Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 49

Date de la décision : 2021-03-19

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Mott’s LLP

Opposante

et

 

Comercializadora Eloro, S.A.

Requérante

 

1,791,690 pour KERMATO

 

Demande

Introduction

[1] Mott’s LLP (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce KERMATO (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,791,690 (la Demande), qui a été produite par Comercializadora Eloro, S.A. (la Requérante).

[2] La Demande, produite le 15 juillet 2016, est fondée sur l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

Boissons non alcoolisées à base de tomates et de palourdes.

 

[3] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 2 août 2017.

[4] L’Opposante allègue que (i) la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi); que (ii) la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi; que (iii) la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)d) de la Loi; que (iv) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément à l’article 16(3)a) de la Loi; et que (v) la Marque n’a pas de caractère distinctif conformément à l’article 2 de la Loi. Les trois derniers motifs d’opposition ont trait à la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce CLAMATO déposées de l’Opposante (les Marques déposées CLAMATO) ainsi qu’avec la marque de commerce autorisée CLAMATO de l’Opposante (collectivement, les Marques de l’Opposante ou les Marques CLAMATO de l’Opposante), dont les détails sont joints à l’Annexe A de la présente décision.

[5] À titre préliminaire, je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la demande.

Le dossier

[7] L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 2 janvier 2018. La Requérante a déposé et signifié sa contre-déclaration le 5 mars 2018, réfutant les motifs d’opposition.

[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Dane Penney, souscrit le 5 juillet 2018, avec la Pièce A, ainsi que l’affidavit de Carol-Anne Gower, souscrit le 3 juillet 2018, avec les Pièces A à M.

[9] M. Penney est employé comme chercheur auprès de l’agent de l’Opposante. M. Penney a effectué une recherche sur Google.com le 6 juin 2018 pour le terme « CLAMATO KERMATO ». Il joint, à titre de Pièce A à son affidavit, des imprimés de sites Web pour le terme « CLAMATO KERMATO », ainsi que des imprimés des pages Web des 12 premiers résultats de la recherche.

[10] Mme Gower est la vice-présidente et directrice générale de Canada Dry Mott’s Inc., une licenciée au Canada de la Marque. Mme Gower fournit des preuves et des renseignements concernant l’emploi des Marques de l’Opposante au Canada, y compris l’historique d’un tel emploi, la distribution et la vente des produits de l’Opposante associés aux Marques de l’Opposante, ainsi que la publicité et la promotion des produits de l’Opposante associés aux Marques de l’Opposante au Canada.

[11] Ni M. Penney ni Mme Gower n’ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits.

[12] La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.

[13] Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; toutes deux étaient également présentes à l’audience qui a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[14] La Requérante doit s’acquitter du fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de tous les éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

  • [15] En ce qui a trait aux motifs d’opposition, ce sont les dates pertinentes suivantes qui s’appliquent :

· articles 38(2)c)/16(3)a) – la date de production de la demande, à savoir, le 15 juillet 2016 [voir l’article 16(3) de la Loi; voir aussi Tradition Fine Foods Ltd c Groupe Tradition'L Inc (2006), 51 CPR (4th) 342 (CF 1re inst); et, Chlorox Co c EI Du Pont de Nemours and Co (1994), 56 CPR (3d) 567, à la p. 569 (COMC)];

  • les articles 38(2)d) et 2 – la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir, le 2 janvier 2018 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)].

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 16

[16] L’Opposante a plaidé que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques CLAMATO de l’Opposante qui avaient été employées et révélées au préalable au Canada par l’Opposante en liaison avec ses produits.

[17] L’Opposante a le fardeau initial d’établir que l’un ou plus de ses marques de commerce alléguées à l’appui de ce motif d’opposition a été employée ou révélée avant la date de production de la Demande, à savoir, le 15 juillet 2016, et qu’elle n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande de la Marque (en l’espèce, le 2 août 2017) [article 16(5) de la Loi].

[18] En ce qui a trait à l’emploi des Marques de l’Opposante, comme indiqué précédemment, l’Opposante a produit l’affidavit de Mme Gower.

[19] Mme Gower énonce que les Marques CLAMATO ont été employées au Canada par l’Opposante et ses prédécesseurs et/ou leurs licenciés depuis au moins aussi tôt que 1969. En plus de fournir un tableau résumant les détails des marques CLAMATO de l’Opposante, elle joint à titre de Pièces A et B son affidavit, des copies certifiées et des imprimés des détails de la marque de commerce du site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, pour ces marques. Comme l’indique Mme Gower, ces enregistrements (et une demande admise) englobent les boissons comprenant un mélange de jus de tomates et de palourdes et/ou de mélanges d’herbes et d’épices qui complètent les boissons aux jus de tomates et de palourdes, ainsi que les boissons alcoolisées, nommément les cocktails prémélangés (les Produits de l’Opposante). Comme indiqué précédemment, les détails des Marques CLAMATO de l’Opposante sont indiqués à l’Annexe A de la présente décision.

[20] En ce qui a trait à l’avis d’association, Mme Gower atteste que les Marques CLAMATO figurent directement sur les étiquettes des Produits de l’Opposante vendus par Canada Dry Mott’s Inc. (CDM) sous licence de l’Opposante. À l’appui, elle joint, à titre de Pièces D-1 et D-2 à son affidavit, des exemples d’étiquettes de 2010 et 2011, ainsi que celles qui sont actuellement employées, qui affichent toutes bien en vue les Marques CLAMATO sur les Produits de l’Opposante.

[21] Mme Gower explique que les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO sont vendus à des bars et restaurants partout au Canada ainsi qu’à des détaillants et grossistes locaux et nationaux qui exercent leurs activités partout au Canada et qui vendent ensuite les Produits aux consommateurs finaux par l’entremise de leurs magasins. Elle fournit une longue liste de détaillants nationaux, qui comprennent des grandes chaînes d’épicerie et de supermarchés, des pharmacies, des grossistes canadiens, des grands magasins et des dépanneurs. Elle fournit comme Pièce E-1 à son affidavit, des photos de 2012 à 2016 des présentoirs au point d’achat et des rayons généraux, des épiceries et des dépanneurs remplis avec les Produits de l’Opposante arborant clairement les Marques CLAMATO.

[22] Mme Gower atteste en outre que les boissons alcoolisées, à savoir les cocktails prémélangés arborant les Marques CLAMATO, sont vendues dans des magasins d’alcools sous réglementation provinciale comme les magasins LCBO, SAQ et BC Liquor. Elle fournit, à titre de Pièce E-2, des photos des Produits de l’Opposante arborant clairement les Marques CLAMATO prises en mai 2018 dans une épicerie Longo’s et un magasin LCBO à Toronto, respectivement.

[23] En plus des voies ci-dessus, Mme Gower atteste que les clients peuvent également acheter les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO auprès de détaillants en épicerie en ligne. Elle fournit une liste de ces sites Web ainsi que des imprimés de ces sites (Pièce F), et déclare que ces sites offrent les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO depuis au moins aussi tôt que 2014.

[24] En ce qui a trait aux ventes, Mme Gower fournit des données sur les ventes en ce qui a trait au volume total des Produits vendus par l’Opposante qui arborent les Marques CLAMATO au Canada, pour les années 2010 à 2016. Les chiffres varient de 3,5 à 4 millions ([traduction] « dans un nombre équivalent de caisses »).

[25] Mme Gower atteste que CDM a dépensé plus de 3,5 millions de dollars par année pour promouvoir et annoncer les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO au Canada depuis 2010. Cette publicité, affirme-t-elle, se fait par l’entremise de voies de marketing traditionnelles et non traditionnelles, y compris des dépliants, des publicités à la télévision et à la radio, Internet, des médias sociaux et des campagnes en magasin. À l’appui, elle fournit :

· des articles et des publications dans les médias sociaux du Toronto Sun, de Châtelaine, de La Presse et de Facebook faisant la promotion des Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO à l’occasion de la Journée nationale du Caesar en 2016 (Pièces G-1 et G-2);

· des communiqués de presse et des articles parus dans Media in Canada, le magazine Marketing et Ad News annonçant le parrainage de Top Chef Canada par CDM en 2013, dans lesquels les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO ont été présentés pendant l’émission (Pièce H);

· des extraits de circulaires de différentes épiceries et de différents magasins de détail au Canada, datés de 2011 à 2016 (Pièce I-1) et de 2018 (Pièce I-2), annonçant les Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO;

· des copies des publicités et des articles de journaux de The Globe and Mail et du Toronto Star datant de 2000 à 2017, qui font référence aux Produits de l’Opposante arborant les Marques CLAMATO;

· des captures d’écran et des extraits de publicités télévisées pour des boissons CLAMATO (la Pièce K-1 pour celles qui ont été diffusées au Canada entre 2009 et 2016, et la Pièce K-2 pour celles qui ont été diffusées au Canada entre 1969 et 2016);

· des captures d’écran des sites Web de CDM prises le 12 juin 2018 (Pièce L-1), ainsi que des pages Web archivées des sites Web de CDM de 2005 à 2018 (Pièce L-2), démontrant les Marques CLAMATO avec les Produits de l’Opposante. Mme Gower atteste que ces sites Web reçoivent environ 15 000 visites mensuellement, la majorité de ces visites venant du Canada;

· des imprimés des pages Facebook, Twitter et Instagram de CDM annoncent les Produits de l’Opposante associés aux Marques CLAMATO (Pièce M). Mme Gower atteste que plus de 200 000 utilisateurs de Facebook ont aimé la page de profil Facebook CLAMATO de CDM, plus de 800 utilisateurs suivent actuellement le compte Instagram CLAMATO de CDM et le compte Twitter de CDM est suivi de plus de 2 000 utilisateurs. Elle atteste également qu’entre 90 % et 95 % de ces abonnés ou personnes qui les suivent sont canadiens.

[26] Compte tenu de ce qui précède, j’accepte que l’Opposante ait employé les Marques CLAMATO en liaison avec les Produits de l’Opposante avant la date de production de la Demande. En particulier, Mme Gower a fourni des preuves démontrant que les Marques CLAMATO étaient associées aux Produits de l’Opposante au moment du transfert, et qu’il y a eu des ventes continues de ces Produits, dans le cours normal des affaires au Canada, sur une longue période avant la date de production de la Demande.

[27] Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec l’une ou plus des Marques CLAMATO de l’Opposante.

[28] J’ai choisi de me concentrer sur la marque de commerce CLAMATO de l’Opposante (enregistrement no LMC165,719), sauf indication contraire, puisque je suis d’avis que cette marque de commerce représente le cas le plus solide de l’Opposante (concernant les articles 6(5)c) et e)).

Test en matière de confusion

  • [29] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

  • [30] Dans l’application du critère en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir, en général, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 1 RCS 772 (CSC), au para 54; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

  • [31] L’examen global du facteur prévu à l’article 6(5)a) comporte une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques des parties.

[32] La Requérante soutient que la Marque CLAMATO de l’Opposante est un mélange de mots qui décrivent les composantes constituant des produits de l’Opposante, à savoir le nectar de myes et le jus de tomate. Inversement, la Requérante soutient que sa Marque ne suggère ni ne décrit les éléments de ses produits; la Marque dans son ensemble serait plutôt perçue comme un mot inventé et est donc plus intrinsèquement distinctive.

  • [33] Les marques des deux parties sont des termes inventés et, à ce titre, elles jouissent d’un caractère distinctif inhérent plus élevé qu’elles recevraient autrement pour les mots ordinaires du dictionnaire. Les marques des deux parties soulèvent, toutefois, un certain degré de suggestivité quant au fait qu’elles sont dérivées de tomates, la marque de l’Opposante étant encore plus suggestive, étant une contraction des ingrédients principaux de ses produits, à savoir les jus CLAM et TOMATO [palourdes et tomates].

  • [34] Quoi qu’il en soit, il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi.

  • [35] L’Opposante soutient que l’affidavit Gower établit que les Marques CLAMATO de l’Opposante sont employées au Canada depuis au moins aussi tôt que 1969. De plus, l’Opposante fait valoir que, compte tenu de l’emploi continu des Marques CLAMATO de l’Opposante pendant des décennies et de la preuve de ventes et de publicité importantes, les Marques CLAMATO de l’Opposante sont bien connues, sinon célèbres au Canada. Par conséquent, l’Opposante fait valoir que les Marques CLAMATO de l’Opposante présentent un degré élevé de caractère distinctif et devraient avoir droit à une vaste portée de protection. En revanche, l’Opposante soutient que la Requérante n’a fourni aucune preuve que la Marque a été employée au Canada.

[36] La Requérante soutient qu’il n’est pas possible de déterminer l’ampleur des ventes de produits liées à chacune des marques de commerce invoquées dans la déclaration d’opposition de l’Opposante ou en liaison avec chacune des marques enregistrées CLAMATO de l’Opposante, étant donné que l’affidavit Gower ne fournit que des chiffres de ventes globaux. Par conséquent, la Requérante soutient que le facteur de caractère distinctif acquis à l’article 6(5)a), au mieux, favorise seulement légèrement l’Opposante.

  • [37] Même s’il est vrai que Mme Gower n’a fourni que des chiffres de ventes globales, je ne suis pas d’accord avec la Requérante que ce facteur favorise seulement légèrement l’Opposante. À cet égard, Mme Gower a fourni de nombreux exemples d’étiquettes et d’emballages d’échantillons qui démontrent comment chacune des Marques CLAMATO est affichée sur les Produits de l’Opposante. Il est tout de suite évident que le terme CLAMATO est largement dominant, dans une telle mesure, que l’emploi des Marques CLAMATO de l’Opposante constituerait également un emploi simultané de la Marque CLAMATO en soi. Étant donné que les chiffres des ventes et les dépenses publicitaires associées aux Marques CLAMATO sont substantiels et que la preuve de Mme Gower appuie également la distribution répandue des Produits de l’Opposante associés aux Marques CLAMATO partout au Canada, j’accepte que la marque CLAMATO de l’Opposante, employée en liaison avec du jus de tomate et de palourdes, soit bien connue (sinon célèbre, comme l’Opposante le fait valoir) partout au Canada.

  • [38] Par conséquent, je conclus que ce facteur favorise grandement l’Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

  • [39] L’Opposante soutient que l’affidavit Gower établit que les Marques CLAMATO de l’Opposante sont employées depuis au moins aussi tôt que 1969 et continuent d’être employées en liaison avec les Produits de l’Opposante. Je remarque que, bien que la preuve de Mme Gower concernant les ventes et la façon dont les Marques CLAMATO apparaissent sur l’emballage ne remonte qu’à 2010, j’accepte qu’un tel emploi fût beaucoup plus long. Le volume des ventes appuie cette conclusion, et Mme Gower a fourni des énoncés de fait concernant l’introduction et l’origine des boissons CLAMATO en 1969 à Calgary, en Alberta.

  • [40] La Requérante n’a fourni aucune preuve d’emploi de sa Marque. Par conséquent, ce facteur favorise également fortement l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de services ou entreprises et la nature du commerce

  • [41] L’Opposante soutient que la nature des produits des parties est la même ou se chevauche et que les voies de commercialisation des parties devraient être les mêmes. En l’absence de preuve contraire de la part de la Requérante, je suis d’accord.

  • [42] Par conséquent, ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

  • [43] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques, la loi indique clairement que les marques doivent être considérées dans leur totalité; il n’est pas exact de placer les marques de commerce côte à côte, et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques. Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

  • [44] La Requérante fait valoir que, en l’espèce, l’apparence de la Marque est distincte des Marques CLAMATO de l’Opposante. En particulier, la Requérante fait remarquer que :

  • a) la Marque comporte un caractère distinctif inhérent supérieur que n’importe laquelle des Marques CLAMATO de l’Opposante;

  • b) les premières parties de la Marque et les Marques CLAMATO sont entièrement différentes;

  • c) les Marques CLAMATO telles qu’elles sont employées sont assez distinctes de la Marque.

  • [45] La Requérante soutient que la première partie de la Marque est frappante et distinctive, contrairement aux Marques CLAMATO. De plus, les premières parties de la Marque et des Marques CLAMATO ont des apparences visuelles différentes et des sons différents. La Requérante soutient que la seule similitude entre les marques des parties est la partie « -MATO », qui est susceptible d’être perçue comme une référence aux produits comme des boissons à base de tomates et non comme une partie distinctive des Marques CLAMATO de l’Opposante.

  • [46] La Requérante fait valoir que la Marque et les Marques CLAMATO de l’Opposante suggèrent également des idées substantiellement différentes. La Requérante soutient que la preuve de l’Opposante démontre que les Marques CLAMATO suggèrent, sinon, de décrire les composantes des Produits et des consommateurs de l’Opposante sont susceptibles de les percevoir comme telles. Par contre, la Requérante soutient que la Marque ne suggère aucune idée; l’expression KERM ne suggère ni ne décrit aucune des composantes des produits de la Requérante.

  • [47] L’Opposante soutient que la Marque est essentiellement similaire aux Marques CLAMATO de l’Opposante, tant visuellement que lorsqu’elle est prononcée. Je suis d’accord qu’il y a une assez bonne ressemblance, d’autant plus qu’ils ont le même suffixe. Bien que les préfixes soient différents, les deux marques commencent toujours par un C/K dur et sont à peu près de la même longueur visuellement et lorsqu’elles sont prononcées.

  • [48] De plus, l’Opposante soutient que le suffixe « MATO » a été reconnu par le registraire comme étant une [traduction] « caractéristique unique et distinctive » de la Marque de l’Opposante [citant Cadbury Schweppes Inc c Najm (1991), 41 CPR (3d) 122 (COMC), à la p. 126]. Dans Cadbury Schweppes, la requérante a demandé l’enregistrement de la marque SLIMATO Design avec du [traduction] « jus de légumes ». Le prédécesseur de l’Opposante, Cadbury Schweppes, s’est opposé en fonction de la confusion. Lorsqu’il a examiné le degré de ressemblance entre le dessin SLIMATO et la marque de commerce CLAMATO, l’agent d’audience Herzig a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Il y a un degré de ressemblance perceptible à l’oral (quoique moins visuel et dans les idées suggérées) entre la marque visée par la demande SLIMATO et la marque de l’Opposante CLAMATO en raison de l’accent mis sur les deuxième et troisième syllabes des marques des parties. En l’espèce, la requérante a incorporé dans sa marque proposée une caractéristique unique et distinctive de la marque de l’opposante, à savoir le suffixe « mato ».

  • [49] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante.

Autres circonstances environnantes – Usage réel sur le marché

[50] La Requérante soutient que la preuve de l’Opposante démontre que l’Opposante n’emploie pas le mot CLAMATO en liaison avec ses produits de façon isolée, mais qu’elle l’affiche de concert avec sa marque maison MOTT’S; atténuant ainsi la probabilité de confusion [citant Advance Magazine Publishers, Inc c Banff Lake Louise Tourism Bureau, 2018 CF 108, à la p. 53; et JINX c JINXD Yoga Essentials (2016), 142 CPR (4th) 475, à la p. 14 (COMC) concernant la pertinence de l’emploi sur le marché]. La Requérante soutient que le consommateur moyen, après avoir vu sa Marque, en l’absence de la marque maison MOTT’S de l’Opposante, n’associerait pas la Marque à l’Opposante ou ne serait pas confus quant à la source des produits vendus sous la Marque.

[51] Je ne suis pas d’accord avec la Requérante. Comme nous l’avons déjà indiqué, le terme CLAMATO est majoritairement dominant dans tous les cas. De plus, les marques des deux parties (y compris KERMATO comme elle est employée au Mexique, selon l’affidavit Penney) sont présentées dans des styles de polices assez simples et ordinaires, avec rien ne servant à minimiser la confusion entre les marques. Malgré l’apparence de « Mott’s » sur les Produits de l’Opposante, il est diminutif par rapport à CLAMATO et, à ce titre, peut même être négligé comme une affaire de première impression et de souvenir imparfait. De plus, la Demande d’enregistrement de la Marque vise une marque nominale; de sorte que la portée de la protection qui serait accordée si elle était enregistrée inclurait l’emploi de caractères spécialisés ou l’embellissement de lettres qui pourraient être semblables aux Marques de l’Opposante.

Autres circonstances environnantes – Confusion sur le marché

[52] L’Opposante fait valoir qu’il a souvent été dit qu’un opposant n’avait pas à prouver des cas de confusion; c’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion [citant Adidas AG c Globe International Nominees Pty Ltd (2014), 21 CPR (4th) 243 (COMC), conf. par (2015) 130 CPR (4th) 97 (CF)]; et Retail Royalty Co c Hawke & Co Outfitters LLC (2011) 94 CPR (4th) 323 (COMC), conf. par (2012), 108 CPR (4th) 358 (CF)]. Lorsqu’elle est démontrée, la preuve d’une confusion réelle sur une longue période est un facteur très important qui doit être considéré comme faisant partie des circonstances environnantes conformément à l’article 6(5) de la Loi [citant M Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF), au para 34; Mattel, précité, au para 55].

[53] L’Opposante soutient que l’affidavit Penney comprend divers imprimés d’Internet datant de 2003, où « KERMATO » a été considéré comme [traduction] « un Clamato pas cher » ou un [traduction] « Clamato bon marché produit par Nestlé Mexique pour la vente au Mexique » (affidavit Penney, Pièce A). De plus, dans certains cas, les voyageurs canadiens qui se rendent dans les Caraïbes ont déclaré dans les forums de discussion que [traduction] « le jus Kermato » est [traduction] « Clamato en anglais » et [traduction] « jus de clamato… semble être appelé au Mexique, jus de kermato ». Un autre voyageur a déclaré : [traduction] « Ils l’appellent Kermato à Cuba. C’est leur version de Clamato, mais ça ne lui ressemble pas du tout ».

[54] La Requérante soutient que la plupart, sinon la totalité, de l’affidavit de M. Penny est du ouï-dire inadmissible.

[55] L’avocat de l’Opposante a répondu à l’audience que l’affidavit de M. Penney n’est pas invoqué pour prouver un fait décrit par une personne qui a publié quelque chose, par exemple, quelqu’un dit avoir voyagé à Cuba. La preuve vise plutôt à montrer des représentations du produit de la Requérante dans d’autres pays.

[56] Je n’ai toutefois pas besoin de discuter davantage de cette circonstance environnante, puisque j’estime qu’il est inutile d’en tenir compte pour en arriver à ma conclusion.

Conclusion

[57] Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait de la question de la première impression et du souvenir imparfait.

[58] En l’espèce, j’ai conclu que chacun des facteurs prévus à l’article 6(5) favorise l’Opposante, y compris un degré élevé de caractère distinctif acquis et un degré juste de ressemblance entre les marques des parties. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la prépondérance des probabilités en ce qui concerne la confusion entre les marques des parties favorise fortement l’Opposante. Par conséquent, la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de la confusion avec la marque CLAMATO de l’Opposante.

  • [59] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la Loi est accueilli.


 

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[60] Le fardeau initial de l’Opposante est satisfait à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[61] Encore une fois, j’ai choisi de me concentrer sur l’enregistrement pour CLAMATO de l’Opposante – l’enregistrement no LMC165,719 – puisque cet enregistrement constitue la preuve la plus solide de l’Opposante (concernant l’article 6(5)e)).

[62] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que l’enregistrement no LMC165,719 pour CLAMATO de l’Opposante est en règle à la date d’aujourd’hui, qui, comme je l’ai indiqué plus tôt, est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [conformément à Park Avenue Furniture Corp, précité]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve.

[63] La différence dans la date pertinente n’a aucune incidence sur mes conclusions pour ce motif d’opposition et, par conséquent mes conclusions concernant la confusion entre la Marque et la Marque CLAMATO de l’Opposante sont essentiellement les mêmes. J’ajouterais que je serais également portée à conclure qu’il y a de la confusion entre la Marque et les autres Marques CLAMATO enregistrées de l’Opposante, compte tenu de l’affichage proéminent du terme CLAMATO, et du chevauchement des produits respectifs des parties et des voies de commercialisation probables.

[64] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est également retenu.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[65] L’Opposante se fonde sur la preuve décrite dans le motif de confusion prévu à l’article 16 pour démontrer que les marques CLAMATO étaient bien connues et distinctives à la date pertinente, soit le 2 janvier 2018, puisque les marques CLAMATO étaient employées depuis au moins aussi tôt que 1969 en liaison avec les produits au Canada, près de 50 ans avant la date d’opposition, et qu’elles sont devenues connues dans le monde entier. L’Opposant fait remarquer qu’entre 2010 et 2016, les Canadiens ont consommé 3,5 à 4 millions de caisses de boissons CLAMATO chaque année, et que l’Opposante a investi et fait de la publicité et de la promotion importantes de produits arborant les Marques CLAMATO par l’entremise de diverses voies publicitaires, qui remontent à 1969, où les Marques CLAMATO figuraient bien en vue dans des publicités télévisées, des circulaires et des journaux, des articles de magazines et en ligne.

[66] L’Opposant fait valoir, et je suis d’accord qu’elle s’est ainsi acquittée de son fardeau initial de preuve en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. De plus, l’Opposant soutient, et je suis également d’accord, que la Requérante ne n’est pas acquittée de son fardeau, puisqu’elle n’a produit aucune preuve démontrant que la Marque a été adaptée pour distinguer les produits de la Requérante de ceux associés aux Marques CLAMATO. À cet égard, encore une fois, la différence dans la date pertinente n’a aucune incidence sur mes conclusions pour ce motif d’opposition, et par conséquent mes conclusions concernant la confusion entre la Marque et la Marque CLAMATO de l’Opposante sont essentiellement les mêmes.

[67] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi est également accueilli.

Autres motifs d’opposition

[68] Comme je l’ai conclu en faveur de l’Opposante en ce qui a trait aux motifs d’opposition multiples suffisants pour trancher cette procédure d’opposition, je m’abstiendrai d’aborder les autres motifs d’opposition.

Décision

[69] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


 

Annexe A

L’Opposante est la propriétaire des enregistrements de marques de commerce suivants pour des boissons comprenant un mélange de jus de tomates et de palourdes et/ou de mélanges d’herbes et d’épices qui complètent les boissons aux jus de tomates et de palourdes, ainsi que la demande admise pour CLAMATO avec des boissons alcoolisées, nommément les cocktails prémélangés :

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement/de demande

Produits

CLAMATO

LMC165,719

[traduction]

  • (1) Mélange de jus de tomates et de jus aux palourdes.

  • (2) Mélanges d’herbes et d’épices

CLAMATO

No de demande 1,821,977

  • (1) Boissons alcoolisées, nommément cocktails prémélangés.

MOTT’S CLAMATO LE TOUT GARNI

LMC614,137

  • (1) Produits de boisson comprenant un mélange de jus de tomates et de jus aux palourdes, des plantes et des épices.

MOTT’S CLAMATO THE WORKS

LMC582,822

  • (1) Produits de boissons comprenant un mélange de jus de tomates et de jus aux palourdes, herbes et épices.

MOTT’S CLAMATO LE WORKS

LMC582,823

  • (1) Produits de boissons comprenant un mélange de jus de tomates et de jus aux palourdes, herbes et épices.

CLAMATO RED EYE

LMC725,042

  • (1) Boissons alcoolisées, nommément cocktails prémixés.

CLAMATO RIMMER

LMC478,464

[traduction]

  • (1) Mélanges d’herbes et d’épices.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-11-09

COMPARUTIONS

Mark Robbins

Pour l’Opposante

Paul Tackaberry

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Bereskin & Parr LLP

Pour l’Opposante

Ridout & Maybee LLP

Pour la Requérante

 

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