Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 54

Date de la décision : 2021-03-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Top Markets, LLC

Opposante

et

 

G. D. Foods Manufacturing (India) Pvt. Ltd.

Requérante

 

1 684 066 pour TOPS & Dessin

Demande

Aperçu

[1] G. D. Foods Manufacturing (India) Pvt. Ltd. (la Requérante) a déposé la demande no 1 684 066 (la Demande) pour enregistrer la marque de commerce TOPS & Design (la Marque) fondée sur son emploi projeté au Canada en liaison avec divers produits alimentaires. La Marque est reproduite ci-après.

TOPS & Design

[2] Tops Markets, LLC (l’Opposante) s’est opposée à la Demande, principalement en raison d’une probabilité de confusion alléguée avec sa marque de commerce TOPS en liaison avec les services d’épicerie et de nombreux produits alimentaires qu’elle vend dans ses épiceries. L’Opposante n’exploite aucune épicerie au Canada et ne vend pas ses produits alimentaires au Canada. Toutefois, l’Opposante a de nombreuses épiceries aux États-Unis, à proximité de la frontière canadienne, et se livre à d’importantes activités publicitaires au Canada pour orienter les clients du Canada vers ces épiceries.

[3] À la lumière des éléments de preuve des activités de marketing de l’Opposante au Canada au cours de nombreuses années, particulièrement dans la région de Niagara en Ontario, je suis convaincu que l’Opposante a établi une réputation suffisante au Canada pour s’acquitter du fardeau de preuve initial de son motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, et que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer le caractère distinctif de la Marque. Par conséquent, la Demande est rejetée.

Le dossier

[4] La demande a été produite le 7 juillet 2014 et elle est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

MARINADES, CONFITURES, GELÉES DE FRUITS; BISCUITS SECS, VISCUITS, BISCOTTES, MUFFINS, PRÉPARATIONS POUR GÂTEAUX, GÂTEAUX, NOUILLES, VERMICELLES, FLOCONS DE MAÏS, POUDRE À CRÈME ANGLAISE, SAUCE TOMATE, SAUCE ET CONDIMENTS, SAUCE SOYA, KETCHUP, VINAIGRE, PRÉPARATIONS INSTANTANÉES, GELÉES TRANSPARENTES; JUS DE FRUITS, SIROPS, BOISSONS PRÊTES À SERVIR, BOISSONS NON ALCOOLISÉES, BOISSONS AUX FRUITS, LIMONADES, EXTRAITS DE FRUITS NON ALCOOLISÉS, JUS DE TOMATE, JUS DE LÉGUMES.

[5] La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 21 octobre 2015. Le 20 décembre 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. En l’espèce, les motifs d’opposition seront évalués selon le libellé de la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et c), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 et la non-conformité à l’article 30i) de la Loi. L’Opposante s’appuie principalement sur sa marque de commerce TOPS et TOPS Design (reproduite ci-après) en liaison avec les services d’épicerie et de nombreux produits alimentaires de sa marque maison qu’elle vend dans ses épiceries.

TOPS & DESIGN

[7] L’Opposante n’exploite aucune épicerie au Canada et ne vend pas ses produits alimentaires au Canada. L’Opposante est établie aux États-Unis et exploite plusieurs épiceries dans des villes situées près de la frontière entre le Canada et les États-Unis. L’Opposante n’a pas allégué dans le cadre de la présente instance qu’elle a employé sa marque de commerce TOPS au Canada en liaison avec l’un des produits ou services conformément aux articles 4(1) ou 4(2) de la Loi. En revanche, l’Opposante allègue qu’elle a fait connaître sa marque de commerce TOPS au Canada conformément à l’article 5 de la Loi, et a acquis une réputation au Canada pour cette marque de commerce par le biais, entre autres, d’annonces et de programmes de récompenses destinés aux Canadiens au Canada, et du volume de clients transfrontaliers qu’elle reçoit du Canada.

[8] Je souligne que l’Opposante possède des enregistrements au Canada pour les marques de commerce TOPS (LMC963,338) et TOPS Design (LMC977,299), pour lesquelles elle a déposé des demandes qui ont donné lieu à un enregistrement à la suite de la Demande en cause en l’espèce. L’Opposante ne s’appuie sur aucun de ces deux enregistrements dans ses motifs d’opposition en l’espèce.

[9] Le 18 mai 2017, la Requérante a déposé une contre-déclaration niant les motifs d’opposition. Les deux parties ont produit des éléments de preuve et des observations écrites, et ont été représentées à l’audience.

Preuve

La preuve de l’Opposante

[10] L’Opposante a produit l’affidavit de Michael J. Biehler souscrit le 12 septembre 2017 (l’Affidavit Biehler), l’affidavit de Joan L. Taulbee souscrite le 7 septembre 2017 (l’Affidavit Taulbee), et l’affidavit de Christoph Heinemann, souscrit le 14 septembre 2017 (l’Affidavit Heinmann). Aucun de ces auteurs d’affidavit n’a été contre-interrogé. Leurs preuves sont résumées ci-dessous, et sont examinées plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition.

L’Affidavit Biehler

[11] M. Biehler est vice-président, conseiller juridique principal et secrétaire de l’Opposante. L’Opposante a son siège social dans la région du Grand Buffalo à New York et exploite 172 supermarchés (ainsi que 5 emplacements exploités par des titulaires de franchises) en liaison avec la marque de commerce et le nom commercial TOPS. L’Opposante a des points de vente à New York, en Pennsylvanie, à Vermont et au Massachusetts. La première épicerie TOPS a ouvert ses portes en 1962 à Niagara Falls (New York).

[12] L’Opposante emploie une version de la marque de commerce TOPS, reproduite au paragraphe 6 ci-dessus, et a employé continuellement cette marque depuis 1973.

[13] Les supermarchés TOPS offrent des produits d’épicerie courants, y compris des produits agricoles, des produits laitiers, de la viande, des fruits de mer, des aliments préparés et des produits de boulangerie. Bon nombre des emplacements de l’Opposante offrent également des services de pharmacie et des stations-service.

[14] En plus des produits d’épicerie tiers, l’Opposante vend une large gamme de produits alimentaires TOPS de sa marque maison dans tous ses magasins. Il y a plus de 2 300 de ces produits alimentaires de la marque maison TOPS, y compris les marinades, confitures, gelées de fruits, biscuits, muffins, sauces, pâtes, céréales et jus. Chacun de ces produits affiche bien en vue la marque de commerce TOPS sur son emballage. La marque maison TOPS est la marque la plus vendue dans les magasins TOPS.

[15] L’Opposante fait la promotion de ses épiceries TOPS et de ses produits alimentaires de marque TOPS de diverses façons, y compris sur son site Web à l’adresse www.topsmarkets.com, grâce à l’affichage dans les magasins, à des annonces télévisées et radiophoniques, aux médias sociaux, des cartes de fidélité, des panneaux publicitaires et des circulaires publicitaires hebdomadaires dans les journaux.

[16] De 2010 à 2016, le revenu annuel de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce TOPS a dépassé 2 milliards de dollars.

[17] M. Biehler atteste que les acheteurs transfrontaliers du Canada constituent un important point de mire pour l’Opposante, étant donné que l’Opposante compte environ 60 supermarchés situés le long de la frontière entre les États-Unis et le Canada. À cet égard, l’Opposante fait activement la publicité de ses produits et services au Canada aux Canadiens. Les exemples de ces types de publicité sont présentés ci-dessous :

  • L’Opposante a fait des annonces publicitaires à la fois dans le Niagara Falls Review et le St. Catharines Standard de 2011 à 2016. De nombreux exemples de telles publicités de cette période, chacune affichant bien en vue la marque TOPS, figurent à la Pièce « H ». M. Biehler indique que plus d’un million de ces annonces ont été distribuées au Canada de 2011 à 2016.

  • L’Opposante fait de la publicité dans la région de Fort Erie par l’entremise de publipostages directs. Des exemples de ces publipostages directs, qui affichent bien en vue la marque TOPS, figurent à la Pièce « I ».

  • L’Opposante fait de la publicité directement auprès des Canadiens par l’entremise de bulletins envoyés par courriel qui sont distribués plusieurs fois par semaine. Il y a 12 493 clients au Canada qui reçoivent ces bulletins par courriel de l’Opposante. Un exemple d’un bulletin par courriel de 2015 arborant la marque de commerce TOPS est joint en tant que Pièce « K ».

  • Environ 8 500 foyers canadiens de Fort Erie et de Niagara Falls détiennent des cartes de fidélité aux supermarchés TOPS.

[18] Il est évident du contenu précis du matériel publicitaire susmentionné que la publicité s’adresse spécifiquement aux Canadiens, comme en témoigne la présence répétée de drapeaux canadiens et de références telles que [traduction] « Juste de l’autre côté de la frontière », « À quelques minutes du pont de la Paix! », « Nous acceptons la monnaie canadienne » et « Supplément spécial canadien d’épargne pour l’Action de grâces ».

[19] L’Affidavit Biehler comprend également en tant que Pièce « J » des exemples de panneaux publicitaires en magasin dans les épiceries TOPS qui s’adressent spécifiquement aux acheteurs canadiens, particulièrement avant l’Action de grâces canadienne. Ces panneaux portent la marque de commerce TOPS et l’expression [traduction] « Bienvenue aux acheteurs canadiens! ».

[20] M. Biehler indique que les supermarchés TOPS acceptent la monnaie canadienne aux taux de change en vigueur sans frais supplémentaires et que les stations-service TOPS incluent le prix de l’essence au format canadien par litre pour les clients canadiens. Ces deux caractéristiques sont mises en évidence dans certains des documents publicitaires mentionnés ci‑dessus.

[21] M. Biehler fait remarquer que la page du site Web de l’Opposante a été consultée environ 1 420 320 fois par les Canadiens au cours de la période du 1er janvier 2012 jusqu’au mois d’août 2017.

L’Affidavit Taulbee

[22] Mme Taulbee est gestionnaire de bibliothèque chez Hodgson Russ LLP. Son affidavit comprend les résultats de recherches en ligne pour obtenir des articles de presse sur les acheteurs canadiens qui visitent les États-Unis pour faire leurs achats à Tops Markets et dans des établissements similaires.

L’Affidavit Heinemann

[23] M. Heinemann est un juriste employé par l’agent de l’Opposante. Son affidavit comprend divers imprimés du site Web de l’Opposante et des imprimés de pages du site Web de Statistique Canada concernant les achats transfrontaliers.

La preuve de la Requérante

[24] La Requérante a produit l’affidavit de Brij Mohan Seth assermenté le 10 avril 2018 (l’Affidavit Brij Mohan Seth) et l’affidavit de Nitin Seth assermenté le 10 avril 2018 (l’Affidavit Nitin Seth). Aucun des auteurs des affidavits n’a été contre-interrogé à propos de son affidavit.

L’Affidavit Brij Mohan Seth

[25] M. Brij Mohan Seth est le président de la Requérante. La Requérante a son siège à New Delhi, en Inde, fabrique un large éventail d’articles alimentaires destinés à la consommation humaine qu’elle vend sous la marque de commerce TOPS depuis plusieurs décennies. L’Affidavit Brij Mohan Seth contient de nombreux exemples de produits portant la marque de commerce TOPS vendue et annoncée en Inde, ainsi que des chiffres de vente pour ces produits.

[26] La Requérante a de nombreux enregistrements pour la marque de commerce TOPS en Inde, ainsi qu’un enregistrement de marque communautaire pour la Marque dans l’Union européenne. La Requérante détient également des enregistrements de droits d’auteur en Inde pour diverses œuvres artistiques liées à TOPS.

[27] L’Affidavit Brij Mohan Seth inclut en tant que Pièce BMS-16 des communications par courriel entre l’avocat de la Requérante en Inde et la Requérante concernant des discussions entre les avocats canadiens des deux parties dans la présente instance. L’Opposante fait valoir que ces documents ne sont pas admissibles puisqu’ils se rapportent à des discussions au sujet d’un règlement sous toutes réserves. Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que ces documents font fait l’objet du privilège découlant d’un règlement. Je remarque que c’est également du ouï-dire. Par conséquent, je n’accorde aucun poids à la Pièce BMS-16 et je n’en discuterai pas davantage.

L’Affidavit Nitin Seth

[28] M. Nitin Seth est le directeur général de la Requérante. Il atteste, entre autres, aux activités de la Requérante au Canada en liaison avec la Marque. En particulier, il décrit que la Requérante a un distributeur exclusif au Canada, soit Ontario Impex of Canada (OIC Foods) à Mississauga, par l’entremise duquel il vend ses produits au Canada en liaison avec la Marque, y compris les marinades, les confitures, les sauces et les mélanges instantanés.

[29] L’Affidavit Nitin Seth joint en tant que Pièce NS-4 les factures de 2016 et de 2017 provenant de la vente de divers produits alimentaires du requérant à OIC Foods. La première de ces factures semble dater du 9 mars 2016. Les produits sont indiqués dans le corps de ces factures avec la marque de commerce TOPS, et de nombreuses factures arborent également la Marque en haut de la facture. Une liste des magasins de détail au Canada dans lesquels les produits de la Requérante sous la Marque sont vendus figure en tant que Pièce NS-5. Bien que la Pièce NS-5 ne précise pas les adresses de ces magasins de détail, il ressort de la description des magasins dans la Pièce NS-5 que plusieurs d’entre eux sont situés dans la région du Grand Toronto. Des exemples de l’affichage des produits de la Requérante arborant la Marque sur les étagères des épiceries au Canada sont inclus en tant que Pièce NS-6. Au paragraphe 9 de son affidavit, M. Nitin Seth indique qu’au [traduction] « cours des deux dernières années », les ventes à l’exportation de produits de l’Opposante au Canada en liaison avec la Marque se sont élevées à 7 millions de roupies indiennes.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[30] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

[31] Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

  • articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la Demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p. 475];
  • articles 38(2)c) et 16(3)a), b) et c) – date de production de la demande, à savoir, le 3 juin 2015 [articles 16(3)a) à c) de la Loi];
  • article 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)c)

[32] Avec ce motif d’opposition, l’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle crée de la confusion avec les noms commerciaux TOPS et TOPS MARKETS, LLC qui ont été révélés au Canada auparavant.

[33] L’article 16(3)c) de la Loi fait référence à un nom commercial antérieurement employé au Canada, et non à un nom commercial antérieurement révélé [voir Habib Bank Limited c Habib Bank AG Zurich, 2011 CarswellNat 4526 (COMC), aux para 20 et 21; et Ace Cafe London Ltd c Ace Cafe Toronto Ltd, 2012 COMC 219, au para 16 (Ace Cafe)]. Il n’y a aucune preuve que l’Opposante a employé son nom commercial au Canada, et elle ne l’a pas soutenu non plus. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[34] L’Opposante soutient que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada, compte tenu de l’emploi étendu et de la publicité de sa marque de commerce TOPS aux États-Unis d’Amérique par l’Opposante, et que cela risquait de créer une confusion au Canada.

[35] L’article 30i) de la Loi exige qu’une requérante ajoute une déclaration dans la demande selon laquelle la requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Si une telle déclaration est produite par la partie requérante, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation de l’article 30i) que dans des cas exceptionnels, par exemple s’il y a existence de mauvaise foi ou de non-conformité à une loi fédérale qui rend fausse la déclaration de la partie requérante [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155, et Canada Post Corporation c Registrar of Trade-marks (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Le simple fait que la Requérante ait pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas pour établir un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) [voir Woot Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[36] En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motifs d’opposition restants – fondés sur l’article 2 et l’article 16(3)a)

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2

[37] L’Opposante plaide que la Marque ne distingue pas la Requérante conformément à l’article 2 de la Loi, eu égard à la réputation de la marque de commerce TOPS au Canada en liaison avec les produits et services d’épicerie.

[38] Comme nous l’avons souligné ci-dessus, l’Opposante n’a pas allégué qu’elle a employé sa marque de commerce TOPS au Canada en liaison avec l’un des produits ou services conformément aux articles 4(1) ou 4(2) de la Loi. En revanche, l’Opposante allègue que, grâce à sa publicité au Canada de ses produits alimentaires et de ses épiceries situées aux États-Unis, et en raison du volume d’acheteurs transfrontaliers du Canada qui fréquentent régulièrement ses épiceries, elle a acquis une réputation suffisante en ce qui concerne sa marque de commerce TOPS au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante.

[39] La date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 20 décembre 2016.

Fardeau de preuve initial de l’Opposante

[40] Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, une opposante doit démontrer que sa marque de commerce avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits et services pertinents [voir Bojangles’ International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd, 2 006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 (CF), aux para 33 et 34]. La question de savoir si un opposant s’est acquitté de ce fardeau est invariablement une évaluation au cas par cas, et je conclus que les considérations suivantes figurant au paragraphe 33 de Bojangles sont instructives dans la présente instance :

· Une marque devrait être connue au Canada au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque;

· Subsidiairement, une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada;

· Le propriétaire d’une marque de commerce étrangère ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce est connue au Canada; il doit plutôt présenter une preuve claire à ce sujet;

· La réputation de la marque peut être prouvée par n’importe quel moyen; elle n’est pas limitée aux moyens précis mentionnés à l’article 5 de la Loi; il appartient au décideur de soupeser la preuve sur une base individuelle.

[41] À mon avis, l’Opposante a démontré une réputation suffisante en ce qui concerne sa marque de commerce TOPS au Canada pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial de son motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. En particulier, je suis convaincu, d’après les éléments de preuve, que la marque de commerce de l’Opposante est suffisamment connue dans au moins la région du Niagara en Ontario, y compris St Catharines, Niagara Falls et Niagara on the Lake. L’Opposante a démontré une publicité étendue de sa marque de commerce au Canada auprès des Canadiens, avant la date pertinente, y compris des annonces dans les journaux canadiens, des annonces par courrier direct diffusées au Canada et des bulletins d’information par courriel distribués aux résidents canadiens. Les affiches en magasin de l’Opposante ciblent également directement et accueillent les clients provenant du Canada.

[42] L’Opposante a également fourni des éléments de preuve qui suggèrent l’incidence de ses publicités au Canada. Par exemple, la Pièce « B » de l’Affidavit Taulbee comprend un article du journal Toronto Star intitulé [traduction] « Assurer toutes les bases sur notre chemin vers Buffalo » daté du 4 juin 2016, dans lequel l’auteur écrit ce qui suit : [traduction] « […] Cela nous a laissé le temps pour l’un de ces passe-temps transfrontaliers les plus canadiens, une balade dans un supermarché Tops pour reluquer tous les aliments malsains que nous n’avons pas chez nous – il y avait même un Tim Horton à l’intérieur avec une pancarte “Bienvenue aux Canadiens” – et un arrêt à la station-service pour remplir notre réservoir à bon marché. »

[43] En fin de compte, à la lumière des éléments de preuve des activités ciblées de marketing de l’Opposante au Canada au cours de nombreuses années avant la date pertinente, je suis convaincu que l’Opposante a démontré une réputation suffisante au Canada en ce qui concerne sa marque de commerce TOPS de sorte que l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve initial de son motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif.

La probabilité de confusion

[44] Le fardeau ultime incombe alors à la Requérante de démontrer le caractère distinctif de la Marque au Canada. Lorsqu’on examine si une marque est distinctive, on peut examiner si elle est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce d’une autre partie [voir Bensusan Restaurant Corp c Blue Note Restaurant Inc (2000), 10 CPR (4th) 550 (COMC), au para 30]. Le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Pour appliquer le test en matière de confusion énoncé à l’article 6(2) de la Loi, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées à l’article 6(5) de la Loi. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun des facteurs peut varier selon les circonstances [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 40; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361]. Ces facteurs sont examinés ci-dessous.

[45] En ce qui concerne le degré de ressemblance, les marques de commerce des parties sont effectivement identiques. L’élément le plus frappant des marques de commerce des deux parties est le premier mot « TOPS ». Je ne considère pas que les éléments de dessin de la Marque de la Requérante soient suffisamment différents de ceux de l’Opposante pour éviter une conclusion de confusion.

[46] Bien que le mot « TOPS » puisse être considéré comme quelque peu louable, il ne décrit pas clairement les produits ou services des parties et possède donc au moins un certain caractère distinctif inhérent. Étant donné que les marques de commerce sont effectivement identiques, le facteur du caractère distinctif inhérent ne favorise aucune des parties.

[47] En date du 20 décembre 2016, je suis convaincu que la marque de commerce TOPS de l’Opposante était connue dans au moins la région de Niagara en Ontario, compte tenu des efforts soutenus de commercialisation de l’Opposante dans ce domaine pendant de nombreuses années. Entre mars 2016 et le 20 décembre 2016, la Requérante a démontré des ventes de ses produits arborant la Marque au Canada dans la région du Grand Toronto et peut donc être connue dans une certaine mesure dans cette région.

[48] Les produits et services des parties sont intimement liés, voire identiques. L’Opposante exploite des épiceries en liaison avec la marque de commerce TOPS et vend des produits alimentaires emballés de marque maison portant la marque de commerce TOPS. La Requérante emploie sa Marque en liaison avec des produits alimentaires emballés vendus en épicerie.

[49] Compte tenu de tous les facteurs qui précèdent, et en particulier du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce et la similitude entre les produits et services des parties, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que sa Marque a un caractère distinctif ou est capable de distinguer ses produits dans l’ensemble du Canada à compter du 20 décembre 2016. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est accueilli.

Motif d’opposition en vertu de l’article 16(3)a) – absence de droit à l’enregistrement

[50] L’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la partie qui a le droit d’enregistrer la Marque en vue de la marque de commerce TOPS de l’Opposante qui a été antérieurement révélée au Canada. La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la Demande, à savoir le 7 juillet 2014.

[51] Le critère pour déterminer si une marque de commerce a été « révélée au Canada » est énoncé à l’article 5 de la Loi, qui se lit comme suit :

a) ces produits sont distribués en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces produits ou services sont annoncés en liaison avec cette marque :

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

[52] Par conséquent, l’Opposante doit démontrer que :

1. sa marque de commerce TOPS a été employée dans un autre pays de l’Union;

2. ses produits et/ou services ont été annoncés au Canada en liaison avec la marque de commerce TOPS en utilisant l’une des deux méthodes énoncées à l’alinéa 5b) de la Loi;

3. la marque de commerce est bien connue au Canada par suite de cette annonce (ce qui exige que la marque soit connue dans un territoire important du Canada) [voir Marineland Inc. c. Marine Wonderland & Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst); voir également Ace Cafe, précitée au para 18].

[53] En l’espèce, l’Opposante a satisfait aux points 1 et 2 ci-dessus. En particulier, l’Opposante a démontré qu’elle emploie depuis des décennies sa marque de commerce TOPS dans un autre pays de l’Union, à savoir les États-Unis, et qu’elle a annoncé sa marque de commerce TOPS dans des publications imprimées diffusées au Canada dans la pratique ordinaire du commerce avant la date pertinente (par exemple, la Pièce « H » de l’Affidavit Biehler contient des exemples des publicités de l’Opposante dans les journaux canadiens de 2010, 2012 et 2013).

[54] Toutefois, je ne suis pas convaincu, selon la preuve au dossier, que la marque de commerce TOPS était devenue bien connue au Canada en raison de la seule publicité imprimée avant la date pertinente du 7 juillet 2014. Plus précisément, je ne suis pas convaincu d’avoir suffisamment de données sur la diffusion des annonces imprimées de l’Opposante au Canada avant la date de la pertinente. Par exemple, le paragraphe 18 de l’Affidavit Biehler indique que plus d’un million d’encarts de prospectus canadiens annonçant les produits et services de l’Opposante en liaison avec la marque de commerce TOPS ont été distribués dans les journaux Niagara Falls Review et St. Catharines Standard de 2011 à 2016. Toutefois, ces chiffres ayant trait à la diffusion n’ont pas été fournis chaque année et ne m’ont pas permis d’évaluer avec confiance l’étendue de la diffusion avant la date pertinente du 7 juillet 2014. En outre, l’Affidavit Biehler indique que l’Opposante fait de la publicité sur les stations de radio qui ont une couverture sur le marché canadien, mais je n’ai aucune preuve pour confirmer si ces annonces radio ont eu lieu avant la date pertinente ou l’étendue de leur portée au Canada.

[55] Bien que l’ensemble des éléments de preuve de l’Opposante m’aient permis de conclure que la marque de commerce TOPS de l’Opposante avait une réputation suffisante au Canada à la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif (à savoir, le 20 décembre 2016), les éléments de preuve n’ont pas été suffisamment détaillés pour me permettre de conclure que la marque de commerce de l’Opposante était bien connue conformément aux exigences de l’article 5 de la Loi à la date pertinente antérieure du 7 juillet 2014.

[56] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), et ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[57] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Lili El-Tawil

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-12-09

COMPARUTIONS

Melissa Binns

Pour l’Opposante

Vigyan Deep Sharma

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Gowling WLG (Canada) LLP

Pour l’Opposante

Aucun agent nommé

Pour la Requérante

 

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