Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 63

Date de la décision : 2021-03-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Barbara Lee Murray

Opposante

et

 

Guide Outfitters Association of British Columbia

Requérante

 

1,701,184 pour Bears Matter

Demande

[1] Guide Outfitters Association of British Columbia (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce Bears Matter (la Marque) en liaison avec son emploi proposé en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

(1) Vêtements, nommément chapeaux, casquettes de chasse, chemises, tee-shirts, débardeurs, vestes, chandails, pulls d’entraînement, pantalons d’entraînement, manteaux et gilets. (2) Articles promotionnels, nommément sacs polochons, mallettes, autocollants, autocollants pour pare-chocs, tapis de souris, chaînes porte-clés, drapeaux, banderoles, ballons, macarons de fantaisie, cartes de souhaits, cartes de correspondance, crayons, stylos, grandes tasses à café et aimants. (3) Imprimés pédagogiques, didactiques et d’enseignement, nommément manuels, livres, bulletins d’information, bulletins, brochures, dépliants, rapports sur le marché et modes d’emploi. (4) Articles de papeterie, nommément papier à en-tête, papier, blocs-notes, étiquettes, cartes professionnelles, reliures et chemises de classement;

et en liaison avec les services suivants (les Services) :

(1) Offre de stratégies de marketing pour des tiers, nommément pour des pourvoiries et d’autres organisations pour chasseurs. (2) Exploitation de sites Web à l’intention du public pour l’offre de services d’information dans les domaines de la chasse, de la survie et de l’environnementalisme. (3) Sensibilisation du public aux questions et aux initiatives environnementales au moyen de cours, de séminaires, de retraites, de conférences et de séances de formation dans les domaines de la chasse, de la survie et de l’environnementalisme. (4) Production de films et de vidéos pour la diffusion d’information après des pourvoiries, des organisations et du grand public dans le domaine de la chasse.

[2] Barbara Lee Murray (l’Opposante) s’oppose à la présente demande, principalement en raison d’allégations selon lesquelles (i) la Marque crée de la confusion avec le nom commercial Bears Matter (le Nom commercial) qu’elle a employé en liaison avec une entreprise de défense de la conservation des ours et (ii) la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque, mais plutôt de confondre le public et d’empêcher l’Opposante d’employer son nom commercial identique.

[3] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la demande.

Le dossier

[4] La demande no 1,701,184 relative à la Marque (la Demande) a été produite le 4 novembre 2014, et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 12 octobre 2016.

[5] Le 26 avril 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 38(2)a) et 38(2)c) de la Loi et traitent, respectivement, des exigences relatives à la demande en vertu des alinéas 30e) et 30i) et du droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)c).

[6] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi pour les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement la modification, à l’exception de ce qui a trait à la définition de confusion, les articles 6(2) et (4) de la Loi dans sa version actuelle sera appliquée.

[7] Le 29 juin 2017, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant chacun des motifs d’opposition et plaidant certaines allégations de faits en réponse. Il y a également plusieurs documents joints à la contre-déclaration; toutefois, la Loi ne prévoit pas la production de la preuve dans les actes de procédure. Par conséquent, tout élément de preuve dans la contre-déclaration qui n’a pas également été présenté au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, conformément à l’article 38(8) de la Loi et à l’article 49 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227 (le Règlement), a été ignoré.

[8] Le 2 août 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition modifiée afin de corriger une erreur de copie ayant une incidence sur la déclaration d’opposition originale. La déclaration d’opposition modifiée réduit également certaines allégations de fait concernant le Nom commercial et les noms de domaine correspondants.

[9] L’Opposante a produit en preuve son propre affidavit, daté du 8 novembre 2017 (l’Affidavit Murray), ainsi que les neuf brefs affidavits suivants (collectivement les Affidavits à l’appui) :

  • affidavit de Sylvia Dolson, directrice exécutive de Get Bear Smart Society, daté du 15 août 2017;
  • affidavit de Gail Martin, directeur exécutif et fondateur de Critter Care Wildlife Society, daté du 18 octobre 2017;
  • affidavit de Wayne McCrory, directeur de la Valhalla Wilderness Society, daté du 24 octobre 2017;
  • affidavit de Karen McKee, propriétaire de Warm Buddy Company, daté du 12 octobre 2017;
  • affidavit de Christine Miller, directrice générale de la North Shore Black Bear Society, daté du 12 octobre 2017;
  • affidavit de Jill Robinson, PDG et fondatrice de Animals Asia Foundation, daté du 13 septembre 2017;
  • affidavit de Ralph Sultan, député à l’Assemblée législative de West Vancouver-Capilano, daté du 12 octobre 2017;
  • affidavit de Richard Walton, maire de North Vancouver, daté du 24 août 2017;
  • affidavit de Julianne Woodyer, directrice des campagnes chez Zoocheck Canada, daté du 3 octobre 2017.

[10] La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de son directeur exécutif, Scott Ellis, daté du 29 août 2018 (l’Affidavit Ellis).

[11] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[12] Les deux parties ont déposé des plaidoyers écrits et ont assisté à une audience; toutefois, seule la Requérante a présenté des observations à l’audience. Conformément à l’article 38(8) de la Loi et à l’article 49 du Règlement, dans la mesure où les observations des parties font état de faits qui ne sont pas en preuve, je n’ai pas tenu compte de ces allégations.

Questions préliminaires : Portée des procédures et droits de l’Opposante

[13] Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’aborderai certaines questions préliminaires soulevées en l’espèce en ce qui a trait à la portée de la procédure et les droits revendiqués par l’Opposante.

Portée de la demande

[14] Le 10 mars 2017, la Requérante a demandé à modifier l’état déclaratif des Produits et Services; toutefois, au moyen d’une lettre officielle datée du 17 mars 2017, le registraire a refusé la modification en attendant des précisions de la part de la Requérante. Comme il a été noté à l’audience, en l’absence d’une réponse à la lettre du registraire, l’état déclaratif des Produits et Services demeurera comme annoncé dans le Journal des marques de commerce. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue. Toutefois, après avoir examiné la modification qui avait été demandée, je tiens à souligner que son acceptation ne changerait pas ma décision dans ce cas.

Portée de l’opposition

[15] Le plaidoyer écrit de l’Opposante fait référence à « Bears Matter » non seulement comme un nom commercial, employé pour identifier l’entreprise de l’Opposante, mais aussi comme une marque de commerce, employée en liaison avec des produits et services fournis par l’Opposante. Le plaidoyer écrit contient également des allégations selon lesquelles la Marque n’est pas enregistrable et n’est pas distinctive des Produits et Services. Toutefois, l’état déclaratif ne revendique pas l’emploi ou l’enregistrement par l’Opposante de « Bears Matter » comme marque de commerce ou en liaison avec des produits ou des services; il ne fait pas non plus mention de l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 38(2)b) de la Loi ou d’un manque de caractère distinctif en vertu de l’article 38(2)d).

[16] Le registraire n’a pas compétence pour traiter un motif qui n’est pas mentionné dans la déclaration d’opposition. Lorsqu’un opposant a plaidé que la demande ne respecte pas un article de la Loi en raison de circonstances particulières, il n’est pas permis de la refuser au motif qu’elle n’est pas conforme à la Loi pour des raisons différentes de celles invoquées [voir Le Massif Inc c Station touristique Massif du sud (1993) Inc (2011), 2011 CF 118; et Procter & Gamble Inc c Colgate-Palmolive Canada Inc, 2010 CF 231].

[17] Bien que la preuve comprenne des cas d’emploi de l’expression « Bears Matter » qui se qualifient simultanément d’emploi d’une marque de commerce et d’un nom commercial, il ne s’agit pas d’un cas où la preuve préciserait un plaidoyer vaste ou ambigu. À première vue, la portée et la signification des actes de procédure de l’Opposante sont claires : la revendication porte sur l’emploi antérieur d’un nom commercial créant de la confusion, en liaison avec une entreprise, et les motifs d’opposition se limitent à ceux prévus aux articles 38(2)a) et 38(2)c) de la Loi. Si, après la production de la déclaration d’opposition, l’Opposante souhaitait ajouter des allégations fondées sur l’emploi antérieur d’une marque de commerce créant de la confusion ou les allégations que la Marque la Requérante n’est pas enregistrable ou n’est pas distinctive, puis l’Opposante devait demander et obtenir la permission de modifier sa déclaration d’opposition.

[18] Je remarque également que j’estime que « Bears Matter » est le seul nom commercial sur lequel se fonde l’Opposante. Bien qu’il soit épelé « Bears Matters » au paragraphe 2 de la déclaration d’opposition, il est clair pour moi qu’il s’agit simplement d’une erreur typographique (comme l’orthographe erronée de la Marque aux paragraphes 11 et 12) et non d’une tentative de faire également référence à un deuxième nom commercial.

Portée de la preuve

[19] Dans son affidavit, M. Ellis allègue que plusieurs des auteurs d’affidavits qui ont présenté des preuves dans les Affidavits à l’appui font preuve [traduction] « d’animosité et de partialité » à l’égard de la Requérante ou d’un [traduction] « parti pris important à l’égard de la chasse » (para 24, 25 et 28). Il allègue en outre qu’une majorité des auteurs des affidavits sont des [traduction] « personnes ayant une association à long terme avec Mme Murray qui ont un but commun et un programme commun » et qu’elles [traduction] « semblent toutes inconscientes » du statut de l’entreprise de l’Opposante, de sorte que leur preuve devrait être [traduction] « examinée de façon critique et avoir peu de poids » (para 29).

[20] Toutefois, il était possible à la Requérante de contre-interroger les affidavits de l’Opposante pour répondre à toute préoccupation concernant leurs motifs ou leur crédibilité; la Requérante a choisi de ne pas le faire. Dans les circonstances, je ne suis pas disposée à présenter la preuve factuelle contenue dans les Affidavits à l’appui, qui a réduit le poids sur le fondement des allégations de la Requérante. La preuve fournie par les clients, les associés d’affaires et d’autres entités semblables sont généralement admissibles en ce qui a trait à leur propre connaissance d’une marque de commerce ou d’un nom commercial, bien qu’ils ne soient pas nécessairement représentatifs des perceptions du grand public et ne soient donc pas probants à cet égard [voir CIBC World Markets Inc c Stenner Financial Services Ltd, 2010 CF 397; et Joseph E Seagram & Sons Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 33 CPR (3d) 454 (CF 1re inst)].

[21] Cela dit, étant donné qu’aucun des auteurs des affidavits en l’espèce n’a été établi en tant qu’expert en droit des marques de commerce ou en comportement humain, j’ai négligé toute assertion qui équivaut à une opinion ou une conclusion sur les questions de fait et de droit à trancher dans la présente procédure, y compris la mesure dans laquelle le Nom commercial est devenu connu et la probabilité de confusion.

[22] De plus, dans la mesure où l’affidavit de Jill Robinson concerne l’emploi et la promotion du Nom commercial à l’extérieur du Canada, il ne s’agit pas d’une aide.

[23] J’ai examiné toute la preuve au dossier; toutefois, seules les parties de la preuve qui sont directement pertinentes à mes conclusions font l’objet de discussions dans ma décision.

Si l’Opposante est une personne qui exploite une entreprise et peut revendiquer des droits sur un nom commercial en vertu de la Loi

[24] Dans son affidavit, l’Opposante se définit comme la [traduction] « fondatrice et directrice de l’entreprise à but non lucratif Bears Matter » et déclare que cette entreprise a [traduction] « exploité continuellement », à l’origine à titre d’entreprise à propriétaire unique, puis par l’entremise de la société Bears Matter Holdings Ltd., puis de nouveau à titre d’entreprise à propriétaire unique (para 1 et 2, 36 et 54). Elle explique que l’entreprise s’appelait à l’origine « Bear Matters B.C. », mais qu’elle a ensuite commencé à utiliser « Bears Matter » comme nom commercial, d’abord de façon interchangeable avec « Bear Matters B.C. », puis exclusivement (para 2 et 22). L’Opposante est située et mène ses activités en Colombie-Britannique.

[25] Comme il est décrit dans l’Affidavit Murray, l’entreprise de l’Opposante a été fondée pour [traduction] « répondre à un besoin de plus de conservation des ours, de collecte de fonds, de promotion et d’éducation » (para 2). Elle fournit de l’information dans le domaine de la conservation des ours à d’autres organisations, aux décideurs gouvernementaux, aux médias et au grand public; elle mène également des activités de collecte de fonds et aide d’autres organismes de conservation à coordonner et à faire connaître les événements. En ce qui a trait à la collecte de fonds, l’Opposante s’est également associée à une tierce partie, Warm Buddy Company, pour le développement et la vente d’ours en peluche de marque commune contenant des sacs chauds/froids, et de mitaines de type patte d’ours, avec une partie des recettes allant à des organismes dans le domaine de la conservation des ours (Murray, para 22, 39 et 40, Pièces A115, R30; McKee, para 2 et 5).

[26] La Requérante soutient que l’Opposante ne peut pas détenir un nom commercial, parce que l’Opposante n’exploite pas une [traduction] « entreprise », en ce sens qu’elle ne fournit pas de produits ou de services, mais qu’elle est simplement une [traduction] « personne intéressée qui cherche à influencer la politique gouvernementale » (plaidoyer écrit, para 6 et 89). Selon la Requérante, l’Opposante [traduction] « a abandonné toute semblance d’être une entreprise menant l’une ou l’autre de ces activités [fournissant des produits ou des services fabriqués, vendus, loués, embauchés ou exécutés] à la suite de la dissolution volontaire de sa société limitée en Colombie-Britannique le 7 avril 2016 » (para 6). La Requérante soutient que [traduction] « tout moment après cette date, l’Opposante est simplement devenue une citoyenne préoccupée et ne correspond [plus] à la définition de “marque de commerce” ou de “nom commercial” à l’article de définition de la Loi » (para 8). Pour des raisons semblables, la Requérante soutient que l’Opposante ne correspond pas à la définition de [traduction] « personne » en vertu de la Loi (para 6).

[27] J’aimerais d’abord souligner que la date pertinente pour évaluer les motifs d’opposition en l’espèce est le 14 novembre 2014, date antérieure à la dissolution de Bears Matter Holdings Ltd. Toutefois, les observations de la Requérante sont toujours pertinentes dans la mesure où elles s’appliquent également aux activités de l’Opposante à titre de propriétaire unique avant cette date et à la question de l’abandon en vertu du motif de droit, dont il est question ci-dessous.

[28] L’article 2 de la Loi définit le nom commercial comme étant le « [n]om sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier », et définit une « personne » comme « tout syndicat ouvrier légitime et toute association légitime se livrant à un commerce ou à une entreprise, ou au développement de ce commerce ou de cette entreprise ». Toutefois, la Cour fédérale a conclu que la définition du mot [traduction] « entreprise » tel qu’il est employé dans la Loi ne devrait pas être interprétée de façon trop étroite et n’exige pas que les activités commerciales visent un gain financier (voir Carbon Trust Inc c Pacific Carbon Trust, 2013 CF 946, au para 36 à 39). La Cour fédérale a également reconnu l’adoption par le registraire d’une [traduction] « définition plus vaste du terme “entreprise” qui “pourrait englober toute activité intentionnelle qui pourrait bien… être de nature caritative ou éducative” » (ibid. au para 40, citant Harvard Club of Montreal c Vêtements Howick Apparel Ltd./Ltée (1986), 8 CPR (3d) 493 (COMC), au para 6). Je conclus que les activités de l’Opposante satisfont à cette définition.

[29] Je suis également convaincue que l’entreprise de l’Opposante est associée à des produits et services, par la vente d’ours en peluche et de mitaines, par la prestation de services d’information sur la conservation des ours et par le service d’aide aux autres à organiser et à faire connaître les événements et les campagnes.

[30] Quant à la définition de « personne », bien qu’elle englobe expressément les associations légitimes, les personnes ne sont pas exclues.

[31] Compte tenu de ce qui précède, aux fins de la présente instance, je suis convaincue que l’Opposante est une « personne » qui exploite une entreprise et qui peut avoir des droits sur un nom commercial au sens de la Loi.

Effet du défaut d’enregistrer un nom commercial ou une entreprise

[32] La Requérante soutient également qu’il n’y a aucune preuve que l’Opposante a enregistré le Nom commercial ou l’entreprise associée et que l’Opposante ne peut pas avoir de droits sur un nom commercial non enregistré. Toutefois, je ne suis saisie d’aucune preuve de l’obligation d’enregistrer un nom commercial ou une entreprise sans but lucratif en Colombie-Britannique et, de toute façon, les questions de conformité aux lois provinciales, y compris la législation régissant l’emploi des dénominations sociales, ne relèvent pas de la compétence du registraire. Par conséquent, il n’y a aucun motif pour que je refuse à l’Opposante la possibilité de se fonder sur un nom commercial non enregistré aux fins de la présente opposition (pour des conclusions semblables, voir 2076631 Ontario Limited (Shoe Club) c 2169-5762 Quebec Inc, 2011 COMC 92, au para 130; et Wood c Cherish Arts International Inc, 2009 CarswellNat 3272 (COMC), au para 37).

Emploi du Nom commercial par Bears Matter Holdings Ltd.

[33] La Requérante est également d’avis que tous les droits du Nom commercial ont été abandonnés au moment de la dissolution de la société Bears Matter Holdings Ltd. (plaidoyer écrit, para 22 et 23).

[34] L’Opposante répond que l’emploi du Nom commercial dans la dénomination sociale de Bears Matter Holdings Ltd. a été fait avec son [traduction] « consentement et sa licence », de sorte que le Nom commercial a été employé continuellement – par l’Opposante directement à partir de 2006, par sa société avec son consentement de 2010 à 2016, et par elle-même à partir de la dissolution de la société en 2016 (plaidoyers écrits, para 11 et 13).

[35] L’Affidavit Murray contient la preuve de l’Opposant en ce qui a trait à la participation de la société à l’entreprise. Elle affirme que « Bears Matter est devenue Bears Matter Holding[s] Ltd. pendant sept [sic] ans à compter du 7 avril 2010 » (para 36). Elle explique : [traduction] « J’ai profité de l’occasion pour changer le nom (et l’activité) de l’entreprise constituée en société de notre famille en Colombie-Britannique en 2010 pour devenir Bears Matter Holding[s] Ltd. J’ai eu l’impression qu’il était prudent d’avoir une entreprise constituée en société puisque je consacrais plus de temps et d’efforts à mes efforts de collecte de fonds dans le centre commercial de Nanaimo » (para 36). À titre de première page de la Pièce A27 de son affidavit, elle joint le certificat de changement de nom du registraire des compagnies de la Colombie-Britannique.

[36] Elle ajoute [traduction] « En 2016, après dix ans de collecte de fonds pour des organismes d’ours, j’ai suspendu mes activités de collecte de fonds. Pour réduire mes coûts d’exploitation de mon entreprise sans but lucratif, Bears Matter, j’ai volontairement dissous le statut de société de Bears Matter et je suis retournée à une “entreprise à propriétaire unique” » (para 36). Elle explique [traduction] « J’ai opté pour la dissolution volontaire de la constitution en société de Bears Matter Holding[s] Ltd. le 7 avril 2016, puisque j’ai pris une autre direction pour mon organisation et je n’ai pas jugé nécessaire de maintenir un statut de constitution en société coûteux. Je me sentais alors confiant et je me sentais confiante à l’heure actuelle que le fait d’agir à titre d’entreprise à propriétaire unique est à la fois efficace et efficient » (para 54). À titre de Pièce A43 jointe à son affidavit, elle joint les deux premières pages d’un résumé de la société BC Registry Services pour Bears Matter Holdings Ltd., qui semble avoir été copié à partir du document complet joint à la contre-déclaration de la Requérante (estampillée comme Pièce jointe no 1). Je suis prête à accepter ces pages, sur lesquelles les deux parties cherchent à se fonder, comme confirmation que Bears Matter Holdings Ltd. a été volontairement dissoute le 7 avril 2016, et noter qu’elles identifient également l’Opposante comme administratrice de la société, avec Patrick John Murray (qui semble être son mari, conformément à l’Affidavit McCrory, au para 3).

[37] Le plaidoyer écrit de l’Opposante contient des allégations de fait concernant l’effet de la dissolution en vertu de la législation de la Colombie-Britannique; toutefois, elles ne sont pas appuyées et doivent être ignorées. L’expertise du registraire ne s’étend pas aux lois provinciales, dont les effets doivent être établis par la preuve.

[38] Tout compte fait, même si la preuve aurait pu être plus claire sur la distinction et la relation entre l’Opposante et la société, j’estime que la preuve est conforme à « Bears Matter » étant employée par Bears Matter Holdings Ltd. dans sa dénomination sociale et comme nom commercial sous licence de l’Opposante, qui contrôlait la nature et la qualité de tous les produits ou services associés à l’entreprise sous les noms « Bears Matter » et « Bears Matter Holdings Ltd ».

[39] À cet égard, la preuve de l’Opposante est qu’elle a personnellement changé le nom et l’activité de la société familiale et, bien que Patrick John Murray soit également inscrit à titre d’administrateur, rien n’indique qu’il a joué un rôle actif dans la gestion de l’entreprise Bears Matter. Elle décrit la collecte de fonds de 2010 à 2016 comme étant [traduction] « mes » activités de collecte de fonds et l’entreprise qui fonctionnait à l’époque comme [traduction] « mon » entreprise sans but lucratif et [traduction] « mon » organisation. Ses déclarations publiques impliquent également qu’elle dirigeait continuellement la même entreprise, d’abord à titre personnel, puis par l’intermédiaire d’une entreprise dont elle contrôlait les activités. Par exemple, dans un courriel envoyé le 15 avril 2014 à sa députée à l’Assemblée législative (DAL), elle a déclaré [traduction] « Ma collecte de fonds est gérée par mon entreprise (avec un effectif d’une employée… moi) Bears Matter Ltd., a amassé plus de 60 000 $ depuis 2004 » (Murray, para 50, Pièce A39, soulignement ajouté).

[40] Je tiens également à souligner que les Affidavits à l’appui ne font pas de distinction entre l’entreprise exploitée en liaison avec le Nom commercial par l’Opposante personnellement et celle exploitée par l’intermédiaire de la société. Cela est conforme au fait que l’Opposante exploite une seule entreprise « Bears Matter », parfois par l’entremise d’une société, et contrôle la nature et la qualité des produits et des services fournis par cette société.

[41] Je suis convaincue que cet arrangement satisfait aux exigences de l’article 50 de la Loi, selon lequel l’emploi sous licence d’une marque de commerce comme ou dans un nom commercial est réputé avoir le même effet qu’un tel emploi par le licencié. Par conséquent, aux fins de la présente procédure, tout emploi de Bears Matter comme nom commercial par Bears Matter Holdings Ltd. profite à l’Opposante de la même façon qu’elle le ferait si elle l’avait employée directement comme nom commercial.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[42] Je vais maintenant aborder les trois motifs d’opposition.

[43] Dans les procédures d’opposition, il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, il incombe à l’opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chacun de ses motifs d’opposition. Pour qu’un motif d’opposition soit pris en considération, l’opposante doit s’acquitter de son fardeau de la preuve [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC)].

[44] Si l’opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition plaidé ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque en question. La preuve incombant à la requérante signifie que si une conclusion déterminée ne peut être tirée une fois tous les éléments de preuve présentés, alors la question doit être tranchée en faveur de l’opposante [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)c) de la Loi

[45] L’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’article 38(2)c) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec le nom commercial Bears Matter, auparavant employé par l’Opposante, à titre de propriétaire unique, dans l’exploitation et l’exécution d’une [traduction] « entreprise de promotion de la conservation des ours » pour [traduction] « conserver, protéger et améliorer la vie, l’environnement et le bien-être des ours » (para 2, 3, 7 et 8). Plus particulièrement, l’Opposante plaide que le public supposerait [traduction] « de l’emploi de longue date de la phrase par l’Opposante que, d’une certaine façon, la Requérante… était associé à la conservation » et avait [traduction] « d’une façon ou d’une autre pris en charge, absorbé ou autrement approprié l’activité de promotion de l’Opposante » (para 9 et 10).

[46] La Requérante fait valoir dans son plaidoyer écrit que l’Opposante n’a pas exposé ses motifs d’opposition de façon suffisamment détaillée pour permettre à la Requérante de répondre. Toutefois, il est clair que les allégations ci-dessus constituent un motif d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement fondé sur la confusion avec un nom commercial employé antérieurement en vertu de l’article 16(3)c) de la Loi. De plus, l’Opposante a précisé que le nom commercial allégué et la nature de l’entreprise qui y est associée. Le motif est donc suffisamment plaidé.

[47] Je note que, sous la rubrique [traduction] « article 38(2)c) » de la déclaration d’opposition, l’Opposante plaide également que la Requérante savait ou aurait dû savoir que le public associerait la Marque aux efforts de l’Opposante en vue de la conservation et de l’amélioration de la population d’ours (para 8); que la Requérante a délibérément déposé la Demande dans le but de faire savoir au public à tort qu’il y avait un lien entre la Requérante et l’Opposante et que cette dernière n’était plus un défenseur des activités commerciales de la Requérante (para 4, 5 et 11); et que le public supposerait que l’opposition de longue date de l’Opposante à l’entreprise commerciale de la Requérante a été contrecarrée (para 10). Toutefois, de telles allégations sont plus adéquatement soulevées en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, dont il est question ci-dessous.

Le fardeau initial de l’Opposante

[48] Pour s’acquitter de son fardeau initial en vertu du motif d’opposition fondé sur le droit, l’Opposante doit prouver l’emploi de Bears Matter comme nom commercial avant la date de production de la Demande, conformément à l’article 16(3)c) de la Loi, et que ce nom commercial n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la Demande, comme le prévoit l’article 16(5) de la Loi.

Emploi antérieur

[49] Un opposant qui se fonde sur l’emploi antérieur d’un nom commercial doit démontrer son emploi dans la pratique normale d’une entreprise en exploitation et par rapport à la catégorie ou aux catégories de personnes avec qui une telle entreprise doit être menée [voir Mr Goodwrench Inc c General Motors Corp (1994), 55 CPR (3d) 508 (CF 1re inst)]. Bien qu’il n’y ait pas de définition précise de l’« emploi » dans la Loi concernant les noms commerciaux, les principes énoncés aux articles 2 et 4 de la Loi concernant l’emploi des marques de commerce sont considérés comme s’appliquant, de sorte que l’affichage d’un nom commercial dans l’exécution ou la publicité des services offerts au Canada suffira à démontrer l’emploi du nom commercial dans la pratique du commerce [voir Carbon Trust, précité, au para 68].

[50] Je remarque que certains des éléments de preuve de l’Opposante concernant l’emploi et la promotion du Nom commercial se rapportent à des événements à l’extérieur du Canada, tandis que d’autres éléments de preuve concernant ses activités comportent des noms commerciaux différents ou aucun. De plus, certains éléments de preuve documentaire ne sont pas datés ou sont sous forme provisoire, et certains documents ne sont pas clairs quant à leur source ou à leur mode de distribution. La preuve pertinente est celle qui démontre que « Bears Matter » est affiché sous la forme d’un nom commercial sur des matériaux que l’Opposante a distribués ou autrement présentés au Canada dans le cadre de ses activités avant la date pertinente du 4 novembre 2014.

[51] Je signale également que je ne considère pas que l’emploi du nom commercial Bear Matters ou Bear Matters B.C. soit l’emploi du nom commercial Bears Matter. Bien que semblable au Nom commercial sur le plan visuel et phonétique, l’expression « Bear Matters » diffère conceptuellement. Il ne transmet pas l’idée que les ours sont importants, mais suggèrent plutôt des sujets ou des enjeux liés aux ours. Toutefois, je considère l’emploi des noms commerciaux « Bears Matter BC », « Bears Matter B.C. » et « Bears Matter Ltd. » sont employés comme un Nom commercial, depuis l’ajout de « BC », « B.C. » ou « Ltd. » est une déviation mineure qui indique simplement le lieu où se trouve l’entreprise ou le fait qu’elle est constituée en société.

[52] Je conclus que les exemples suivants tirés de l’Affidavit Murray démontrent l’emploi du Nom commercial avant la date de production de la Demande :

  • L’étiquette volante Bears Matter attachée à l’ours en peluche vendu en 2006, faisant référence au partenariat de l’Opposante avec la Warm Buddy Company et présentant des conseils pratiques sur la façon de coexister pacifiquement avec les ours (Pièce A15, p. 66). L’Opposant exploitait un kiosque pour vendre de tels ours en peluche et des mitaines de pattes d’ours dans des magasins de détail à Vancouver, puis à Nanaimo à titre de collecte de fonds annuelle de 2006 à 2015 (para 22, 39 et 40, Pièces A15, A27 et A30).
  • Le diaporama que l’opposant présenté le 22 octobre 2009 à une réunion publique du Council for the Corporation of the District of North Vancouver au sujet d’un projet d’installation de réhabilitation des ours (para 33, Pièce A24). En plus du Nom commercial employé dans le texte de certaines diapositives, un logo composé du Nom commercial sous un dessin d’empreinte de patte (le Logo Original) est affiché sur les diapositives faisant la promotion de la collecte de fonds de l’Opposante pour les centres de réhabilitation de la faune de la Colombie-Britannique et fournissant des renseignements sur quatre de ces centres.
  • La carte professionnelle imprimée en 2009 et la carte postale contenant des renseignements sur une sous-espèce menacée d’ours imprimée vers [traduction] « environ 2009 »; un millier de cartes postales ont été distribuées avec des cartes professionnelles aux présentoirs et kiosques de Bears Matter en liaison avec une collecte de fonds de l’Opposante (para 40, Pièce A30, p. 137 et 138). Sur les deux cartes, le Nom commercial figure non seulement sous forme de texte, mais aussi en tant que logo composé du Nom commercial en lettres stylisées sous une illustration au trait d’un ours avec des montagnes et des arbres (le Nouveau Logo).

[53] À l’audience, la Requérante a attiré l’attention sur des parties de l’Affidavit Ellis qui commentaient des déclarations faites dans l’Affidavit Murray. Plus précisément, M. Ellis souligne la participation de l’Opposante à d’autres organismes de défense des ours (Murray, para 35), ainsi que son adoption du nom commercial Bear Matters et il fait remarquer que [traduction] « Mme Murray n’a pas été uniforme au fil des ans dans sa défense en employant le nom “Bears Matter” pour s’identifier elle-même ou ses entreprises » (Ellis, para 13). De plus, M. Ellis note la déclaration de l’Opposante selon laquelle elle a [traduction] « adopté » le Nouveau Logo de la Northshore Spring Bear Festival Society après la dissolution de cette société (Murray, para 34) et il commente [traduction] « Mme Murray a jugé approprié et justifié d’“adopter” un logo après la dissolution d’une société » (Ellis, para 14). À cet égard, je note que le Nouveau Logo présente le même dessin au trait et le même style de lettrage que le logo du Northshore Spring Bear Festival qui a eu lieu de 2006 à 2008 et dont Mme Murray était directrice (Murray, para 34, Pièce A25).

[54] Toutefois, il est bien établi que de multiples marques de commerce ou noms commerciaux peuvent être employés en même temps s’ils sont distincts des marques de commerce ou des noms commerciaux [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst); Loro Piana SPA c Conseil canadien des ingénieurs (CCI), 2009 CF 1096]. Dans la mesure où elles ne sont pas combinées de façon à ce qu’il soit impossible de distinguer chacune d’elles, leu validité n’est pas touchée [voir Philip Morris Products SA c Malboro Canada limitée, 2010 CF 1099, au para 217].

[55] En l’espèce, je n’estime pas que la participation de l’Opposante à d’autres organisations ou son emploi d’autres noms commerciaux avant ou simultanément avec le Nom commercial l’empêche d’employer le Nom commercial. De même, bien qu’il n’y ait aucune explication sur la façon dont les éléments de conception employés dans le Nouveau Logo ont été [traduction] « tirés » du Northshore Spring Bear Festival (Murray, para 34), rien n’indique que leur emploi est illégal, et je n’estime pas qu’ils nient l’emploi du Nom commercial dans le logo. À mon avis, le Nom commercial, le dessin au trait et le logo composite sont chacun identifiables séparément et le Nom commercial conserve une identité qui se distingue de l’ensemble. Bien que les éléments de conception puissent suggérer un lien entre les activités de l’Opposante et le Northshore Spring Bear Festival, le Nom commercial continue d’identifier l’Opposante. Le fait que le nom fait également partie d’une marque de commerce composite ou d’un logo ne l’empêche pas simultanément d’être reconnu en tant que nom commercial [voir CEG License Inc c Joey Tomato’s (Canada) Inc, 2011 COMC 221; voir également Consumers Distributing Company Limited c Toy World Limited, 1990 CarswellNat 1398 (COMC); et Road Runner Trailer Manufacturing Ltd c Road Runner Trailer Co (1984), 1 CPR (3d) 443 (CF 1re inst) qui se penchent sur le fait que les emplois des marques de commerce et des noms commerciaux ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs].

Non-abandon

[56] Abandonner exige à la fois une absence d’emploi et une intention d’abandonner l’emploi [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].

[57] J’estime que la preuve suivant de l’Affidavit Murray suffit pour démontrer que le nom commercial n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la Demande :

  • Bien que la collecte de fonds annuelle de Bears Matter ait pris fin en 2015, l’Opposante a publié une lettre aux lecteurs sur son site Web à bearsmatter.com le 28 février 2016, annonçant que [traduction] « Bears Matter continuera de soutenir les ours en coulisses et d’aider avec diverses campagnes et les objectifs de collecte de fonds de chaque organisation locale »; la lettre invitait les lecteurs à continuer d’acheter les ours en peluche et les mitaines de la collecte de fonds dans les centres fauniques de la Colombie-Britannique (Pièce A27, p. 116).
  • L’Opposante confirme qu’à la date de son affidavit, Warm Buddy Company [traduction] « demeure le principal commanditaire de Bears Matter et continue de verser des fonds annuellement à notre fonds Bears Matter » (para 39).
  • L’Opposante confirme que, depuis la fermeture de [traduction] « l’aspect de la collecte de fonds de l’entreprise », elle a continué de faire des dons annuels à huit organismes d’ours [traduction] « au nom de Bears Matter » (para 41).

[58] L’Affidavit à l’appui de Karen McKee, propriétaire de Warm Buddy Company, corrobore la preuve contenue dans l’Affidavit Murray. En particulier, Mme McKee affirme que [traduction] « De 2006 à aujourd’hui, Warm Buddy Company continue de parrainer Bears Matter et d’aider diverses organisations locales d’ours » (para 3).

[59] La preuve qui précède démontre qu’il n’y avait aucune intention d’abandonner l’emploi du Nom commercial au moment où la collecte de fonds annuelle a pris fin et que la société de l’Opposante a été dissoute, mais seulement une intention de réduire le niveau de collecte de fonds. Rien n’indique non plus que les intentions de l’Opposante ont changé entre cette date et l’annonce de la Demande. En effet, il y a des preuves que le Nom commercial est affiché peu après, dans un message Facebook faisant la promotion de la Spectacled Bear Conservation Society Craft Sale « avec Bears Matter » à Nanaimo du 17 novembre 2016 au 20 novembre 2016 (Pièce A37, p. 241).

[60] La présente affaire se distingue de l’affaire Abirahim Ali-Rage c Muqdisho Football Club, 2018 COMC 69, citée par la Requérante. Dans cette affaire, la preuve n’a pas établi que l’Opposante était la propriétaire légitime du nom commercial contesté ou que l’opposante avait déjà employé ce nom commercial pour son propre bénéfice plutôt que pour celui du club de la requérante. En l’espèce, je suis convaincue que c’est l’Opposante qui a acquis des droits dans l’expression « Bears Matter » par son emploi comme marque et nom commercial, qu’elle a ensuite licencié à sa société familiale en changeant son nom pour Bears Matter Holdings Inc. Je suis également convaincue que l’Opposante a conservé un contrôle continu sur l’entreprise menée par cette société avant sa dissolution et qu’elle est retournée à l’exploitation à titre de [traduction] « propriétaire unique ». Ainsi, l’emploi de « Bears Matter » par la société entant que nom commercial profitait à l’avantage de l’Opposante.

[61] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante a démontré l’emploi du Nom commercial avant la date pertinente et que le Nom commercial n’avait pas été abandonné lorsque la Demande a été annoncée le 12 octobre 2016.

Test en matière de confusion

[62] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec le Nom commercial de l’Opposante.

[63] Le test en matière de confusion pertinent en l’espèce est indiqué à l’article 6(3) de la Loi, qui stipule que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial lorsque l’emploi dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou services liés à cette marque de commerce et ceux liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom commercial sont fabriqués, vendus, donnés à bail, loués, embauchés ou réalisés par cette même personne. De plus, il est probable que le public supposera que les produits ou les services du requérant sont approuvés, autorisés ou appuyés par l’opposant, de sorte qu’il existe un état de doute et d’incertitude dans l’esprit de la clientèle, il s’ensuit que les marques de commerce et un nom commercial créent de la confusion [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 2 CPR (3d), 7 (CF 1re inst).

[64] Le critère à appliquer est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de la requérante alors qu’il n’a qu’un vague souvenir du nom commercial de l’opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour l’examiner de plus près [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Clicquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[65] Il faut prendre en considération les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énoncées à l’article 65(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce ou du nom commercial et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle la marque de commerce et le nom commercial ont été en usage; c) le genre de produits, services et entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre la marque de commerce et le nom commercial dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot, précité; Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Le degré de ressemblance

[66] Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, le facteur le plus important dans l’évaluation de la probabilité de confusion est souvent le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou le nom commercial en cause. En l’espèce, la Marque et le nom commercial sont identiques et, par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[67] La Marque et le Nom commercial sont identiques et chacun suggère un aspect des produits, des services et des activités connexes, à savoir, celui de la promotion de l’importance des ours. À cet égard, je note que M. Ellis affirme que la Marque favoriserait la conservation des ours [traduction] « en reconnaissant leur valeur et leur valeur inhérentes en tant qu’espèce de tous les points de vue » (Ellis, para 10), tandis que l’Opposante note que son entreprise a employé le slogan « Bears Matter » dans son énoncé de mission depuis 2006 (Murray, para 2).

[68] Étant identiques et tout aussi suggestifs, la Marque et le Nom commercial ont un degré de caractère distinctif inhérent ayant des limitations semblables. Toutefois, le caractère distinctif peut être accru par l’emploi et la promotion au Canada, et seule l’Opposante a produit une preuve à cet égard. Je note les exemples suivants tirés de l’Affidavit Murray :

  • L’étiquette volante Bears Matter, la carte professionnelle et la carte postale dont il est question ci-dessus, ainsi que le diaporama faisant la promotion de la collecte de fonds de Bears Matter et de la promotion dans le domaine de la réhabilitation des ours, faisant également l’objet de discussion ci-dessus.
  • La publicité pleine page publiée dans le Vancouver Sun le 16 février 2010 pour une campagne sur laquelle l’Opposant a travaillé avec Pacific Wild pour interdire la chasse au trophée dans la forêt pluviale de Great Bear en Colombie-Britannique, arborant le Logo Original parmi ceux d’autres commanditaires (para 37, Pièce A28).
  • Affichage aux kiosques de collecte de fonds de 2010 et de 2011 au Country Club Centre à Nanaimo, affichant respectivement le Nom commercial et le Nouveau Logo (Pièce A27, p. 113 et 114).
  • Le [traduction] « Certificat de tutelle » arborant le Nouveau Logo distribué au fil des ans en reconnaissance du soutien offert pendant la collecte de fonds annuelle; une version du certificat est présentée au kiosque de collecte de fonds de 2010 (para 40, Pièce A27, p. 113, Pièce A30, p. 151).
  • Publications sur Facebook pour la « Bears Matter Xmas’13 Fundraiser & Sale » (Pièce A30, p. 144) et pour divers événements que l’Opposante a aidé à coordonner pour d’autres comme [traduction] « un service continu aux organismes de conservation », y compris un tirage en 2011, une présentation médiatique en 2012, une vente d’artisanat en 2013, et quatre spectacles en direct en 2013 mettant en vedette des conférenciers sur des sujets d’ours – les publications indiquent que les événements sont [traduction] « organisés par Bears Matter » et certains arborent également le Nouveau Logo (para 48, Pièce A37, p. 221 à 240).
  • L’avis aux médias pour un rassemblement contre la chasse au trophée tenu le 20 janvier 2014 et organisé par l’Opposante à l’Université Capilano et la pétition ci-jointe avec 82 signataires publics, dans laquelle la personne-ressource des médias et la source de la pétition sont respectivement identifiées comme « Bears Matter » (para 44, Pièce A33, p. 209 à 211).

[69] De plus, le Nom commercial a été promu au moyen du partenariat avec Warm Buddy Company. Karen McKee, propriétaire de Warm Buddy Company, déclare dans son affidavit que [traduction] « nous avons annoncé [le] site Web de Bears Matter sur notre site Web en 2007 sous notre page Partenaires… » (para 2). Elle ajoute qu’en 2007, Warm Buddy Company a également plusieurs vêtements de marque avec le Logo Original de l’Opposante et confirme que [traduction] « au fil des ans » Warm Buddy Company a fait imprimer [traduction] « des milliers d’étiquettes de couleurs complètes pour accrocher sur nos produits d’ours en peluche et des mitaines de pattes d’ours décrivant notre parrainage de Bears Matter » ainsi que des cartes postales décrivant le partenariat à donner à [traduction] « divers salons professionnels dans l’ensemble du Canada » et dans les lieux d’affaires des vendeurs (para 5).

[70] J’accepte également les déclarations contenues dans certains Affidavits à l’appui de politiciens et de membres d’organismes de conservation canadiens comme confirmation qu’au moins ces personnes sont devenues familières avec le Nom commercial et son emploi avant la date pertinente. À titre d’exemple, je prends note de ce qui suit :

  • [traduction] « J’ai vérifié mes dossiers de la campagne de réhabilitation des ours grizzlis et j’ai vérifié qu’à partir du moment où j’ai rencontré Mme Murray en 2006, elle menait ses activités sous le nom de Bears Matter » (Woodyer, para 3).
  • [traduction] « En 2009, elle [Mme Murray] avait un site Web et des comptes Facebook et Twitter appelés Bears Matter » (Miller, para 3).
  • [traduction] « En 2009, Barb Murray est retournée au district de Vancouver-Nord pour faire une présentation sous le nom de Bears Matter de sa nouvelle organisation (Walton, para 3).
  • [traduction] « Depuis 2009, j’ai remarqué que de temps à autre, Bears Matter est mentionné dans les médias locaux. En 2014, Bears Matter a organisé un rassemblement à l’Université Capilano pour protester contre la chasse à l’ours grizzli en Colombie‑Britannique. Le rassemblement a été mentionné dans le journal local et également mentionné sur au moins une station de radio » (Walton, para 5).

[71] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue qu’à la date pertinente, le Nom commercial avait été connu au moins dans une certaine mesure en Colombie-Britannique en liaison avec l’entreprise de l’Opposante, d’abord gérée par l’Opposante à titre personnel, puis par l’entremise de sa société.

[72] Dans l’ensemble, bien que la Marque et le Nom commercial présentent un caractère distinctif inhérent à peu près égal, il existe des preuves que le Nom commercial est devenu connu au moins dans une certaine mesure en Colombie-Britannique, tandis qu’il n’y a aucune preuve que la Marque est devenue connue au Canada du tout. En conséquence, ce facteur favorise l’Opposante.

La période de l’emploi

[73] La preuve démontre que l’Opposante a employé Bears Matter comme nom commercial depuis au moins aussi tôt que 2006, alors qu’il n’y a aucune preuve que la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada. Encore une fois, ce facteur favorise l’Opposante.

Nature des produits, des services ou des affaires et nature du commerce

[74] J’estime qu’il y a un chevauchement considérable dans la nature des produits, des services et des activités respectives des parties.

[75] Les services (2) et (3) dans la Demande comprennent précisément les éléments suivants : i) fournir sur les sites Web des informations à l’intention du grand public dans le domaine de la chasse et de l’environnementalisme; et ii) sensibilisation du public aux questions et aux initiatives environnementales au moyen de cours, de séminaires, de retraites, de conférences et de séances de formation dans les domaines de la chasse et de l’environnementalisme.

[76] Ces Services chevauchent directement les services suivants fournis dans la pratique normale des activités de l’Opposante : i) fournir au grand public un site Web d’informations sur la conservation, y compris sur l’impact de la chasse sur cette dernière, et ii) sensibiliser le public aux questions et initiatives environnementales, y compris en ce qui a trait à la chasse, au moyen de campagnes, de présentations et de la coordination de spectacles en direct avec des conférenciers.

[77] À cet égard, je souligne que les Services ne se limitent pas à fournir de l’information sur la chasse ou l’environnementalisme sous un point de vue particulier. Ainsi, les Services sont suffisamment vastes pour couvrir les mêmes aspects de la chasse et de la conservation que ceux abordés par les services de l’Opposante. En effet, dans son affidavit, M. Ellis désigne la Requérante comme une société sans but lucratif en Colombie-Britannique qui représente les intérêts des sportifs et des conservationnistes qui ont publié divers documents et qui ont tenu divers forums et colloques dans le domaine de la conservation scientifique et y a participé (para 2, 6 et 7). Il explique que le modèle de conservation des espèces de la Requérante permet [traduction] « l’emploi éthique et la récolte de l’abondance de ces espèces » et que la Marque [traduction] « favoriserait la conservation, plutôt que la préservation, des ours… compte tenu de toutes les connotations des mots “conserver” et “conservation” » (para 5, 10).

[78] J’estime que les autres Services sont suffisamment liés aux activités de l’Opposante pour créer un lien apparent et un risque de chevauchement. Je note les exemples suivants :

  • Les Services comprennent la fourniture d’information et la promotion de la sensibilisation du public dans le domaine de la survie; les étiquettes volantes de l’Opposante fournissent de l’information sur la façon de [traduction] « coexister pacifiquement avec notre faune » à mesure que [traduction] « les activités humaines s’élargissent dans les habitats sauvages » (Pièce A15, p. 66).

  • Les Services comprennent la production de films et de vidéos pour la diffusion d’information dans le domaine de la chasse; les collectes de fonds Bears Matter de l’Opposante ont inclus une présentation de diapositives sur CD pour fournir de l’information dans le domaine de la conservation des ours (Pièce A30, p. 178 à 200).

  • Les Services comprennent la prestation de stratégies de marketing pour les pourvoiries et d’autres organisations liées aux chasseurs; les activités de l’Opposante consistent à aider d’autres organisations à faire connaître les événements, les pétitions et les campagnes (voir le para 48, Pièce A37).

[79] En ce qui a trait aux Produits, ils se divisent en quatre catégories générales : (1) vêtements; (2) articles promotionnels comme les sacs, les autocollants, les cartes de souhaits, les grandes tasses à café, etc.; (3) imprimés pédagogiques, didactiques et d’enseignement, tels que les livres, les bulletins et les dépliants; et (4) articles de papeterie, y compris les étiquettes et les cartes professionnelles.

[80] Ces quatre catégories chevauchent celles de l’entreprise de l’Opposante, puisque l’entreprise de l’Opposante est associée à (1) la vente de vêtements (mitaines) pour la collecte de fonds (Pièces A24 et A27); (2) la remise d’articles promotionnels comme les cartes postales (Pièce A30); (3) la fourniture de matériel didactique et pédagogique, y compris des documents imprimés (Pièce A30, p. 175 à 177) et des blogues imprimables (Pièce A61); et (4) l’emploi d’articles de papeteries de marque comme les cartes professionnelles et les étiquettes volantes (Pièces A15 et A30).

[81] Je signale également que l’Opposante a eu des vêtements arborant le Logo Original à porter à des événements depuis 2007 (Murray, Pièce A15; McKee, para 5) et distribue des cartes professionnelles imprimées avec le Nouveau Logo depuis 2009 (Murray, para 40, Pièce A30). Étant donné que la Demande n’a aucune restriction sur les Voies de commercialisation, les Produits comme les vêtements et les cartes professionnelles peuvent être achetés par les membres de la Requérante pour un emploi similaire.

[82] Dans les circonstances, je conclus que les divers Produits et Services peuvent être perçus comme une extension ou un complément des Produits et Services de l’Opposante.

[83] De plus, la Requérante et l’Opposante sont tous deux des entreprises à but non lucratif (Ellis, para 2; Murray, para 2), dont le public cible comprend les personnes intéressées par la chasse (qu’elles soient pour ou contre) et à la conservation de la faune, ainsi que les représentants du gouvernement et le grand public. Il y a donc chevauchement dans les voies de commercialisation probables pour les produits et services des parties, ce qui contribue davantage à la probabilité de confusion.

[84] En résumé, pour les raisons susmentionnées, j’estime qu’il y a soit un chevauchement direct, soit une relation créant un potentiel de chevauchement, soit un lien apparent entre chacun des Produits et Services d’une part et les produits et services associés aux activités de l’Opposante d’autre part, et je conclus également qu’il y a chevauchement dans les voies de commercialisation probables. Par conséquent, ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[85] Après avoir tenu compte de toutes les circonstances environnantes, j’estime qu’il est raisonnable de conclure qu’un consommateur ordinaire des Produits et des Services qui n’a qu’un souvenir imparfait du Nom commercial serait susceptible de déduire, comme question de première impression à la vue de la Marque, que les Produits et Services proviennent de la même source que l’entreprise de conservation de l’Opposante ou ont été approuvés, licenciés ou parrainés par l’Opposante. J’en arrive à cette conclusion, particulièrement compte tenu du fait que la Marque et le Nom commercial sont identiques et qu’il y a un chevauchement considérable dans la nature des produits, des services, des entreprises et des commerces, en tenant compte également du fait que le Nom commercial a acquis au moins un certain caractère distinctif par son emploi dans la région de la Colombie-Britannique.

[86] Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion. Le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3) de la Loi est donc retenu.

Motif d’opposition fondé sur les articles 38(2)a) et 30e) de la Loi

[87] L’Opposante soutient que la Demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque, mais a plutôt produit la Demande [traduction] « comme moyen d’empêcher toute autre personne de produite une demande subséquente » et [traduction] « d’empêcher l’emploi par une autre partie » (para 16 et 17). À cet égard, l’Opposante allègue que l’enregistrement de la Marque [traduction] « forcerait l’Opposante à abandonner son emploi à long terme de la phrase » et la ferait [traduction] « subir des pertes, des dommages et des dépenses en conséquence » (para 16 et 17). L’Opposante allègue également que la Requérante exerce ses activités depuis [traduction] « un nombre considérable d’années » sans n’avoir jamais employé la Marque comme nom commercial (para 17).

[88] Encore une fois, je souligne qu’une partie des allégations, en particulier celles concernant les dommages, peut également s’appliquer au motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, qui sera examiné dans la prochaine section.

[89] L’article 30e) de la Loi exige dans le cas d’une marque de commerce projetée qu’une requérante déclare qu’elle a l’intention de l’employer, au Canada, elle-même et/ou par l’entremise d’un licencié. Étant donné que la Demande contient cette déclaration et qu’elle est donc conforme formellement à l’article 30e), la question est celle de savoir si la Demande est également conforme sur le fond, c’est-à-dire si la déclaration de la Requérante est vraie. La date pertinente pour l’évaluation de ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC)].

[90] Étant donné que les faits appuyant les intentions de la requérante relèvent particulièrement de la connaissance de la Requérante, le fardeau de la preuve qui incombe à une opposante en ce qui concerne un motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est relativement léger [Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 2003 CF 1287]. Malgré cela, je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve en l’espèce.

[91] Premièrement, la requérante n’est pas tenue de démontrer l’emploi de sa marque de commerce avant que sa demande n’ait été acceptée et il n’est pas tenu d’employer d’abord sa marque de commerce comme nom commercial. Par conséquent, le fait que la Requérante n’ait pas employé la Marque comme nom commercial par le passé n’est pas pertinent.

[92] Deuxièmement, le fait que la Requérante ait peut-être voulu empêcher d’autres personnes d’enregistrer ou d’employer la Marque n’empêche pas la Requérante d’avoir également une intention de bonne foi d’employer la Marque elle-même. En effet, dans la présente affaire, il est prouvé que la Requérante a déjà employé la marque de commerce quelque peu similaire CONSERVATION MATTERS, comme titre d’un document sur [traduction] « des espèces spécifiques et des questions de conservation » découlant des colloques de la Requérante (Ellis para 7) et fait la promotion en liaison avec une campagne de conservation des ours grizzlis sur le site Web de la Requérante (Murray, Pièce A71).

[93] Étant donné que l’Opposante n’a fourni ni présenté d’éléments de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30e) de la Loi est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur les articles 38(2)a) et 30i) de la Loi

[94] Enfin, l’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, comme l’exige l’article 38(2)a) de la Loi, puisque, lorsque la demande a été produite, la Requérante savait ou devait savoir [traduction] qu’« elle enfreindrait les dispositions de la Loi. Ce n’est pas l’entité qui avait le droit d’employer l’expression “Bears Matter” comme marque de commerce en liaison avec les services décrits dans la demande » (para 12).

[95] À cet égard, l’Opposante plaide en outre que la Requérante savait que l’Opposante avait employé l’expression pendant une [traduction] « longue période » relativement à sa défense du bien-être des ours ou qu’elle n’avait pas fait de demandes raisonnables quant à l’emploi par l’Opposante (para 13).

[96] L’Opposante allègue en outre que l’enregistrement de la Marque par la Requérante aurait une [traduction] « incidence directe et significative sur l’achalandage l’“entreprise” des activités de l’Opposante » et [traduction] « porterait atteinte à l’image de l’entreprise de l’Opposante »; [traduction] « diminuerait l’efficacité de la défense de l’Opposante en faveur du bien-être des ours »; et [traduction] « induirait le public en erreur en croyant que l’Opposante les avait “trahis” pour les chasseurs de trophées et ceux qui appuient leurs activités en Colombie-Britannique » (para 14).

[97] Ces allégations constituent un motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’article 30i) de la Loi, qui exige qu’une requérante soit convaincue de son droit d’employer la marque de commerce pour laquelle elle demande l’enregistrement. Bien que l’en-tête de ce motif dans la déclaration d’opposition soit [traduction] « les art. 38(2)a) et 30h) », il est clair que l’article 30h) de la Loi, qui traite des marques figuratives, ne s’applique pas à la Demande, qui vise une marque nominale. Je suis donc disposée à accepter le renvoi à l’article 30h) comme une erreur typographique qui n’a pas d’incidence sur la validité du motif fondé sur l’article 30i) de l’Opposante.

[98] Comme je l’ai mentionné dans mon résumé des deux autres motifs, ils contiennent certaines allégations plus précises à l’égard des intentions de la Requérante et de l’effet que l’enregistrement de la Marque aurait sur l’Opposante. Étant donné qu’il existe, sur le plan conceptuel, un lien entre le droit à l’enregistrement, la satisfaction du droit à l’emploi et l’intention d’emploi, je suis disposée à accepter que ces allégations s’appliquent aussi implicitement au présent motif. Toutefois, même si je n’ai pas tenu compte de ces allégations supplémentaires dans l’interprétation du motif fondé sur l’article 30i), cela n’aurait pas d’incidence sur ma décision finale à l’égard de ce motif.

[99] L’article 30i) exige qu’une requérante se déclare convaincue qu’elle a droit d’employer sa marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et les services décrits dans la demande. La simple connaissance d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion n’empêche pas un requérant d’être convaincu qu’il a droit d’employer la marque qu’il souhaite enregistrer en liaison avec les produits et services dans la demande [voir Woot Inc c WootRestaurants Inc / Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197]. Par conséquent, alors que, comme en l’espèce, la déclaration requise est incluse dans la demande, un opposant peut seulement invoquer l’article 30i) dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou de fraude ou lorsqu’il pourrait soutenir que la loi fédérale empêche l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); et Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)].

[100] J’aimerais d’abord souligner que, même si l’Opposante allègue que l’enregistrement de la Marque induirait le public en erreur et porterait atteinte à l’achalandage de l’Opposante, il n’est pas clair comment ou même si l’Opposante pouvait se fier aux articles 7 ou 22 de la Loi, en ce qui a trait à la substitution et à la dépréciation de l’achalandage, respectivement. Je note également que la déclaration d’opposition ne fait pas valoir les droits sur les marques de commerce, alors que l’application de l’article 22 exige une marque de commerce déposée et que selon la jurisprudence, le recours à l’article 7 exige également une marque de commerce [voir Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, 2003 CAF 297, conf. par 2005 CSC 65]. Je conclus donc que le motif d’opposition prévu à l’article 30i) se limite aux allégations de mauvaise foi.

[101] Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient que la défense de la Requérante à l’appui de la chasse au trophée des ours est diamétralement opposée aux objectifs de conservation de l’ours et de réhabilitation des ours de l’Opposante et qu’il n’y a aucune preuve que la Requérante a produit la Demande ou qu’elle a l’intention d’employer la Marque de bonne foi plutôt que de confondre le public et de causer du tort et du préjudice à l’Opposante (para 23).

[102] Dans son affidavit, l’Opposante déclare que Bears Matter s’est montrée très active dans son opposition à la chasse au trophée des grizzlis en 2014, de sorte qu’il serait difficile de croire que la Requérante ne le saurait pas (para 77). Elle cite également le passage suivant d’un communiqué de presse publié par la Requérante le 30 janvier 2012 (para 84, Pièce A72) :

[traduction]
Le mouvement anti-chasse a été uni et bien financé, rejoignant avec succès les 70 % au milieu avec leur message émotionnel fort… Si nous, en tant que chasseurs, ne relayons pas et n’améliorons pas l’héritage du chasseur conservationniste, quelqu’un d’autre formulera une vision pour la gestion de la faune.

[103] De plus, par l’entremise des Affidavits à l’appui, l’Opposante fournit la preuve d’une réputation et d’achalandage dans le Nom commercial qui pourraient être endommagés si la Requérante devait enregistrer la Marque. En particulier, Karen McKee, la propriétaire de Warm Buddy Company, indique que l’association de sa société avec Bears Matter offre une [traduction] « valeur ajoutée au moment de l’achat de nos produits d’ours », mais affirme que si la Demande devait être retenue, [traduction] « nous devrions redéfinir nos produits d’ours et œuvrer à faciliter tous les liens avec le nom “Bears Matter” », étant donné que Warm Buddy « favorise le bien-être des êtres humains et des créatures, en particulier les ours, et non la poursuite de les tuer, en particulier pour trophée et sport » (para 7).

[104] M. Ellis déclare dans son affidavit, au nom de la Requérante, que la Demande a été produite après [traduction] « une recherche approfondie pour déterminer s’il y avait une marque de commerce existante pour “Bears Matter” ou s’il y avait une demande en instance pour la marque de commerce “Bears Matter” » (para 4). Toutefois, je note que son affidavit est muet en ce qui a trait aux recherches de dénominations commerciales existantes en Colombie-Britannique ou de quelque autre façon avant la production de la Demande.

[105] De toute façon, comme il est indiqué ci-dessus, la simple connaissance d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion n’empêche pas nécessairement un requérant d’être convaincu qu’il a droit d’employer la marque. C’est à l’opposante que revient le fardeau initial de produire une preuve de la mauvaise foi de la requérante, et je ne considère pas qu’une différence dans les approches respectives des parties en matière de conservation – ou même un désir de voir son approche l’emporter – soit suffisante à cet égard. Cette décision se fonde sur l’emploi antérieur et la probabilité de confusion et non sur la relation potentiellement antagoniste entre les parties.

[106] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve pour le motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’article 30i) de la Loi, qui est par conséquent également rejeté.

Décision

[107] Compte de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis

 

 

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-08-17

COMPARUTIONS

Aucune comparution

POUR L’OPPOSANTE

Brenda Gibson

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

POUR L’OPPOSANTE

Aucun agent nommé

POUR LA REQUÉRANTE

 

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