande et les marques de commerce de l’Opposante. L’Opposante a retiré le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) par la suite dans son plaidoyer écrit. L’Opposante a également invoqué des motifs d’opposition en vertu de l’article 30i) de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi telle que modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que le libellé de l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] La Requérante a nié tous les motifs d’opposition dans une contre-déclaration signifiée à l’Opposante le 10 avril 2017.

[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Philip Strong. Pour sa part, la Requérante a produit l’affidavit de Jonathon L. Wescott à l’appui de sa demande. M. Wescott a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et sa transcription fait partie du dossier. Les engagements découlant du contre-interrogatoire de M. Wescott ont ensuite été déposés et font également partie du dossier.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

[10] Avant d’évaluer les allégations avancées dans la déclaration d’opposition, j’examinerai d’abord la preuve des parties, le fardeau de preuve de l’Opposante et du fardeau ultime de la Requérante. Il sera également nécessaire de discuter de la signification du terme « confusion » dans le contexte de la Loi et des facteurs à prendre en considération pour évaluer la question de la confusion.

La preuve

La preuve de l’Opposante

[11] La preuve de l’Opposante comprend l’affidavit de Philip Strong, président de l’Opposante, souscrit le 10 août 2017 (para 1). Les parties pertinentes de l’affidavit de M. Strong sont résumées ci-dessous.

Activités, produits et services de l’Opposante

[12] La société de l’Opposante a été fondée en 1945 à Edmonton, au Canada (para 2). L’Opposante est une filiale en propriété exclusive de 331001 Alberta Ltd., une société en vertu des lois de l’Alberta. 331001 Alberta Ltd. est également la propriétaire de Prestige Transportation Ltd. et de Cliff’s Towing Ltd. M. Strong est le président de toutes ces sociétés (para 3).

[13] M. Strong indique que l’Opposante est le plus important fournisseur de services de transport de taxi d’Edmonton, offrant des services de transport et de taxi dans la région d’Edmonton par l’entremise de ses flottes de taxis sous les divisions suivantes : Yellow Cab, Barrel Taxi, Checker Cabs, Prestige Cab, Taxi 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, Capital Taxi, Division du garage et division de la carrosserie, Prestige Transportation Ltd exerçant ses activités sous le nom de Limousine Prestige, Entrepreneurs DATS, Division Stretch, Service de navette Skyshuttle Service et Charter division (para 4).

Les marques de commerce de l’Opposante

[14] M. Strong affirme que, depuis au moins janvier 2015, l’Opposante [traduction] « a continuellement employé les marques TAPP, TAPP YOUR RIDE et TAPP YOUR CAB en liaison avec ses applications mobiles pour identifier ses produits et services » (les « marques de l’Opposante ») (para 13 et 14). Ces marques de commerce, représentées sous le format de marques nominales et de dessin, figurent à l’annexe A de la présente décision et sont visées par les demandes déposées auprès du Bureau canadien des marques de commerce (para 15).

Emploi et promotion des marques de l’Opposante

[15] M. Strong affirme que, depuis au moins janvier 2015, l’Opposante a activement fait la promotion des marques de l’Opposante au Canada en liaison avec ses services de taxi. Il décrit les marques de l’Opposante comme [traduction] « essentielles à l’identification des produits et services de l’Opposante au Canada et en particulier de ses applications mobiles » (para 16).

[16] En octobre 2013, l’Opposante a lancé son logiciel d’application mobile pour téléphones intelligents en utilisant les systèmes d’exploitation Apple et Android pour apporter l’automatisation et l’efficacité opérationnelle à la flotte de taxis de l’Opposante, avec gestion de répartition automatique et manuelle. M. Strong indique qu’il y a eu 44 000 téléchargements du logiciel d’application mobile et que ces téléchargements ont généré 11 % des trajets réservés pour les taxis de l’Opposante (para 17).

[17] En 2013, l’application mobile pour Yellow Cab et Barrel Taxi a été réalisée. En 2014, le logiciel d’application mobile pour Checker et Prestige Cab a été mis en œuvre. En outre, les services de taxi exploités sous le nom de Leduc Yellow et Sherwood ont été intégrés à l’application mobile Yellow Cab. En avril 2017, les applications logicielles mobiles pour Capital Taxi et Taxi 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 ont été mises en œuvre (para 17).

[18] M. Strong affirme qu’en moyenne, l’Opposante effectue entre 228 000 et 310 000 voyages par mois, selon la saison et l’état de l’économie. M. Strong affirme que la marque de commerce TAPP YOUR RIDE est employée dans la publicité de l’application de logiciel mobile sur le site Web de l’Opposante et que [traduction] « par conséquent, les applications de logiciel mobile sont un élément important de l’activité de l’Opposante » (para 18).

Présentation de la marque TAPP YOUR CAB de l’Opposante

[19] M. Strong affirme qu’afin de faire connaître ses services d’application mobile, l’Opposante fait de la publicité dans des publications de voyage populaires telles que le GUIDE DE VOYAGE POUR EDMONTON et WHERE EDMONTON publiées par Tanner Young Publishing Group (Tanner Young) (para 19).

[20] La Pièce B est un extrait du numéro de janvier/février 2015 de WHERE EDMONTON contenant la page de couverture et une page comportant une publicité (ci-dessous) arborant la marque TAPP YOUR CAB et des renseignements pour le téléchargement des applications mobiles pour téléphones intelligents (para 20). M. Strong affirme que des exemplaires de ce numéro ont été distribués à des hôtels, des restaurants et des détaillants, des galeries, des attractions touristiques et des centres d’information pour les visiteurs (para 20).

[21] M. Strong affirme que la publication WHERE EDMONTON est publiée tous les deux mois et que la marque TAPP YOUR CAB a été publiée dans au moins neuf numéros de la publication (para 21). M. Strong fournit également des renseignements sur la distribution de la publication, qui semble être tirée d’un extrait d’une trousse d’information de WHERE EDMONTON datée de 2017 (para 22, Pièce C).

[22] La même publicité figure également dans le « Guide de voyage pour Edmonton de 2015 ». La Pièce D contient la page de couverture de cette publication et une copie de la page présentant l’annonce. M. Strong indique que des exemplaires du Guide de voyage d’Edmonton pour 2015 (qui a été remplacé par le Guide de la ville d’Edmonton par la suite) ont été distribués à plus de 400 endroits dans quatre provinces, dont l’Alberta, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba (para 23). La Pièce E est décrite comme un extrait de la trousse d’information (non datée) de Tanner Young indiquant la distribution du Guide de voyage pour Edmonton dans l’ouest canadien et aux États-Unis (para 24).

Présentation de la marque TAPP YOUR RIDE de l’Opposante

[23] M. Strong affirme que depuis octobre 2015, l’Opposante a distribué plus de 2 000 brochures portant la marque TAPP YOUR RIDE à ses clients; la Pièce F contient des copies de deux de ces brochures. Je souligne que la brochure est semblable à l’annonce pour TAPP YOUR CAB présentée ci-dessus en ce sens que la marque TAPP YOUR RIDE figure à proximité de diverses marques de taxis de l’Opposante (Barrel Taxi et Yellow Cab, respectivement). M. Strong indique qu’en mars 2016, 2 000 brochures supplémentaires ont été reçues et distribuées aux [traduction] « clients privilégiés » de l’Opposante (para 25).

[24] M. Strong affirme que la marque TAPP YOUR RIDE a été imprimée sur chaque reçu délivré aux clients qui ont utilisé les taxis de l’Opposante et que l’Opposante délivre plus de 200 000 reçus chaque année à ses clients (para 26).

[25] M. Strong affirme qu’en avril 2017, l’Opposante a mis à jour son application mobile et distribué une feuille d’instructions à ses clients pour mettre à jour leur application mobile. La Pièce G est une copie de cette feuille d’instructions où figure la marque TAPP YOUR RIDE (para 27).

[26] Des imprimés du site Web de l’Opposante (www.edmtaxi.com) arborant la marque TAPP YOUR RIDE et datés du « 8/10/2017 » (le 10 août 2017) sont joints à la Pièce H. La dernière page comprend une annotation indiquant ©2017.

[27] M. Strong indique que toutes les communications du personnel aux clients, aux fournisseurs et à toute autre personne comprennent la signature TAPP YOUR RIDE ainsi qu’un lien vers le site Web de l’Opposante dans le cadre de sa ligne réservée à la signature (para 29).

Les dépenses de publicité

[28] M. Strong fournit une estimation des dépenses publicitaires annuelles au Canada en liaison avec les marques de l’Opposante de 2014 à 2017 (juillet) (para 30).

La preuve de la Requérante

[29] À l’appui de sa demande, le la Requérante a produit l’affidavit de Jonathan L. Wescott, propriétaire, directeur et cofondateur de la Requérante (para 1 de l’affidavit Wescott; contre-interrogatoire de Wescott, à la p. 10, ligne 20). Dès le départ, je fais remarquer qu’en examinant cet affidavit, j’ai ignoré les parties de l’affidavit contenant des affirmations de M. Wescott qui se résument à des opinions sur des questions de fait et de droit que le registraire doit trancher. J’ai également ignoré les déclarations dans l’affidavit qui sont essentiellement des arguments sur le fond de l’opposition, par exemple, les affirmations de M. Wescott de l’absence de confusion (para 28) [British Drug Houses Ltd v Battle Pharmaceuticals (1944), CanLII 308 (CF), 4 CPR 48, à la p. 53 et Marchands Deco Inc c. Société Chimique Laurentide Inc (1984), 2 CPR (3d) 25 (COMC)]. Les parties pertinentes de l’affidavit de M. Wescott, souscrit le 11 décembre 2017, sont résumées ci-dessous.

L’entreprise TappCar

[30] M. Wescott affirme qu’à la fin de 2014, il a entrepris, avec son partenaire commercial, de modifier l’industrie des véhicules de location en élaborant un nouveau modèle de covoiturage qui offrirait un service pratique, fiable et sécuritaire en mettant en place une application mobile de premier plan, en plus de la capacité de réservation par téléphone et via Web, et des conducteurs assurés adéquatement et titulaires d’une licence professionnelle, et qui peuvent accepter diverses formes de paiement, y compris via l’application mobile (l’« Entreprise TappCar ») (para 4).

[31] À la suite de l’entrée en vigueur du règlement municipal sur les véhicules de location de la ville d’Edmonton, aux alentours du 1er mars 2016, la Requérante a officiellement lancé l’Entreprise TappCar le 14 mars 2016, à Edmonton (Alberta) (para 8 à 10). L’Entreprise TappCar a été lancée à Calgary (Alberta) le 24 mai 2016 (para 11).

Activités avant le lancement officiel

[32] M. Wescott affirme qu’avant l’enregistrement de la Requérante en tant que société, il a fait appel aux services d’un tiers fournisseur de licences et de services d’enregistrement afin de réserver le nom TappCar Inc. pour son emploi et d’effectuer une recherche de noms et de marques de commerce NUANS®. Le ou vers le 26 janvier 2016, M. Wescott a examiné les résultats de la recherche et a été convaincu qu’il n’y avait pas de demande d’enregistrement ni d’enregistrement d’entreprise ou de marque de commerce qui l’empêcherait de produire une demande pour la Marque (para 13; Pièces G et H).

[33] M. Wescott affirme que le 21 janvier 2016 ou aux alentours de cette date, il a participé à au moins une séance de discussion avec son équipe pour discuter des idées d’une marque de commerce pour l’Entreprise TappCar. Au cours des séances de discussion, des projets de logos (pour la marque de commerce Tappcar) ont été examinés et les principaux choix ont été sélectionnés pour un examen plus approfondi (para 21). Lors du contre-interrogatoire, en discutant de l’évolution de la Marque, M. Wescott a fait remarquer que [traduction] « Tyson ou l’un des autres membres de l’équipe avaient laissé entendre que l’utilisation du segment “APP” faisait un bon jeu de mots » (p. 33, ligne 9).

[34] M. Wescott affirme que la Requérante a entamé le processus d’annonce pour recruter des conducteurs vers février 2016 (para 14). Dans un effort supplémentaire visant à attirer des conducteurs qualifiés, la Requérante a invité la Teamsters Local Union 987 of Alberta Miscellaneous Employees à syndiquer les futurs conducteurs de la Requérante (para 15). Dans les jours qui ont précédé le lancement officiel, des séances de formation des conducteurs ont également eu lieu, à partir des 6 et 7 mars 2016, au bureau du syndicat Teamsters Union (para 17).

L’application mobile

[35] M. Wescott affirme qu’avant le lancement officiel, le ou vers le 9 mars 2016, la Requérante a mis son application mobile téléchargeable gratuitement à la disposition des clients via Google Play, et la boutique d’applications d’Apple a suivi rapidement (l’application TappCar). L’application TappCar permettait aux clients de réserver une place à l’aide de la technologie de pointe de la Requérante par l’intermédiaire du téléphone cellulaire, du site Web ou en téléphonant au centre d’appel de la Requérante (para 22, Pièces N et O).

Promotion de l’Enterprise TappCar

[36] M. Wescott indique que la Requérante s’est engagée à la commercialisation et la promotion étendues de l’Entreprise TappCar. Notamment, la Requérante :

· a distribué des communications écrites, présentant la Marque, destinées à la communauté sans but lucratif d’Edmonton (Pièce F);

· a conclu des partenariats avec un certain nombre d’équipes sportives professionnelles locales pour devenir leur fournisseur officiel de transport (para 24);

· a conclu une entente avec l’aéroport international d’Edmonton (EIA) afin de permettre aux clients de la Requérante d’utiliser l’application TappCar ou son service de répartition téléphonique pour chercher à être transportés à destination et en provenance de l’aéroport international d’Edmonton (para 25);

· a en outre fait de la publicité pour l’Entreprise TappCar via les plateformes de médias sociaux, y compris Facebook (para 26, Pièce R);

· la Pièce T contient des copies des factures, des ententes de services, des propositions publicitaires et un plan médiatique relativement aux efforts publicitaires de la Requérante (para 31). Ces documents sont datés entre février et mars 2016 (contre-interrogatoire de Wescott, pages 36 et 37).

Engagements demandés lors du contre-interrogatoire sur l’affidavit Wescott

[37] Par lettre datée du 22 juin 2018, la Requérante a répondu à la demande d’engagements pris lors du contre-interrogatoire de Wescott. La Requérante a refusé de fournir des réponses à trois des quatre engagements demandés, énumérés ci-dessous « en fonction de leur pertinence ». L’Opposante soutient qu’il convient de tirer une conclusion défavorable étant donné que ces engagements portent sur des questions telles que le droit de la Requérante à l’emploi et l’emploi de la Marque :

· Fournir le nombre d’employés qui travaillaient pour la Requérante en 2016, 2017 et 2018.

· Fournir une copie de l’entente avec l’aéroport international d’Edmonton mentionnée au para 25 de l’affidavit Wescott.

· Fournir des précisions sur les allégations d’illégalité et de fraude alléguées au para 7 de l’affidavit Wescott.

[38] Je fais remarquer que les réponses à ces engagements n’étaient pas prises en compte dans mon analyse du motif du droit d’obtenir l’enregistrement, étant donné qu’elles se rapportent principalement à l’emploi de la Marque de la Requérante, et la demande est fondée sur l’emploi projeté. Par conséquent, je ne considère pas qu’il convienne de tirer une conclusion défavorable. De même, je n’ai pas pris en considération les affirmations de M. Wescott concernant la fraude et l’industrie des taxis dans mon analyse.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[39] Comme je l’ai déjà mentionné, avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne (i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans sa déclaration d’opposition et (ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui de prouver sa cause.

[40] En ce qui concerne le point (i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposant a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : [John Labatt Limited c Molson Companies Limited, CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293, à la p. 298 (CF 1re inst.)]. La présence d’un fardeau de preuve incombant à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point (ii), le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue un opposant dans la déclaration d’opposition (dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve est présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[41] Le motif d’opposition prévu à l’article 16(3)a) allègue que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque étant donné qu’à la [traduction] « date de production de la Demande et à toute date pertinente, la Marque créait de la confusion » avec les marques de l’Opposante [traduction] « au sens de l’article 6 de la Loi » (énoncées à l’annexe A de la présente décision), qui ont toutes été déjà employées et révélées antérieurement au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre et titulaires de licence en liaison avec les produits et services énoncés à l’Annexe B de la présente décision.

[42] D’emblée, je souligne que l’Opposante n’a pas satisfait aux exigences relatives à la « révélation » énoncées à l’article 5 de la Loi, puisque l’Opposante n’a pas démontré que ses marques de commerce étaient employées dans un pays de l’Union autre que le Canada. Toutefois, comme nous l’avons vu ci-dessous, je conclus que l’Opposante a fourni suffisamment d’éléments de preuve pour satisfaire aux exigences relatives à l’emploi au Canada de ses marques de commerce TAPP YOUR CAB et TAPP YOUR RIDE (sous forme de marque nominale et de dessin) en liaison avec les services de taxi.

[43] Pour ce motif d’opposition, un fardeau initial incombe à l’Opposante de démontrer l’emploi d’une ou de plusieurs de ses marques avant la date pertinente, à savoir, le 26 janvier 2016 (date de production de la demande en question), et qu’elle n’avait pas abandonné ses marques de commerce à compter du 7 septembre 2016, date de l’annonce de la demande de la Requérante [article 16(5) de la Loi]. L’article 4 de la Loi, dont une partie est reproduite ci-dessous, explique ce qui est exigé pour qu’une marque de commerce soit considérée comme employée en liaison avec des produits et services :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou la possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[44] En ce qui concerne l’emploi en liaison avec les services, il a été établi que la conformité à l’article 4(2) peut être satisfaite s’il est démontré que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter ces services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition prévu à l’article 16(3)a) pour les marques de commerce TAPP YOUR CAB et TAPP YOUR RIDE

Emploi antérieur de TAPP YOUR CAB en liaison avec les services de taxi

[45] Je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve en ce que l’affidavit Strong montre que l’Opposante a présenté cette marque de commerce dans la publicité des services de taxi de l’Opposante avant la date pertinente du 26 janvier 2016. En particulier, la marque TAPP YOUR CAB est affichée bien en vue dans l’annonce (reproduite ci‑dessus au paragraphe 20 de la présente décision) dans le numéro de janvier/février 2015 de WHERE EDMONTON (Pièce B, affidavit Strong). La même publicité figure également dans le « Guide de voyage pour Edmonton de 2015 » (Pièce D).

[46] Les éléments de preuve indiquent également que les services de taxi de l’Opposante étaient disponibles au Canada avant la date pertinente du 26 janvier 2016. M. Strong affirme qu’en moyenne, l’Opposante effectue entre 228 000 et 310 000 voyages par mois, selon la saison et l’état de l’économie, toutefois, il n’est pas clair si ces données statistiques étaient valables à compter de la date pertinente. Il n’y a rien dans les éléments de preuve qui laisse entendre que l’Opposante avait abandonné sa marque de commerce à compter du 7 septembre 2016. Par conséquent, je conclus que l’Opposante a démontré l’emploi exigé, en liaison avec les services de taxi, ce qui lui permet de s’acquitter de son fardeau en vertu de ce motif.

[47] Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que TAPP YOUR CAB n’est employée en liaison avec aucun des services de l’Opposante (énumérés à l’Annexe B), étant donné que [traduction] « la marque alléguée de l’Opposante TAPP YOUR CAB n’est employée pour l’annonce d’aucun des services de l’Opposante, ce qui est exigé afin d’établir l’emploi en vertu de l’article 4(2) de la Loi ». En ce qui concerne l’emploi en vertu de l’article 4(1) de la Loi, la Requérante soutient que l’Opposante tente d’employer TAPP YOUR CAB pour faire la publicité de l’application appelée « application YELLOW CAB », toutefois, cela [traduction] « ne constitue pas et ne peut constituer l’emploi de la marque alléguée TAPP YOUR CAB en liaison avec l’application mobile de l’Opposante ni avec aucun des produits énumérés dans les demandes de marque de commerce de l’Opposante […] à la lumière de la définition du terme “emploi” en vertu de l’article 4(1) de la Loi ».

[48] Je conviens que la publicité figurant à la Pièce B ne constitue pas un emploi par l’Opposante de la marque de commerce TAPP YOUR CAB en liaison avec son application mobile (ni, d’ailleurs tout autre produit), étant donné que rien n’indique qu’au moment du transfert, dans la pratique normale du commerce, elle figurait sur l’application mobile (ou tout autre produit) ou sur les emballages dans lesquels ils ont été distribués ou étaient d’une autre manière associée avec les produits de façon à fournir l’avis de liaison requis. Toutefois, je conclus que l’annonce figurant à la Pièce B (et D) est utilisée pour annoncer les services de taxi de l’Opposante, même si l’annonce fait aussi de la publicité de l’application Yellow Cab de l’Opposante. Il n’y a aucune raison pour laquelle cette publicité ne peut pas être considérée comme faisant la promotion des services de taxi de l’Opposante, d’autant plus que les clients éventuels utiliseraient l’application comme un moyen d’accéder aux services de taxi. En outre, il n’y a aucune restriction contre l’emploi de plusieurs marques de commerce (dans ce cas, il s’agit de YELLOW CAB et TAPP YOUR CAB) ensemble en liaison avec le même produit ou service [AW Allen Ltd c Warner Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270, à la p. 272 (CF 1re inst.)].

[49] Lors du contre-interrogatoire, M. Wescott qualifie TAPP YOUR CAB de [traduction] « joli slogan qui rime » plutôt que de marque de commerce (page 38). À cet égard, je note que le fait que la Marque soit employée comme slogan ne signifie pas nécessairement qu’elle ne peut être employée comme marque de commerce [Valeo Electrical Systems, Inc c Pennzoil-Quaker State Company, 2011 COMC 90]. Dans la mesure où la Marque telle qu’elle figure dans la publicité est un slogan, je conclus qu’elle est également employée comme marque de commerce, comme nous l’avons vu plus haut.

Emploi antérieur de TAPP YOUR RIDE en liaison avec les services de taxi

[50] Je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve en ce que l’affidavit Strong montre que l’Opposante a présenté cette marque de commerce dans la publicité des services de taxi de l’Opposante avant la date pertinente du 26 janvier 2016. En particulier, la marque TAPP YOUR RIDE est affichée bien en vue sur les brochures distribuées aux clients depuis octobre 2015 (Pièce F, para 25). Je tire cette conclusion bien que M. Strong n’indique pas le nombre de brochures distribuées avant janvier 2016.

[51] Comme pour les publicités des Pièces B et D, les publicités pour TAPP YOUR RIDE à la Pièce F comprennent d’autres marques de commerce de l’Opposante (YELLOW CAB et BARREL TAXI), et font également la promotion des applications mobiles de l’Opposante pour commander des services de taxi. Comme nous l’avons remarqué ci-dessus, je conclus qu’il n’y a aucune raison pour laquelle cette publicité ne peut pas être considérée comme faisant la promotion des services de taxi de l’Opposante en même temps, d’autant plus que les consommateurs utiliseraient l’application comme un moyen d’accéder aux services de taxi. En outre, il n’y a aucune restriction contre l’emploi de plusieurs marques de commerce (par exemple, YELLOW CAB et TAPP YOUR RIDE) ensemble en liaison avec le même produit ou service [AW Allen Ltd, précitée].

Aucune preuve d’emploi antérieur de TAPP

[52] L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau initial en ce qui concerne la marque de commerce TAPP étant donné que cette marque de commerce n’apparaît pas dans l’affidavit Strong. En tirant cette conclusion, je ne considère pas que l’inclusion de l’élément TAPP dans les marques de commerce TAPP YOUR CAB et TAPP YOUR RIDE constitue un emploi de la marque TAPP étant donné que je ne considère pas que le public perçoit que la marque TAPP en soi est employée [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)].

Test en matière de confusion

[53] Étant donné que je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) en ce qui concerne les marques de commerce TAPP YOUR CAB et TAPP YOUR RIDE en liaison avec les services de taxi, je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion selon la prépondérance des probabilités.

[54] En ce qui a trait à la question de la confusion, je me concentrerai sur la marque de commerce de l’Opposante TAPP YOUR CAB car à mon avis elle représente la cause la plus solide de l’Opposante. Cela dit, si l’Opposante n’obtient pas gain de cause avec cette marque, elle n’obtiendrait pas un résultat plus favorable avec la marque de commerce TAPP YOUR RIDE.

[55] Le critère pour trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi qui indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire cette évaluation, je dois considérer toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[56] Les critères à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3 894 207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je cite également l’affaire Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc 2011 CSC 27, au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[57] Enfin, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des produits et services de la Requérante, fournis sous le nom de la Marque, croiraient que ces Produits et Services sont fournis par l’Opposante, ou que la Requérante détient une autorisation ou une licence de l’Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[58] La Marque est un mot inventé dans lequel l’élément TAPP, qui a été mal orthographié intentionnellement, est combiné avec le mot CAR [voiture]. La Marque de l’Opposante est une phrase commençant par l’élément mal orthographié TAPP associé aux mots YOUR CAB [votre taxi]. Dans les marques de commerce des deux parties, je considère que l’élément TAPP est une combinaison et une représentation des mots « TAP » et « APP », abrégé du mot « application » dans le contexte d’une application téléchargée par un utilisateur sur un appareil mobile.

[59] Je conclus que la marque de l’Opposante et la Marque possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent limité étant donné que les marques de commerce sont très suggestives de produits et de services liés à l’acquisition de services de transport (en voiture ou en taxi) par le biais d’une application mobile (c’est-à-dire en tapant une application).

Période d’emploi et mesure dans laquelle la marque est devenue connue

[60] L’affidavit Strong établit que la marque TAPP YOUR CAB est apparue dans le numéro de janvier/février 2015 du magazine WHERE EDMONTON; la même publicité a également paru dans le GUIDE DE VOYAGE POUR EDMONTON DE 2015 (Pièces B et D, respectivement). Bien que M. Strong donne des renseignements sur la distribution et la diffusion de la publication WHERE en présentant une copie de la trousse médiatique du magazine, elle date de 2017 et donc se trouve en dehors de la date pertinente. M. Strong indique également que la marque TAPP YOUR CAB a été annoncée dans au moins 9 numéros de la publication, mais n’indique pas les dates de ces numéros. De même, l’information sur la distribution du GUIDE DE VOYAGE POUR EDMONTON est fournie par l’intermédiaire d’un extrait de la trousse médiatique du Tanner Young Publishing Group (Pièce E), toutefois, ce document n’est pas daté et ne peut pas être considéré comme s’appliquant à la période pertinente. M. Strong fournit également des montants estimatifs annuels pour la publicité au Canada en liaison avec les marques de l’Opposante entre 2014 et juillet 2017. Toutefois, sans plus d’information, par exemple concernant le montant attribuable à la marque TAPP YOUR CAB et sans renvoi à toute autre forme de publicité, cette information n’est pas particulièrement utile. Quoi qu’il en soit, seules les dépenses publicitaires de 2015 (d’environ 21 500 $) s’appliqueraient compte tenu de la date pertinente.

[61] La Marque de la Requérante est fondée sur l’emploi projeté en liaison avec les Produits et Services. Bien que des éléments de preuve concernant l’emploi de la Marque soient fournis dans l’affidavit Wescott, aucun de ces éléments de preuve n’établit l’emploi de la Marque à la date pertinente, par conséquent, je ne suis pas en mesure de les prendre en considération.

[62] Par conséquent, je conclus que ces facteurs favorisent l’Opposante, quoique légèrement.

Genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[63] La Requérante soutient que le genre des Produits et des Services de la Requérante et de l’entreprise TappCar ne crée pas de confusion pour plusieurs raisons, notamment :

· les chauffeurs de la Requérante utilisent, presque exclusivement, leurs propres véhicules;

· la Requérante et l’entreprise TappCar ne sont pas assujetties à des règlements exigeant un éclairage par le haut sur les véhicules, les boucliers, les boutons d’urgence et l’approbation de la couleur du taxi;

· la Requérante offre un régime de soins de santé à ses conducteurs.

[64] La Requérante soutient en outre que, contrairement à l’Opposante, son modèle opérationnel est fondé sur l’innovation et l’utilisation de technologies de pointe, étant donné que l’application TappCar a été mise à la disposition des clients de la Requérante pour téléchargement depuis le lancement officiel de l’entreprise TappCar. La Requérante soutient que les Produits et les Services de la Requérante ne visent pas les mêmes clients et qu’ils ne sont donc pas susceptibles d’être distribués dans les mêmes créneaux du marché.

[65] D’emblée, je note que les Produits et Services dans l’application ne sont restreints d’aucune façon. Par conséquent, malgré l’une ou l’autre de ces différences, je considère que les produits, les services et les affaires des parties sont suffisamment liés pour que ce facteur favorise l’Opposante. En particulier, j’estime qu’il y a chevauchement direct entre les [traduction] « services de taxi » énumérés par la Requérante et les services de taxi de l’Opposante. Je considère également qu’il y a un certain chevauchement dans le genre des Services restants et des Produits et les services de taxi de l’Opposante dans la mesure qu’ils se rapportent tous deux généralement à la prestation de services de transport (en voiture).

[66] Dans la mesure où le modèle opérationnel de la Requérante est [traduction] « axé sur l’innovation » et qu’il plairait aux clients qui préfèrent utiliser des technologies plus récentes pour commander leurs services de transport en voiture ou en taxi, les éléments de preuve de l’Opposante indiquent qu’elle offre également des technologies plus récentes, à savoir une application mobile, pour les clients qui souhaitent commander ses services de taxi, qui pourraient être utilisés par les clients ayant une préférence pour les technologies plus récentes.

Degré de ressemblance

[67] La meilleure façon de comparer les marques de commerce consiste à déterminer d’abord si un aspect des marques est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précité, para 64]. En l’espèce, je conclus que l’élément le plus frappant de la marque de commerce de l’Opposante est le préfixe TAPP étant donné que le mot CAB décrit les services de taxi de l’Opposante. L’élément YOUR [votre] est simplement un pronom qui aide à former l’expression.

[68] De même, pour ce qui est de la Marque, je considère que l’élément le plus frappant est le préfixe TAPP, étant donné que le mot CAR décrit de la même façon les services de taxi et de transport de la Requérante et suggère le caractère du logiciel informatique de la Requérante en ce qui concerne la coordination du transport par voiture.

[69] Par conséquent, je conclus qu’il existe un degré important de ressemblance entre les marques des parties puisque l’élément le plus frappant dans les deux marques est identique. L’élément frappant apparaît également comme le premier élément des deux maques, et c’est souvent la première partie d’une marque de commerce qui est considérée habituellement la plus importante pour l’évaluation de la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc. c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.), à la p. 188].

[70] En ce qui a trait aux idées proposées, je conclus que les marques de commerce des deux parties incluent un [traduction] « jeu de mots » puisqu’elles suggèrent le [traduction] « clic » d’une « application » pour obtenir des services de transport automobile. Toutefois, il ne peut y avoir de monopole dans cette idée [American Assn of Retired Persons c Canadian Assn of Retired Persons/Assoc canadienne des Individus Retraites (1998), 84 CPR (3d) 198, au para 34 (CF 1re inst.)]. À l’audience, la Requérante a soutenu que la Marque est un mot unique utilisé comme nom, faisant donc référence à une [traduction] « chose », alors que la marque de commerce de l’Opposante emploie TAPP comme verbe, de sorte que, dans l’ensemble, les marques ont clairement des connotations différentes. Toutefois, je ne considère pas que cette différence (l’emploi en tant que nom ou verbe) influence de façon significative les idées générales suggérées par les marques des parties.

Circonstances environnantes – aucune preuve de confusion réelle

[71] À l’audience, la Requérante a fait remarquer que M. Wescott avait déclaré que [traduction] « dans les deux ans et plus de (l’activité de la Requérante), nous n’avons eu aucune instance ou plainte de confusion entre un service de taxi, y compris l’Opposante, et notre service » (contre-interrogatoire de M. Wescott, page 35, lignes 24 à 28).

[72] Toutefois, je ne suis pas en mesure d’examiner cette preuve étant donné qu’elle est postérieure à la date pertinente et n’est pas intrinsèquement liée aux faits qui existaient à la date pertinente [Servicemaster Co c 385229 Ontario Ltd, 2015 CAF 114, aux para 21 à 22].

Conclusion

[73] Après examen de l’ensemble des circonstances environnantes, en particulier du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce, et du lien entre les Produits et Services de la Requérante et les services de taxi de l’Opposante, je conclus qu’au mieux la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de l’Opposante TAPP YOUR CAB et la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. Étant donné que le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques incombe à la Requérante, par conséquent, je dois trancher à l’encontre de la Requérante.

[74] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est accueilli.

Motif d’opposition en vertu de l’article 2

[75] L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce sens qu’elle ne distingue pas en fait ni n’est adaptée pour distinguer ni n’est en mesure de distinguer, les produits et services de la Requérante des produits et des services de l’Opposante en liaison avec lesquels les marques de l’Opposante (décrites à l’Annexe A) ont été employées au Canada.

[76] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’à compter de la date de production de la déclaration d’opposition (le 6 février 2017), les marques de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 1981, 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.), à la p. 58].

[77] Je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ses marques de commerce TAPP YOUR CAB, TAPP YOUR RIDE, ou TAPP (sous leur forme nominale ou de dessin). En ce qui concerne la marque TAPP YOUR CAB, j’ai tenu compte du fait que l’unique publicité arborant la marque figure exclusivement dans les publications de 2015, plus précisément WHERE EDMONTON et le Guide de voyage pour Edmonton (2015). En ce qui concerne la publication WHERE EDMONTON, bien que le témoignage indique que TAPP YOUR CAB a été annoncée dans au moins neuf numéros du magazine, les dates de publication ne sont pas fournies, par conséquent, il n’est pas clair si l’annonce a été publiée dans les numéros de la publication au début ou au plus tard au début de 2017. Pour le Guide de voyage d’Edmonton et le Guide de la ville d’Edmonton, rien n’indique que des annonces présentant TAPP VOTRE CAB soient parues dans un numéro au-delà de 2015.

[78] En ce qui concerne la marque de commerce TAPP YOUR RIDE, l’Opposante a fourni la preuve de brochures arborant la marque de commerce et indique que depuis octobre 2015, l’Opposante a distribué plus de 2 000 brochures aux clients, et 2 000 brochures supplémentaires ont été distribuées aux clients privilégiés en mars 2016. Toutefois, rien n’indique que d’autres brochures ont été distribuées après mars 2016. Bien que M. Strong affirme que la marque de commerce [traduction] « a été imprimée sur chaque reçu délivré aux clients ayant utilisé les taxis de l’Opposante » et que l’Opposante délivre plus de 200 000 reçus chaque année, il n’est pas clair quand cette pratique a commencé et, en tout état de cause, aucun échantillon représentatif n’est fourni indiquant comment la marque figurait sur les factures, de sorte que je ne peux pas déterminer si cela constituerait un emploi en vertu de l’article 4(2) de la Loi. L’Opposante indique également que la marque de commerce TAPP YOUR RIDE est employée dans la publicité de l’application de logiciel mobile sur le site Web de l’Opposante (affidavit Strong, para 18). Bien qu’une copie du site Web de l’Opposante soit fournie (Pièce H), la date de l’imprimé (daté du 10 août 2017) est postérieure à la date pertinente et l’imprimé n’est pas identifié comme étant représentatif à la date pertinente. En outre, il n’y a aucune indication du nombre de consommateurs qui ont pu accéder au site. La feuille d’instructions de l’application mobile (Pièce G, affidavit Strong) qui contient la marque de commerce a été distribuée aux clients en avril 2017, ce qui ne correspond pas à la période pertinente. Je n’ai pas non plus tenu compte des déclarations de l’Opposante concernant l’inclusion de la marque de commerce sur les lignes de signature dans les communications du personnel, étant donné qu’il n’est pas clair quand cette pratique a commencé. Enfin, bien que les dépenses publicitaires estimatives pour la période de 2014 à juillet 2017 soient fournies, l’Opposante n’indique pas quelle proportion est attribuable à quelles marques et à quels produits et/ou services correspondants elles s’appliquent. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les éléments de preuve n’établissent pas que la marque de commerce était suffisamment connue à la date pertinente.

[79] En ce qui concerne la marque de commerce TAPP, comme je l’ai mentionné plus haut dans mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, je ne conclus pas que l’Opposante a fourni une preuve de l’emploi de la marque TAPP en tant que telle à aucune des dates pertinentes.

[80] Par conséquent, et ce motif d’opposition est rejeté au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[81] Le motif de l’opposition fondé sur l’article 30i) allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi en raison de l’interdiction de fournir de tels services sans autorisation légale, immatriculation et permis, y compris sans s’y limiter, permis de conduire à de telles fins, permis de répartition à de telles fins et le Règlement no 17400 sur les véhicules de location (en vigueur à partir du 1er mars 2016) créé en vertu des articles 7 et 8 de la Municipal Government Act, RSA 2000, c. M-26. L’Opposante allègue en outre que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi étant donné que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et Services en raison de l’emploi antérieur par l’Opposante des marques de l’Opposante, dont la Requérante était au courant ou aurait dû être au courant.

[82] La date pertinente pour évaluer cette question est la date de production de la demande pour la marque [Georgia-Pacific Corp v Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la p. 475 (COMC)].

[83] Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) devrait être accueilli seulement dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il y a une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2e) 152 (COMC)] ou lorsqu’il y a une preuve prima facie de contravention à une loi fédérale [Société de la loterie interprovinciale c Monetary Capital Corp (2006), 51 CPR (4th) 447 COMC); et Interactiv Design Pty Ltd. c Grafton-Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC)].

[84] Étant donné que la Municipal Government Act citée par l’Opposante n’est pas une loi fédérale, une allégation de non-conformité à cette loi ne constitue pas un motif approprié pour un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) [Société de la loterie interprovinciale, précitée; Conseil canadien des ingénieurs c Lubrication Engineers Inc (1992), 41 CPR (3d) 243 (CAF), à la p. 244].

[85] En ce qui concerne le deuxième volet avancé en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 30i), en supposant que la Requérante était au courant des marques de l’Opposante, la simple connaissance de leur existence n’étaye pas en soi une allégation selon laquelle la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197 (CanLII)]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel.

[86] Par conséquent, les motifs d’opposition fondés en vertu de l’article 30i) sont rejetés sommairement.

Décision

[87] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Lili El-Tawil

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-09-22

COMPARUTIONS

Aiyaz A. Alibhai

POUR L’OPPOSANTE

B. Rhiannon Adams

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Miller Thomson LLP

POUR L’OPPOSANTE

Parlee McLaws LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 


 

Annexe A – Les Marques de l’Opposante

Marque de commerce

Demande no

Date de production

Date d’emploi pour les Produits et Services à l’Annexe B

 

TAPP YOUR RIDE & DESIGN

 

1 775 082

Le 31 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 

TAPP YOUR RIDE

 

1,774,035

Le 24 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

TAPP YOUR CAB DESIGN

 

1 775 083

Le 31 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

TAPP YOUR CAB

 

 

1,774,033

Le 24 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 

TAPP & Design

 

1 775 081

Le 31 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

TAPP

 

1 773 813

Le 23 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 

TAPP YOUR RIDE & DESIGN

(avec une revendication de couleur)

1 774 034

Le 24 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 

TAPP YOUR CAB DESIGN

(avec une revendication de couleur)

1 774 031

Le 24 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 

TAPP & Design

(avec une revendication de couleur)

1 774 032

Le 24 mars 2016

Le 19 janvier 2015 pour les Produits décrits au paragraphe (1) et les services décrits aux paragraphes (1), (2), (3), (4), (5), (6)

 


 

Annexe B

Décrite dans la déclaration d’opposition comme « l’emploi antérieur par l’Opposante des produits et services avec les marques de l’Opposante »

Produits :

(1) Logiciel informatique pour la navigation; logiciel de coordination des services de transport, nommément, logiciel pour la planification et la répartition des véhicules automobiles; logiciel pour obtenir, organiser et réserver des services de transport; logiciel informatique pour coordonner et obtenir des services de livraison; logiciel d’application mobile pour la coordination des services de transport, nommément, logiciel pour la planification et la répartition automatisées des véhicules automobiles; logiciel d’application mobile pour la navigation; logiciel d’application mobile pour obtenir, organiser et réserver des services de transport; logiciel d’application mobile pour coordonner et obtenir des services de livraison; logiciel informatique; logiciel téléchargeable;

Services :

(1) Services de télécommunications, nommément acheminement d’appels, de messages texto et SMS et de notifications poussées aux clients et aux exploitants de véhicules dans les environs de l’appelant au moyen de téléphones mobiles; transmission électronique des données; télécommunications;

(2) Offre d’un site Web d’information sur les services de transport par voiture, la réservation de services de transport par voiture, les renseignements concernant les services de livraison et les réservations pour la livraison de produits, les procédures d’aéroport, les documents, les colis et le fret; services de logistique du transport; coordination et organisation des services de transport; emballage et stockage des produits; livraison de produits, de documents, de colis et de fret; livraison de nourriture; services de messager;

(3) Offre d’utilisation temporaire de logiciels non téléchargeables en ligne pour offrir des services de transport, réserver des services de transport et pour la répartition de véhicules automobiles pour les clients et pour la coordination et l’obtention de services de livraison; conception et élaboration de matériel et de logiciels informatiques;

(4) Services de taxi; services de messager; services de limousine; le transport assisté de passagers ayant une déficience physique et des besoins médicaux spéciaux par véhicule automobile; transport affrété de véhicules automobiles à passagers, nommément berlines, fourgons-navettes, taxis, véhicules accessibles aux fauteuils roulants et aux personnes à mobilité réduite; services de conduite désignés, nommément la rencontre de clients à des emplacements prédéterminés et leur conduite vers leur destination dans leurs propres véhicules;

(5) Exploitation pour la location de taxis, de navettes et d’autobus point à point, de taxis et d’autres véhicules automobiles pour le transport de passagers et de produits; l’exploitation de stations de taxis et de services de répartition de taxis;

(6) Services financiers, nommément, offre de services de cartes de crédit aux clients de taxis, de transports de livraison et d’autres véhicules automobiles; transports de taxi et de livraison et autres véhicules motorisés; services de traitement des transactions de transport de taxi et de livraison; cartes-cadeaux, bons et bordereaux de frais d’entreprise.

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