Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 165

Date de la décision : 2021-01-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Distribution Jora Compost Canada Inc.

Opposante

et

 

Tom R. McKague

Requérant

 

1,805,996 pour Jora Composter

 

Demande

Introduction

[1] Distribution Jora Compost Canada Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce Jora Composter (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,805,996 au nom de Tom R. McKague (le Requérant), basée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants : [traduction] « composteur pivotant, nommément contenant isotherme en métal à huit côtés conçu pour contenir des matières organiques et en faciliter la décomposition » (« a tumbling composter, namely an 8 sided metal insulated container to hold and assist organic matter in its breakdown »).

[2] L’Opposante s’oppose à la demande pour divers motifs, y compris que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce JORACAN employée au Canada par l’Opposante en liaison avec des composteurs, de même qu’avec son nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc.

[3] Comme il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande.

Le dossier

[4] La demande relative à la Marque a été produite le 24 octobre 2016 et annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition, le 8 novembre 2017.

[5] La déclaration d’opposition a été produite le 20 décembre 2017 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. La date utilisée pour déterminer quelle version de la Loi s’applique à une procédure d’opposition est la date à laquelle la demande visée par l’opposition a été annoncée. La présente demande ayant été annoncée avant le 17 juin 2019, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version du 16 juin 2019, à l’exception de la question de la confusion qui, elle, sera évaluée au regard des articles 6(2) à (4) de la Loi dans sa version actuelle.

[6] Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante sont les suivants :

  • La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi compte tenu du fait que le Requérant ne pouvait être convaincu qu’il avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par celle-ci puisque :

[…] la Marque n’est pas enregistrable ni distinctive et [le Requérant] n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement. [Le Requérant] est bien au fait de l’emploi antérieur au Canada, soit depuis aussi tôt que décembre 2011, de la marque JORACAN par l’Opposante en liaison avec des produits identiques, à savoir des composteurs. [Le Requérant] vend aux États-Unis un produit identique à celui que vend l’Opposante au Canada sous la marque JORACAN, sauf que le produit [du Requérant] est fait en Chine alors que celui de l’Opposante est fait au Canada. Dans ce marché très spécifique, il est impossible que [le Requérant] ignore l’existence de l’Opposante au Canada, surtout du fait que l’entreprise [du Requérant] aux États-Unis vendant des composteurs a été acquise d’une personne avec laquelle l’Opposante avait entretenu des relations d’affaires concernant la vente de composteurs, soit Magnus Wesslen.

  • Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au Canada en vertu de l’article 16(3) de la Loi puisqu’à la date de production de la présente demande :

[…] la Marque créait de la confusion avec la marque JORACAN employée antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec des composteurs (no de demande 1809612) depuis au moins aussi tôt que décembre 2011. De plus, à cette même date, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial de l’Opposante, soit Distribution Jora Compost Canada Inc., enregistrée le 22 septembre 2008 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, soit bien avant la [d]ate de production [de la présente demande].

  • La Marque n’est pas distinctive aux termes de l’article 2 de la Loi, puisque :

[…] la Marque ne distingue pas véritablement les produits que [le Requérant] entend fabriquer ou vendre des produits rendus ou vendus par l’Opposante, ni n’est-elle adaptée à les distinguer ainsi.

[7] Le Requérant a produit, le 2 mars 2018, une contre-déclaration niant chacun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante.

[8] Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une déclaration solennelle de son président, Jacques Charbonneau, datée du 28 juin 2018 et accompagnée des pièces (« annexes ») A à S y afférentes. M. Charbonneau n’a pas été contre-interrogé sur sa déclaration solennelle.

[9] Le Requérant a choisi de ne soumettre aucune preuve.

[10] Aucune des parties n’a soumis d’observations écrites, ni demandé la tenue d’une audience.

Le fardeau qui repose sur les parties

[11] C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. L’Opposante doit faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement de la Marque au sens de l’article 16(3) de la Loi

[12] Comme indiqué plus haut, ces motifs sont au nombre de deux. L’un repose sur l’emploi antérieur de la marque de commerce JORACAN par l’Opposante (i.e. sur l’article 16(3)(a) de la Loi); l’autre, sur l’emploi antérieur du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. (i.e. sur l’article 16(3)(c) de la Loi). Bien que l’Opposante fasse également référence dans sa déclaration d’opposition à une demande d’enregistrement portant le n1809612, la déclaration d’opposition ne soulève pas comme tel un troisième motif basé sur l’article 16(3)(b) de la Loi, étant donné que la demande d’enregistrement de l’Opposante a été produite postérieurement à la date de la présente demande.

[13] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial au regard de ces motifs d’opposition, l’Opposante se devait de démontrer que la marque de commerce JORACAN ou le nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc., selon le cas, avait été employé(e) au Canada avant la date de production de la présente demande, le 24 octobre 2016, et que cette marque ou ce nom commercial n’avait pas été abandonné(e) à la date de l’annonce de la présente demande, le 8 novembre 2017 [article 16(5) de la Loi].

[14] À cet égard, l’article 17 de la Loi stipule qu’aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce ne peut être refusée du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre. En d’autres mots, l’Opposante ne peut s’appuyer que sur un emploi antérieur qui lui est propre, et non pas sur un emploi antérieur bénéficiant à une tierce partie.

[15] Afin de déterminer dans quelle mesure l’Opposante a, de fait, rencontré son fardeau de preuve initial en regard de chacun des motifs d’opposition plaidés sous l’article 16(3) de la Loi, je procéderai d’abord à la revue de la preuve au dossier. À cet égard, j’estime que les faits particuliers du présent dossier nécessitent un degré de détail élevé étant donné la relation commerciale passée entre l’Opposante et une société étrangère et l’incidence de cette relation sur l’historique d’emploi tant du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. que de la marque de commerce JORACAN.

La déclaration solennelle de M. Charbonneau

[16] Puisque M. Charbonneau définit l’Opposante comme « Distribution Jora », je ferai de même dans ma revue de certains passages de sa déclaration solennelle.

[17] Dans la première partie de sa déclaration solennelle, M. Charbonneau discute de la vente au Canada d’un composteur conçu et commercialisé par une société suédoise du nom de Joraform AB (Joraform).

[18] M. Charbonneau relate que ce composteur aurait été conçu par Joraform aux alentours de 1990, et qu’en 2008, Ake Frisell et Mats Lanshed étaient respectivement les propriétaire et directeur des ventes de Joraform [para 2].

[19] S’agissant plus particulièrement de l’Opposante, M. Charbonneau affirme que :

3. En 2008, mon associée, Barbara Bruce, a communiqué avec Mats Lanshed pour savoir si nous pouvions utiliser « Jora Compost » en tant que partie de notre dénomination sociale. Avec l’accord de Mats Lanshed, nous avons constitué la société Distribution Jora. À cet égard, une entente avait été conclue entre Joraform et Distribution Jora, dont copie est jointe aux présentes à titre d’annexe A (l’« Entente »). Un courriel de Mats Lanshed en date du 9 novembre 2009, dont copie est jointe aux présentes à titre d’annexe B, confirmait la relation entre Distribution Jora et Joraform.

[20] M. Charbonneau affirme que l’Opposante fut « le premier acheteur et vendeur de composteurs Joraform au Québec. » Il ajoute qu’en 2012, Russ Chambers, qui « a sa propre entreprise, mais travaille de concert avec Distribution Jora quant à la vente de nos produits », fut le premier représentant de l’Opposante dans l’Ouest canadien [para 4].

[21] Revenant sur l’Entente jointe comme annexe A à la déclaration solennelle de M. Charbonneau, celui-ci explique qu’elle était d’une durée de trois ans, avec options de renouvellement, et qu’aux termes de celle-ci « Distribution Jora était un entrepreneur indépendant » [paras 5 et 6]. À la revue de l’Entente (dont je reproduis certaines clauses en Annexe « I » de ma décision), je note qu’elle indique comme date effective le 4 août 2008 et que « Jora Compost Distribution Canada Inc, » y est définie comme « Distributor », pour le Canada (y défini comme le « Territory »), du composteur JK5100 (y défini comme le « Product ») de Joraform (y définie comme le « Manufacturer »). Bien que l’Entente comporte diverses clauses faisant référence aux marques de commerce et/ou noms commerciaux de Joraform, je note qu’aucune de ces marques de commerce ni aucun de ces noms commerciaux ne sont identifiés ou définis comme tels dans l’Entente. Cela dit, je comprends de ma revue de la preuve dans son ensemble que ceux-ci incluent la marque de commerce « JORA KOMPOST », apparaissant d’ailleurs au haut de chaque page de l’Entente dans une forme stylisée identique à celle retrouvée dans le coin supérieur droit des factures nos 2011-004 et 2011-005 reproduites en Annexe « III » de ma décision. Je reviendrai sur cette Entente et les factures en question.

[22] Revenant sur l’annexe B jointe à la déclaration solennelle de M. Charbonneau, je note qu’il s’agit d’un court échange de courriels attestant essentiellement de la bonne entente qui existait alors entre Joraform et l’Opposante, bien que celle-ci ne soit pas nommée comme telle. En fait, comme pour tous les autres échanges de courriels produits par l’Opposante au soutien de la déclaration solennelle de M. Charbonneau discutés ci-après dans ma revue de la preuve, le nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. n’est jamais mentionné. Seule figure l’adresse courriel «joracompostcanada@sympatico.ca ».

[23] Revenant sur la déclaration solennelle de M. Charbonneau, celui-ci explique que les composteurs Joraform étaient livrés de Chine à l’Opposante et comportaient souvent divers problèmes (comme des portes de mauvaises tailles, des pièces coupées inégalement, des moteurs de câblage problématiques, etc.), et que l’Opposante devait les modifier en conséquence [para 6]. M. Charbonneau joint à sa déclaration solennelle, comme annexe C, un échantillonnage de courriels avec Joraform concernant de tels problèmes.

[24] À la revue de cet échantillonnage, je note que celui-ci inclut divers échanges de courriels entre Joraform et M. Charbonneau (ou son associée Barbara Bruce) survenus au cours de la période comprise entre le 5 mai 2011 et le 23 mai 2012, dans lesquels M. Charbonneau informe Joraform de différents problèmes rencontrés avec certains modèles de composteurs de Joraform, tels JK270 et JK400. Sont également inclus dans l’annexe C, deux autres échanges de courriels, survenus en janvier-février 2013 et février 2017, entre M. Charbonneau et d’autres personnes apparemment non reliées à Joraform, discutant dans le premier cas, du composteur JK5100 et de problèmes rencontrés avec celui-ci et, dans le deuxième cas, du modèle de composteur NE 20T (mentionné plus loin).

[25] M. Charbonneau affirme qu’en 2012, l’Opposante a « enquêté auprès de Joraform pour connaître le coût d’une licence afin de construire le composteur entièrement au Canada. » M. Charbonneau ajoute que « Joraform souhaitait continuer de [vendre à l’Opposante] les pièces, tel qu’il appert d’une copie d’un courriel joint aux présentes comme annexe D » [para 7].

[26] À la revue de cette pièce, je note qu’il s’agit d’un échange de courriels dans lequel Joraform semble indiquer effectivement être prête à vendre certaines pièces à l’Opposante (bien que celle-ci ne soit pas nommée en tant que telle), à certaines conditions, en ces termes :

The Joraform Board now had the meeting where we discussed a future production of JK5100 in Canada. We came to the following conclusion:

Joraform sell complete metal plate kit and you produce/buy the other parts like engines, control board with cables and electronic parts. And final assembly of course…!

This way, Jorafoam still have some control over how many units that is produced in Canada, and we still keep some profit on the machines. You benefit great on less cost for the material and less costs for transportation/unit. AND get machines approved for your particular market and later on also the U.S.

Let us know if this solution is interesting for you, then we calculate an offer incl our Royalties. We also need to look at a contract for liability, sales areas, warranties, confidentiality, etc.

[27] Par contre, il n’est pas clair quelle suite fut donnée à cet échange de courriels. M. Charbonneau affirme qu’en 2013, l’Opposante « vendait toujours des composteurs Joraform », tout en ajoutant que :

8 […] Toutefois, compte tenu des modifications que nous avions effectuées, à nos frais, aux composteurs Joraform, nous avions demandé que des changements soient effectués au produit afin qu’il soit mieux adapté aux conditions climatiques canadiennes. Notre demande a été refusée. De plus, vu la baisse du dollar canadien, le coût des composteurs Joraform qui nous étaient vendus en dollars américains croissait sans cesse. Par conséquent, […] nous avions décidé de créer un produit qui répondrait davantage aux besoins de nos clients canadiens. […] Nous avons donc avisé en conséquence Magnus Wesslen [de Joraform], de notre décision, tel qu’il appert d’une copie de notre lettre jointe à titre d’annexe E.

[28] Par contre, à la revue de la lettre de l’annexe E, je note qu’elle n’est ni datée, ni signée. De plus, bien que l’Opposante y indique: « After considerable thought, we, at Distribution Jora Compost Canada, have decided to no longer represent Joraform in Canada. […] », il semble que l’Opposante ait, dans les faits, continué de vendre les composteurs Joraform jusqu’à tout le moins la fin de l’année 2014, comme expliqué ci-après.

[29] M. Charbonneau affirme qu’en mars 2014, l’Opposante « a lancé son produit repensé » et que celle-ci « contrôlait enfin la qualité de ses composteurs qui étaient maintenant fabriqués dans les environs de Montréal de matériaux faits et recyclés essentiellement au Canada. » M. Charbonneau précise que « les noms des composteurs sont basés sur les routes canadiennes, par exemple la 401 […], la 127[…] et la 271[…] ». M. Charbonneau affirme également que :

9. […] Durant cette même période, nous avons avisé Joraform que nous ne ferions plus affaire avec eux et que nous continuerions d’utiliser le terme JORA ou, plus spécifiquement la marque JORACAN que nous utilisions depuis 2011 en liaison avec nos composteurs.

[30] Par contre, je ne relève dans la preuve aucun autre détail concernant l’avis qui aurait été ainsi donné à Joraform.

[31] M. Charbonneau affirme par ailleurs à cet égard que:

10. À ce jour, Joraform est toujours au courant de notre utilisation de la dénomination sociale Distribution Jora et de la marque de commerce JORACAN. En fait, je joins sous pli, à titre d’annexe F, copie de deux courriels que nous avions reçus de Magnus Wesslen, directeur général de Joraform. Dans le premier, en date du 15 septembre 2015, M. Wesslen nous transmet un courriel que leur compagnie sud-africaine avait reçu pour des renseignements concernant un composteur aux États-Unis. M. Wesslen indique qu’il espère que ce courriel se traduira en des ventes pour nous. Dans le deuxième, en date du 12 décembre 2016, M. Wesslen nous indique qu’il reçoit toujours des demandes de composteurs au Canada et aux États-Unis, et veut savoir s’il continue à nous recommander, sommes-nous toujours en mesure de répondre aux besoins, et si oui, Joraform pourrait alors toucher une commission. Nous considérons toujours cette demande.

11. En tant qu’entrepreneur indépendant de Joraform et avec son consentement et sa connaissance, nous avons et continuons à ce jour d’utiliser le nom Distribution Jora et de [sic] la marque de commerce JORACAN depuis 2008 et 2011 respectivement.

[32] À la revue des deux courriels de l’annexe F, je note que ceux-ci sont adressés par M. Wesslen à M. Charbonneau et son associée (Barbara Bruce) à l’adresse courriel « joracompostcanada@sympatico.ca ». Toutefois, il n’y est pas fait expressément mention du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. ou de la marque de commerce JORACAN comme tels. Plus particulièrement, M. Wesslen écrit dans le courriel du 12 décembre 2016:

Do you still produce the JK5100?

We get every year some inquiries to supply mainly to the USA but also Canada.

What if we continue to recommend the interested customers to you, can we make a deal that you take care of these customers and we get a commission?

Et dans celui du 15 septembre 2015:

Below is a lead for you sent to our South African company.

Perhaps this can generate sales for you.

[33] Le « lead » en question concernait apparemment un composteur pour une école de plus de 300 étudiants.

[34] Concernant plus particulièrement la marque JORACAN, M. Charbonneau joint à sa déclaration solennelle, comme annexe G, une copie des détails obtenus de la Base de données des marques de commerce concernant la demande d’enregistrement no 1809612 (mentionnée plus haut dans la déclaration d’opposition), produite par l’Opposante en date du 15 novembre 2016, et basée sur l’emploi de pareille marque de commerce au Canada en liaison avec des « composteurs » depuis au moins aussi tôt que décembre 2011. M. Charbonneau définit par la suite les produits visés par cette demande d’enregistrement comme les « Produits ». Il joint également, comme annexe H, « un échantillon d’une étiquette de la [marque JORACAN] apparaissant sur les Produits » [para 12]. Je reproduis à l’Annexe « II » de ma décision cet échantillon et me contenterai de noter à ce stade-ci que j’estime cette dernière affirmation de M. Charbonneau quelque peu ambiguë au vu de la preuve considérée dans son ensemble.

[35] M. Charbonneau affirme que « les Produits sont vendus au Québec et au Canada depuis décembre 2011. » Il affirme que ces produits ont été vendus, entre autres, au Groupe Jean Coutu, au Groupe Leclerc Architecture + Design, à la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), à des commissions scolaires et à des éco-quartiers, et à de nombreux particuliers, comme en fait foi copie d’un échantillonnage de factures jointe à sa déclaration solennelle comme annexe I. M. Charbonneau affirme que « les numéros sur les factures (p.ex. JK 270, NE401, etc.) réfère [sic] à des modèles de nos Produits, tels qu’ils apparaissent et ont apparu sur notre site Web (voir l’annexe K ci-jointe) » [para 13]. Comme expliqué ci-après, certaines de ces affirmations m’apparaissent inexactes.

[36] Tout d’abord, l’annexe K consiste non pas en des impressions du site Web de l’Opposante, mais plutôt du site Web de Recyc-Québec (discuté plus loin). Les impressions du site Web de l’Opposante se retrouvent plutôt à l’annexe J de la déclaration solennelle de M. Charbonneau. Plus particulièrement, sont incluses dans l’annexe J, d’une part, une ancienne maquette (« mock-up ») de la page d’accueil du site Web de l’Opposante (www.joracanada.ca) en date du 15 janvier 2009 (époque à laquelle l’Opposante agissait en tant que distributeur de Joraform), reproduite dans un courriel transmis par un designer, et, d’autre part, des impressions récentes du site Web de l’Opposante (http://joracanada.ca) portant la mention « © Copyright 2015 Joracan (//joracanada.ca/) ».

[37] L’ancienne maquette annonce le composteur industriel « Jora Kompost JK 5100 », lequel consiste en un produit de Joraform et non pas en un composteur de l’Opposante. L’Opposante y est d’ailleurs décrite comme « the supplier of the most efficient industrial composting machine on the market today. » Bien que cette maquette contienne aussi une référence au nom commercial de l’Opposante, je rappelle qu’il s’agit d’une maquette (i.e. n’ayant pas nécessairement été mise en ligne).

[38] Les impressions du site Web portant la mention « © Copyright 2015 Joracan » font voir quant à elles les modèles de composteurs JORACAN NE 20T, NE 401, NE 271 et NE 127. Par contre, aucune mention n’est faite du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. à quelque endroit que ce soit sur les impressions du site Web — le site faisant plutôt référence à « Jora Canada » ou « Joracan ». Je reviendrai plus loin sur ce point.

[39] Ensuite, tous les modèles de composteurs décrits dans les factures de l’annexe I par les initiales « JK » suivies d’un numéro (nommément JK270, JK125, JK400 et JK5100), à savoir les factures couvrant les années 2011 à 2014 inclusivement, attestent plutôt, selon ma compréhension de la preuve, de la vente de composteurs de Joraform et non pas de composteurs de l’Opposante. Ces factures incluent une référence à « JORA KOMPOST » dans le coin supérieur droit et ne font aucunement référence à la marque JORACAN. Les seules factures comprises dans l’annexe I se rattachant à la vente des composteurs de l’Opposante sont celles faisant référence aux modèles de composteurs y décrits par les initiales « NE » suivies d’un numéro (nommément NE401, NE127, NE271), et couvrent les années 2015 à 2018. Ces factures incluent une référence à « Joracan » dans le coin supérieur droit, au lieu et place de « JORA KOMPOST », comme reproduit sur l’échantillon d’étiquette à l’annexe H de la déclaration solennelle de M. Charbonneau et à l’Annexe « II » de ma décision.

[40] De plus, à l’exception de deux factures datées des 15 novembre et 22 décembre 2010 (factures nos 2011-004 et 2011-005 respectivement), concernant la vente de composteurs JK125 et JK270 de Joraform et contenant les coordonnées de Distribution Jora Compost Canada Inc., aucune des copies de factures jointes à l’annexe I de la déclaration solennelle de M. Charbonneau n’identifie l’Opposante. Bien qu’il soit permis de croire que ceci est dû à une erreur de photocopie (mauvais format de page sélectionné), je ne suis pas prête à inférer pour autant que le nom commercial de l’Opposante, comme retrouvé sur les factures nos 2011-004 et 2011-005, se retrouvait encore nécessairement sur les factures concernant la vente des composteurs NE 401, NE 271, et NE 127, étant donné l’apparence différente de ces factures. À titre d’exemples, sont reproduites à l’Annexe « III » de ma décision une des factures qui identifient l’Opposante et deux des factures qui ne le font pas. Je reviendrai plus loin sur ce point.

[41] Revenant sur la déclaration solennelle de M. Charbonneau, celui-ci explique que les « Produits » sont vendus essentiellement par le biais d’Internet, d’expositions commerciales, et de contacts personnels. Il se réfère au site Internet de l’Opposante www.joracanada.ca (annexe J discutée plus haut), « détaillant tous les Produits et expliquant comment les installer » [para 14].

[42] M. Charbonneau ajoute qu’il siège au conseil d’administration du Canadian Association for Green Buildings, à Montréal, et que les « Produits » de l’Opposante apparaissent également sur le site Internet de Recyc-Québec (annexe K). À la revue de l’annexe K, je note que Recyc-Québec fournit, à titre informatif seulement, « quelques exemples d’équipement de compostage sur place utilisés à l’échelle communautaire ou commerciale », dont une photo d’un composteur accompagnée de la légende suivante : « Composteur fermé JORACAN NE-20T – Composteur fermé de faible envergure conçu par la compagnie JORA. Photo : Gracieuseté de JORA Canada ».

[43] M. Charbonneau affirme que l’Opposante a, à ce jour, vendu « plus de 155 Produits à des écoles à travers le Canada et plus de 1500 petits composteurs. » Il affirme que l’Opposante reçoit « même des demandes hebdomadaires d’autres pays, y compris le Mexique, l’Amérique du Sud et la Nouvelle-Zélande », et qu’elle transmet « toutes les demandes de composteurs JK5100 [qu’elle reçoit] de l’extérieur du Canada à Magnus Wesslen, (voir l’annexe L ci-jointe) chez Joraform, qui nous transmet les demandes qu’ils reçoivent du Canada » [para 15].

[44] À la revue de l’annexe L, je note que celle-ci fait état d’un échange de courriels, en date des 5 et 6 juin 2018, concernant une demande de composteur en provenance du Chili. Mme Barbara Bruce (l’associée de M. Charbonneau) écrit à M. Wesslen :

Hi Magnus,

We have had a request for a large composter like your JK5100 in Chile. We are not set up to ship outside Canada. Would you be interested in responding to this person? Do you have a dealer in Chile?

Please let me know and I will send the information.

I hope all is well with you.

Et M. Wesslen répond :

Hi Barbara,

Thank you for your e-mail.

Yes, everything is just fine, hope with you also.

Yes please send me contact information for Chile and we will take care of it.

[45] Dans la dernière partie de sa déclaration solennelle, M. Charbonneau discute du Requérant.

[46] M. Charbonneau relate que :

16. Selon un courriel que nous avions reçu le 2 novembre 2016 de Magnus Wesslen, dont copie est jointe aux présentes à l’annexe M, [le Requérant] a acquis des droits de Composting Warehouse pour les États-Unis du propriétaire, Ake Frisell, en 2016. Par la suite, il a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque JORA COMPOSTERS aux États-Unis le 9 novembre 2016 basée sur usage aux États-Unis depuis le 1er octobre 2016. Cette marque a été enregistrée le 20 juin 2017, tel qu’en fait [sic] foi les détails obtenus du site Web du United States Patent and Trademark Office joint [sic] à titre d’annexe N.

[47] À la revue de l’annexe M, je note que M. Wesslen répond à un courriel de M. Charbonneau et de son associée Barbara Bruce qui s’enquéraient de la vente de Joraform au Requérant : « Hello Magnus, I hear that you have sold all of Joraform to Tom McKaig [sic]. We wish you all the best in your future endeavors. » M. Wesslen répond de la manière suivante : « This is not correct, it is former owner Ake Frisell who has sold his north american [sic] operation Composting Wharehouse. I am still the owner of Joraform AB. »

[48] Également, à la revue de l’annexe N, je note que l’enregistrement américain serait non pas au nom du Requérant mais plutôt de TM2701 LLC LIMITED LIABILITY COMPANY CALIFORNIA.

[49] Quoiqu’il en soit, M. Charbonneau relate que :

17. [Le Requérant] avait communiqué avec nous concernant notre utilisation de la [marque JORACAN] et vente des Produits. Nous lui avions expliqué notre relation avec Joraform. Des courriels ont suivi dans lesquels [le Requérant] réfute notre droit à l’usage de notre dénomination sociale et de la [marque JORACAN], tel qu’en fait foi la copie des courriels jointe à titre d’annexe P. En réponse à ses propos, mes conseillers juridiques lui ont transmis une mise en demeure le 14 novembre 2016, dont copie est jointe à titre d’annexe Q, réitérant nos droits dans la [marque JORACAN] et le fait que son utilisation proposée de la [Marque] créait de la confusion avec notre [marque JORACAN].

18. [Le Requérant] a répondu par courriel le 18 novembre 2016 prétendant être perplexe de notre utilisation continue de la [marque JORACAN] au Canada et demandant le 31 août 2017 que l’on cesse d’utiliser la [Marque], tel qu’en fait foi la suite de courriels jointe à titre d’annexe R.

[50] D’où la présente opposition instituée par la suite par l’Opposante.

[51] À la revue de l’annexe P, je note que le Requérant y écrit entre autres :

I contacted Joraform AB and they have no record of any business sale or name sale to either Joracan or any individuals in Canada.

Can you check your records to see the name of the person you told me that sold you the name and business please so we can sort this out asap.

[…]

Please clarify your statement that you purchased the name and anything else.

I have spoken with every one I can think of and asked all of the current and previous owners if there is anyone else I should ask and came up empty. […]

[52] La mise en demeure de l’annexe Q fait quant à elle valoir essentiellement que l’Opposante « has been distributing a tumbling composter under the brand name JORACAN for approximately 5 years » et que l’emploi projeté de la Marque au Canada par le Requérant « will direct public attention to your goods in a way as to cause confusion with our client’s JORACAN composters. »

[53] Quant à la chaîne de courriels de l’annexe R, le Requérant y écrit entre autres :

Your request is puzzling. Jora Composters have been sold on a continual basis long before the 5 years you mentioned in the letter. Russ Chambers, who represented himself as a member of Joracan told that in an email that Joracan copied the product from the actual Jora Composters.

Jacques [Charbonneau] told me he purchased the name but when I asked from whom I didn’t get a response, I checked with all the previous and current owners and management and no one knows of any deal that was done between Jacques and Jora on a name. They did buy composters as a dealer at one time and according to Russ [Chambers] that is what they copied.

[54] Par contre, je note que bien que le Requérant fasse valoir dans ce dernier courriel que « Jora Composters have been sold on a continual basis long before the 5 years you mentioned in the [cease and desist letter dated November 14, 2016] », la présente demande d’enregistrement ne revendique aucun emploi de la Marque par Joraform en tant que prédécesseur en titre du Requérant. Qui plus est, les propos du Requérant concernant les informations qui lui auraient été rapportées dont il est fait état dans les annexes P et R consistent en des ouï-dire.

[55] Enfin, dans les derniers paragraphes de sa déclaration solennelle, M. Charbonneau affirme que :

20. Depuis ce temps, [le Requérant] tente de profiter de notre achalandage et d’accaparer notre clientèle en indiquant sur son site Web (voir l’annexe S ci-jointe) que JORA COMPOSTERS est une marque de commerce enregistrée au Canada et aux États-Unis et que de faux composteurs JORA COMPOSTERS sont vendus au Canada – ces deux déclarations étant fausses. Voir sa demande d’enregistrement au Canada (annexe O) [soit la demande faisant l’objet de la présente opposition] qui est basée sur usage projeté au Canada.

21. En fait, la qualité de nos Produits est telle que nous recevons des courriels et des appels de personnes qui ont acheté des composteurs portant la marque JORA COMPOSTERS au Canada se plaignant du manque de pièces ou de renseignements concernant l’installation, de doublure en mousse fondue, etc. tel qu’en font foi copies des courriels joints à titre d’annexe C. Contrairement à nos Produits qui sont fabriqués au Canada, les composteurs JORA COMPOSTERS sont fabriqués en Chine.

22. Quant à la déclaration sur le site Web [du Requérant] (annexe S) que Joraform est sa société mère suédoise, nous réitérons les propos faits au paragraphe 10 que Joraform est au fait de notre existence et de nos activités et l’a été depuis 2008, sans s’y objecter.

[56] À la revue de la pièce S, je note que celle-ci consiste en des impressions du site Web https://www.joracomposters.com. Par contre, aucune information concernant l’entité opérant ce site, ni référence au Requérant, n’est fournie. Le texte de l’avis se lit comme suit :

C A CANADIAN BUYER BEWARE C A Jora Composters is a registered trademark in both Canada in [sic] the US. Counterfeit Jora Composters are being marketed & sold in Canada. See our Swedish parent company www.joraform.com (http://www.joraform.com) for info on authorized dealers worldwide.

Analyse du fardeau de preuve initial

Nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc.

[57] Comme indiqué plus haut, l’Opposante se devait de démontrer trois choses : l’emploi du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. antérieurement au 24 octobre 2016, le non-abandon de celui-ci au 8 novembre 2017, et que pareil emploi lui était propre.

[58] Aucune disposition de la Loi ne définit ni ne décrit ce qui constitue un « emploi » d’un nom commercial. Toutefois, cette question a été examinée par la Cour fédérale dans la décision M. Goodwrench Inc c General Motors Corp (1994) 55 CPR (3d) 508 (CF 1re inst), dans laquelle le juge Simpson a déclaré ce qui suit :

[traduction] Aucune disposition de la Loi ne définit ou ne décrit l’emploi d’un nom commercial. Toutefois, dans l’affaire Professional Publishing Associates Ltd. c. Toronto Parent Magazine Inc. (1986), 9 C.P.R. (3d) 207 (CF 1re inst.), le juge Strayer a étudié ce problème et conclu que les principes énoncés à l’art. 2 et au par. 4(1) de la Loi s’appliquaient à l’emploi d’un nom commercial. Voici ses propos sur la question :

Bien que la Loi sur les marques de commerce ne définisse pas l’emploi à l’égard des noms commerciaux, je suis convaincu, compte tenu des objets de la Loi, que l’emploi devrait avoir lieu dans le cours normal des affaires et à l’égard de la classe de personnes ou des classes de personnes avec qui ces affaires devront être transigées.

Par conséquent, l’emploi dans le cours ou la pratique normale des affaires sera le critère selon lequel la présente espèce sera décidée.

[59] De même, dans la décision Northpaw Nutrition Inc c Corey Nutrition Company Inc, 2020 COMC 60, le registraire s’est penché sur la question de savoir si l’emploi d’un nom commercial devait être évalué de la même façon que l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4(1) de la Loi en exigeant, par exemple, qu’un avis de liaison entre un nom commercial et un produit soit donné au moment du transfert de celui-ci, et a conclu que ceci n’était pas le cas en ces termes :

[traduction]

32. Si je comprends bien, les observations de la Requérante laissent entendre que la question de savoir s’il y a bien « emploi » des Noms commerciaux de l’Opposante doit être évaluée de la même façon qu’une évaluation de l’emploi de la marque de commerce au sens de la Loi serait traitée – par exemple, en exigeant un avis de liaison des Noms commerciaux au moment du transfert des produits de l’Opposante.

33. Dans A. Kelly Gill, Fox on Canadian Law [of Trade]-Marks and Unfair Competition, 4e éd. (Toronto : Thomson Reuters Canada, 2002) ch. 14.2(a) (WL Can), on précise ce qui suit en ce qui concerne les noms commerciaux :

[traduction]

Les noms commerciaux sont des termes ou des symboles employés pour distinguer et identifier des sociétés, des sociétés de personnes, des activités ou des personnes et l’achalandage qui s’y attache. Les noms commerciaux n’identifient ni ne distinguent les produits ou les services. La Loi sur les marques de commerce définit un « nom commercial » comme étant « le nom sous lequel une activité est exercée, qu’il s’agisse ou non du nom d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier ». Les noms commerciaux ainsi définis ne peuvent être enregistrés aux termes de la Loi sur les marques de commerce. [Non souligné dans l’original.]

34.La différence entre l’emploi d’une marque de commerce et celui d’un nom commercial peut également être observée à l’article 6(3) de la Loi, qui précise que « [l]’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à cette marque et les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés par la même personne [...] » [non souligné dans l’original].

35. À ce titre, l’exigence d’un avis de liaison entre une marque de commerce et un produit au moment du transfert ne semble pas s’appliquer dans le contexte d’un nom commercial. Suivant l’approche de la Cour dans M. Goodwrench, précitée, j’examinerai si l’Opposante exerce une activité qui fabrique et distribue de la nourriture pour animaux de compagnie et des produits pour animaux de compagnie sous un ou plusieurs des Noms commerciaux de sorte qu’elle identifie l’activité dans la pratique normale du commerce, et en liaison avec la catégorie ou les catégories de personnes avec qui ce commerce doit être réalisé.

[60] En l’occurrence, hormis les factures nos 2011-004 et 2011-005 identifiant toutes deux l’Opposante, datées respectivement des 15 novembre et 22 décembre 2010, je ne relève dans la preuve aucun emploi du nom commercial de l’Opposante dans la pratique normale du commerce.

[61] Cela dit, le fait demeure que le nom commercial de l’Opposante figure à tout le moins sur ces deux factures, comme illustré à l’Annexe « III » de ma décision. Pareil emploi est suffisant au terme de l’article 16 de la Loi, lequel n’impose pas à un opposant d’établir un certain niveau d’emploi ou de réputation acquise [voir sur cette question, par analogie, Olive Me Inc, et al c 1887150 Ontario Inc, 2020 TMOB 26; et 7666705 Canada Inc c 9301-7671 Québec Inc, 2015 TMOB 150]. Qui plus est, j’estime raisonnable d’inférer, dans les circonstances particulières du présent dossier, que l’ensemble des factures datées des années 2011 à 2014, concernant la vente des composteurs Joraform par l’Opposante, identifiaient toutes l’Opposante comme sur les factures nos 2011-004 et 2011-005, étant donné l’apparence identique de la portion visible de toutes ces factures. Comme indiqué plus haut, il est permis de croire qu’une erreur est survenue dans la sélection du format de page au moment de la photocopie de ces factures.

[62] Par contre, je ne suis pas prête à inférer pour autant que le nom commercial de l’Opposante, comme apparaissant sur les factures nos 2011-004 et 2011-005, se retrouvait encore nécessairement sur les factures datées des années 2015 à 2018 concernant la vente des composteurs NE 401, NE 271, et NE 127 de l’Opposante. En effet, comme relevé plus haut, l’apparence des factures concernant la vente de ces derniers composteurs diffère de celle des factures concernant la vente des composteurs Joraform. On retrouve maintenant dans le coin supérieur droit la mention « Joracan » plutôt que « JORA KOMPOST ». Également, les photographies de composteurs retrouvées dans les coins supérieur gauche et inférieur droit du logo apparaissant sur ces factures diffèrent de celles retrouvées dans les factures « JORA KOMPOST ». Gardant à l’esprit que les impressions du site Web de l’Opposante à l’annexe J de la déclaration solennelle de M. Charbonneau ne font aucunement référence au nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc., mais plutôt à « Joracan » ou « Jora Canada », j’estime que l’on ne peut exclure qu’il en soit de même des factures à partir de l’année 2015 (bien que je ne sois pas prête à conclure pour autant qu’il puisse s’agir d’une entité juridique différente, étant donné que les numéros de TPS et de TVQ visibles dans certaines des factures demeurent les mêmes).

[63] Quoiqu’il en soit, même si ce dernier « bloc » de factures m’amène à conclure qu’il y aurait pu avoir une période de non-emploi du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. en liaison avec la vente de composteurs depuis 2015, j’estime que les circonstances du présent dossier ne me permettent pas de conclure pour autant que l’Opposante eut abandonné, et encore moins eut eu l’intention d’abandonner, pareil nom commercial à la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement le 8 novembre 2017 [voir Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder B.V., 2012 CAF 321 pour les principes généraux régissant la notion d’abandon]. En effet, tant la demande d’enregistrement de marque de commerce de l’Opposante pour la marque JORACAN produite le 15 novembre 2016, que sa mise en demeure au Requérant datée du 14 novembre 2016 (annexes G et Q à la déclaration solennelle de M. Charbonneau) sont au nom de Distribution Jora Compost Canada Inc., sans mentionner la présente procédure d’opposition.

[64] Ceci m’amène à la dernière des trois conditions, à savoir que l’emploi fait du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. était propre à l’Opposante et ne bénéficiait pas à Joraform.

[65] Bien qu’il est généralement établi par la jurisprudence qu’un distributeur canadien ne peut s’approprier la marque de commerce d’un propriétaire étranger au détriment de celui-ci [voir, par exemple, Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd, [1971] 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Fennessy c Verb Investments Inc [1993] 50 CPR (3d) 477 (CF1re inst); White Consolidated Industries, Inc c Beam of Canada Inc [1991] 39 CPR (3d) 94 (CF1re inst)], je ne suis pas prête à conclure en l’espèce à une appropriation non autorisée par Joraform.

[66] Tout d’abord, s’agissant du nom commercial de l’Opposante, le présent cas se distingue de celui de l’emploi au Canada d’une marque de commerce d’un propriétaire étranger apposée sur ses produits vendus par un distributeur ou détaillant canadien. Dans ce dernier cas, il est de principe que pareil emploi de marque de commerce en liaison avec les produits du propriétaire étranger constitue un « emploi » au sens de l’article 4 de la Loi par le propriétaire étranger et non par le distributeur ou détaillant canadien. Le distributeur ou détaillant canadien n’agit qu’à titre d’intermédiaire dans la chaîne de transactions entre le propriétaire étranger et le consommateur [Manhattan, précitée]. Point n’est besoin d’une licence du propriétaire de la marque de commerce pour ce faire [voir A & A Jewellers Ltd c Malcom Johnston & Associates (2000), 8 CPR (4th) 56 (CF1re inst)].

[67] Ensuite, j’estime que la preuve au dossier ne me permet pas de me prononcer, en toute connaissance de cause, sur la nature de l’accord intervenu entre l’Opposante et Joraform concernant l’emploi de « Jora Compost » en tant que partie du nom commercial de l’Opposante. Bien que certaines clauses de l’Entente concernant les devoirs fiduciaires de l’Opposante envers Joraform et l’obligation pour l’Opposante de tenir Joraform informée de ses activités au Canada puissent donner à croire à l’existence d’un contrat de licence implicite, l’Entente décrit par ailleurs l’Opposante (expressément nommée « Jora Compost Distribution Canada Inc. ») en tant qu’entrepreneur indépendant agissant en son propre nom, tant vis-à-vis de Joraform que des consommateurs (« The Distributor shall buy and sell in his own name and for his own account. The Distributor shall act as an independent trader towards both the Manufacturer as well as the customers. The Distributor shall effectively promote the sale of the Product in the Territory, without being authorized to act in any way in the name of the Manufacturer and of the Equipment »). La teneur de certains des échanges de courriels retrouvés à l’annexe C de la déclaration solennelle de M. Charbonneau semble d’ailleurs aller dans ce dernier sens, comme dans les exemples suivants :

· Courriel du 29 avril 2011 adressé à M. Lanshed de Joraform par M. Charbonneau dans lequel celui-ci écrit :

« …we are shipping YOUR machine with OUR REPUTATION across Canada. We have been in business in this country for over 25 years and you will, as a business owner yourself, understand that we (YOU AND US) can not sell or market a product that has any flaws in the manufacturing. You need to fix your quality control in China. …It is affecting both of our reputations »

· Courriel du 5 mai 2011 adressé à M. Lanshed de Joraform par M. Charbonneau dans lequel celui-ci écrit :

« …here is another problem of missing parts. … We have worked extremely hard to build up our business in Canada and these problems are jeopardizing our reputation and business… »

[68] Ceci est d’autant plus vrai qu’il n’est pas clair de l’ensemble de la preuve au dossier que Joraform ait, de fait, contrôlé, directement ou indirectement, l’emploi du nom commercial « Distribution Jora Compost Canada Inc. » par l’Opposante dans la poursuite de son entreprise pendant la durée de l’Entente de sorte que pareil emploi bénéficie à Joraform. À cet égard, il n’est pas clair non plus que le consentement de Joraform à l’emploi de « Jora Compost » en tant que partie du nom commercial de l’Opposante ait été, de fait, retiré par Joraform suite à la terminaison de l’Entente.

[69] À mon avis, les éléments de preuve au dossier sur cette question sont parcellaires et flous. Considérant notamment la teneur des courriels retrouvés aux annexes F et L de la déclaration solennelle de M. Charbonneau, j’estime qu’il n’est pas clair que Joraform n’ait pas toléré sans s’y opposer la poursuite de l’emploi du nom commercial de l’Opposante après la terminaison de l’Entente, puisque Joraform continuait d’interagir avec cette dernière et était à tout le moins au fait que l’Opposante continuait d’être en affaires et d’employer l’adresse courriel «joracompostcanada@sympatico.ca ». Il convient de rappeler que M. Charbonneau n’a pas été contre-interrogé sur sa version des faits et que le Requérant n’a soumis aucune preuve, ni observations écrites. Dans les circonstances, j’estime que je n’ai pas compétence pour trancher cette question, laquelle mériterait d’être tranchée par un tribunal compétent suite à une audience complète.

[70] Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, j’estime que je n’ai pas compétence pour empêcher l’Opposante d’invoquer son emploi antérieur et le non-abandon de son nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc. en vertu de l’article 16(3)(c) de la Loi [voir par analogie Sunbeam Products, Inc c Mister Coffee & Services Inc (2001), 16 C.P.R. (4th) 53 (CF 1re inst)]. Par conséquent, je conclus que l’Opposante a rencontré son fardeau de preuve initial en regard de ce motif d’opposition.

Marque de commerce JORACAN

[71] Comme indiqué plus haut, l’Opposante se devait de démontrer trois choses : l’emploi de la marque de commerce JORACAN antérieurement au 24 octobre 2016, le non-abandon de celle-ci au 8 novembre 2017, et que pareil emploi lui était propre.

[72] Selon l’article 4(1) de la Loi :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[73] En l’occurrence, bien que M. Charbonneau affirme à diverses reprises dans sa déclaration solennelle que l’Opposante a employé la marque de commerce JORACAN en liaison avec « les Produits » depuis 2011, et qu’il joint à l’annexe H de sa déclaration solennelle « un échantillon d’une étiquette de la [marque JORACAN] apparaissant sur les Produits », je ne suis pas prête à conclure pour autant que l’emploi de la marque JORACAN a été effectivement démontré en liaison avec des composteurs depuis 2011. Considérant la preuve dans son ensemble, j’estime plutôt que pareil emploi a été démontré seulement à partir de l’année 2015, soit à partir du moment où les factures de l’Opposante ont cessé d’arborer la marque JORA KOMPOST et de faire référence aux composteurs « JK » de Joraform, et ont plutôt commencé à arborer la marque JORACAN (comme apparaissant sur l’échantillon d’étiquette) et à faire référence aux composteurs de l’Opposante de la gamme « NE ». Considérant que ces dernières factures couvrent les années 2015 à 2018, j’estime que le non-abandon de la marque de commerce JORACAN au 8 novembre 2017 a également été démontré.

[74] Pour ce qui est de la troisième condition, j’estime, encore ici, que je n’ai pas compétence pour empêcher l’Opposante d’invoquer en son nom pareil emploi antérieur et non-abandon de la marque de commerce JORACAN en vertu de l’article 16(3)(a) de la Loi.

[75] Bien que j’ai des doutes sérieux sur la légalité de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce JORACAN en liaison avec sa propre gamme de composteurs « NE » suivant les dispositions de l’Entente, je ne suis pas prête à discréditer pour autant le témoignage de M. Charbonneau selon lequel l’Opposante a employé et continue à ce jour d’employer la marque de commerce JORACAN en son propre nom avec le consentement et à la connaissance de Joraform. J’ajouterai sur ce point que je ne dispose d’aucune information concernant les circonstances ayant entouré l’adoption de la marque JORACAN par l’Opposante en 2011. Aussi, faute de contre-interrogatoire et/ou de preuve du Requérant discréditant M. Charbonneau, j’estime que je n’ai pas compétence pour trancher cette question, laquelle mériterait d’être tranchée par un tribunal compétent suite à une audience complète.

[76] Par conséquent, je conclus que l’Opposante a rencontré son fardeau de preuve initial en regard de ce motif d’opposition.

Analyse de la probabilité de confusion

En regard du nom commercial Distribution Jora Compost Canada Inc.

[77] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme mentionné dans la décision Northpaw Nutrition, précitée, selon l’article 6(3) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à cette marque et les produits liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[78] En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[79] En l’occurrence, j’estime qu’il ne m’est pas nécessaire de discuter longuement de chacun de ces facteurs pour conclure à l’existence d’une probabilité de confusion entre la Marque et le nom commercial de l’Opposante.

[80] En effet, chacun de ces facteurs favorise l’Opposante. Le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce sont les mêmes. Il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque par le Requérant, alors que l’Opposante a démontré avoir employé son nom commercial à tout le moins sur certaines de ses factures. Enfin, la Marque et le nom commercial de l’Opposante se ressemblent de façon frappante en ce qu’ils partagent tous deux le même élément dominant et unique, à savoir l’élément « JORA », associé à un ou plusieurs autres mots clairement descriptifs dans le contexte des produits et entreprises des parties.

[81] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(c) de la Loi est accueilli.

En regard de la marque de commerce JORACAN

[82] De manière similaire, selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[83] Encore ici, j’estime qu’il ne m’est pas nécessaire de discuter longuement de chacun de ces facteurs pour conclure à l’existence d’une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce JORACAN de l’Opposante.

[84] En effet, chacun de ces facteurs favorise l’Opposante. Le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce sont les mêmes. Il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque par le Requérant, alors que l’Opposante a démontré avoir employé sa marque de commerce JORACAN depuis à tout le moins 2015. Enfin, la Marque et la marque de commerce JORACAN se ressemblent de façon considérable en ce qu’elles partagent toutes deux le même élément dominant et unique, à savoir l’élément « JORA », apparaissant dans la première partie de chacune d’elles.

[85] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 2 de la Loi

[86] Comme indiqué plus haut, ce motif allègue que la Marque ne distingue pas véritablement les produits du Requérant visés par la présente demande des « produits rendus ou vendus par l’Opposante ».

[87] Contrairement aux motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, l’Opposante est autorisée à s’appuyer sur l’emploi par des tiers de marques de commerce ou noms commerciaux semblables créant de la confusion à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Cela étant dit, à la lecture de la déclaration d’opposition dans son ensemble, j’estime que ce motif d’opposition doit être compris comme faisant référence aux produits de l’Opposante commercialisés en liaison avec la marque de commerce JORACAN. En effet, j’estime qu’il ne saurait s’agir ici des composteurs de Joraform commercialisés en liaison avec la marque JORA KOMPOST vendus par l’Opposante en sa qualité de distributeur de Joraform puisque ni la marque de commerce JORA KOMPOST, ni Joraform n’ont été expressément référencées par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition.

[88] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial au regard de ce motif d’opposition, l’Opposante se devait de démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, le 20 décembre 2017, la marque de commerce JORACAN était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[89] En l’occurrence, bien que j’ai conclu à l’emploi antérieur de la marque JORACAN par l’Opposante et au non-abandon de celle-ci aux dates pertinentes pour l’appréciation du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi, j’estime que la preuve au dossier ne me permet pas de conclure qu’à la date pertinente pour l’appréciation du présent motif d’opposition, la marque JORACAN était devenue connue à tout le moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif de la Marque.

[90] En effet, bien que M. Charbonneau affirme que l’Opposante a, à ce jour, vendu « plus de 155 Produits à des écoles à travers le Canada et plus de 1500 petits composteurs », j’estime cette affirmation trop imprécise. M. Charbonneau ne départage pas ces ventes par année, ni ne précise lesquels de ces composteurs consistent en des composteurs JORA KOMPOST de Joraform et lesquels consistent en les propres composteurs de la gamme « NE » de l’Opposante. Or, comme expliqué plus haut, je ne suis pas satisfaite de ma revue de la preuve considérée dans son ensemble, que l’Opposante a démontré l’emploi de la marque de commerce JORACAN en liaison avec les composteurs JORA KOMPOST de Joraform vendus par l’Opposante en sa qualité de distributeur de Joraform. Comme je ne peux départager les chiffres fournis par M. Charbonneau, j’estime que je ne peux évaluer la mesure dans laquelle la marque de commerce JORACAN était devenue connue au Canada en liaison avec les composteurs de la gamme « NE » de l’Opposante à la date pertinente pour l’appréciation du présent motif d’opposition.

[91] Par conséquent, j’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en regard du présent motif et celui-ci est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi

[92] Comme indiqué plus haut, ce motif, tel que plaidé, semble comporter quatre volets, alléguant que i) la Marque n’est pas enregistrable; ii) la Marque n’est pas distinctive; iii) le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque; et iv) le Requérant ne pouvait ignorer l’existence de la marque JORACAN de l’Opposante.

[93] J’estime que les trois premiers volets ne constituent pas des motifs d’opposition valables au sens de l’article 30(i) de la Loi et relèvent plutôt respectivement des articles 12 de la Loi (non plaidé par l’Opposante); 16(3)(a) de la Loi (discuté plus haut); et 2 de la Loi (discuté plus haut).

[94] Pour ce qui est du quatrième volet, il n’est pas clair si l’Opposante plaide la simple connaissance de la marque JORACAN par le Requérant, ou la mauvaise foi de celui-ci. Quoiqu’il en soit, j’estime qu’il y a lieu de rejeter ce motif d’opposition pour les raisons expliquées ci-après.

[95] Le simple fait que le Requérant ait pu être au courant de l’existence de la marque de commerce JORACAN de l’Opposante ne l’empêche pas de faire, dans sa demande, la déclaration exigée par l’article 30(i) de la Loi. L’article 30(i) exige simplement que le Requérant fournisse une déclaration portant qu’il est convaincu qu’il a le droit d’employer la Marque au Canada avec les produits décrits dans sa demande. Le Requérant s’est conformé aux exigences de cette disposition. Qui plus est, il est bien établi dans la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) ne devrait être retenu que dans les cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi d’un requérant est établi [Sapodilla Co. Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Or, rien ne démontre que le Requérant était de mauvaise foi en l’espèce.


Décision

[96] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

Annexe « I »

 

AGREEMENT

[…]

 

The Distributor shall buy and sell in his own name and for his own account. The Distributor shall act as an independent trader towards both the Manufacturer as well as the customers.

 

The Distributor shall effectively promote the sale of the Product in the Territory, without being authorized to act in any way in the name of the Manufacturer and of the Equipment.

 

The Distributor shall safeguard the interests of the Manufacturer with the due diligence of a responsible businessman and shall always keep the Manufacturer informed of his activities as well as of the market conditions within the Territory. All inquiries made to or received by the Manufacturer from the said Territory or concerning the said territory shall be passed to the Distributor within a reasonable time frame.

 

The Distributor should set his resale prices free, but in supervision with Joraform AB.

 

The Distributor shall sell the Product with the trademark and appearance prescribed by the Manufacturer. This may also include the distributor’s own name plate.

[…]

The Distributor shall advertise the Product within the Territory, as deemed necessary by the distributor. The costs of the publicity shall be borne by the Distributor.

 

The Distributor shall inform the Manufacturer in good time of any planned participation in fairs and exhibitions.

 

The Distributor shall not manufacture, assist in any way in manufacturing or distribute products, which competes with the Product.

 

[…]

 

Both business parties acknowledge that this Agreement creates a relationship of confidence and trust between Distributor and Manufacturer with respect to the business of both parties. This includes, but is not limited to parties’ secret processes, trade secrets; customer lists, pricing methods, technologies, inventions, computer software and know-how, collectively called Confidential Information.

 

Therefore, each party will hold all Confidential Information disclosed to it under this Agreement in strictest confidence and will protect it as if it were the property of that party for the duration of this Agreement and for five years thereafter.

 

The Distributor shall use the Manufacturers [sic] trademarks, trade names or any other symbols, but only for the purpose of identifying and advertising the Product, within the scope of the Agreement and in the Manufacturers [sic] sole interest.

 

The Distributor shall neither register, nor have registered, any of the above-mentioned trademarks, trade names or symbols of the Manufacturer (or which are similar to those of the Manufacturer), in the Territory or elsewhere.

 

The right to use the Manufacturers [sic] trademarks, trade names or symbols, shall cease immediately for the Distributor on the expiration or termination for any reason of the present Agreement.

 

[…]


 

Annexe « II »


 

Annexe « III »


 

 


 

 

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

AUCUNE AUDIENCE

AGENTS AU DOSSIER

Spiegel Sohmer Inc.

POUR L’OPPOSANTE

Smart & Biggar LLP

POUR LE REQUÉRANT

 

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