Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 85

Date de la décision : 2021-05-05

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Proprietary Innovation Labs Inc.

Opposante

et

 

Atlantia Holdings Inc.

Requérante

 

1,665,112 pour PHANTOM GLASS HD

 

Demande

Introduction

[1] Propriety Innovation Labs Inc (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce PHANTOM GLASS HD (la Marque), l’objet de la demande no 1,665,112 (la Demande) produite par Atlantia Holdings Inc (la Requérante). Cette décision repose entièrement sur la question de savoir si la Marque se distingue de la Requérante, compte tenu de la mesure de l’emploi d’essentiellement les mêmes marques de commerce en liaison avec les mêmes produits par l’Opposante, malgré le fait que l’Opposante n’a pas établi le droit à l’enregistrement de la Marque. J’ajouterai que les deux parties sont d’accord sur le fait que leurs marques de commerce respectives créent de la confusion.

[2] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la Demande.

Le dossier

[3] Produite le 24 février 2014, la Demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 17 janvier 2014, en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

Protecteurs d’écran en verre trempé, à savoir protecteurs transparents pour appareils électroniques, nommément pour téléphones mobiles, ordinateurs portatifs, tablettes numériques, tablettes graphiques, ordinateurs tablettes et appareils électroniques portatifs et de poche, nommément pour ordinateurs tablettes à écran tactile, appareils de jeux électroniques de poche, visiophones et appareils multimédias et de communication mobiles.

[4] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 22 juin 2016. L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition à la Demande le 2 janvier 2018.

[5] Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante allègue que (i) la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi); que (ii) la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi; que (iii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque conformément aux articles 16(1)a) et c) de la Loi; et que (iv) la Marque n’a pas de caractère distinctif conformément à l’article 2 de la Loi.

[6] Je noterai au départ que les motifs d’opposition fondés sur les articles 30b) et 30i) sont sommairement rejetés. À cet égard, l’Opposante a ni produit de preuve ni présenté d’observations appuyant ces motifs d’opposition et, par conséquent, ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve pour ces motifs. De plus, bien qu’elle ne retire pas ses motifs d’opposition fondés sur l’article 16 de la Loi, l’Opposante reconnaît qu’elle ne s’est également pas acquittée de son fardeau de preuve pour ces motifs. Par conséquent, le reste de la décision se concentrera exclusivement sur le motif d’opposition fondé sur l’article 2.

[7] À titre préliminaire, je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[8] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Richard Waters, fondateur et président de l’Opposante, exécuté le 30 janvier 2017. M. Waters a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et une transcription de ce contre-interrogatoire a été produite et versée au dossier.

[9] Afin d’appuyer sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Karim Salemohamed et de Nathan Drake, les deux exécutés le 13 mars 2018. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé au sujet de leur affidavit.

[10] L’Opposante n’a produit aucune contre-preuve.

[11] Les parties ont toutes deux produit des plaidoyers écrits; toutes deux étaient également présentes à l’audience qui a été tenue.

La preuve

La preuve de l’Opposante

Sommaire de l’affidavit Waters

[12] M. Waters affirme que l’Opposante est une entreprise établie à Toronto, lancée en 2013, qui vend des protecteurs d’écran en verre pour couvrir les écrans d’appareils électroniques, y compris les téléphones mobiles, les tablettes et les caméras.

[13] M. Waters affirme qu’en 2013, l’Opposante a commandé la conception d’un logo pour ses produits et le matériel connexe, lequel devait inclure le nom commercial PHANTOM GLASS de l’Opposante. Il explique que le logo subséquent et le nom commercial PHANTOM GLASS font l’objet de deux demandes d’enregistrement de marque de commerce en cours, dont il a joint les détails à titre de Pièce D de son affidavit. Les demandes visent les marques de commerce suivantes (les Marques de l’Opposante) :

Demande d’enregistrement no 1,713,215 pour PHANTOM GLASS;

Demande d’enregistrement no 1,713,214 pour :

PHANTOM GLASS & PG Design

[14] En ce qui a trait à la liaison entre les Marques de l’Opposante et les protecteurs d’écran, M. Waters affirme que les marques sont portées de manière évidente sur l’ensemble de l’emballage des produits et des documents, lesquels sont fixés aux protecteurs d’écran ou inclus avec eux et visibles aux consommateurs au moment de la vente. En appui, M. Water fournit des images représentatives de l’emballage de produits qui, selon ses affirmations, sont représentatives de la façon dont les Marques de l’Opposante ont été employées en liaison avec ses produits vendus au Canada depuis novembre 2013 (Pièce E).

[15] M. Waters indique que les Marques de l’Opposante sont également arborées en évidence dans l’ensemble des tutoriels de l’Opposante visionnés par les clients actuels et potentiels, dont le premier, selon ses affirmations, a été publié en ligne le 27 novembre 2013 et pour lequel des exemples sont disponibles aux Pièces F à K.

[16] M. Waters affirme également que les Marques de l’Opposante sont arborées en évidence sur toutes les pages du site Web de l’Opposante à www.phantom.glass, y compris les pages où les clients peuvent consulter les produits de l’Opposante et où les clients peuvent passer en revue et finaliser leurs commandes des produits de l’Opposante et visionner les tutoriels de l’Opposante. Il inclut, sous la Pièce L de son affidavit, des captures d’écran de la version actuelle du site Web montrant l’emploi des Marques de l’Opposante.

[17] M. Waters indique que PHANTOM GLASS est également le nom commercial sous lequel l’Opposante mène ses activités au Canada et ailleurs dans le monde en ce qui a trait aux produits et aux tutoriels de l’Opposante et il confirme que ce nom commercial a été employé au Canada en liaison avec l’entreprise de l’Opposante depuis au moins septembre 2013.

[18] En ce qui a trait aux voies de commercialisation, M. Waters affirme que l’Opposante vend ses produits par l’entremise de deux voies principales : i) direct aux consommateurs par le site Web de l’Opposante; et ii) par l’entremise de tiers détaillants qui vendent ensuite les produits de l’Opposante aux consommateurs partout au Canada. Il indique que présentement les produits de l’Opposante sont vendus par de multiples détaillants partout au Canada, avec plus de 300 établissements de détaillants vendant les produits de l’Opposante, y compris Staples, Jump+, Walmart, Indigo, Henry’s, Best Buy et Amazon.ca, ainsi que plusieurs magasins de détail sur les campus d’universités et de collèges canadiens. Il fournit à titre de Pièce O une liste non exhaustive de tels tiers détaillants vendant les produits de l’Opposante. Il explique également que les produits de l’Opposante peuvent être trouvés dans les boutiques en ligne de bon nombre de ces détaillants canadiens et il fournit des exemples de captures d’écran de divers sites de tiers détaillants sous les Pièces P à T.

[19] En ce qui a trait aux ventes des produits de l’Opposante, M. Waters affirme que la première vente à un client canadien a eu lieu le 8 novembre 2013. Il fournit, à titre de Pièce U à son affidavit, la facture associée à cette vente, ainsi que deux autres factures également en date de novembre 2013, sous la Pièce V et confirme que l’emballage de tous les produits vendus dans ces transactions portait les Marques de l’Opposante. Les factures comprennent les Marques de l’Opposante, ainsi qu’un numéro de TPS, toutefois les montants des ventes sont absents. En plus des factures de ventes de novembre 2013, M. Waters fournit, à titre de Pièces W, X et Y, respectivement : un échantillon de facture montrant une vente du site Web de l’Opposante à un client canadien; un échantillon de facture montrant des ventes de produits de l’Opposante à un tiers détaillant au Canada; et un échantillon de facture montrant une vente des produits de l’Opposante directement à une grande entreprise de construction canadienne. Il indique que des factures comme celles-ci ont accompagné les produits de l’Opposante dans la livraison à des Canadiens de telles ventes, dont l’ensemble portait les Marques de l’Opposante sur l’emballage du produit de la manière montrée à la Pièce E. Il confirme que ces factures sont représentatives des ventes faites dans le cadre de ces voies à des Canadiens depuis au moins 2013. Il affirme que depuis la première vente en 2013, l’Opposante a continuellement vendu les produits de l’Opposante en liaison avec les Marques de l’Opposante en quantités importantes, par ses voies de distribution normales, y compris par le site Web de l’Opposante, partout au Canada et il fournit d’importantes ventes par unité et les montants en dollars de ventes nettes approximatifs.

[20] En termes de marketing et de promotion des produits de l’Opposante, M. Waters explique que l’Opposante a créé de nombreux tutoriels pour les produits de l’Opposante comme outil éducatif et de marketing pour faire la promotion des produits et des marques de commerce (les Pièces F à K comprennent des exemples de tels tutoriels). Il affirme que le premier de ces tutoriels a été affiché en ligne le 27 novembre 2013 sur YouTube, dont une capture d’écran est jointe à titre de Pièce Z et une vidéo est incluse à la Pièce AA. Il affirme qu’un autre tutoriel a été diffusé sur YouTube le 18 janvier 2014 (capture d’écran à la Pièce BB, avec vidéo à la Pièce CC).

[21] De plus, M. Waters indique que les produits de l’Opposante ont fait des apparitions dans les médias canadiens et fournit des exemples aux Pièces DD à JJ, avec des dates variant entre 2014 et 2015. Celles-ci comprennent, entre autres, des captures d’écran et des segments de diffusion télévisée de programmes comme The Morning Show de Global TV et des articles de journaux du Toronto Star. De plus, il affirme que les produits de l’Opposante ont également reçu une attention médiatique internationale et, à titre d’exemple, en février 2016, les produits de l’Opposante ont été inclus dans le « Oscar Swag Bag » de 2016, un sac-cadeau distribué aux Academy Awards de 2016. Il fournit un segment télévisé de Fox Business News à la Pièce KK, où le produit de l’Opposante est décrit comme le [traduction] « cadeau des Oscars le plus utile », et inclut une capture d’écran du segment où la marque de commerce est clairement visible. Il fournit également des imprimés d’articles en lignes de Hello! Magazine Canada, Vogue et Quartz, en date de février 2016 (Pièces LL à NN), où l’inclusion du produit de l’Opposante dans le « Oscar Swag Bag » est soulignée.

[22] M. Water affirme que depuis 2013, plus de 400 000 $ ont été dépensés dans le monde entier sur divers efforts de publicité, de promotion et de marketing à l’égard des Marques et des produits de l’Opposante. Il fournit les exemples suivants de telles publicités :

  • Pièce OO – Une évaluation vidéo en ligne sur YouTube des produits de l’Opposante par LinusTechTips diffusée le 5 août 2014, laquelle a été visionnée plus de 253 300 fois à ce jour. Il inclut une capture d’écran.
  • Pièce PP – Une copie du dépliant promotionnel national de l’Opposante avec Staples de la semaine du 15 septembre 2016.
  • Pièce QQ – Une capture d’écran de la publicité en ligne de l’Opposante avec Staples Canada de la semaine du 18 mai 2016.
  • Pièce RR – Une copie du dépliant promotionnel de l’Opposante avec Visions Electronics en Alberta de la semaine du 3 novembre 2016.
  • Pièce SS – Une capture d’écran de la publicité en ligne de l’Opposante avec Visions Electronics de la semaine du 17 mai 2016.
  • Pièce TT – Une capture d’écran de la publicité en ligne de l’Opposante avec NCIX.com, une boutique informatique en ligne canadienne de la semaine du 1er septembre 2014.

 

[23] De plus, il affirme que les produits de l’Opposante ont été endossés sur les médias sociaux par des personnalités bien connues, y compris la skieuse alpine olympique canadienne Larisa Yurkow (Pièce UU – Billets Facebook en date du 15 décembre 2015 et du 25 février 2016) et l’artiste professionnelle Darienne Lake (Pièce VV – Tweet en date du 21 juillet 2015). Il affirme également que l’Opposante a aussi participé à des salons professionnels pour faire la promotion des produits de l’Opposante, comme le salon SYNNEX Canada Retail Revolution qui a eu lieu du 7 au 9 mai 2014. La Pièce WW comprend des photos du kiosque de l’Opposante, la publicité de programme du produit de l’Opposante et l’itinéraire de la conférence indiquant la présentation de l’Opposante au sujet des produits de l’Opposante.

[24] Enfin, M. Waters atteste que l’Opposante fait la promotion des produits, des tutoriels et des marques de commerce de l’Opposante par l’entremise de divers comptes de médias sociaux, dont l’ensemble est ciblé ou accessible aux clients canadiens existants et potentiels, comme :

  • Pièce XX – Captures d’écran de la page Facebook des produits de l’Opposante qui a reçu plus de 100 000 mentions j’aime.
  • Pièce YY – Captures d’écran du compte Twitter de l’Opposante créé en octobre 2013. Celui-ci arbore les Marques de l’Opposante et a plus de 5 000 abonnés.
  • Pièce ZZ – Captures d’écran du compte Instagram de l’Opposante, arborant les Marques de l’Opposante et qui a présentement plus de 3 400 abonnés.
  • Pièce AAA – Captures d’écran de la chaîne YouTube des produits de l’Opposante qui arbore les Marques de l’Opposante. Les vidéos, lesquelles comprennent les tutoriels de l’Opposante ainsi que la couverture médiatique des produits de l’Opposante, ont plus de 83 000 visionnements à ce jour.
  • Pièce BBBB – Des exemples de témoignages publics de clients qui ont acheté les produits de l’Opposante, affichés sur Facebook et Twitter.

 

Contre-interrogatoire de M. Waters

Les demandes de l’Opposante et les lettres de la Requérante à l’Opposante

[25] Quatre pièces sont jointes au contre-interrogatoire de M. Water concernant les demandes d’enregistrement de marques de commerce de l’Opposante :

Pièce 1 : Un imprimé de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes (BDMCC) pour la demande no 1,662,935 de l’Opposante, produite le 7 février 2014 pour la marque de commerce PHANTOM GLASS. La Demande a été produite sur le fondement de l’emploi projeté. Elle a fait l’objet d’une opposition le 17 septembre 2015 et a subséquemment été abandonnée le 11 février 2016.

Pièce 2 : Un imprimé de la BDMCC pour la demande no 1,662,922 de l’Opposante, produite également le 7 février 2014 sur le fondement de l’emploi projeté pour la marque de commerce PHANTOM GLASS et PG Dessin. Cette demande a aussi fait l’objet d’une opposition le 18 septembre 2015 et a subséquemment été abandonnée le 11 février 2016.

Pièce 3 : Une copie de la demande no 1,713,215 de l’Opposante, produite le 30 janvier 2015, pour la marque de commerce PHANTOM GLASS. La pièce indique que la marque de commerce a été produite sur le fondement de l’emploi projeté en liaison avec les produits depuis au moins le 8 novembre 2013 et en liaison avec les services depuis au moins le 27 novembre 2013.

Pièce 4 : Une copie de la demande no 1,7132,214 de l’Opposante, produite également le 30 janvier 2015, pour la marque de commerce PHANTOM GLASS & PG Dessin, et également sur le fondement de l’emploi projeté en liaison avec les produits depuis au moins le 8 novembre 2013.

[26] Dans la transcription du contre-interrogatoire, on demande à M. Waters s’il a produit ces demandes subséquentes sur le fondement de l’emploi de ces marques de commerce après être devenu conscient que la Requérante avait produit une demande d’enregistrement pour PHANTOM GLASS. Il répond que l’Opposante avait abandonné ses demandes originales et fait de nouvelles demandes avec son avocat actuel à une date ultérieure pour corriger des erreurs dans la première demande.

[27] M. Waters est alors questionné quant à savoir s’il a vu une lettre en date du 2 avril 2014 de l’avocat de la Requérante au partenaire commercial de M. Waters, indiquant que la Requérante avait produit une demande d’enregistrement pour PHANTOM GLASS et concernant la violation alléguée par l’Opposante de la Marque de la Requérante (Pièce A). M. Waters indique que non. On lui demande aussi s’il a vu une lettre en date du 22 avril 2014 (Pièce G), de l’avocat de la Requérante (M. Alibhai) à l’avocat de l’Opposante (M. Gill) qui mentionne une vente à London Drugs en 2013 de protecteurs d’écran PHANTOM GLASS; c’est-à-dire une commande faite le 20 décembre 2013 et une facture jointe de ladite vente en date du 17 janvier 2014. De nouveau, M. Waters indique qu’il ne s’en souvient pas. M. Alibhai toutefois demande à M. Waters, de nouveau, si la demande de l’Opposante produite le 30 janvier 2015 (Pièce D), a été produit après qu’il, son entreprise ou son avocat a reçu la signification que la Requérante avait une demande d’enregistrement et une demande sur le fondement de l’emploi antérieur. M. Gill répond que les documents parlent d’eux-mêmes.

[28] M. Alibhai demande subséquemment à M. Waters s’il reconnaît une autre lettre envoyée à M. Gill, en date du 27 janvier 2015 (Pièce C au contre-interrogatoire) concernant les allégations maintenues de violation par l’Opposante, ainsi qu’une lettre en réponse, en date du 30 janvier 2015 (Pièce D au contre-interrogatoire), de M. Gill en réponse à M. Alibhai. Il indique que non. On le questionne au sujet des écarts entre la facture du 8 novembre 2013 jointe à son affidavit et celle qui est incluse dans la correspondance du 30 janvier 2015 de M. Gill. Il indique que tout écart découle d’un changement dans le système de comptabilité de l’Opposante, mais insiste que la facture jointe à son affidavit est une vraie copie, y compris l’indication du même numéro de TPS sur les factures.

Les factures de 2013 de l’Opposante

[29] M. Alibhai attire l’attention de M. Waters sur les factures de 2013 de l’Opposante, jointes à titre de Pièces U et V de l’affidavit de M. Waters. Il s’agit des numéros de facture 10001, 10002 et 10003, en date du 8 novembre 2013, du 15 novembre 2013 et du 11 novembre 2013, respectivement.

[30] M. Alibhai demande à M. Waters à quel moment la facture du 8 novembre 2013 a été créée. Il indique qu’il ne souvient pas, mais que si le système de comptabilité a inscrit la date du 8 novembre 2013, alors c’est le moment auquel la facture a été créée. M. Alibhai demande ensuite si la TPS ou la TVH a été perçue et versée. M. Waters répond qu’il a perçu la TPS, toutefois M. Gill indique qu’il y a un refus de répondre si la TPS a été versée en raison du manque de pertinence dans cette procédure.

[31] M. Alibhai questionne ensuite M. Waters au sujet de la facture en date du 25 janvier 2017, jointe à titre de Pièce X à son affidavit. On questionne M. Water au sujet des changements dans le format entre cette facture et les factures de 2013. Alors que M. Waters indique que le numéro de TPS est le même, il ne se souvient pas du moment auquel le format des factures a changé.

Numéro de TPS/TVH de l’Opposante

[32] Lorsque M. Alibhai questionne M. Waters au sujet du moment auquel il a obtenu l’enregistrement de la TPS pour l’Opposante, M. Waters répond qu’il ne se souvient pas de la date à laquelle il a reçu le numéro de TVH, toutefois il devrait s’agir de la date de constitution en société de l’entreprise.

[33] M. Albihai montre ensuite à M. Waters des imprimés du site Web de l’ARC pour une recherche d’enregistrement de la TPS/TVH pour une entrée du 6 novembre 2013 et du 8 novembre 2013 (Pièces D et D au contre-interrogatoire) pour le numéro de TPS montré sur la facture du 8 novembre 2013. L’imprimé indique que le numéro de TPS de l’Opposante n’était pas enregistré à ces dates. M. Alibhai produit également d’autres documents qui sont des imprimés semblables du site Web de l’ARC pour des recherches d’enregistrements de TPS/TVH les 14 et 15 novembre 2013, ainsi que les 11 et 12 novembre 2013, ce qui correspond aux dates de commande et de transaction pour les factures 10003 et 10002 respectivement (Pièce V de l’affidavit Waters). De nouveau, ces documents (Pièces F à I du contre-interrogatoire) indiquent que l’Opposante n’avait pas de numéro d’enregistrement de la TPS pour ces dates, contrairement à ce qui est indiqué sur les factures.

[34] Suivant avec l’affirmation de M. Waters qu’il aurait fait l’enregistrement pour un numéro de TPS/TVH au moment où l’Opposante se constituait en société, M. Alibhai demande alors à quel moment l’Opposante a été constituée en société. Bien que M. Waters réponde qu’il ne se souvient pas, M. Alibhai produit un rapport de profil de société (Pièce 6 du contre-interrogatoire) pour le registre des sociétés de l’Ontario montrant la constitution en société de l’Opposante sous la société ontarienne no 1909886, avec une date de constitution en société du 16 janvier 2014. M. Waters ne conteste pas cette date et reconnaît que l’Opposante n’existe pas en 2013, toutefois il n’est pas d’accord que, par conséquent, l’entreprise n’était pas en mesure de faire des ventes ou de fournir des services en 2013.

[35] M. Alibhai fournit d’autres imprimés du site Web de l’ARC pour des recherches d’enregistrements de TPS/TVH pour l’Opposante les 21 et 22 janvier 2014. Les documents indiquent que le numéro de TPS n’a pas été enregistré avant le 22 janvier 2014 (Pièces J et K du contre-interrogatoire). On demande à M. Waters s’il conteste ces renseignements, ce à quoi M. Gill indique qu’ils entreprendront de faire des recherches concernant la date de l’enregistrement de TPS de l’Opposante et de déterminer les réponses. Aucune entreprise de ce genre n’a été fournie en bout de compte.

Dates de marketing et de lancement au Canada

[36] M. Alibhai questionne M. Waters au sujet d’un article en date du 3 mai 2014 par Martin Herdman, publié dans le journal Toronto Star (Pièce HH de l’affidavit Waters), lequel indique au paragraphe 5 : [traduction] « Échantillons en main, Waters a été en mesure d’obtenir des commandes de Staples, Best Buy et Future Shop lorsque Phantom Glass apparaîtra en magasin et en ligne à compter de ce mois-ci ».

[37] M. Alibhai demande à M. Waters si cela suggère qu’aucune vente des produits n’a eu lieu avant mai 2014. M. waters répond que cette déclaration ne parle que de Staples, Best Buy et Future Shop, ce qui n’englobe pas l’ensemble des activités ou des ventes de son entreprise.

[38] M. Alibhai pose également à M. Waters des questions concernant les billets sur la page Facebook de l’Opposante, en particulier un billet en date du 12 novembre 2014 qui indique : [traduction] « Après un voyage en Chine, un retour à Toronto, puis un autre voyage à Vancouver, on ne peut pas nier que nous avons été occupés. Excusez le silence, mais la bonne nouvelle est que nos échantillons emballés de détail finaux sont arrivés ». Ce document est indiqué comme étant la Pièce R du contre-interrogatoire.

[39] M. Waters que cette page Facebooke [traduction] « [...] n’est d’aucune façon une communication officielle concernant la date des échantillons emballés de détail finaux officiels ».

[40] M. Alibhai montre à M. Waters deux autres billets de la page Facebook de l’Opposante, en date du 25 avril 2914 (indiqué comme la Pièce S du contre-interrogatoire) et du 3 mai 2014 (indiqué comme la Pièce T du contre-interrogatoire) respectivement. Le premier billet indique : [traduction] « Taylor adore sa nouvelle protection phantom glass. Son téléphone est comme neuf. En magasins le 5 mai!!!! ». C’était un billet rédigé par une personne nommée Taylor Laist le 25 avril 2014. Lorsqu’on lui demande s’il connaissait cette personne, M. Waters indique qu’elle est une connaissance. Le deuxième billet contient un article qui indique : [traduction] « Nous lançons cette semaine. Trouvez-nous sur Amazon. Deets suivra ». Il y a également une image de ce qui semble être l’article du Toronto Star à la Pièce HH.

[41] Enfin, M. Alibhai montre à M. Waters un article dans un communiqué de presse de New Wire (une tierce société de relation publique de l’Opposante selon M. Waters, en réponse à la question 185 du contre-interrogatoire), en date du 2 juin 2014 (indiqué comme la Pièce 7 du contre-interrogatoire). M. Alibhai remarque que l’article indique que l’Opposante lance en magasin partout au Canada à cette date. M. Waters répond que c’est le cas, mais que l’article indique aussi que : [traduction] « Waters a eu un coup de génie qui allait changer sa vie. Un an plus tard en 2013, satisfait avec un prototype qui rendait tous les autres protecteurs d’écran ou en verre désuets, les spécifications ont été envoyées à l’étranger et Phantom GlassTM est  ».

Tutoriels en ligne de l’Opposante

[42] M. Alibhai produit une capture d’écran prise du site Web YouTube pour la première vidéo « Phantom Glass : Overview » qui correspond au tutoriel à la Pièce F de l’affidavit Waters. M. Alibhai inscrit ce document comme Pièce L au contre-interrogatoire et indique que le tutoriel vidéo montre qu’il a été diffusé le 29 mai 2014.

[43] M. Alibhai effectue un exercice semblable pour les autres tutoriels YouTube (joints à titre de Pièces G à K à l’affidavit Waters), fournissant des captures d’écran indiquant que les tutoriels ont été diffusés entre août 2014 et mai 2015 (inscrites à titre de Pièces M à Q du contre-interrogatoire). M. Alibhai souligne qu’aucune de ces vidéos n’était en ligne le 27 novembre 2013, comme l’indique l’affidavit Waters.

[44] M. Waters répond que, conformément à sa déclaration au paragraphe 13 de son affidavit, ce qui se trouve aux Pièces F à K constitue des exemples de tutoriels PHANTOM GLASS. Il affirme que le premier tutoriel diffusé en ligne le 27 novembre 2013 correspondrait plus à « Phantom Glass : Features », la troisième vidéo d’aperçu à la droite de la capture d’écran à la Pièce M du contre-interrogatoire (ce qui correspond au tutoriel de la Pièce F de l’affidavit Waters). Il affirme qu’il se souvient avoir enregistré et diffusé cette vidéo lui-même en 2013.

La preuve de la Requérante

Sommaire de l’affidavit Salemohamed

[45] M. Salemohamed affirme que la Requérante, fondée en 2002, mène ses activités dans le marché des accessoires technologiques, avec plus de 280 clients en gros au Canada, couvrant tous les paliers de distribution, dont les importateurs, les fabricants, les distributeurs, les vendeurs en gros et les détaillants.

[46] M. Salemohamed affirme qu’en avril 2013, le fabricant de la Requérante de protecteurs d’écran a informé la Requérante de nouveaux protecteurs d’écran fabriqués de verre et la Requérante a reçu des échantillons de l’usine chinoise du fournisseur. Il affirme que la Requérante a décidé que le meilleur nom pour le produit comporterait les mots « phantom » et « HD ». Il joint à titre de Pièce B à son affidavit une facture émise par le fabricant chinois de la Requérante, en date du 26 avril 2013, démontrant l’une des premières commandes pour ces protecteurs d’écran. Il affirme qu’en date d’août ou septembre 2013, la Requérante avait achevé l’emballage pour la vente des protecteurs d’écran sous la marque de commerce « PHANTOM GLASS HD ».

[47] M. Salemohamed affirme que la Requérante s’est alors tournée vers certains de ses distributeurs canadiens (London Drugs Ltd, diverses librairies universitaires et collégiales) avec des échantillons des protecteurs d’écran PHANTOM GLASS HD pour déterminer leur intérêt à vendre de tels produits. Il affirme qu’en octobre ou novembre 2013, London Drugs a confirmé son intérêt à acheter les protecteurs d’écran de la Requérante et que la Requérante a alors immédiatement préparé un bon de commande pour l’achat des protecteurs d’écran du fabricant chinois de la Requérante (selon le courriel en Pièce C entre la Requérante et le fabricant chinois concernant l’acheminement du bon de commande du 7 novembre 2013 de la Requérante pour 1 200 protecteurs d’écran portant la maque de commerce PHANTOM GLASS HD). Il indique que le 20 décembre 2013, London Drugs a officiellement fait une commande et il joint à titre de Pièce E à son affidavit une copie d’une facture en date du 17 janvier 2014 qui confirme la livraison des protecteurs d’écran de marque PHANTOM GLASS HD à London Drugs.

[48] En termes de voies de commercialisation, M. Salemohamed affirme que la Requérante vend les protecteurs d’écran PHANTOM GLASS HD au Canada par l’entremise de sa boutique en ligne à www.logiix.net et des magasins de détail de ses distributeurs (dont certains des plus larges comprennent London Drugs, iStore Inc, Canadian Tire Corporation, Ltd, Best Buy Canada Ltd, Staples Canada Inc, Rogers Media Inc et Amazon.com, Inc). En appui, il joint ce qui suit à son affidavit :

· une copie de l’exemple le plus tôt des produits PHANTOM GLASS HD qu’il a été en mesure de trouve au moyen de la page Web Internet Archive pour le site Web de la Requérante, en date du 20 janvier 2014 (Pièce F);

· des imprimés des pages du site Web de la Requérante montrant la Marque en liaison avec les protecteurs d’écran, ainsi que des copies des pages du site Web de la Requérante montrant des renseignements au sujet de la Requérante et des distributeurs qui vendent les protecteurs d’écran PHANTOM GLASS HD de la Requérante (Pièce G);

· une liste de distributeurs canadiens qui, selon ses affirmations, ont subséquemment fait des commandes pour les protecteurs d’écran PHANTOM GLASS HD (Pièce H);

· des copies des pages des sites Web de divers distributeurs, y compris les plus grandes entités nommées ci-dessus, présentant les protecteurs d’écran PHANTOM GLASS HD de la Requérante.


 

Sommaire de l’affidavit Drake

[49] M. Drake est employé par l’agent pour la Requérante. Le but de son affidavit est de fournir en particulier les pièces, y compris celles dont la détermination a été demandée au cours du contre-interrogatoire de M. Waters (à titre de Pièces A à T).

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[50] L’Opposante plaide que la Marque n’est pas distinctive de la Requérante, puisqu’elle ressemble, au point de créer de la confusion, aux marques de commerce et au nom commercial PHANTOM GLASS de l’Opposante, lesquels ont été antérieurement employés au Canada en liaison avec des produits et des services qui sont identiques ou fortement semblables dans leur genre à ceux formulés dans la Demande.

[51] Comme il a été indiqué précédemment, il n’y a aucun conflit entre les parties que leurs marques de commerce respectives créent de la confusion. La question est de savoir si la preuve de l’Opposante d’emploi subséquent est suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante et si la preuve d’emploi subséquent par l’Opposante, que la Requérante interprète comme un [traduction] « emploi en violation » devrait faire l’objet de considérations.

[52] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit montrer que, au moment de produire l’opposition, ses marques de commerce ou son nom commercial sont devenus suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[53] L’article 2 de la Loi, tel qu’il était à l’époque, définit le terme « distinctif » comme suit :

distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[54] La Requérante observe que la Marque est distinctive de la Requérante et les produits pertinents employés en liaison avec la Marque à la date de l’opposition, nommément le 27 juillet 2016.

[55] La Requérante observe que l’essence de l’opposition de l’Opposante est fondée sur l’emploi antérieur allégué de l’Opposante des Marques de l’Opposant avant la date d’emploi revendiquée par la Requérante. La Requérante observe que, en raison de la preuve et des faits non contestés établis ci-dessus et dans l’affidavit Salemohamed, il est clair que l’Opposante n’a pas, ne peut pas avoir l’emploi antérieur des Marques de l’Opposante, avant la date revendiquée de premier emploi de la Marque. La Requérante observe que la preuve dans l’affidavit Salemohamed, laquelle n’a pas été contestée, est écrasante pour que la Requérante ait l’emploi antérieur de la Marque et ait acquis une vaste réputation dans la Marque et les produits pertinents. La Requérante observe que M. Salemohamed a fourni de vastes preuves de l’effort et des revenus des ventes et coûts publicitaires annuels pour les produits pertinents en liaison avec la Marque au Canada de 2014 à 2017 aux paragraphes 29 et 30 de son affidavit; cette preuve n’a pas été contestée. Par conséquent, la Requérante observe que la Marque est clairement distinctive de la Requérante et pas de l’Opposante. La Requérante observe que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial qu’il existe des faits pour appuyer les questions soulevées.

[56] La Requérante observe que subséquemment au contre-interrogatoire, la Requérante a demandé à l’Opposante de fournir ses réponses aux demandes d’entreprises du contre-interrogatoire par des lettres en date du 19 décembre 2017, du 23 janvier 2018 et du 14 février 2018. Des copies des lettres à l’avocat de l’Opposante sont jointes et inscrites à l’Annexe B du plaidoyer écrit de la Requérante. Aucune réponse n’a été fournie par l’Opposante aux demandes de réponses.

[57] En particulier, la Requérante a demandé que l’Opposante réponde aux questions suivantes :

[traduction]

Q. 111 et 113 Déterminer si l’Opposante avait un numéro d’enregistrement de TPS les 14 et 15 novembre 2013.

Q. 132 Déterminer la date exacte d’enregistrement du numéro d’enregistrement de TPS/TVH pour l’Opposante.

Q. 140 Confirmer si l’Opposante avait des ventes de ses produits en 2013.

[58] Aucune réponse n’a été fournie par l’Opposante aux demandes répétées de réponses.

[59] Par conséquent, la Requérante observe que la Commission des oppositions devrait tirer une conclusion défavorable du défaut de l’Opposante de répondre à ces demandes de réponses aux entreprises du contre-interrogatoire de M. Waters, lesquelles concernent la question centrale dans cette Opposition au sujet de l’emploi antérieur allégué par l’Opposante. La Requérante observe que la conclusion qui devrait être tirée, et qui est appuyée par la preuve, est que l’Opposante n’avait aucune vente de ses produits en 2013 et aucun emploi des Marques ou du nom commercial de l’Opposante.

[60] L’Opposante observe que, à titre de question préliminaire, l’Opposante est le successeur en titre de Richard Waters. À partir de 2013, Richard Waters a exploité une entreprise, en tant que particulier, sous le nom commercial PHANTOM GLASS et les marques de commerce PHANTOM GLASS dans la pratique normale de commerce au Canada en liaison avec les protecteurs d’écran de verre pour les appareils électroniques et les services connexes. M. Waters a constitué l’Opposante en société le 16 janvier 2014. À cette date, M. Waters a attribué les marques de commerce PHANTOM GLASS et le nom commercial PHANTOM GLASS à l’Opposante.

[61] Le 1er mai 2018, l’Opposante a produit une demande révisée modifiant ses demandes d’enregistrement de marques de commerce canadiennes no 1,713,214 et 1,713,215 pour ajouter Richard Waters comme prédécesseur en titre de la Requérante. Ces demandes révisées ont été versées au dossier par le Bureau des marques de commerce le 7 juin 2018 et le 2 août 2018, respectivement.

[62] L’Opposante reconnaît que, en raison de la chaîne de titre susmentionnée, il y a des lacunes dans la preuve présentée dans l’affidavit Waters. L’Opposante observe que lorsque l’affidavit Waters (ou son plaidoyer écrit) fait référence à l’Opposante, avant la date de constitution en société de l’Opposante, ces références devraient être considérées comme renvoyant au prédécesseur en titre de l’Opposante, Richard Waters.

[63] En ce qui a trait au caractère non distinctif, l’avocat pour l’Opposante remarque correctement que la date pertinente est la date de production de la déclaration d’opposition et que l’Opposante a le fardeau de preuve d’établir que sa marque de commerce est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque (Bojangles, précité). L’Opposante observe que la preuve de connaissances ou de réputation de sa marque commerce est également pertinente à cette détermination. De plus, l’avocat de l’Opposante observe que le caractère distinctif ne concerne pas qui a le droit à l’enregistrement; il peut bien s’agir qu’aucune des parties n’ait le droit à l’enregistrement [selon Bojangles, précité, para 25]. Autrement dit, l’Opposante observe qu’il [traduction] « est possible de rejeter la Demande en raison de l’absence d’un caractère distinctif, peu importe les constatations d’absence du droit à l’enregistrement » [citant BAB Holdings Inc c Big Apple Ltd (2002), 16 CPR (4th) 427 (CF 1re inst), au para 8].

[64] L’Opposante offre un aperçu de sa preuve concernant l’emploi des Marques de l’Opposante à partir de la date de constitution en société de l’Opposante (le 14 janvier 2014) à la date de production de la déclaration d’opposition (27 juillet 2016). À cet égard, l’Opposante observe qu’elle vend ses produits Phantom Glass aux consommateurs directement au de son site Web et par l’entremise de nombreux tiers détaillants bien connus, en plus de fournir des services sous la forme de tutoriels en ligne. L’Opposante observe que les marques de commerce Phantom Glass de l’Opposante sont présentées en évidence sur les produits et que, depuis sa constitution en société, l’Opposante a continuellement vendu d’importantes quantités partout au Canada dans sa pratique normale de commerce : plus de 100 000 produits Phantom Glass, totalisant plus de 2,3 millions de dollars en ventes. Cela, observe l’Opposante, est plus que suffisant pour annuler le caractère distinctif de la Marque. L’Opposante remarque que, au cours de cette période, l’Opposante a eu beaucoup plus de ventes que la Requérante; c’est-à-dire plus de quatre fois celles de la Requérante dont les ventes totales étaient approximativement de 563 000 $.

[65] L’Opposante observe que, en plus des ventes des produits Phantom Glass de l’Opposante, la marque de commerce Phantom Glass est également arborée en évidence dans les tutoriels (c’est-à-dire, preuve d’emploi des Marques de l’Opposante avec des services). L’Opposante observe que la Pièce BB à l’affidavit Waters est le premier tutoriel, diffusé le 18 janvier 2014 et que, en date du 30 janvier 2018, les tutoriels Phantom Glass de l’Opposante ont été collectivement visionnés des dizaines de milliers de fois. L’Opposante observe que la profondeur, l’étendue et la portée des ventes réelles de ses produits au Canada au cours de la période pertinente complète ont été importantes, y compris les ventes de ses produits par l’entremise de plus de 300 emplacements de détaillants et plusieurs boutiques sur les campus universitaires et collégiaux, ainsi que des boutiques de détail en ligne.

[66] De plus, l’Opposante observe que d’importantes ressources ont été consacrées à la publicité et au marketing de ses produits Phantom Glass, avec plus de 400 000 $ dépensés dans le monde entier en publicités; des exemples sont fournis dans l’affidavit Waters de telles publicités menées par les médias sociaux, les publicités imprimées, le matériel promotionnel, les communiqués de presse et la participation à des salons professionnels, entre autres. L’Opposante observe que ses produits ont également reçu une attention nationale à la télévision et dans les magazines et journaux (par exemple, Global TV Morning Show et CHCH Morning Live) et sont devenus connus comme l’ont démontré les témoignages publics (Pièce BBB) et leur inclusion dans le sac-cadeau des Oscars de 2016 (Pièce LL). En revanche, l’Opposante observe, les ventes de la Requérante sont modérées au cours de la même période.

[67] En réponse, la Requérante observe qu’une grave question de crédibilité survient à l’égard de la preuve de l’Opposante. La Requérante observe que l’affidavit de M. Drake discute en grande partie de cette question (c’est-à-dire la lettre de la Requérante à l’Opposante concernant le droit à l’enregistrement et l’emploi « en violation » allégué pour le compte de l’Opposante), pourtant M. Drake n’a pas été contre-interrogé au sujet de cette preuve.

[68] En ce qui a trait au caractère distinctif, la Requérante observe qu’il y a deux éléments : le premier étant que la marque en question n’est pas générique et la deuxième est la question de savoir pour qui la marque de commerce est distinctive. La Requérante observe que la question juridique est que « l’emploi en violation » ne peut pas être considéré comme un emploi distinctif.

[69] La Requérante observe également qu’il y a un défaut dans la preuve de l’Opposante. À cet égard, la Requérante observe que bien qu’il y ait bien des preuves de publicité, entre antres, la vraie question est celle de la réputation : les consommateurs de ces produits les associent-ils à la Requérante ou à l’Opposante? La Requérante observe ce que cette preuve est absente et n’a pas été présentée à la Commission puisque, par exemple, dans la Pièce VV de l’affidavit Waters, il n’y a aucun moyen de déterminer s’il s’agit du produit de la requérante ou de l’Opposante, puisqu’il n’y a aucune indication de la source. La Requérante observe que la même chose est vraie à l’égard de la Pièce MM (article Vogue énumérant le contenu du sac-cadeau des Oscars), de façon qu’il soit possible de conclure en raison de la preuve que les consommateurs croiraient qu’il s’agit du produit de la Requérante.

[70] De plus, la Requérante observe que M. Waters jure que l’emploi était par l’Opposante, Proprietary Innovation Labs Inc, et pas par lui-même, un particulier. Cela, observe la Requérante, remet en question à quel moment les produits étaient réellement disponibles pour la vente. La Requérante fait également référence à ce qu’elle allègue être d’autres incohérences à l’égard des dates de diffusion des tutoriels de l’Opposante inscrites dans l’affidavit de M. Waters et les remet en question au cours du contre-interrogatoire. Je remarque, cependant, que M. Waters a indiqué au cours du contre-interrogatoire que les tutoriels fournis dans la preuve étaient des exemples de ceux diffusés par l’Opposante et qu’il s’est personnellement souvenu avoir créé et diffusé un tel tutoriel le 27 novembre 2013. Cela correspond à la date de téléversement du tutoriel indiquée par la capture d’écran fournie à titre de Pièce Z de l’affidavit Waters.

[71] La Requérante observe que l’affidavit Drake montre que des lettres ont été envoyées à l’Opposante l’informant de son « emploi en violation » (par exemple, la lettre en Pièce A en date du 2 avril 2014) et qu’il y a une chronologie associée à cette correspondance démontrant le conflit entre les parties. La Requérante observe que l’Opposante a été informée des droits de la Requérante à la Marque et également que l’emploi « en violation » (ou autrement l’emploi illégal comme la commercialisation trompeuse) ne peut pas être considéré comme un emploi qui profite à l’Opposante. La Requérante observe qu’il s’agit de l’argument le plus étrange que d’affirmer que la Marque est plus distinctive du [traduction] « contrevenant ».

[72] Lors de l’audience, l’avocat de l’Opposante a répondu qu’il croit que la Requérante n’a pas reconnu la différence entre le motif fondé sur l’absence du caractère distinctif et le motif fondé sur l’absence du droit à l’enregistrement. L’Opposante observe que les observations de la Requérante ci-dessus sont pertinentes pour l’absence du droit à l’enregistrement, mais aucunement applicable à l’absence du caractère distinctif; la chronologie quant à qui était le premier à employer la marque de commerce est pertinente pour le droit à l’enregistrement, mais pas pour le caractère distinctif. L’Opposante observe que lorsque la preuve est considérée dans son ensemble, il semble que les deux parties développaient leurs produits et leurs marques de commerce approximativement au même moment et c’est qui rend ce cas unique.

[73] L’Opposante observe qu’il s’agit en fait de la plus étrange des propositions que d’observer que le caractère distinctif devrait favoriser la première personne à employer la marque PHANTOM GLASS, avec l’emploi subséquent jugé comme un « emploi en violation » qui ne peut pas profiter à l’Opposante. L’Opposante observe qu’il s’agit d’un malentendu fondamental : le caractère distinctif n’a rien à faire avec le droit à l’enregistrement et cette question n’en est pas une de qui a le droit à l’enregistrement. L’Opposante observe que la position de la Requérante semble être fondée sur la fausse idée que quelqu’un a toujours droit à un enregistrement; peut-être que personne n’a droit dans ce cas-ci.

[74] À l’égard des commentaires de la Requérante au sujet de qui le consommateur croirait être la source des produits, l’Opposante observe que ce n’est pas sur quoi l’absence du caractère distinctif porte et le fait que les consommateurs peuvent croire que le produit à la Pièce MM de l’affidavit Waters est le produit de la Requérante est exactement son point. Ce qui est pertinent, l’Opposante observe, est la preuve d’écho dans les médias, du bouche-à-oreille, d’articles, de médias sociaux, lesquels sont tous présents en l’espèce. Et au-delà de cela, l’Opposante observe que l’Opposante a de très importantes ventes, bien supérieures à celles de la Requérante au cours de la période pertinente. L’Opposante observe qu’il n’y aucune possibilité que la Marque de la Requérante puisse distinguer la Requérante comme la source lorsqu’il y a des emplois en concurrence des parties; dans une telle situation, une partie comme la Requérante n’a pas le droit à l’enregistrement, cela relève de la common law. L’Opposante observe que l’emploi par l’Opposante est pertinent et concerne directement la question; l’emploi par l’Opposante n’est pas une violation, puisque la Marque n’est pas déposée et n’est pas une commercialisation trompeuse puisqu’aucune action de commercialisation trompeuse n’a eu lieu.

[75] L’Opposante observe que la décision dans Mortgagestogo.ca Inc c Wall, 2012 COMC 159, où il est clairement établi ce que l’absence du caractère distinctif englobe, est instructive. L’Opposante observe, dans cette affaire, que la Commission est arrivée à la question de détermination de savoir si les marques créaient réellement de la confusion, alors qu’en l’espèce, la confusion a déjà été admise par la Requérante. Ainsi, l’Opposante observe, lorsque vous avez admis la confusion et l’emploi contemporain avant la date pertinente, la Marque de la Requérante n’a pas de caractère distinctif.

[76] En l’espèce, j’estime que la probabilité que deux entités arrivent indépendamment avec essentiellement la même marque de commerce, pour l’emploi en liaison avec les mêmes produits, environ au même moment, semble soulever plus de questions que de réponses. Il semble que les deux parties ont commencé à développer leurs produits respectifs conjointement avec un fabricant ou fournisseur chinois à un certain moment en 2013. Bien que Requérante ait fourni un bref historique de l’origine et de la création de la Marque, l’Opposante ne l’a pas fait. Selon l’entrevue fournie en preuve sur CHCH Morning Live, diffusée le 11 décembre 2014 (Pièce GG), M. Waters affirme qu’il a commencé avec une idée pour des lunettes où une chose a suivi l’autre pour aboutir à la création de Phantom Glass. Il ne fournit aucun contexte quant à la création et le choix de la marque de commerce.

[77] Le pouvoir existe, compte tenu de la décision dans George Weston Ltd c Humpty Dumpty Foods Ltd/Aliments Humpty Dumpty Ltée (1989), 24 CPR (3d) 454 (CF), d’essentiellement ne pas tenir compte de la preuve d’emploi et de révélation de l’Opposante de ses marques et de son commercial après la date à laquelle l’Opposante a été avisée par la Requérante de l’emploi « en violation » allégué (Pièce A de l’affidavit Drake, lettre en date du 2 avril 2014). Cependant, contrairement à l’affaire Humpty Dumpty, l’espèce ne concerne pas l’emploi proposé de marques de commerce. De plus, il ne semble pas y avoir de preuve claire de mauvaise foi de la part de l’Opposante. S’il y avait preuve de mauvaise foi, cela aurait dû être présenté [voir Richmond Inn Investments Ltd c Spinnakers Brew Pub Inc, 1992 CanLII 6966, CarswellNat 1435]. J’ajouterai que, puisque la Requérante avait contre-interrogé M. Waters au sujet de son affidavit, d’autres questionnements à cet égard auraient pu être menés. Le fait que M. Waters était conscient de la demande de la Requérante en l’espèce n’est pas nécessairement une preuve de mauvaise foi, puisque M. Waters estimait qu’il était la partie qui avait droit à la marque de commerce. Par conséquent, je n’ai aucune preuve devant moi qui me permettrait de conclure que l’emploi des Marques et du nom commercial de l’Opposante n’était autre que de bonne foi [voir Indigo Books & Music, Inc c Preferred One Inc, 2010 COMC 100, pour une conclusion semblable].

[78] Compte tenu de la preuve de l’Opposante présentée ci-dessus, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial de démontrer que, à la date de production de sa déclaration d’opposition, une ou plusieurs de ses marques de commerce ou son nom commercial étaient devenus suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque. L’Opposante a démontré des ventes et des publicités importantes, avec plus de 300 détaillants offrant ses produits partout au Canada. Puisque les parties conviennent que leurs marques de commerce respectives créent de la confusion, et qu’il n’y a aucun conflit à cet égard, la Requérante n’a pas réussi à montrer que sa Marque est adaptée pour distinguer ou distingue réellement ses produits de ceux de l’Opposante.

[79] En conséquence, le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli.


Décision

[80] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande no 1,665,112 selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2020-10-22

COMPARUTIONS

Kelly Gill

Pour l’Opposante

Aiyaz A. Alibhai

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Miller Thomson LLP

Pour l’Opposante

Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Requérante

 

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