Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

OPIC

Logo de l'OPIC / CIPO Logo

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 83

Date de la décision : 2021-04-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Henri Simon (Simon & Associés)

Partie requérante

et

 

RIU HOTELS, S.A.

Propriétaire inscrite

 

LMC506,625 pour RIU & DESSIN

Enregistrement

[1] La présente décision comprend une procédure de radiation sommaire à l’égard de l’enregistrement no LMC506,625 pour la marque de commerce RIU & DESSIN, reproduite ci‑dessous (la Marque), détenue par RIU HOTELS, S.A (la Propriétaire) :

[2] La Marque se compose du tracé d’une couronne stylisée au-dessus d’un rectangle foncé contenant le mot RIU en lettres-blocs. Elle est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants :

(1) Services de réservations d’hôtel.

(2) Services d’hôtel et de restaurant.

[3] Le 18 juillet 2017, à la demande d’Henri Simon (Simon et Associés) (la Partie requérante), le registraire des marques a envoyé à la Propriétaire un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). L’avis exigeait que la Propriétaire fournisse des éléments de preuve démontrant que la Marque était employée au Canada, en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement, à un moment quelconque entre le 18 juillet 2014 et le 18 juillet 2017. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de ce défaut d’emploi depuis cette date. En l’absence d’emploi, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce est susceptible d’être radié.

[4] Je note que la Partie requérante a indiqué dans sa demande initiale qu’elle ne demandait que la radiation de la Marque pour les produits « services de restaurant ». La Partie requérante a maintenu cette position tout au long de la procédure. Toutefois, lorsqu’il a publié l’avis en vertu de l’article 45 de la Loi, le registraire a considéré que cet article, dans sa version en vigueur à l’époque, ne conférait aucun pouvoir de restreindre l’avis à certains services de la manière demandée. Par conséquent, l’avis porte sur l’ensemble de l’enregistrement et il incombait donc à la Propriétaire de fournir des éléments de preuve concernant chacun des services énumérés dans l’enregistrement.

[5] La définition d’« emploi » en liaison avec des services est énoncée à l’article 4(2) de la Loi comme suit :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6] La présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services annoncés au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. En d’autres termes, la publicité au Canada à elle seule est insuffisante; à tout le moins, les services doivent également être disponibles pour être exécutés au Canada.

[7] Il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit d’Armin Roland Kaestner assermenté le 16 février 2018 en République dominicaine. Les deux parties ont produit des représentations écrites, mais seule la Partie requérante était représentée à l’audience.

La preuve de la Propriétaire

[9] Dans son affidavit, M. Kaestner s’identifie comme vice-président de RIU HOTELS, S.A. LTD., faisant également affaire sous le nom de RIU et/ou RIU HOTELS & RESORTS. Il affirme que cette chaîne hôtelière espagnole compte 105 hôtels dans 19 pays et est [traduction] « la propriétaire (ou l’inscrivante) » de la Marque, sa marque principale.

[9] Je note que, dans le registre, le propriétaire et inscrivant de la Marque est simplement identifié comme RIU HOTELS, S.A. Il n’est donc pas clair si l’ajout de « LTD » à ce nom par M. Kaestner indique une entité différente ou précise simplement que l’inscrivant est une société anonyme. Aux fins de la présente instance, étant donné que M. Kaestner fait référence à RIU HOTELS, S.A. LTD comme étant la propriétaire et l’inscrivant de la Marque, et en l’absence d’observations contraires de la part de la Partie requérante, j’accepte que RIU HOTELS, S.A. LTD et la Propriétaire soient la même entité.

[10] Dans son affidavit, M. Kaestner affirme que l’emploi continu de la Marque au Canada par la Propriétaire dans la pratique normale du commerce en liaison avec les [traduction] « services de réservations d’hôtel et les services d’hôtel et de restaurant ». Toutefois, seule cette simple affirmation à la fin de son affidavit semble se rapporter aux services « (2) Services d’hôtel et de restaurant ». Sinon, le contenu de son affidavit semble viser les services « (1) Services de réservations d’hôtel ».

[11] À cet égard, M. Kaestner affirme que la Propriétaire exploite un site Web à riu.com, par lequel les voyageurs du monde entier, y compris du Canada, réservent leurs vacances. Il affirme que la Propriétaire a employé la Marque sur ce site en liaison avec les « services de réservations d’hôtel » pendant la période pertinente. D’après les rapports d’analyse interne, il atteste que plus d’un million de Canadiens ont eu accès au site chaque année de 2014 à 2016.

[12] À titre de Pièce B de son affidavit, M. Kaestner joint des captures d’écran provenant des d’Internet Archive à l’adresse www.archive.org, montrant les versions archivées de la page d’accueil riu.com du 19 juillet 2014, de janvier 2015, de novembre 2015, de février 2016, d’octobre 2016 et de juin 2017. Chaque version de la page d’accueil fournit une interface de réservation que les Canadiens avaient l’habitude d’utiliser pour réserver des hôtels, selon M. Kaestner. Une variante de la Marque est affichée en haut de chaque page d’accueil, à côté des mots « RIU Hotels & Resorts In the world’s best destinations ». Cette variante de la Marque présente un style légèrement différent de tracé et de lettrage que la Marque enregistrée, la couronne et le mot RIU étant présentés sur un fond carré foncé, comme il est indiqué ci-dessous (le Logo carré) :

[13] M. Kaestner confirme que les captures d’écran sont représentatives de l’exposition de la Marque sur le site riu.com de 2014 à 2017.

[14] M. Kaestner affirme en outre qu’il est typique dans l’industrie du voyage pour les hôtels et les centres de villégiature de s’associer ou de collaborer avec les agences de voyages pour obtenir des réservations. Il confirme que les voyageurs canadiens peuvent réserver auprès de la Propriétaire par l’entremise d’un agent de voyages canadien et précise que, à cet égard, la Propriétaire s’est associée à Sunwing Vacations Inc./Vacances Sunwing Inc. (Sunwing), une agence de voyages canadienne qui organise des forfaits de vacances pour les Canadiens.

[15] Comme première page de la Pièce H à son affidavit, M. Kaestner joint une capture d’écran d’un communiqué de presse de décembre 2014 du site Web de la Propriétaire annonçant le lancement de son programme de certification d’agent de voyages au Canada. Selon le communiqué de presse, ce programme fournit des outils et des ressources pour la [traduction] « vente » de propriétés RIU situées au Mexique, en Amérique du Nord et centrale et dans les Caraïbes, et une section du programme est consacrée à [traduction] « Sunwing / Signature, le partenaire exclusif de RIU au Canada ». Le communiqué de presse mentionne également que le programme de certification fait partie du programme de fidélisation des agents de voyages de la Propriétaire, et offre des avantages aux diplômés tels qu’un diplôme de spécialiste RIU et une trousse d’accueil numérique avec des logos pour les courriels et les cartes de visite, ainsi qu’un crédit pour un séjour de deux nuits et d’autres promotions spéciales de club de fidélisation.

[16] M. Kaestner note que Sunwing publie une brochure intitulée « VACANCES SIGNATURE » chaque hiver, qui contient des renseignements et des publicités visant à obtenir des réservations canadiennes pour divers hôtels, y compris les hôtels et les centres de villégiature de la Propriétaire. M. Kaestner affirme que cette brochure est distribuée sous format papier, avec plus de 400 000 exemplaires distribués aux Canadiens chaque saison de 2013-2014 à 2017-2018, et qu’elle est également disponible pour les Canadiens à télécharger sur le site Web de Sunwing à signaturevacations.com. Comme Pièces C à G à son affidavit, M. Kaestner joint des extraits de cette brochure pour chaque saison hivernale de 2013-2014 à 2017-2018. Il ne précise pas si l’édition faisant la promotion de la saison hivernale 2017-2018 a été publiée avant le 18 juillet 2017; toutefois, j’accepte qu’au moins les éditions des trois hivers de 2014-2015 à 2016-2017 sont visées par la période pertinente.

[17] Chacune des brochures de la période pertinente présente plusieurs variantes de la Marque en liaison avec des descriptions promotionnelles des hôtels et des centres de villégiature de la Propriétaire, ainsi que des gammes de prix fondées sur les départs de Toronto. Par exemple, l’une des pages de l’édition 2016-2017 (Pièce F) présente une variante du Logo carré à côté d’une description de deux hôtels RIU; cette variante du logo comprend les mots « Hotels & Resorts » en petits caractères juste en dessous du mot RIU. Je note que la page indique que les deux hôtels présentent des restaurants spécialisés parmi leurs services et installations et fait également la promotion du fait que tous les [traduction] « invités Vacances Signature » bénéficient d’avantages exclusifs, y compris des repas illimités dans les restaurants spécialisés. De même, une page de l’édition 2014-2015 (Pièce D) affiche la même variante du logo, à côté d’une description des repas disponibles dans certains restaurants des hôtels, et une page suivante affiche cette variante du logo à côté de trois photos d’hôtels RIU sous la description [traduction] « Profitez d’un séjour parfait avec notre programme tout compris de 24 heures où vous pouvez choisir parmi un éventail de restaurants, de bars, d’activités et de divertissement pour toute la famille […] Parce vous trouverez tout ce que vous voulez pour vos vacances seulement chez RIU Hotels ».

[18] Parmi les autres variantes de la Marque figurant dans les brochures, on trouve une version du Logo carré faisant référence à RIU PALACE, qui semble être une catégorie de centre de villégiature dans la gamme RIU, et un logo représentant l’expression RIU®-topia, qui fait apparemment référence à une série d’inclusions pour [traduction] « invités Vacances Signature », notamment des repas illimités dans des restaurants spécialisés, divers équipements et des réductions sur certaines activités.

[19] En outre, M. Kaestner fournit des éléments de preuves concernant les visites et les évaluations par des Canadiens des hôtels de la Propriétaire, sous forme de captures d’écran et d’imprimés sur le site Web joints comme Pièces H à J à son affidavit. Ces documents comprennent les documents suivants : des communiqués de presse de novembre 2014 et mai 2017 publiés sur le site Web de la Propriétaire, annonçant qu’un certain nombre d’hôtels RIU ont été choisis comme [traduction] « favoris » par la communauté canadienne des voyages en ligne sur le site Web monarc.ca (Pièce H); les imprimés du site Web de monarc.ca, décrivant sa méthodologie pour obtenir des évaluations authentiques et affichant les évaluations des Canadiens sur un hôtel RIU Palace, y compris 12 commentaires de la période pertinente (Pièce I); et des imprimés du site Web d’examen de voyages de tripadadvisadvisor.ca, qui présente une série de publications faites par des contributeurs canadiens en 2016 sur la question de savoir si Sunwing est le seul agent de voyages canadien pour les hôtels RIU (Pièce J). Je note que seul un des contributeurs de tripadvisor.ca mentionne avoir effectivement réservé des hôtels RIU (directement sur leur site Web) et cette publication ne précise pas si la réservation a été effectuée pendant la période pertinente.

Analyse

[20] La Propriétaire a fourni des preuves montrant comment la Marque a été présentée pendant la période pertinente dans la publicité des services enregistrés au Canada.

[21] À cet égard, j’accepte que la présentation du Logo carré, soit sans autre libellé, soit avec les mots « Hotels & Resorts » à l’intérieur du carré, constitue la présentation de la Marque. Appliquant les principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF); et Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC), j’estime que les caractéristiques dominantes de la Marque, soit la combinaison du mot RIU avec le dessin particulier de la couronne, ont été conservées dans le Logo carré et se démarquent des mots « Hotels & Resorts ». Lorsque ces mots sont présents, ils sont considérablement plus petits que le mot RIU et simplement descriptifs de la nature des services enregistrés. Je considère que la légère différence dans le style de lettrage, le tracé et l’extension de l’arrière-plan d’un rectangle à un carré est d’une importance mineure. Ainsi, la Marque n’a pas perdu son identité et reste reconnaissable. Compte tenu de cette constatation, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres versions du Logo carré présentées dans les brochures.

[22] Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, l’affichage d’une marque sur la publicité seule ne suffit pas pour démontrer l’emploi; à tout le moins, les services doivent également être disponibles pour être exécutés au Canada.

[23] À cet égard, la Cour fédérale dans Marineland Inc c Marine Wonderland & Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst) a soutenu que, lorsque l’exécution des services ne peut être effectuée qu’à l’étranger, la vente de bons d’admission au Canada ne peut être considérée comme l’exécution des services au Canada. Dans Motel 6 Inc c No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), la Cour fédérale a conclu que lorsqu’une marque de commerce est associée à une publicité au Canada pour des services de motel qui ne peuvent être offerts qu’à l’extérieur du Canada, l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des services de motel n’a pas été démontré. De même, dans l’affaire Porter c Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C de l’É), il a été soutenu que la présentation d’une marque de commerce sur la publicité au Canada pour les restaurants situés dans un pays différent ne constitue pas l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les services de restaurant au sens de la Loi.

[24] Plus récemment, la Cour fédérale dans Unicast SA c South Asian Broadcasting Corp, 2014 CF 295, 122 CPR (4th) 409, a fait remarquer qu’il y a « une importante distinction entre des services exécutés au Canada et des services exécutés à l’extérieur du Canada, peut-être pour des Canadiens » [au para 46]. Cette décision a été citée par la Cour fédérale dans Supershuttle International, Inc c Fetherstonhaugh & Co, 2015 CF 1259, selon laquelle « [s]i le fait que des personnes voient une marque de commerce sur un écran d’ordinateur au Canada est susceptible d’établir l’emploi de cette marque, il n’en demeure pas moins que les services visés par l’enregistrement doivent être exécutés au Canada » [Supershuttle, au para 40].

[25] Le principe exprimé dans Unicast a été récemment cité par la Cour fédérale dans le contexte des services hôteliers et de divertissement dans Live! Holdings, LLC c Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, 2019 CF 1042 [conf. par 2020 CAF 120]. Dans cette affaire, la Cour fédérale a averti qu’« [a]ller à l’encontre de cette interprétation logique du droit entraînerait des conséquences aberrantes et malheureuses, et il est impossible que telle ait été l’intention du législateur lorsqu’il a rédigé la Loi », notamment d’une façon « qui menace tous les propriétaires canadiens de marques de commerce de perdre leur marque de commerce au profit d’une marque de commerce n’ayant aucun lien avec le Canada? » [Live! Holding, au para 87, citant Unicast, au para 47]. La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il s’agit d’une [traduction] « préoccupation légitime » dans Hilton Worldwide Holding LLP c Miller Thomson, 2020 CAF 134, au para 144 [ci-après Hilton (CAF)], conf. 2018 CF 895 [ci-après Hilton (CF)].

[26] De plus, même si la preuve selon laquelle la publicité vise les consommateurs canadiens peut être un indicateur convaincant que les services sont disponibles pour être exécutés au Canada [voir Hilton (CAF), au para 150], même le ciblage des personnes au Canada ne suffit pas « alors que [les services] sont offerts, fournis et exécutés ailleurs » [Live! Holdings, au para 84].

[27] En l’espèce, l’enregistrement couvre deux catégories de services : « Services de réservations d’hôtel » et « Services d’hôtel et de restaurant ». Bien que les observations de la Partie requérante portent sur les [traduction] « services de restaurant », comme il a été mentionné ci-dessus, l’avis publié en l’espèce en vertu de l’article 45 n’est pas restreint. Par conséquent, j’évaluerai la preuve de l’emploi pour chacune des catégories de services enregistrés à tour de rôle.

Services de réservations d’hôtel

[28] M. Kaestner affirme clairement l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services de réservation d’hôtel. Son affirmation est étayée par (i) des captures d’écran représentatives de la Marque présentée sur le site Web de la Propriétaire à côté d’une interface de réservation que les Canadiens avaient l’habitude d’utiliser pour réserver des hôtels selon M. Kaestner; et (ii) des extraits de brochures de l’agent de voyages canadien de la Propriétaire affichant la Marque dans la publicité des forfaits de vacances de l’agent disponibles pour les hôtels RIU.

[29] M. Kaestner confirme que, pendant la période pertinente, des millions de Canadiens ont eu accès au site Web et que la brochure a été distribuée à des centaines de milliers de Canadiens. La Partie requérante fait observer que la mention « Canadiens » est ambiguë, car elle ne laisse pas nécessairement entendre que les Canadiens sont situés au Canada à un moment pertinent. Toutefois, il me semble raisonnable de conclure qu’au moins quelques millions de Canadiens qui ont accès au site Web auraient pu le faire du Canada et qu’au moins une partie des centaines de milliers de brochures distribuées par une agence de voyages canadienne, qui annonçait des forfaits de vacances avec des départs du Canada, auraient été distribuées au Canada. Par conséquent, j’accepte que le site Web de la Propriétaire et les brochures de Sunwing constituent de la publicité pour les services de réservation au Canada.

[30] En ce qui a trait aux services de réservation qui sont exécutés ou du moins disponibles pour être exécutés au Canada, bien que M. Kaestner atteste que les Canadiens ont utilisé l’interface de réservation sur le site Web de la Propriétaire pour réserver des hôtels, il ne précise pas s’ils l’ont fait pendant la période pertinente. Comme l’a souligné la Partie requérante, une interface de réservation en ligne peut être limitée à certains pays et, par conséquent, ne pas avoir été nécessairement disponible au Canada en tout temps. M. Kaestner ne confirme pas non plus que tous les Canadiens ont profité de la possibilité de faire des réservations à partir du Canada par l’intermédiaire d’un agent de voyages pendant la période pertinente. Même si les évaluations sur le site monarc.ca semblent indiquer qu’au moins certains Canadiens ont séjourné dans les hôtels de la Propriétaire pendant la période pertinente, il n’y a aucune information sur la façon dont leurs réservations ont été faites et sur la question de savoir si elles ont été faites du Canada.

[31] Néanmoins, étant donné qu’au moins un contributeur de tripadvisor.ca, répondant à une publication demandant des agents de voyages canadiens pour RIU pendant la période pertinente, indique avoir déjà réservé directement sur le site Web de RIU, et étant donné que le partenaire de l’agence de voyages de la Propriétaire, Sunwing, est une agence canadienne qui ciblait les voyageurs canadiens pendant la période pertinente, je suis prêt à accepter que l’interface de réservation en ligne et la réservation étaient au moins disponibles au Canada pendant la période concernée.

[32] Par conséquent, je conclus que la Propriétaire annonçait et était prête à fournir des services de réservation d’hôtel au Canada pendant la période pertinente et que les Canadiens pouvaient profiter de ces services sans quitter le Canada, soit directement en utilisant l’interface de réservation en ligne de la Propriétaire, soit par l’intermédiaire de l’agence de voyages canadienne associée à la Propriétaire.

[33] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les « services de réservations d’hôtel » pendant la période pertinente.

Services d’hôtel et de restaurant.

[34] En ce qui a trait aux « services d’hôtel et de restaurant », je reconnais que, dans certains cas, les énoncés de services peuvent contenir des « des termes redondants ou des mots qui se chevauchent en ce sens que l’exécution d’un service entraîne nécessairement l’exécution d’un autre » [tel qu’il est exprimé dans Gowling Lafleur Henderson LLP c Key Publishers Co, 2010 COMC 7, au para 15]. Toutefois, il ne s’ensuit pas nécessairement que les services « services de réservations d’hôtel » et « services d’hôtel » soient équivalents. Par exemple, si une agence de voyages réserve des vols et des chambres d’hôtel à ses clients dans le cadre de son activité d’arrangement de voyages indépendant, sans être l’intermédiaire d’une compagnie aérienne ou hôtelière particulière, alors l’agence de voyages ne serait pas considérée comme fournissant des « services d’hôtel » (ou des services d’aviation, de divertissement, etc.), malgré le fait qu’elle offre des « services de réservations » [voir Hilton (CF), au para 99, citant Marineland, précité]. Par conséquent, en l’espèce, bien que j’aie trouvé la preuve de la Propriétaire suffisante pour conclure à l’emploi de la Marque en liaison avec les « services de réservations d’hôtel » au Canada, il demeure nécessaire de déterminer si la Propriétaire peut également être considérée comme ayant employé la Marque en liaison avec les « services d’hôtel et de restaurant » au Canada.

[35] La question de savoir si une activité donnée constitue l’exécution d’un service enregistré donné doit être tranchée « au cas par cas » [Express File Inc c HRB Royalty Inc, 2005 CF 542, 39 CPR (4th) 59, au para 23]. L’évaluation au cas par cas requise comprend une analyse de la portée du service mentionné dans l’enregistrement des marques et de la nature des avantages offerts aux personnes physiquement présentes au Canada [Hilton (CF), au para 51]. La question est de savoir si certains membres du public, des consommateurs ou des acheteurs reçoivent un [traduction] « avantage matériel » au Canada suffisant pour constituer [traduction] « l’emploi » de la marque de commerce dans ce pays [Hilton (CAF), au para 116]. À cet égard, certains aspects des services doivent être offerts au Canada et les clients ou les utilisateurs au Canada doivent recevoir un « avantage concret et important » des services sans quitter le pays [Live! Holdings, aux para 80 et 90].

[36] Pour déterminer quelles activités sont comprises dans les services enregistrés, il faut tenir compte des termes employés dans l’enregistrement pour décrire les services [Live! Holdings, au para 80]. Les termes utilisés doivent être interprétés conformément à l’usage commercial ordinaire, compris du point de vue du consommateur et du propriétaire de la marque de commerce, et en référence aux éléments de preuve fournis sur ce point [Hilton (CF), aux para 75 et 85]. Une affaire se fonde souvent sur ses propres faits et sur la qualité des éléments de preuve fournis [Hilton (CAF), aux para 146 et 152]. Le seuil à atteindre pour établir l’emploi d’une marque de commerce est bas, mais il doit découler de la preuve une conclusion logique que la marque a été employée au vu des faits et non d’hypothèses [Live! Holdings, au para 80].

[37] Par exemple, dans Hilton (CAF), il a été démontré qu’il est d’usage dans l’industrie hôtelière que l’expression « services d’hôtel » englobe les [traduction] « services de réservations et de paiement », qui font [traduction] « partie intégrante de la prestation de services d’hôtel » et sans lesquels les hôtels [traduction] « ne peuvent pas fonctionner » [aux para 93 et 132]. De plus, la Cour d’appel fédérale a confirmé que, grâce à ces services intégrés, ainsi qu’à un programme de fidélisation auquel les personnes pouvaient s’inscrire au Canada, les Canadiens ont profité d’un certain nombre d’avantages significatifs au-delà de la jouissance éventuelle de leur séjour à l’hôtel, y compris des tarifs réduits en échange d’un paiement anticipé, des points de récompense du programme de fidélisation qui pourraient être échangés dans d’autres hôtels au Canada, et des confirmations de réservation par courriel [aux para 125 à 136]. Les données sur le nombre de réservations effectuées par des clients ayant des adresses canadiennes qui séjournaient dans les hôtels ainsi que les recettes générées par ces séjours ont montré qu’un grand nombre de Canadiens ont profité des avantages offerts [ibid.]. Étant donné que la marque de commerce en cause dans cette affaire était présentée sur le site Web de la Propriétaire utilisé pour faire des réservations, ainsi que sur les courriels, les confirmations de réservation et les documents d’inscription reçus par les clients au Canada, la Cour d’appel fédérale a conclu que la Propriétaire avait établi l’emploi de sa marque de commerce au Canada pendant la période pertinente.

[38] En revanche, dans Stikeman Elliott LLP c Millennium & Copthorne International Limited, 2015 COMC 231, compte tenu du sens clair de l’état déclaratif des services et des éléments de preuve fournis, la Cour a conclu que les « services de réservations » disponibles au Canada n’étaient qu’indirectement liés aux « services d’hôtel » du propriétaire et n’ont donc pas aidé à établir l’emploi de la marque en cause en liaison avec les « services d’hôtel » [aux para 42 à 47, distingué de Hilton (CAF), au para 131].

[39] De plus, en Live! Holdings, la Cour fédérale a conclu que les personnes au Canada n’ont tiré aucun avantage concret et important des « services d’hôtel » du propriétaire simplement en accédant à un site Web qui leur annonce ou événements ou leur présente des hôtels à l’étranger, ou en utilisant un portail de réservation en ligne qui leur permet de réserver des chambres d’hôtel ou d’acheter des billets à des événements à l’étranger [aux para 92 à 99]. À cet égard, la Cour fédérale a conclu que le simple fait d’avoir une réservation dans un hôtel situé dans un pays étranger n’est pas un avantage concret et important des « services d’hôtel » offerts au Canada; bien qu’une réservation puisse garantir qu’une chambre sera disponible à l’arrivée, l’avantage concret n’est accordé qu’une fois que la personne quitte le Canada, se rend à la destination étrangère et complète la réservation [au para 99].

[40] En l’espèce, M. Kaestner affirme l’emploi de la Marque au Canada dans la pratique normale du commerce en liaison avec les « services d’hôtel et de restaurant », mais sans expliquer ce que ces services comprennent. La preuve montre que les Canadiens peuvent réserver des chambres d’hôtel en ligne ou par l’intermédiaire de l’agence de voyages associée à la Propriétaire. Il ressort également des brochures de cette agence de voyages que des repas illimités dans des restaurants spécialisés situés dans les hôtels et les centres de villégiature RIU de la Propriétaire peuvent être offerts dans certains forfaits de vacances offerts aux [traduction] « invités Vacances Signature » de l’agence.

[41] Toutefois, rien n’indique comment, au moyen des services de réservation offerts en ligne ou avec l’aide d’agents de voyages, les « services d’hôtel » ou les « services de restaurant » ont été offerts au Canada. Pour les mêmes raisons que celles que la Cour fédérale a mentionnées ci-dessus en ce qui concerne les « services d’hôtel », même si les réservations peuvent être considérées comme un aspect des « services de restaurant » et qu’il est possible de faire de telles réservations à partir du Canada, je ne peux conclure qu’une personne qui fait simplement une réservation pour un restaurant situé à l’étranger bénéficie concrètement de cet aspect des « services de restaurant » jusqu’à ce qu’elle quitte le Canada et qu’elle se présente au restaurant.

[42] Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les « services d’hôtel et de restaurant » au cours de la période pertinente. En outre, je ne suis saisie d’aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’un tel emploi.

Décision

[43] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis seulement convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les Services « services de réservations d’hôtel » au sens des articles 4 et 45 de la Loi. En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et selon l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer « (2) Services d’hôtel et de restaurant » de l’état déclaratif des services.

[44] L’état déclaratif des services modifié sera rédigé comme suit :

(1) Services de réservations d’hôtel.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée

Liette Girard

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-11-26

COMPARUTIONS

Aucune comparution

Pour la Propriétaire inscrite

Henri Simon

Pour la Partie requérante

AGENT(S) AU DOSSIER

Macrae & Co.

Pour la Propriétaire inscrite

Henri Simon (Simon & Associés)

Pour la Partie requérante

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.