Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2021 COMC 37

Date de la décision : 2021-02-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Sim & McBurney

Partie requérante

et

 

Granini France
(une société par actions simplifiée)

Propriétaire inscrite

 

LMC207,105 pour JOKER

Enregistrement

Introduction

[1] Le 30 octobre 2017, à la demande de Sim & McBurney (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à Granini France (une société par actions simplifiée) (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC207,105 pour la marque de commerce JOKER (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [traduction] « jus de fruits et boissons non alcoolisées ou non gazéifiées » (les Produits).

[3] L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve démontant qu’elle avait employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits, à un moment quelconque dans la période de trois ans précédant immédiatement la date de l’avis, laquelle, en l’espèce, s’étend du 30 octobre 2014 au 30 octobre 2017. Si la Marque n’avait pas été employée pendant la période pertinente, la Propriétaire devait fournir une preuve indiquant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4] La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec les produits est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit un document intitulé [traduction] « AFFIDAVIT CONJOINT D’INA WANTULLA ET DE JULIETTE FOUCAULT AKTAS » (Document d’affidavit), qui a été signé par Ina Wantulla et Juliette Foucault Aktas (les Déposants) en France le 28 mai2018. La question de savoir si ce document constitue un affidavit ou une déclaration solennelle souscrits en bonne et due forme est abordée ci-dessous.

[6] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites, mais la partie requérante était représentée à une audience orale.

[7] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement devrait être radié.

La preuve

[8] Dans le Document d’affidavit, Ina Wantulla et Juliette Foucault Aktas s’identifient respectivement comme directrice financière et directrice marketing d’Eckes-Granini France SNC.

[9] Elles indiquent qu’Eckes-Granini France SNC est une société qui emploie la Marque avec l’accord de la Propriétaire pour le faire. Elles indiquent en outre que la Marque est employée en France depuis plusieurs décennies en liaison avec des boissons aux fruits et qu’elle est enregistrée dans plusieurs pays du monde. Selon les Déposants, environ 10 millions de litres de jus de fruits, de boissons aux fruits et de jus de légumes ont été vendus en liaison avec la Marque dans plusieurs pays, dont la France, la Guadeloupe, le Japon, le Sénégal, les Émirats arabes unis et la Russie, pendant la période pertinente.

[10] À l’appui de ce qui précède, les Déposants joignent neuf pièces au Document d’affidavit.

[11] La première pièce contient des exemples d’illustrations d’étiquettes montrant comment la Marque est affichée sur différents produits. Les Pièces 2 à 7 contiennent des diaporamas montrant des activités de marketing concernant la Marque de 2014 à 2018 et des factures adressées à Eckes Granini France liées à ces activités. La Pièce 8 est un bref diagramme de l’historique de la Marque et la Pièce 9 contient des imprimés de trois enregistrements internationaux et d’un enregistrement de la Marque de commerce en Union européenne pour la Marque.

Admissibilité du document d’affidavit

[12] À l’audience, la Partie requérante s’est opposée au Document d’affidavit au motif qu’il ne s’agit pas, à première vue, d’un véritable affidavit. La Partie requérante a fait valoir que, bien que le document soit intitulé « affidavit », il ne devrait pas être considéré comme tel, étant donné qu’aucune personne autorisée à faire prêter serment n’a attesté qu’Ina Wantulla et Juliette Foucault Aktas ont déclaré sous serment que les faits fournis sont vrais. En outre, le Document d’affidavit semble avoir été établi en France et aucune explication n’est fournie quant à sa conformité à la loi française sur les affidavits.

[13] Je voudrais tout d’abord souligner que la Loi et le Règlement sur les marques de commerce ne font pas allusion à la forme des affidavits et des déclarations solennelles à déposer devant le registraire. En conséquence, le registraire accepte généralement les affidavits assermentés dans des administrations étrangères pour autant que les exigences de cette administration soient respectées [voir Dubuc c Montana (1991), 38 CPR (3d) 88 (COMC)]. De plus, surtout dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, qui se veut sommaire et expéditive, le registraire a souvent considéré certaines lacunes dans les affidavits comme de simples détails techniques [voir, par exemple, Brouillette, Kosie c Luxo Laboratories Ltd (1997), 80 CPR (3d) 312 (COMC); 88766 Canada Inc c Tootsie Roll Industries Inc (2006), 56 CPR (4th) 76 (COMC); et Borden & Elliot c Raphaël Inc (2001), 16 CPR (4th) 96 (COMC)].

[14] Toutefois, en l’espèce, je suis d’accord avec la Partie requérante et j’estime que les lacunes relevées dans le Document d’affidavit ne sont pas que de simples détails techniques. Elles touchent le fondement même du document en tant qu’affidavit [pour des conclusions similaires, voir GD Express Worldwide NV c Skyward Aviation Ltd (2000), 7 CPR (4th) 348 (COMC); et Barrette Legal Inc c Dallevigne SPA, 2015 COMC 12, 2015 CarswellNat 965].

[15] Bien que la procédure prévue à l’article 45 soit de nature simple et administrative, la preuve doit tout de même être produite sous forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle. En l’espèce, bien que le Document d’affidavit soit qualifié d’affidavit, et que les Déposants déclarent dès le départ qu’elles connaissent la signification d’un affidavit, il n’a pas été fait sous serment ni souscrit devant une personne autorisée à faire prêter serment, comme il est requis pour en faire un affidavit en bonne et due forme.

[16] Plus précisément, bien que les Déposants déclarent également qu’elles [traduction] « établissent l’affidavit suivant pour qu’il soit présenté à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada » et « [après] un examen des documents pertinents […] attestent ce qui suit », n’indiquent pas que les faits contenus dans le document sont fournis sous serment, et il n’y a pas de constat d’assermentation ni aucune autre indication que le document a été souscrit ou établi sous serment devant un notaire public, un commissaire à l’assermentation ou une autorité similaire en France.

[17] Le document ne répond pas non plus aux exigences formelles d’une déclaration solennelle énoncées à l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada. Tout ce qui apparaît au bas du Document d’affidavit est le lieu et la date de la signature et les noms, titres et signatures des Déposants.

[18] Étant donné que le Document d’affidavit ne peut être considéré comme un affidavit ou une déclaration solennelle valide, la Propriétaire n’a pas fourni la preuve requise.

[19] Quoi qu’il en soit, même si j’acceptais le Document d’affidavit comme étant une preuve valide, pour les raisons énoncées ci-dessous, je considère qu’il est insuffisant pour démontrer l’emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse relative à l’emploi

[20] Il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure de radiation en vertu de l’article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c. Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente.

[21] En l’espèce, je note tout d’abord que, bien que les Déposants déclarent que leur société emploie la Marque avec « l’approbation » de la Propriétaire, il n’est pas certain que cela réponde aux exigences de l’article 50 de la Loi, de sorte que l’emploi serait au bénéfice de la Propriétaire. Dans tous les cas, il n’existe aucune preuve établissant que la Marque a été employée au Canada, par la Propriétaire ou autrement.

[22] Bien que les Déposants parlent de ventes importantes de produits au cours de la période pertinente, elles n’affirment pas que ces Produits étaient vendus ou autrement transférés au Canada, et elles ne fournissent aucune facture ni aucun autre document, ni même aucun détail factuel, à partir desquels de tels transferts pourraient être déduits. Même si les Déposants citent différents pays dans lesquels les Produits ont été vendus, ils ne mentionnent pas du tout le Canada dans le Document d’affidavit.

[23] À cet égard, la première pièce montre comment la Marque figure sur les Produits, mais il n’y a aucune indication ou explication de la part des Déposants que ces Produits ont été vendus ou distribués au Canada, pendant la période pertinente ou autrement. Les seules factures jointes au Document d’affidavit (Pièce 2) représentent des [traduction] « dépenses en marketing »; cependant, rien n’indique qu’un quelconque marketing a atteint le Canada. De toute façon, l’annonce est insuffisante pour démontrer l’emploi d’une Marque en liaison avec des produits au sens des articles 4 et 45 de la Loi; une certaine preuve que des transferts ont eu lieu dans la pratique normale du commerce au Canada est nécessaire [voir Michaels & Associates c WL Smith & Associates Ltd (2006), 51 CPR (4th) 303 (COMC); and Riches, McKenzie & Herbert LLP c Cleaner’s Supply Inc, 2012 COMC 211, 2012 CarswellNat 5229].

[24] Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.


Décision

[25] Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 


 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-01-21

COMPARUTIONS

Aucune comparution

Pour la Propriétaire inscrite

Kenneth McKay

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

ROBIC

Pour la Propriétaire inscrite

Marks & Clerk

Pour la Partie requérante

 

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