Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 51

Date de la décision : 2021‑03‑23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Shelburne Wood Protection Ltd

Opposante

et

 

Henry Company, LLC

Requérante

 

1,701,986 pour TRUE BLUE

Demande

Aperçu

[1] Henry Company, LLC (la Requérante) est une entreprise qui fabrique et vend des produits de construction, y compris des produits de blocage de l’air, de toiture et hydrofuges. La Requérante a produit la demande no 1,701,986 (la Demande) pour enregistrer la marque de commerce TRUE BLUE (la Marque) en liaison avec divers services d’éducation et de formation dans le domaine des produits de blocage de l’air et de la vapeur ainsi que des composés chimiques de toitures et hydrofuges pour la maçonnerie, le bois et autres services de construction.

[2] Shelburne Wood Protection Ltd (l’Opposante) s’oppose à la Demande pour le motif que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée BLUWOOD de l’Opposante, laquelle est employée par l’Opposante en liaison avec des produits de bois revêtu et des revêtements de préservation du bois d’œuvre qui rendent le bois résistant à l’eau.

[3] Pour les motifs qui suivent, la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante et, par conséquent, je rejette l’opposition.

Le dossier

[4] La Demande a été produite le 10 novembre 2014 et est fondée sur l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants (les Services) :

(1) Services éducatifs, nommément tenue de cours, de conférences et d’ateliers dans les domaines des produits de blocage de l’air et de la vapeur ainsi que des composés chimiques de toitures et hydrofuges pour la maçonnerie, le bois et autres services de construction, ainsi que distribution de matériel de formation connexe; formation à l’utilisation et au fonctionnement des produits utilisés produits de blocage de l’air et de la vapeur ainsi que des composés chimiques de toitures et hydrofuges pour la maçonnerie, le bois et autres services de construction, ainsi que services de consultation connexes; formation à l’utilisation des produits utilisés produits de blocage de l’air et de la vapeur ainsi que des composés chimiques de toitures et hydrofuges pour la maçonnerie, le bois et autres services de construction; services de formation dans les domaines des produits de blocage de l’air et de la vapeur ainsi que des composés chimiques de toitures et hydrofuges pour la maçonnerie, le bois et autres services de construction.

[5] La Demande revendique la priorité par rapport à une demande de brevet correspondante produite aux États‑Unis le 20 octobre 2014.

[6] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 24 août 2016. Le 18 janvier 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité, le droit à l’enregistrement, le caractère distinctif et la non‑conformité aux articles 30e) et 30i) de la Loi. Le motif principal pour l’opposition est une probabilité alléguée de confusion avec la marque de commerce déposée BLUWOOD de l’Opposante (enregistrement no LMC890,740). Les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante sont indiqués à l’Annexe A de la présente décision.

[8] La Requérante a produit une contre‑déclaration le 31 mars 2017, contestant les motifs d’opposition.

[9] Les deux parties ont produit des preuves et des plaidoyers écrits. Seule l’Opposante a demandé une audience, mais la demande était conditionnelle à ce que la Requérante demande également une audience, ce qui n’a pas eu lieu. Par conséquent, l’affaire s’est poursuivie jusqu’à une décision sans audience.

La preuve

[10] La preuve des parties est résumée ci‑dessous et est examinée plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve de l’Opposante

[11] L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de David Gray, souscrit le 26 juillet 2017 (l’Affidavit Gray). M. Gray n’a pas été contre‑interrogé.

[12] M. Gray est un dirigeant et un administrateur de l’Opposante. L’Opposante est une entreprise privée qui a été constituée en société en Ontario en 2006. M. Gray décrit l’emploi l’Opposante de la marque de commerce BLUWOOD en liaison avec la vente et la distribution de produits de bois et de revêtements de préservation du bois d’œuvre. Ces produits sont fournis aux entrepreneurs par l’entremise de divers fournisseurs de détail et commerciaux de bois d’œuvre, de composants structuraux et de matériaux de construction, comme des scieries et des détaillants de grande surface comme Lowe’s Canada et Home Hardware. Il indique que l’Opposante a continuellement employé la marque de commerce BLUWOOD au Canada depuis au moins le 18 octobre 2009.

[13] La marque de commerce BLUWOOD est employée en liaison avec le bois qui a été traité par l’Opposante avec un revêtement pour le rendre hydrofuge et ainsi résistant aux moisissures. La marque de commerce de l’Opposante est également employée en liaison avec des revêtements de préservation pour le bois qui peuvent être vendus séparément.

[14] L’Affidavit Gray comporte de nombreux exemples de l’emploi de la marque de commerce BLUWOOD, y compris sur l’emballage de bois d’œuvre, de vaporisateurs de scellant et de publicités au point de vente. L’Affidavit Gray comporte également de nombreux exemples de publicités pour les produits de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce BLUWOOD, y compris des publicités en ligne et imprimées, des articles vedettes dans les magazines et les programmes télévisés sur la rénovation de maisons et l’endossement par une personne de marque dans le domaine de la construction.

[15] L’Affidavit Gray comporte les données sur les ventes annuelles de l’Opposante dans l’Ouest canadien et en Ontario en liaison avec la marque de commerce BLUWOOD pour les années 2009 à 2017, ainsi que les données sur les ventes au Canada atlantique en 2011 et en 2012. De 2009 à 2017, les ventes totales de l’Opposante au Canada en liaison avec la marque de commerce BLUWOOD ont dépassé 6 millions de dollars.

Preuve de la Requérante

L’Affidavit Tropper

[16] La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Marc Tropper, souscrit le 23 février 2018 (l’Affidavit Tropper). M. Tropper a subi un contre‑interrogatoire au sujet de son affidavit et la transcription de ce contre‑interrogatoire a été versée au dossier.

[17] M. Tropper est le vice‑président principal, Systèmes d’enveloppe de bâtiments, Ventes commerciales de la Requérante. Il affirme que pendant plus de 30 ans, la Requérante, ses prédécesseurs et ses entreprises affiliées ont fabriqué et vendu et des produits de construction spécialisés comme des produits de blocage d’air, des produits de toiture, des produits hydrofuges, des accessoires de béton, des produits pour entrée de cour et des additifs de rendement.

[18] M. Tropper indique que Henry Company Canada Inc (Henry Canada) est une filiale à part entière de la Requérante et que Henry Canada tient le rôle de distributeur canadien pour les produits de la Requérante.

[19] M. Tropper affirme que Henry Canada est le propriétaire au Canada de diverses marques de commerce qui comportent le mot « blue » et qui sont employées en liaison avec des produits de blocage d’air, des produits de toiture, des produits hydrofuges, des accessoires de béton, des produits pour entrée de cour et des additifs de rendement. Ces marques de commerce appartenant à Henry Canada sont énumérées comme étant BLUESKIN VP (LMC830,031), Dessin BLUE SEAL (LMC720,138), BLUE SEAL (LMC719,128), BLUEBASE (LMC571,742) et BLUESKIN (LMC335,623) et sont collectivement appelées dans l’Affidavit Tropper les [traduction] « Marques Blue d’Henry ».

[20] M. Tropper indique que les produits offerts pour la vente et vendus par Henry Canada en liaison avec les Marques Blue d’Henry le sont à des distributeurs canadiens qui vendent par la suite les produits à des entrepreneurs et des installateurs professionnels au Canada. Les produits sont également vendus par Henry Canada à des détaillants canadiens comme des quincailleries et des magasins de rénovation, qui vendent ensuite les produits aux consommateurs.

[21] M. Tropper indique que ces produits sont vendus dans des contenants comme des sceaux, des tubes et des canettes qui portent une étiquette marquée de la Marque Blue d’Henry pertinente et qu’une Marque Blue d’Henry est affichée sur les étiquettes apposées à tous les contenants de tels produits. La Pièce « A » à l’Affidavit Tropper comporte des imprimés du site Web d’Henry Canada qui affichent certaines des Marques Blue d’Henry, y compris BLUE SEAL, BLUESKIN et BLUESKIN VP, ainsi que certains exemples d’emballages de produits qui figurent sur ce site Web.

[22] M. Tropper indique que les ventes au Canada pour les produits en liaison avec les Marques Blue d’Henry de 2013 à 2017 ont totalisé plus de 100 millions de dollars et que les ventes annuelles pour chacune de ces années dépassent 25 millions de dollars.

Copies certifiées des enregistrements de marques de commerce

[23] Dans sa preuve, la Requérante a également produit des copies certifiées des enregistrements de marques de commerce canadiennes nos LMC830,031 (BLUESKIN VP); LMC720,138 (Dessin BLUE SEAL); LMC719,128 (BLUE SEAL); LMC571,742 (BLUEBASE); et LMC335,623 (BLUESKIN). Le propriétaire inscrit pour chacun de ces enregistrements est Henry Canada.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[24] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

[25] Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

· articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la Demande [Georgia‑Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p. 475];

· articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

· articles 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi – la date de priorité de production de la Demande [Earthrise Farms c Saretzky (1997), 85 CPR (3d) 368 (COMC)];

· articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[26] L’Opposante soutient que la Demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada. Il n’y a pas de preuve au dossier pour soutenir ce motif. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial pour le motif d’opposition fondé sur l’article 30e), et ce motif est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[27] L’article 30i) de la Loi exige qu’un requérant ajoute une déclaration dans la demande selon laquelle le requérant est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration requise, la jurisprudence suggère que la non‑conformité à l’article 30i) de la Loi ne peut être soulevée que dans des circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration de la requérante fausse, par exemple, en présence de preuve de mauvaise foi ou de non‑conformité à une loi fédérale [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155; et Société canadienne des postes c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Le simple fait que le requérant ait pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’opposant ne suffit pas pour soutenir un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[28] En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion alléguée

Commentaires préliminaires

[29] Les motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité, le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif de l’Opposante relèvent tous de la question de savoir s’il y a une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BLUWOOD de l’Opposante.

[30] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité de l’Opposant, la déclaration d’opposition de l’Opposante ne plaide pas expressément qu’il s’appuie sur l’article 12(1)d) de la Loi. Cela est notable puisque l’Opposante nomme expressément les dispositions de la Loi sur lesquelles elle s’appuie pour tous ses autres motifs d’opposition, y compris le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) et le caractère distinctif en vertu de l’article 2. Cependant, en faisant une lecture de la déclaration d’opposition dans son ensemble, je suis prêt à accepter que l’Opposante ait invoqué un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi suffisant. En particulier, au paragraphe 1b) de la déclaration d’opposition, l’Opposante mentionne son enregistrement LMC890,740 pour la marque de commerce BLUWOOD, et à l’alinéa 1c)(v), l’Opposante allègue que la Marque de la Requérante crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante. L’Opposante évoque également l’article 38(2)b) de la Loi dans les paragraphes 1c) et d) de la déclaration d’opposition.

[31] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que l’enregistrement de l’Opposante existe toujours [voir Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Je suis également convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour les motifs d’opposition fondés sur l’article 16(3)a) et l’article 2, compte tenu de la preuve d’emploi et de réputation au Canada de l’Opposante pour sa marque de commerce BLUWOOD antérieure aux dates pertinentes pour ces motifs.

[32] La Requérante a par conséquent le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante. En effectuant cette analyse de la confusion ci‑dessous, je le fais en renvoyant au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité, pour lequel la date pertinente est la date de ma décision, puisque cela me permet d’évaluer la preuve des parties dans son ensemble. Cependant, les résultats de l’analyse de la confusion sont les mêmes pour les motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif, puisque les dates pertinentes plus reculées pour ces motifs n’ont aucune incidence sur l’analyse en l’espèce.

Test en matière de confusion

[33] Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[34] Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je cite également l’affaire Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361, au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), sur la ressemblance entre les marques, aura souvent le plus grand effet dans l’analyse relative à la confusion.

[35] Le test en matière de confusion est évalué comme étant celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot, précité, au para 20].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36] J’estime que la marque de commerce BLUWOOD de l’Opposante possède à tout le moins un certain caractère distinctif inhérent. L’élément « BLU » est unique, puisqu’il s’agit d’une orthographe erronée du mot « BLUE ». La Requérante affirme que la marque de commerce de l’Opposante ne possède pas de caractère distinctif inhérent, puisque les produits de bois BLUWOOD de l’Opposant sont en fait de couleur bleue en raison du processus de traitement de l’Opposante. Cependant, j’estime que la marque de commerce de l’Opposante converse à tout le moins un certain caractère distinctif inhérent compte tenu de la contraction des deux termes « BLU » et « WOOD » et de l’orthographe unique du premier élément.

[37] De plus, je suis convaincu que la marque de commerce BLUWOOD de l’Opposante est devenue connue au Canada à l’intérieur des voies de commercialisation de l’Opposante, puisque l’Opposante démontre son emploi et la publicisation de la marque de commerce au Canada depuis 2009.

[38] En ce qui a trait à la Marque de la Requérante, j’estime qu’elle possède un caractère distinctif inhérent plus élevé que celui de la marque de commerce de l’Opposante. « TRUE BLUE » est un terme du dictionnaire anglais et j’estime ainsi que la Marque sera probablement lue comme une phrase unitaire. En particulier, le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, définit « true‑blue » comme [traduction] « adjectif 1 fermement loyal ou dévoué. 2 réel; authentique » [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 (COMC), au para 29, qui prévoit que le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire]. Puisque l’expression « TRUE BLUE » ne décrit aucune caractéristique ou aucun caractère en particulier des Services de la Requérante, la Marque possède un caractère distinctif inhérent. À l’égard de la mesure à laquelle la Marque est devenue connue, la Demande est fondée sur l’emploi proposé et il n’y a aucune preuve qui suggère que la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada. Par conséquent, il n’y a aucune preuve que la Marque est connue dans une quelconque mesure au Canada.

[39] Compte tenu du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, tout compte fait, ce facteur favorise l’Opposante en raison de la mesure à laquelle l’Opposante a employé sa marque de commerce. Cependant, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante légèrement seulement, compte tenu du caractère distinctif inhérent élevé de la Marque de la Requérante.

Durée d’emploi des marques de commerce

[40] La preuve démontre que l’Opposante a employé sa marque de commerce BLUWOOD au Canada depuis au moins 2009. En revanche, la Demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada et rien ne suggère que l’emploi de la Marque a commencé. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce

[41] Lors de l’examen des produits et services des parties, c’est l’état déclaratif des produits et services dans la demande et l’enregistrement de marques de commerce des parties qui régissent la question de la confusion [voir Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Ces déclarations doivent toutefois être lues de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être compris dans la formulation. À cet égard, une preuve de la nature véritable des commerces des parties peut être utile, en particulier lorsqu’il existe une ambiguïté quant aux produits ou services visés par la demande ou l’enregistrement en cause [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter and Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC)].

[42] En l’espèce, les Services énumérés dans la Demande ne chevauchent pas directement les produits indiqués dans l’enregistrement de l’Opposante, puisque les produits de l’Opposante sont les produits de bois traité eux‑mêmes, alors que les Services de la Requérante sont des services d’éducation et de formation concernant plusieurs méthodes et matériaux de construction différents. Cela étant dit, je suis convaincu que les produits et services respectifs des parties sont d’un genre suffisamment rapproché, puisque les deux concernent des mécanismes et des techniques pour rendre le bois hydrofuge et qu’il est probable que les deux traversent des voies de commercialisation semblables au Canada, ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[43] Lorsque l’on tient compte du degré de ressemblance, il est préférable de déterminer en premier lieu s’il y a un aspect de la marque de commerce qui est « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au paragraphe 64].

[44] J’estime que l’aspect frappant ou unique de la marque de commerce de l’Opposant est l’élément « BLU », compte tenu de son orthographe unique. Avec la Marque de la Requérante, l’aspect frappant est « TRUE BLUE » dans son ensemble, compte tenu du fait que ce terme sera probablement lu comme une phrase unitaire puisqu’il s’agit d’un terme du dictionnaire anglais.

[45] Malgré la présence commune de « BLU », j’estime que les marques de commerce dans leur ensemble ont une présentation et un son plutôt différents. Les premiers et derniers éléments des marques de commerce respectives des parties sont différents et la Marque n’intègre pas l’orthographe unique « BLU » de la marque de commerce de l’Opposante.

[46] De plus, les idées communiquées par les marques de commerce sont différentes. À cet égard, je suis d’accord avec l’observation suivante de la Requérante présentée aux paragraphes 45 et 46 des plaidoyers écrits de la Requérante :

[traduction]

45. L’idée suggérée par la Marque de commerce est également bien différente de l’idée suggérée par la marque de l’Opposante. La marque de l’Opposante communique l’idée de bois teint bleu. Cela est précisément l’intention de l’Opposante également, puisque ses produits « teignent » le bois bleu.

46. En revanche, la Marque de commerce sous‑entend l’idée de fidélité ou d’authenticité (c’est‑à‑dire un ami « true‑blue » [loyal]). Cela est appuyé par la définition du dictionnaire de « true blue ».

[47] Comme il a été mentionné ci‑dessus, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur le plus important dans l’analyse de la confusion. En l’espèce, malgré la présence commune de « BLU », je considère que le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties est faible; donc ce facteur favorise la Requérante.

Circonstance de l’espèce – Marques de commerce appartenant à Henry Canada

[48] Dans le cadre de sa preuve, la Requérante a produit des copies certifiées des enregistrements de marques de commerce canadiennes suivantes, chacune appartenant à Henry Canada, une filiale à part entière de la Requérante :

No d’enregistrement

Marque de commerce

Produits

LMC830,031

BLUESKIN VP

Matériau de protection synthétique non tissé sous forme de feuilles en tissu de plastique utilisées comme barrières protectrices et isolantes en construction.

LMC720,138

BLUE SEAL Design

Produit d’étanchéité pour colmater et imperméabiliser le béton, la maçonnerie, les panneaux isolants en polymère, la mousse, l’asphalte, le carrelage, le bois, le métal et d’autres surfaces de construction.

LMC719,128

BLUE SEAL

Produit d’étanchéité pour colmater et imperméabiliser le béton, la maçonnerie, les panneaux isolants en polymère, la mousse, l’asphalte, le carrelage, le bois, le métal et d’autres surfaces de construction.

LMC571,742

BLUEBASE

Matériaux de construction, nommément membranes autocollantes pour toitures.

LMC335,623

BLUESKIN

Matériaux de construction, nommément, membranes pour obstruer la circulation d’air.

[49] L’Affidavit Tropper indique que ces marques de commerce sont employées au Canada par Henry Canada et que les ventes canadiennes en liaison avec ces marques de commerce dépassent collectivement 25 millions de dollars par année de 2013 à 2017. Lorsque cela est considéré conjointement avec les exemples de produit inclus à titre de Pièce A à l’Affidavit Tropper et la description de l’emballage des produits aux paragraphes 8 et 9 de l’Affidavit Tropper, je suis convaincu que la Requérante a démontré l’emploi au Canada par Henry Canada, à tout le moins, des marques de commerce BLUE SEAL, BLUESKIN and BLUESKIN VP.

[50] Il est bien établi que l’existence d’enregistrements antérieurs appartenant à une partie ne donne pas automatiquement droit à cette partie d’enregistrer une marque de commerce semblable [voir Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC), au para 15; voir également Highland Feather Inc c American Textile Co, 2011 COMC 16, au para 20]. De plus, dans l’espèce, ces enregistrements antérieurs n’appartiennent pas à la Requérante, mais à une entité juridique différente, Henry Canada. La Requérante n’a ni démontré ni allégué que l’emploi par Henry Canada de ces marques de commerce peut être attribué à la Requérante. Essentiellement, il s’agit d’enregistrements de tiers du point de vue des parties à cette opposition.

[51] Malgré tout, la présence au registre de ces marques de commerce de tiers qui comportent le terme « BLUE », combinée à la preuve de leur emploi au Canada dans une envergure importante en liaison avec les produits pertinents, affaiblit la déclaration l’Opposante que la présence du mot « BLUE » dans la Marque de la Requérante est suffisante pour donner lieu à une probabilité de confusion. La coexistence dans le marché canadien de ces marques de commerce appartenant à Henry Canada et de la marque de commerce de l’Opposante suggère que les consommateurs sont en mesure de distinguer de telles marques en fonction de caractéristiques autres que le mot « BLUE ». Je ne considère pas que la coexistence à elle seule soit décisive quant à la question de la confusion et je ne considère pas qu’il s’agisse d’un facteur aussi important que celui de l’évaluation du degré de ressemblance entre les marques de commerce abordé ci‑dessus. Cependant, je considère qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.

Conclusion concernant la confusion

[52] Après avoir examiné toutes les autres circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties. Nonobstant l’emploi de l’Opposante et la réputation au Canada de sa marque de commerce BLUWOOD, je ne considère pas que le degré de ressemblance entre les marques de commerce soit suffisamment élevé pour donner lieu à une probabilité de confusion.

[53] Par conséquent, je rejette les motifs d’opposition fondés sur l’article 12(1)d), l’article 16(3)a) et l’article 2.


Décision

[54] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches


ANNEXE A

 

Enregistrement canadien no LMC890,740

Produits

(1) Bois de construction de dimensions courantes, contreplaqué, panneaux à copeaux orientés (panneaux OSB), tous traités avec une pellicule hydrofuge et antimicrobienne, produits de bois d’ingénierie, nommément panneaux de grandes particules, panneaux de particules, panneaux de fibres, panneaux isolants, cloisons sèches, solives de plancher, fermes et solive de bordure.

(2) Bordure d’avant‑toit, planche de bordure, revêtement en bois, menuiserie préfabriquée, tous traités avec une pellicule hydrofuge et antimicrobienne, nommément éléments pour la finition intérieure, nommément plinthes, manteaux de foyer, encadrements de fenêtre et moulures couronnées, cadres de fenêtre en bois, portes en bois, cadres de porte en bois et poteaux de bois; composés liquides ou en vaporisateur pour l’application d’une pellicule antimicrobienne sur les produits en bois.

(3) Bois d’œuvre, bois d’œuvre coupé, produits de revêtement de composite à base de bois, tous traités avec une pellicule hydrofuge et antimicrobienne, produits de revêtement à base de fibres pour la construction faits de bois et fibres de bois, nommément bois d’œuvre, solives de plancher, linteaux, panneaux de revêtement, sous‑planchers, poutres, chevrons, poteaux, fermes autres qu’en métal, contreplaqué, panneaux à copeaux orientés, bois en placage lamellé, panneaux de particules, panneaux de fibres pour planchers, murs, plafonds et toits; bois d’œuvre, bois d’œuvre coupé, produits de revêtement à base de bois et produits de revêtement à base de fibres traités avec une pellicule de conditionnement de surface, d’apprêtage, hydrofuge et antimicrobienne, nommément soffites et bordures de toit, châssis, clôtures autres qu’en métal, boiseries, poutres autres qu’en métal, poteaux autres qu’en métal, revêtements de sol en bois, portes autres qu’en métal, revêtements en bois, panneaux de particules pour l’industrie du meuble, contreplaqué, panneaux à copeaux orientés, bois en placage lamellé, panneaux de particules et panneaux de fibres pour planchers, murs, plafonds et toits.

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

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DATE DE L’AUDIENCE Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Pour l’Opposante

CPST Intellectual Property Inc.

Pour la Requérante

 

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