Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Citation : 2021 COMC 77

Date de la décision : 2021-04-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Turbo-K Limited

Opposante

et

 

Roselli Chemicals Inc.

Requérante

 

1,785,765 pour TURBO-K

Demande

Introduction

[1] Roselli Chemicals Inc (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce TURBO-K (la Marque), en liaison avec les produits et les services suivants (Produits et Services) en fonction d’une revendication de l’emploi au Canada depuis le 27 janvier 2011 :

Produits : (1) Produits nettoyants pour moteurs à réaction, turbines à gaz et machinerie industrielle.

Services : (1) Vente en gros et au détail de produits nettoyants pour moteurs à réaction, turbines à gaz et machinerie industrielle. (2) Exploitation d’un site Web offrant de l’information pédagogique et éducative dans les domaines de la manipulation sécuritaire, de l’utilisation et du rangement de produits nettoyants pour moteurs à réaction, turbines à gaz et machinerie industrielle.

[2] Les motifs d’opposition plaidés par Turbo-K Limited (l’Opposante) sont fondés sur les articles 30b) et i), 16(3)a) et c) et 2 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi tel qu’il se lit avant le 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[4] La demande relative à la Marque a été produite le 6 juin 2016 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 22 février 2017. Le 20 avril 2017, l’Opposante a déposé une déclaration d’opposition conformément à l’article 38 de la Loi.

[5] Le 21 juin 2017, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[6] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Oliver Platz (exécuté le 20 octobre 2017). La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve. Seule l’Opposante a déposé un plaidoyer écrit et aucune audience n’a eu lieu.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[7] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit d’abord établir suffisamment de preuves admissibles à partir desquelles on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[8] La date pertinente pour examiner un motif d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475].

[9] L’Opposante a plaidé que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada depuis le 27 janvier 2011, comme il a été affirmé.

[10] L’article 30b) de la Loi exige qu’il y ait un emploi continu de la marque de commerce visée par l’enregistrement dans la pratique normale du commerce à partir de la date revendiquée jusqu’à la date de production par le requérant (ou son prédécesseur en titre nommé, le cas échéant) [Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst) à la p 262].

[11] Le fardeau de preuve incombant à un opposant en ce qui concerne le non-respect du requérant à cet article de la Loi est léger [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la page 298; Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, aux para 33 à 38]. Si un opposant s’acquitte de son fardeau initial, un demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a employé la marque de commerce en date de la revendication.

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve

[12] L’Opposante a produit l’affidavit d’Oliver Platz, l’unique directeur de l’Opposante (paragraphes 1 et 2). M. Platz affirme que l’Opposante vend ses produits nettoyants pour turbines à gaz dans le monde entier depuis 1998 et continue de vendre les produits. Les produits sont fabriqués en sous-traitance pour l’Opposante et proviennent du Royaume-Uni ou de l’Union européenne. M. Platz affirme qu’aucun accord n’a jamais été conclu entre l’Opposante et la Requérante pour le transfert d’achalandage ou d’autres droits de propriété intellectuelle (paragraphes 3 et 4).

[13] M. Platz joint un certain nombre de documents qui indiquent que la Requérante était un distributeur des produits de marque TURBO-K de l’Opposante. M. Platz joint également des documents concernant la relation de la Requérante avec une autre entité, Turbo-K International Limited (TKI), laquelle n’est pas associée à l’Opposante. Ces documents indiquent que la relation de la Requérante avec TKI est en tant que distributeur des produits concurrents de TKI qui sont également vendus sous la marque de commerce TURBO-K.

[14] Je conclus que les éléments suivants sont suffisants pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve léger, particulièrement compte tenu du fait que la Requérante n’a pas contre-interrogé M. Platz, produit une preuve ou présenté des arguments pour réfuter cette preuve. Bien que certaines parties de la preuve de l’Opposante comprennent des ouï-dire, j’en tiens compte en fonction de la vérité de leur contenu. Je considère qu’il est nécessaire que l’Opposante produise ces documents à l’appui de son opposition et j’estime également qu’ils sont fiables puisque la Requérante, en tant que partie de ces procédures, a eu l’occasion de réfuter les déclarations qu’ils contiennent [Reliant Web Hostings Inc c Tensing Holding BV 2012 CarswellNat 836 (COMC), au para 35].

Requérante identifiée comme distributeur des produits de marque TURBO-K de l’Opposante

a) Une copie des renseignements fédéraux de constitution en société pour la Requérante (Pièce C) indique qu’elle a été constituée à l’origine en 1997. Les directeurs nommés de la Requérante sont Rony Roselli, Henry Cheng et Teryl Hilderman.

b) La Pièce D est une copie d’une lettre de nomination de l’Opposante en date du 19 avril 2011, nommant la Requérante comme le distributeur principal exclusif pour les produits nettoyants pour turbines à gaz TURBO-K de l’Opposante. La lettre indique que cette [traduction] « concession principale exclusive s’applique aux [...] pays en Amérique du Nord », est en vigueur immédiatement et demeurera en vigueur jusqu’au 30 janvier 2014. Je comprends que ce territoire comprend le Canada.

c) La Pièce E est décrite comme une copie d’un billet LinkedIn, en date du 20 avril 2011, rédigé par M. Roselli pour sa page LinkedIn personnelle. Un extrait partiel du billet est fourni ci-dessous :

[traduction]

Je veux vous présenter mon entreprise Roselli Chemicals Inc., un distributeur principal du produit nettoyant pour turbines à gaz Turbo-K pour de nombreux pays [...]

Le produit Turbo-K est fabriqué par Turbo-K Ltd., au Royaume-Uni, et est conçu particulièrement pour le nettoyage en service (lavage à chaud) et hors service (lavage à froid) des turbines à gaz [...] (soulignement ajouté)

 

Requérante subséquemment identifiée comme un distributeur des produits de marque TURBO-K par TKI

[15] M. Platz affirme que TKI n’a aucun lien avec l’Opposant et n’a jamais reçu l’autorisation de l’Opposante d’employer TURBO-K comme marque de commerce ou comme élément de son nom commercial (paragraphe 8). Ces parties se font face dans un litige sur l’emploi par TKI de la marque de commerce et du nom commercial TURBO-K et l’Opposante s’oppose vigoureusement à tout emploi ou droit de propriété dans la marque de commerce TURBO-K par TKI au Canada (paragraphes 14 et 15). Cela étant dit, selon ma compréhension, l’Opposante adopte la position que, dans la mesure où la Requérante pourrait affirmer détenir des droits sur la Marque dans le cadre de ses affaires avec TKI, ces droits seraient à titre de distributeur, et pas de propriétaire de la Marque.

[16] Les documents suivants indiquent que le rôle de la Requérante est celui de distributeur des produits de marque TURBO-K pour TKI :

· La Pièce G est une copie d’une lettre de nomination de TKI. La lettre [traduction] « vise à certifier que Roselli Chemicals Inc (la Requérante) [...] est notre (TKI) distributeur principal mondial exclusif pour offrir en vente nos produits nettoyants en service et hors service de turbines à gaz Turbok-K ». Il est indiqué que la lettre, signée le 26 février 2016, est en vigueur immédiatement et demeure en vigueur jusqu’au 16 juin 2021.

· La Pièce H est constituée d’imprimés du site Web www.rosellichemicals.com de la Requérante (paragraphe 13). Les imprimés (imprimés le 2017-04-07) indiquent que la marque de commerce TURBO-K appartient à TKI et que le produit TURBO-K est directement expédié de l’usine de Turbo-K au Royaume-Uni et [traduction] « distribué mondialement par l’entremise de nos agents et de nos distributeurs ».

· La Pièce I est une lettre de la Requérante à l’avocat du Royaume-Uni de l’Opposante (paragraphe 15). La lettre, en date du 16 juin 2015, indique : [traduction] « [...] veuillez être avisé que nous (Roselli Chemicals Inc.) sommes seulement un distributeur des produits fabriqués par Turbo-K International Limited ».

Analyse

[17] Il est bien établi que l’emploi au Canada par un distributeur de produits portant la marque de commerce d’un propriétaire de marque de commerce étranger constitue « l’emploi » par le propriétaire étranger [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst)]. Autrement dit, l’emploi d’une marque de commerce par un distributeur ne profite pas au distributeur, mais plutôt au propriétaire de la marque de commerce.

[18] La lettre de nomination en vigueur le 19 avril 2011, et l’annonce LinkedIn subséquente (Pièces D et E), indiquent que la Requérante était un distributeur pour les produits TURBO-K de l’Opposante jusqu’à l’expiration de l’accord de distribution en janvier 2014. Par conséquent, tout emploi de la Marque au cours de cette période aurait profité à l’Opposante.

[19] De plus, nonobstant le fait que l’Opposante s’oppose à tout droit allégué part TKI à la marque de commerce TURBO-K, les documents aux Pièces G, H et I (résumés ci-dessus au paragraphe 16) suggèrent que, dans la mesure que la Requérante détient un quelconque droit à la marque de commerce TURBO-K au Canada en raison de sa relation avec TKI, ces droits ne s’appliqueraient également qu’à titre de distributeur. Par conséquent, tout emploi de la Marque au cours de cette période ne profiterait pas à la Requérante.

[20] Selon ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante a fourni suffisamment de faits pour remettre en question la revendication de la Requérante de l’emploi continu de la Marque à partir de la date revendiquée (27 janvier 2011) jusqu’à la date de production de la demande (6 juin 2016).

[21] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, et compte tenu du fait que la Requérante a choisi de ne produire aucune preuve, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[22] L’article 30i) de la Loi exige seulement qu’un requérant se déclare lui-même convaincu qu’il a droit d’employer la marque visée par la demande au Canada en liaison avec les produits et les services décrits dans la demande; cela a été fait en l’espèce. Un opposant peut invoquer l’article 30i) dans des cas particuliers comme, par exemple, lorsqu’il est allégué que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou d’autres situations exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant fausse [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Dans McCabe c Yamamoto & Co (America) Inc (1989), 23 CPR (3d) 498 (CF 1re inst), le juge Joyal a discuté d’une telle exception comme suit :

[traduction]

23 Ce qui devient clair pour moi par ces cas est que la loi empêchera un distributeur de s’approprier et d’enregistrer la marque de commerce d’un autre, habituellement un fabricant, qui est le propriétaire de la marque dans le pays d’origine. Dans l’affaire devant moi, T-Line Golf était un fabricant avec une licence pour employer la marque de commerce. Ainsi, tout emploi de la marque au Canada par le distributeur peut seulement profiter à cette personne qui possède la marque de commerce ou est autorisée à l’employer [...]

[23] En l’espèce, l’Opposante a plaidé que la Requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada [traduction] « compte tenu de sa connaissance de l’emploi antérieur ou concurrent au Canada de la marque de commerce et du nom commercial TURBO-K et TURBO-K par l’Opposante en liaison avec les solutions de nettoyants de turbines à gaz et les services connexes, entre autres [...] ».

[24] Bien que la simple connaissance de la marque de commerce d’une autre partie n’empêche pas nécessairement un requérant de faire la déclaration requise par l’article 30i) de la Loi [Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197], ce qui distingue l’espèce, selon mon opinion, est la relation préexistante entre les parties. L’affidavit Platz indique que les parties avaient une relation où la Requérante était le distributeur des produits TURBO-K de l’Opposante au Canada (discuté ci-dessus au paragraphe 14, Pièces D et E) et je suis convaincue que cela est suffisant pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve. La jurisprudence indique clairement que les distributeurs, les licenciés et autres entités semblables ne doivent pas avoir le droit d’usurper les marques de commerce de leurs parties principales (McCabe, précité).

[25] Le fardeau ultime revient à la Requérante et elle n’a présenté aucune preuve ou aucun argument afin d’appuyer sa conformité à l’article 30i) de la Loi. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)a), 16(3)c) et 2

[26] Ces trois motifs d’opposition reposent sur la question de confusion entre la Marque et la marque de commerce TURBO-K et le nom commercial TURBO-K Limited de l’Opposante.

[27] Puisque la Demande est fondée sur un emploi au Canada, les motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement plaidés par l’Opposante auraient dû être plaidés en vertu des articles 16(1)a) et c) de la Loi plutôt que 16(3)a) et c). Toutefois, puisque ces motifs ont été autrement exposés de façon suffisamment détaillée pour que la Requérante puisse répondre, je suis prête à traiter cela comme une erreur de typographie et je considère ces motifs comme s’ils avaient été dûment plaidés.

[28] L’opposant s’acquitte de son fardeau de preuve en vertu des articles 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi s’il démontre que, à la date d’emploi revendiquée de sa marque de commerce au Canada par le requérant, la marque de commerce et le nom commercial de l’opposant avaient été employés ou révélés antérieurement au Canada et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. En l’espèce, l’Opposante n’a fourni aucune preuve établissant l’emploi antérieur de la marque de commerce ou du nom commercial de l’Opposante, puisqu’une simple affirmation de l’emploi d’une marque de commerce (faite par M. Platz au paragraphe 4 de son affidavit) n’est pas suffisante. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau pour l’un ou l’autre de ces motifs.

[29] Pour le motif d’opposition plaidé en vertu de l’article 2, l’Opposante a le fardeau initial de démontrer que, à la date de production de l’opposition, sa marque de commerce ou son nom commercial était connu dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Pour ce faire, l’Opposante doit établir que sa marque de commerce est connue dans une certaine mesure au Canada ou est bien connue dans une région particulière du Canada [Bonjangles aux paragraphes 33 et 34]. En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucune preuve démontrant la mesure à laquelle sa marque de commerce ou son nom commercial sont devenus connus au Canada.

[30] Puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ces motifs d’opposition sont rejetés sommairement.

Décision

[31] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience n’a été tenue

AGENTS AU DOSSIER

Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP

POUR L’OPPOSANTE

Deeth Williams Wall LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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