Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 70

Date de décision : 2021-04-13

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Allmax Nutrition Inc.

 

Opposante

et

 

Razer (Asia-Pacific) Pte. Ltd.

Requérante

 

1,778,869 pour RAZER

Demande

Introduction

[1] Allmax Nutrition Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce RAZER (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,778,869 (la Demande) produite par Razer (Asia-Pacific) Pte. Ltd. (la Requérante) sur la base de l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits), tels que révisés par la Requérante :

Boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses non alcoolisées, boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits, boissons non alcoolisées aromatisées au thé, boissons aux fruits non alcoolisées, boissons non alcoolisées à base de miel et boissons non alcoolisées aromatisées au café; eaux minérales; sirops, essences, concentrés et poudres pour faire des boissons énergisantes ainsi que des boissons, des jus de fruits et des boissons gazeuses non alcoolisés; boissons énergisantes, gazéifiées ou non; jus de fruits, concentrés de fruits pour la préparation de boissons gazéifiées ou non.

[2] La principale question en l’espèce est de savoir s’il y aurait une probabilité de confusion entre la Marque en liaison avec les Produits et la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante, enregistrée en liaison avec les produits « Supplément alimentaire contenant de la caféine pour la perte de poids ».

[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[4] La Demande a été produite le 22 avril 2016 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 novembre 2017.

[5] Le 14 février 2018, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Tous les renvois dans la présente décision sont faits à la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des renvois faits aux motifs d’opposition, qui renvoient à la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6] Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent être résumés comme suit :

a) la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits puisque la Requérante devait être au courant de l’emploi antérieur par l’Opposante de la marque de commerce RAZOR8, qui fait l’objet de l’enregistrement de marque de commerce canadien no LMC795,628, en liaison avec les produits « Supplément alimentaire contenant de la caféine pour la perte de poids »;

b) la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce susmentionnée RAZOR8 de l’Opposante;

c) la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée pour distinguer les Produits de la Requérante de ceux de l’Opposante.

[7] Le 25 avril 2018, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chaque motif d’opposition invoqué dans la déclaration d’opposition.

[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son président, Michael Kichuk, souscrit le 20 août 2018 (l’affidavit Kichuk). À l’appui de sa Demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Elaine Tan, directrice des services juridiques de la Requérante, souscrit le 19 décembre 2018 (l’affidavit Tan), et l’affidavit de Marianne Crozier, parajuriste en marques de commerce au service des agents de la Requérante, souscrit le 18 décembre 2018 (l’affidavit Crozier).

[9] Aucun des déposants des parties n’a été contre-interrogé au sujet de leurs affidavits.

[10] Les deux parties ont déposé des observations écrites. Aucune audience n’a été demandée.

Analyse

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[11] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chaque motif d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Aperçu de la preuve

La preuve de l’Opposante

[12] L’affidavit Kichuk est très bref et ne comprend que trois paragraphes de fond, dans lesquels M. Kichuk déclare ce qui suit :

· l’Opposante [traduction] « emploie la [m]arque de commerce RAZOR8 au Canada depuis au moins aussi tôt que mars 2005 en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement [de sa marque de commerce susmentionnée] » [para 2; Pièce A : [traduction] « images [non claires] de bouteilles arborant la [m]arque de commerce RAZOR8 employée sur les produits »];

· [traduction] « les ventes annuelles au Canada de produits vendus en liaison avec la [m]arque de commerce RAZOR8 » pour les années 2015 à 2017 ont totalisé, respectivement, 540 849,96 $, 400 610,67 $ et 328 999,82 $ [para 3; Pièces B et C : [traduction] « détails des ventes annuelles des produits pour ces années et exemples de factures pour chacune des années 2015, 2016 et 2017, respectivement »];

· les [traduction] « produits [de l’Opposante] ont été annoncés au moyen de la [m]arque de commerce RAZOR8 depuis au moins aussi tôt que mars 2005 » [para 4; Pièce D : [traduction] « copies de [trois] annonces [non datées] faites dans Muscle Insider et Inside Fitnesss », dont la nature et la zone géographique de diffusion sont inconnues].

[13] Après avoir examiné les pièces jointes à l’affidavit Kichuk, je remarque qu’elles semblent toutes porter sur un produit arborant la marque de commerce RAZOR8 et portant le nom « Allmax Razor8 Blast Powder », un « Hautement concentré de pré-entraînement stimulant ». Je reviendrai sur ce point.

La preuve de la Requérante

L’affidavit Tan

[14] L’affidavit Tan fournit des renseignements généraux sur l’historique et les activités de la Requérante. Plus précisément, Mme Tan affirme ce qui suit :

· La Requérante est une entreprise mondiale de style de vie axée sur la pratique des jeux vidéo qui possèdent deux sièges sociaux à Singapour et à San Francisco. Fondée en 2005, la Requérante a élargi ses offres de produits, allant du matériel de pratique des jeux vidéo à toute une série de solutions et de services de logiciels de divertissement et de pratique des jeux vidéo, et elle a réalisé des activités dans 43 juridictions à l’échelle mondiale, y compris au Canada. La Requérante est maintenant l’une des principales marques de pratique des jeux vidéo dans le monde et a remporté de nombreux prix internationaux [para 3, 4, 6 et 7; Pièce A].

· La Requérante fait abondamment de la publicité dans les médias numériques, ainsi que sur des sites Web et dans magazines de jeux vidéo et de technologie, ainsi qu’en parrainant des événements et en faisant des présentations lors de conventions internationales [para 8 et 9; Pièce C]. La Requérante est également un grand défenseur du sport électronique [para 10].

· La vision de la Requérante est de créer et de développer des produits qui peuvent être demandés par la communauté des jeux vidéo. Pour promouvoir cette vision, la Requérante a progressivement ajouté à ses gammes de produits des produits de style de vie comme des vêtements, des lunettes, des sacs, des téléphones intelligents, des montres intelligentes et des moniteurs d’activité physique. La Requérante considère que l’ajout de boissons à sa gamme de produits constitue une mesure stratégique visant à renforcer davantage sa position en tant que principale marque de style de vie axé sur la pratique des jeux vidéo [para 5 et 7 et 12; Pièce B].

· la Requérante a l’intention de vendre les Produits par l’entremise de sa boutique en ligne et de revendeurs de produits électroniques autorisés par la Requérante, ainsi que lors de foires électroniques, et de tournois et d’événements de sport électronique [para 13].

L’affidavit Crozier

[15] L’affidavit Crozier vise à présenter en preuve les résultats de diverses recherches sur Internet, dont la majorité concernait la façon dont le produit RAZOR8 de l’Opposante est commercialisé en tant que « stimulant préentraînement » plutôt qu’en tant que supplément alimentaire « pour la perte de poids », tel que décrit dans l’enregistrement de sa marque de commerce susmentionné, à savoir :

· des imprimés de pages sélectionnées du catalogue de produits de l’Opposante et du site Web www.allmaxnutrition.com [para 4; Pièces B, C, D et E];

· des imprimées des sites Web des 22 détaillants canadiens de produits nutritionnels, tels qu’ils sont nommés dans les captures d’écran du site Web de l’Opposante qui se trouvent dans la Pièce E [Pièce F], et des captures d’écran des sites Web de trois grandes chaînes d’épicerie canadiennes qui présentent les résultats d’une recherche de produits correspondant à « energy drinks » [boissons énergisantes] [Pièce H];

· des images du produit RAZOR8 obtenues sur Internet à l’aide du moteur de recherche Google [Pièce G];

· des copies des enregistrements de marques de commerce correspondants obtenus par chaque partie dans des juridictions étrangères, à savoir : une copie du certificat d’enregistrement de la Marque délivré par le United States Patent and Trademark Office (USPTO), ainsi qu’un imprimé obtenu à partir de la base de données en ligne tenue à jour par l’USPTO montrant l’historique du traitement de cette demande [Pièce I]; un imprimé obtenu à partir de la base de données en ligne tenue à jour par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) concernant la Marque [Pièce J]; un imprimé obtenu à partir de la base de données en ligne tenue à jour par l’USPTO concernant la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante [Pièce K]; et un imprimé obtenu à partir de la base de données en ligne tenue à jour par l’EUIPO concernant la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante [Pièce L].

Motif d’opposition rejeté sommairement

Non-conformité de la Demande à l’article 30i) de la Loi

[16] L’article 30i) de la Loi exige simplement qu’un requérant inclue dans sa demande une déclaration portant qu’il est convaincu d’avoir droit à l’enregistrement de sa marque de commerce. Lorsque le requérant a fourni cette déclaration, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. La simple connaissance de l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne peut pas en soi servir de fondement à une allégation portant que le requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir droit d’employer sa marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197]. La Demande d’enregistrement de la Marque contient la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, et il n’y a aucune preuve que la présente espèce constitue un cas exceptionnel.

Autres motifs d’opposition

Non-enregistrabilité de la Marque vertu de l’article 12(1)d) de la Loi

[17] À titre préliminaire, je remarque que, dans ses observations écrites, la Requérante est d’avis que le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) devrait être rejeté parce qu’il a été plaidé de façon inappropriée.

[18] La Requérante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Bien que la [marque de commerce RAZOR8] de l’Opposante soit enregistrée, la portée de l’enregistrement ne couvre pas la portée de la [m]arque de l’Opposante telle qu’employée en liaison avec le commerce. Par conséquent, les droits de l’Opposante à l’égard de la [m]arque de l’Opposante ne sont pas protégés par un enregistrement, ce qui rend le motif d’opposition fondé sur l’[article] 12(1)d) inapplicable.

[19] Plus précisément, la Requérante soutient que l’enregistrement de la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante vise le produit très spécifique « Supplément alimentaire contenant de la caféine pour la perte de poids », alors que l’ensemble de la preuve au dossier indique sans équivoque que le produit en liaison avec lequel la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante est employée est celui d’un stimulant préentraînement favorisant la concentration mentale, l’énergie et la croissance musculaire pendant la routine d’entraînement.

[20] La Requérante comprend que la procédure d’opposition n’est pas le recours approprié pour déterminer la validité de l’enregistrement de la marque de commerce de l’Opposante. Toutefois, elle soutient que, puisque l’enregistrement no LMC795,628 constitue le fondement du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), la capacité de l’Opposante à s’appuyer sur des droits enregistrés est de la plus haute importance et devrait être évaluée de façon approfondie dans la présente instance.

[21] Quoi qu’il en soit, la Requérante soutient que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante.

Capacité de l’Opposante à s’appuyer sur l’enregistrement no LMC795,628

[22] Premièrement, je remarque que, comme le reconnaît à juste titre la Requérante dans ses observations écrites, la procédure d’opposition n’est pas le forum approprié pour contester la validité d’une marque de commerce déposée invoquée par un opposant à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi [voir Magill c Taco Bell Corp (1990), 31 CPR (3d) 221 (COMC)].

[23] Deuxièmement, le fardeau de preuve initial d’un opposant à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est satisfait si l’enregistrement invoqué dans la déclaration d’opposition est en règle à la date de la décision. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’un opposant démontre l’emploi de la marque de commerce déposée invoquée. À cet égard, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de l’enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. En l’espèce, j’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et confirmé que l’enregistrement no LMC795,628 de l’Opposante pour emploi en liaison avec les produits « Supplément alimentaire contenant de la caféine pour la perte de poids » est en règle. Ainsi, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition.

[24] Troisièmement, je remarque que, dans ses observations écrites, la Requérante renvoie à une procédure de radiation en vertu de l’article 45 à l’encontre de l’enregistrement susmentionné de l’Opposante, qui était en instance au moment du dépôt des observations écrites de la Requérante. Le registraire a depuis rendu une décision par laquelle l’enregistrement a été maintenu [voir Palmer IP Inc c Allmax Nutrition Inc, 2020 COMC 109]. Dans cette décision, le registraire a discuté de l’argument présenté par la partie requérante dans cette instance selon lequel l’emploi de la marque de commerce RAZOR8 qui a été démontrée par l’Opposante en tant que propriétaire de l’enregistrement de ladite marque de commerce n’était pas en liaison avec un supplément alimentaire pour la perte de poids, mais plutôt avec un stimulant préentraînement favorisant la concentration mentale, l’énergie et la croissance musculaire. En rejetant l’argument de la partie requérante, le registraire a écrit ce qui suit au paragraphe 16 :

Il est un principe bien établi que, lorsque l’on interprète un état déclaratif des produits ou services dans une procédure en vertu de l’article 45, il faut se garder « d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé » [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, au para 17]. À cet égard, je remarque que le produit de la Propriétaire est annoncé comme un stimulant à utiliser avant un entraînement, qu’il contient des ingrédients actifs qui favorisent la perte de poids et que le site Web de la Propriétaire promeut la capacité du produit à [traduction] « oxyd[er] […] [l]es graisses ». Étant donné la portée limitée de la procédure en vertu de l’article 45, je suis convaincu que le produit de la Propriétaire fait partie des produits visés par l’enregistrement.

[25] De même, en l’espèce, je remarque que le produit de l’Opposante est annoncé comme un stimulant préentraînement qui [traduction] « augmente la production d’ATP [adénosine triphosphate], soutient l’entraînement à haute intensité et réduit la fatigue musculaire, tout en brûlant les graisses grâce à une oxydation accrue des graisses », que les ingrédients du produit comprennent de la caféine et que M. Kichuk identifie le produit de supplément préentraînement comme étant le produit visé par l’enregistrement [affidavit Crozier, Pièce C; affidavit Kichuk, Pièces A et D].

[26] Je passe donc à l’examen du critère en matière de confusion.

Critère en matière de confusion

[27] Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[28] Ainsi, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion entre les produits ou les services d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question est essentiellement de savoir si un consommateur qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante, qui voit les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque, penserait que les Produits proviennent de l’Opposante, ou sont en quelque sorte parrainés, autorisés ou approuvés par l’Opposante.

[29] En appliquant le critère en matière de confusion, le registraire doit tenir compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énoncées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et variera en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le critère en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[30] Les marques de commerce des deux parties comportent toutes un caractère distinctif inhérent, bien que sans doute moins en ce qui a trait à la marque de commerce de l’Opposante, étant donné le caractère descriptif du mot « RAZOR » [rasoir] dans le contexte du produit de l’Opposante, qui renvoie à la [traduction] « concentration mentale tranchante comme une lame de rasoir », comme promis par le produit de l’Opposante [affidavit Crozier, Pièces B et C, qui présentent les quatre caractéristiques du stimulant préentraînement de l’Opposante, à savoir : [traduction] « force explosive », [traduction] « concentration mentale tranchante comme une lame de rasoir », [traduction] « pompe et vascularisation » et [traduction] « endurance »]. Je reviendrai sur ce point au moment d’examiner le degré de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[31] Il est possible de renforcer le caractère distinctif d’une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue par sa promotion ou son emploi.

[32] Rien n’indique que la Marque de la Requérante a été employée ou est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les Produits.

[33] En ce qui concerne la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante, et compte tenu de mes commentaires ci-dessus au sujet de la portée de l’enregistrement de l’Opposante, je suis convaincue que l’affidavit Kichuk établit l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au Canada au cours des années 2015 à 2017. Bien que le volume des ventes de l’Opposante n’ait pas été ventilé par province, je remarque qu’il n’a jamais été inférieur à 325 000,00 $ au cours des trois années et que cette preuve est étayée par des factures montrant des ventes de la « Blast Powder » RAZOR8 de l’Opposante à des détaillants dans les provinces de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, du Québec et de la Nouvelle-Écosse. Cet emploi renforce donc le caractère distinctif de la marque de commerce RAZOR8 et tend à l’emporter sur le degré quelque peu plus élevé de caractère distinctif inhérent de la Marque.

[34] Par conséquent, la prise en compte générale de ce facteur favorise légèrement l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[35] Bien que l’affidavit Kichuk n’établisse pas l’emploi continu de la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante depuis la date de premier emploi du 23 mars 2005 qui est revendiquée dans l’enregistrement de l’Opposante, la preuve indique que la marque de commerce de l’Opposante a été employée au Canada au moins au cours des dernières années.

[36] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Le genre des produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[37] Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des Produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits figurant dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Toutefois, ces états déclaratifs doivent être lus de manière à déterminer le genre probable d’entreprise ou la nature probable du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles pouvant être visés par le libellé. Une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

Le genre des produits et des entreprises

[38] Dans ses observations écrites, l’Opposante fait remarquer que son supplément alimentaire est vendu sous forme de poudre en tant que préparation pour boissons. Plus précisément, elle soutient que les préparations pour boissons en poudre de l’Opposante sont disponibles en quatre saveurs et contiennent de la caféine, ainsi que d’autres ingrédients comme de l’hordénine HCL et du yerba maté.

[39] L’Opposante soutient que les Produits de la Requérante sont principalement des boissons non alcoolisées et comprennent des « boissons énergisantes » et des « sirops, essences, concentrés et poudres pour faire des boissons énergisantes […] et des boissons gazeuses non alcoolisés [sic] ». L’Opposante soutient qu’il est généralement connu que les boissons énergisantes procurent au consommateur une énergie accrue, habituellement par la consommation de caféine, un ingrédient largement utilisé comme stimulant dans les boissons énergisantes.

[40] Par conséquent, l’Opposante soutient que ses produits et les Produits de la Requérante se chevauchent ou sont étroitement liés.

[41] L’Opposante soutient en outre que la déclaration dans l’affidavit Tan selon laquelle [traduction] « la clientèle ciblée par la Requérante pour les produits revendiqués comprend les joueurs, en particulier les jeunes et les milléniaux » n’est pas compatible avec les déclarations dans le même affidavit qui assimilent les joueurs à des [traduction] « athlètes » et confirment les efforts déployés par la Requérante pour inclure le sport électronique dans des événements sportifs traditionnels comme les Jeux de l’Asie du Sud-Est et les Jeux olympiques [affidavit Tan, aux para 5, 10 et 12].

[42] En revanche, la Requérante soutient que la Marque doit être employée en liaison avec des boissons quotidiennes comme des jus de fruits, des boissons à base de thé et de l’eau, dont la nature est très différente de celle des suppléments pour la perte de poids. La Requérante soutient que, même si la Demande vise des boissons énergisantes, ainsi que des sirops, des essences, des concentrés et des poudres pour faire des boissons énergisantes, la nature des boissons énergisantes est fondamentalement différente de celle de suppléments pour la perte de poids.

[43] Plus précisément, la Requérante soutient que les suppléments pour la perte de poids sont consommés à des fins très particulières, comme le décrit leur nom. Ils sont demandés et achetés par des clients pour atteindre ce but. Bien que la plupart des boissons énergisantes contiennent de la caféine, la caféine contenue dans les boissons énergisantes sert à favoriser l’énergie (comme le suggère le nom « boissons énergisantes »), et non la perte de poids. La Requérante doute fortement qu’une personne raisonnable consommerait des boissons énergisantes ou s’attendrait à ce que la consommation de boissons énergisantes facilite ou permette la perte de poids; affirmer qu’il est probable que les clients consomment des boissons énergisantes afin de perdre du poids équivaut à affirmer que les clients croient que boire du café pourrait les aider à perdre du poids, ce qui est complètement absurde et faux.

[44] La Requérante soutient en outre qu’il n’est pas pertinent de savoir si le sport électronique est un événement sportif traditionnel ou non parce que le sport électronique n’exige pas que ses athlètes (ou les joueurs en général) perdent du poids pour jouer ou réussir dans le sport. Le sport électronique exige, entre autres, de la précision, une habileté, un temps de réaction exceptionnellement rapide, et une capacité à prendre des décisions et à se rappeler de modèles; rester mince n’est absolument pas pertinent. Les athlètes du sport électronique ont besoin d’énergie, mais pas d’un corps mince, pour réussir. Par conséquent, la Requérante soutient qu’il est très peu probable que les athlètes du sport électronique, lorsqu’ils voient des produits visés par l’enregistrement de l’Opposante, croient que les suppléments pour la perte de poids offerts sous la marque de l’Opposante aideraient à améliorer les compétences requises pour pratiquer le sport électronique, et que les consommateurs qui souhaitent perdre du poids ne croient pas que les boissons énergisantes offertes sous la Marque les aideraient à perdre du poids. La signification du maintien de la forme exigée par le sport électronique n’a rien à voir avec le poids.

[45] Enfin, la Requérante soutient que, comme en fait foi l’affidavit Tan, elle a toujours eu l’intention d’offrir une expérience de jeu immersive, de sorte que la Marque deviendrait une marque de style de vie. L’expansion des périphériques de jeux vidéo à, notamment, des logiciels, des téléphones portables, des moniteurs d’activité physique et des vêtements fait partie du processus. La Requérante envisage que les joueurs consommeront leurs boissons de marque pendant qu’ils jouent à des jeux vidéo, afin de rendre leur expérience plus immersive.

[46] Je suis généralement d’accord avec les observations de la Requérante. À cet égard, je remarque en outre que le fait que le produit RAZOR8 de l’Opposante soit annoncé et commercialisé en tant que « Hautement concentré de préentraînement stimulant » ne rend pas les produits des parties plus similaires, puisque la preuve montre que le produit de l’Opposante est de nature spécialisée et [traduction] « n’est pas tout le monde », mais vise plutôt à aider les culturistes à [traduction] « gonfler les cellules » et à [traduction] « accroître leurs muscles » [affidavit Kichuk, Pièce D; affidavit Crozier, Pièce C].

La nature du commerce

[47] L’Opposante maintient que pour établir la probabilité de confusion, il n’est pas nécessaire de prouver que les produits liés aux marques de parties sont réellement effectivement vendus au même endroit, dans la mesure où les parties en ont le droit.

[48] L’Opposante soutient qu’il n’y a aucune restriction quant aux voies de commercialisation par lesquels le produit RAZOR8 de l’Opposante peut être vendu au Canada et que, par conséquent, le produit de l’Opposante peut être vendu de n’importe quelle façon à des points de vente au détail, en gros et en ligne, y compris des épiceries. De plus, l’Opposante soutient que les factures qu’elle a présentées montrent des ventes réelles du produit RAZOR8 de l’Opposante [traduction] « dans une grande variété de points de vente au détail, y compris des magasins Canex (c’est-à-dire des magasins qui vendent toutes sortes de produits de consommation, y compris de l’équipement électronique et de jeux vidéo, au personnel militaire canadien) » [affidavit Kichuk, Pièces Bet C].

[49] L’Opposante soutient que, de même, la description des produits visés par la Demande ne comprend aucune restriction quant aux voies de commercialisation, et malgré l’intention déclarée de la Requérante de vendre les Produits par l’entremise de son magasin en ligne et de distributeurs au détail autorisés de produits RAZER, qui, selon la Requérante, sont tous des distributeurs de produits électroniques et informatiques, la preuve de la Requérante démontre que les « boissons énergétiques » sont habituellement vendues par l’entremise des chaînes d’épicerie au détail [affidavit Crozier, para 4 et Pièce H].

[50] L’Opposante soutient que, étant donné les voies de commercialisation réelles et potentielles par lesquelles les produits de l’Opposante peuvent être vendus, l’absence de toute restriction quant aux voies de commercialisation par lesquelles les Produits peuvent être vendus, la preuve de la Requérante qui montre des ventes de boissons énergisantes par l’entremise des chaînes de magasins de détail et les déclarations faites sous serment concernant les efforts de la Requérante pour inclure les compétitions de jeux vidéo à des événements sportifs traditionnels [affidavit Tan, para 10 et 13], il existe une forte probabilité de chevauchement dans les voies de commercialisation de chaque partie.

[51] En revanche, la Requérante soutient que, qu’ils soient considérés comme des produits pour la perte de poids ou des stimulants préentraînement, les produits de l’Opposante ne se trouvent pas dans des épiceries générales, mais dans des magasins spécialisés de suppléments nutritionnels ou de santé, comme le montrent les 22 détaillants canadiens énumérés sur le site Web de l’Opposante [affidavit Crozier, Pièce E]. La Requérante souligne que les factures reflétant les voies réelles de l’Opposante appuient cette observation [affidavit Kichuk, Pièce C]. En réponse à l’argument de l’Opposante concernant un magasin appelé « Canex », la Requérante soutient que : i) la preuve de l’Opposante ne contient aucun renseignement sur ce magasin qui permettrait au registraire de déterminer sa nature; ii) le volume des ventes de l’Opposante de produits arborant sa marque de commerce RAZOR8 à ce magasin Canex est minime, avec seulement 11 unités vendues selon toutes les factures, pour une valeur de vente totale de 300 $; iii) même en présumant que ce magasin Canex vend effectivement des produits de consommation (ce que la Requérante ignore en raison du manque de renseignements, et ce qu’elle, sur cette base, refuse expressément), l’Opposante a mentionné que le magasin cible le personnel militaire. La Requérante soutient que l’armée canadienne est hautement formée et spécialisée, et qu’elle ne devrait pas être considérée comme des consommateurs ordinaires qui pourraient plus facilement être portés à penser que les boissons énergisantes sont la même chose que les produits pour la perte de poids ou les stimulants préentraînement (bien que cela soit improbable).

[52] La Requérante soutient en outre que les captures d’écran des sites Web des 22 détaillants canadiens ne montrent pas qu’aucun n’offre des boissons énergisantes [affidavit Crozier, Pièce F], et l’Opposante ne démontre pas qu’un de ces détaillants en offre autrement.

[53] La Requérante soutient qu’elle a l’intention de vendre ses Produits par l’entremise de sa boutique en ligne et de revendeurs autorisés de ses produits de jeu, ainsi que lors de foires électroniques, et de tournois ou d’événements de sport électronique [affidavit Tan, para 13]. La Requérante soutient que, même en l’absence de renseignements concernant la voie de commercialisation prévue de la Requérante, l’expérience quotidienne nous informe que les boissons énergisantes sont généralement offertes dans des épiceries générales [affidavit Crozier, Pièce G], des stations-service, des dépanneurs, ou même dans des aires de restauration et des restaurants, et non dans des magasins de suppléments spécialisés.

[54] Enfin, la Requérante soutient que, bien que l’enregistrement de la marque de commerce de l’Opposante ne restreigne pas les voies de commercialisation, la preuve du commerce réel indique clairement que le produit RAZOR8 de l’Opposante est vendu uniquement par des voies spécifiques et différentes. En présumant que la date de premier emploi revendiquée de la marque de commerce de l’Opposante est véridique (ce que la Requérante ignore en raison du manque de renseignements, et ce qu’elle, sur cette base, refuse expressément), l’emploi de longue date depuis 15 ans donne à penser qu’il est peu probable que les voies de commercialisation changent à l’avenir.

[55] Compte tenu de ce qui précède, la Requérante soutient que les produits des deux parties emprunteront des voies distinctes qui ne se chevauchent pas.

[56] Je suis généralement d’accord avec les observations de la Requérante.

[57] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que l’évaluation globale des troisième et quatrième facteurs du paragraphe 6(5) favorise la Requérante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[58] Comme l’a fait remarquer la Cour suprême dans Masterpiece, précité, au para 49, « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au [paragraphe] 6(5) […], si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[59] En outre, comme je l’ai déjà mentionné, il est bien établi dans la jurisprudence qu’une probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Je dois également tenir compte du fait que la première partie d’une marque de commerce est souvent considérée comme la plus importante pour établir son caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)].

[60] En appliquant ces principes à la présente affaire, je conclus que les marques de commerce des parties ont un peu plus différentes que similaires en ce qui a trait à la question de la première impression.

[61] Dans son ensemble, la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante ne me semble pas avoir une seule caractéristique dominante par rapport à la Marque. Les deux composants de la marque de l’Opposante, c’est-à-dire le mot du dictionnaire RAZOR et le nombre 8, sont tous deux assez dominants. Bien que je reconnaisse que les nombres en soi présentent généralement un faible niveau de caractère distinctif inhérent et que le nombre 8 dans la Marque de commerce de l’Opposante n’apparaît pas dans la première partie de la marque, il demeure néanmoins un composant essentiel de la marque et ne peut être dissocié du composant RAZOR. Les deux composants forment une marque de commerce unitaire. Par conséquent, lorsque la marque de commerce de l’Opposante est prononcée, on entend RAZOR-EIGHT. Le nombre 8 est impossible à déprécier ou, autrement, à rendre inaudible. Étant donné qu’il s’agit d’une courte marque, il n’y a pas non plus de raison de croire que des consommateurs rateraient le nombre 8 à la fin de la marque de commerce de l’Opposante. En voyant la marque de commerce RAZOR8 de l’Opposante, les consommateurs seraient perplexes quant à sa signification dans la marque. Sur le plan conceptuel, la marque de commerce de l’Opposante renvoie à une concentration mentale tranchante comme une lame de rasoir, en combinaison avec le nombre 8, dont la signification n’est pas connue.

[62] La Marque de la Requérante consiste en un seul mot inventé, sans caractéristique frappante ou dominante. Sur le plan conceptuel, je suis d’accord avec la Requérante que l’on pourrait penser que RAZER renvoie à une personne ou à un objet qui rase (c’est-à-dire déchire, démolit ou détruit). Cette compréhension est sans doute appropriée, puisque raser est une activité assez fréquente dans la pratique des jeux vidéo. À cet égard, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’argument de l’Opposante selon lequel la Marque [traduction] « n’est qu’une simple erreur d’orthographe dans le mot RAZOR » et que [traduction] « l’adoption par la Requérante d’autres marques comme Razer Switchblade et Razer Blade Stealth [en liaison avec des ordinateurs portables et des logiciels] démontre clairement que la marque de la Requérante est destinée à ressembler et à suggérer la même idée que le mot RAZER » n’est pas convaincant.

Les circonstances de l’espèce
Coexistence des marques des parties

[63] Selon les Pièces I à L de l’affidavit Crozier, les marques des parties coexistent déjà dans les registres de l’USPTO et de l’EUIPO.

[64] Toutefois, ce fait n’est pas contraignant pour le registraire. Il convient de renvoyer à l’observation suivante du registraire dans Quantum Instruments Inc c Elinca SA (1995), 60 CPR (3d) 264 :

[traduction]

Comme autre circonstance de l’espèce concernant la question de la confusion, le requérant a produit une preuve établissant que des enregistrements ont été obtenus par les deux parties en Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique à l’égard des marques de commerce QUANTA et QUANTUM. Toutefois, ainsi qu’il a été souligné […] dans [Re Haw Par] […], on ne peut guère tirer de conclusions du fait que les marques de commerce en cause coexistent dans d’autres juridictions […] le registraire doit fonder [la] décision sur les normes canadiennes, en tenant compte de la situation qui prévaut au Canada. De plus, dans [Sun-Maid] […], [la Cour] a fait observer qu’« on ne peut attacher d’importance à l’omission de s’opposer à des enregistrements dans d’autres juridictions puisque de telles actions sont, nécessairement, entièrement fondées sur le droit et la procédure qui prévalent à l’étranger ». En outre, bien que le requérant ait invoqué la preuve de la coexistence des marques de commerce en cause aux registres de la Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique, aucune preuve de la coexistence des marques de commerce en cause sur le marché de l’un ou l’autre de ces pays n’a été présentée […] Par conséquent, cette preuve ne m’apparaît pas convaincante en l’espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[65] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans Dion Neckwear, précité, à la page 163, « il n’est pas nécessaire qu[e le registraire] soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve “hors de tout doute” s’appliquait, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu’en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. »

[66] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau à l’égard de ce motif d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des produits des parties. En effet, je conclus que les différences qui existent entre les marques de commerce des parties, combinées aux différences qui existent dans la nature exacte de leurs produits liés et leurs voies de commercialisation correspondantes, sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion.

[67] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi

[68] Afin de s’acquitter du fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition (à savoir le 14 février 2018), la marque de commerce qu’elle a invoquée avait une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les suppléments alimentaires allégués de manière à annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[69] À mon avis, la preuve de l’Opposante concernant son emploi de la marque de commerce RAZOR8 en liaison avec son stimulant préentraînement dont il a été question ci-dessus en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est suffisante pour s’acquitter du fardeau de l’Opposante à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 2. Cela dit, la différence dans les dates pertinentes n’a aucune incidence sur mon analyse ci-dessus du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Étant donné que le motif d’opposition fondé sur l’article 2 n’est pas plus solide que le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), il est également rejeté.

Décision

[70] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Cassan Maclean IP Agency Inc.

Pour l’Opposante

Vanguard Intellectual Property LLP

Pour la Requérante

 

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