Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

OPIC

Logo de l'OPIC / CIPO Logo

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 97

Date de la décision : 2021-05-20

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Whirlpool Canada LP

Opposante

et

 

Alliance Laundry Systems LLC

Requérante

 

1,543,613 pour SPEED QUEEN

Demande

Introduction

[1] Les parties de cette procédure d’opposition n’en sont pas à leur première rencontre. Elles sont toutes deux des fabricants d’appareils de lavage et ont été impliquées au cours des dernières années à quelques litiges l’une contre l’autre concernant la même marque de commerce SPEED QUEEN (parfois appelée ci-après la Marque) qui était auparavant inscrite au nom de Whirlpool Canada LP (Whirlpool ou l’Opposante), comme il sera expliqué en plus de détails plus loin dans cette décision.

[2] En l’espèce, Whirlpool s’oppose à l’enregistrement de la Marque, laquelle est visée par la demande d’enregistrement no 1,543,613 (la Demande), produite par Alliance Laundry Systems LLC (Alliance ou la Requérante) pour l’emploi proposé de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits) : « Laveuses et sécheuses, repasseuses, équipement de finition et essoreuses ainsi que pièces et accessoires connexes ».

[3] L’Opposante s’oppose à la Demande pour plusieurs motifs, y compris l’absence de caractère distinctif de la Marque et l’absence du droit à l’enregistrement de la Requérante compte tenu de l’emploi antérieur allégué par l’Opposante et de l’absence d’abandon de sa marque de commerce SPEED QUEEN au Canada.

[4] Pour les motifs qui suivent ci-dessous, la Demande est rejetée.

Le dossier

[5] La Demande a été produite le 15 septembre 2011 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 26 octobre 2016.

[6] Le 23 novembre 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Tous les renvois aux présentes sont faits à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois faits aux motifs d’opposition, qui renvoient à la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

a) La Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi, puisque la Requérante n’avait pas l’intention requise d’employer la Marque au Canada au moment de produire la Demande. La Requérante savait que l’Opposante possédait l’enregistrement de marque de commerce canadienne nUCA15837 pour la marque de commerce SPEED QUEEN, laquelle visait des laveuses, des sécheuses, des repasseuses et des essoreuses. La Requérante ne pouvait pas avoir l’intention d’employer la marque de commerce identique au Canada avec des produits essentiellement identiques, puisqu’une telle action aurait représenté une usurpation de marque de commerce en vertu des articles 19 et 20 de la Loi et aurait eu pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage associée à la marque de commerce déposée de l’Opposante en violation de l’article 22 de la Loi.

b) La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que la Requérante n’était pas convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits au moment de produire la demande. La Requérante était bien consciente de l’enregistrement de marque de commerce no UCA15837 existant de l’Opposante pour la marque de commerce SPEED QUEEN, laquelle visait essentiellement des produits identiques, ainsi que de l’emploi par l’Opposante de la même marque de commerce en liaison avec les laveuses depuis au moins 1930 et en liaison avec les sécheuses depuis au moins 1982. La Requérante ne pouvait pas avoir l’intention d’employer la marque de commerce identique au Canada avec des produits essentiellement identiques, puisqu’une telle action aurait représenté une usurpation de marque de commerce en vertu des articles 19 et 20 de la Loi et aurait eu pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage associée à la marque de commerce déposée de l’Opposante en violation de l’article 22 de la Loi.

c) La Requérante n’est pas la personne qui a le droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi à la lumière de la marque de commerce SPEED QUEEN de l’Opposante, laquelle avait été employée antérieurement et avait été révélée au Canada par l’Opposante depuis au moins 1930. L’Opposante n’avait pas abandonné sa marque de commerce SPEED QUEEN à la date de l’annonce de la Demande.

d) La Marque n’a pas de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi puisqu’elle ne distingue pas, et ne permet pas de distinguer, les Produits de la Requérante de ceux de l’Opposante à la lumière de l’emploi antérieur par l’Opposante de sa marque de commerce SPEED QUEEN au Canada depuis au moins 1930.

[8] Le 16 décembre 2016, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle réfute les motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition.

[9] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit une copie certifiée de l’historique de dossier de l’enregistrement de marque de commerce canadienne no UCA15837 pour la marque de commerce SPEED QUEEN et l’affidavit du vice-président de Whirlpool Corporation (Whirlpool Corp), Brett Dibkey, exécuté le 14 avril 2017 (l’affidavit Dibkey).

[10] Afin d’appuyer sa Demande, la Requérante a produit l’affidavit de son vice-président des ventes d’appareils ménagers en Amérique du Nord, Jay McDonald, exécuté le 2 mars 2018 (l’affidavit McDonald).

[11] Aucun des déposants des parties n’a été contre-interrogé sur son affidavit.

[12] Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. Seule l’Opposante a été représentée à l’audience. À cet égard, je remarque que, bien que l’agent de la Requérante ait demandé une audience et confirmé initialement qu’il participerait à l’audience au moment indiqué, il a choisi de ne pas participer le jour de l’audience.

Analyse

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[13] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Remarques préliminaires – Litiges antérieurs entre les parties

[14] Comme il a été susmentionné, les parties de la présente procédure ont été impliquées au cours des dernières années à quelques litiges concernant la même marque de commerce SPEED QUEEN.

[15] L’historique d’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN et la façon dont elle auparavant inscrite au nom Whirlpool au Canada est démontrée dans la preuve de l’Opposante et la preuve de la Requérante; cela a également été examiné et décrit par la juge en chef adjointe Gagné dans Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2019 CF 724 (la Décision de 2019). Sauf les passages accentués en italique dans la citation ci-dessous, j’estime que les points essentiels de cet historique résumés par la juge Gagné sont transposables en l’espèce et ne sont pas contestés par les parties :

[6] La marque SPEED QUEEN (employée pour la commercialisation de laveuses et de sécheuses à linge) a été déposée pour la première fois au Canada en 1941 par Barlow & Seelig, et ensuite cédée à McGraw‑Edison Company en 1957.

[7] À la suite de plusieurs opérations survenues en 1979, la propriété de la marque SPEED QUEEN a été scindée entre des entités non liées, au Canada et aux États-Unis. La marque SPEED QUEEN canadienne s’est finalement retrouvée dans le portefeuille de Whirlpool en 2004, tandis que la marque de commerce employée aux États-Unis et dans le reste du monde appartient aujourd’hui à Alliance.

[8] Entre 2004 et 2012, Whirlpool a vendu ses produits SPEED QUEEN à deux distributeurs situés au Canada : Harco Co Ltd (Harco) et Debsel Inc. Depuis 2013, l’unique distributeur de Whirlpool est Harco.

[9] En 2011, Alliance a engagé une instance en vertu de l’article 45 de la Loi afin de contraindre Whirlpool à démontrer que la marque de commerce avait été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis (la période d’octobre 2008 à octobre 2011). Le registraire des marques de commerce s’est tout d’abord prononcé en faveur du fait d’autoriser Whirlpool à maintenir sa marque de commerce. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale en 2014, mais infirmée par une décision majoritaire de la Cour d’appel fédérale en 2015 (Alliance Laundry Systems LLC c Whirlpool Canada LP, 2014 CF 1224, inf. par 2015 CAF 232). En mai 2016, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel. L’enregistrement canadien de la marque SPEED QUEEN de Whirlpool a donc été radié en 2016.

[10] Alliance a aussitôt lancé ses produits SPEED QUEEN sur le marché canadien, et ce, en rebaptisant ses laveuses et ses sécheuses à linge de marque HUEBSCH et en leur donnant une nouvelle image.

[11] Les parties ont présenté chacune des demandes d’enregistrement au Canada de la marque SPEED QUEEN : Whirlpool a présenté une demande concernant la marque nominale ainsi qu’une demande concernant le logo (les deux demandes ont été déposées le 13 septembre 2016). Alliance, pour sa part, a présenté deux demandes concernant la marque nominale (l’une en 2011 et l’autre en 2014). En novembre 2016, Whirlpool a déposé une déclaration d’opposition concernant la demande d’Alliance de 2011.

[16] Je reviendrai aux passages accentués en italique aux paragraphes 8 et 10 ci-dessus dans mon analyse des motifs d’opposition. En ce qui concerne la demande d’enregistrement de marque de commerce de 2014 mentionnée au paragraphe 11, il n’y a aucune preuve à cet égard en l’espèce.

[17] La Décision de 2019 abordait les deux demandes consolidées en une seule. La première était présentée par Whirlpool et demandait au tribunal de déterminer si Alliance a employé de manière inappropriée la marque nominale SPEED QUEEN en vertu de l’article 7 de la Loi. La deuxième demande avait été présentée par Alliance contre Whirlpool et Whirlpool Corp et demandait au tribunal de déterminer si Whirlpool et Whirlpool Corp avaient trompé le public concernant la marque SPEED QUEEN d’Alliance en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’article 52(1) de la Loi sur la concurrence, LRC (1985), c C-34. Dans sa décision, le tribunal a accueilli en partie la demande de Whirpool et a rejeté la demande d’Alliance. Ce faisant, le tribunal a conclu que « [Whirlpool] est la propriétaire de la marque de commerce non déposée SPEED QUEEN au Canada ». La décision du tribunal comprenait également, entre autres, les ordonnances suivantes empêchant Alliance d’employer la marque SPEED QUEEN au Canada :

5. Il est interdit à Alliance Laundry Systems LLC, de même qu’à ses dirigeants, préposés, représentants, mandataires ou toute personne qu’elle contrôle directement ou indirectement, d’employer la marque SPEED QUEEN ou tout nom commercial, tout style commercial ou toute dénomination sociale comprenant cette marque ou toute marque de commerce similaire au point de créer de la confusion au Canada;

6. Il est interdit à Alliance Laundry Systems LLC, de même qu’à ses dirigeants, préposés, représentants, mandataires ou toute personne qu’elle contrôle directement ou indirectement, d’appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux de Whirlpool Canada LP;

7. Alliance Laundry Systems LLC est tenue de cesser d’employer au Canada toute brochure, toute documentation promotionnelle et de vente ou tout document, toute déclaration et toute publicité, sous quelque forme ou support que ce soit, qui incluent ou mentionnent la marque SPEED QUEEN ou tout nom similaire à cette marque, notamment l’adresse https://ca.speedqueen.com;

8. Il est interdit à Alliance Laundry Systems LLC d’appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux de Whirlpool Canada LP;

9. Il est ordonné à Alliance Laundry Systems LLC de remettre à Whirlpool Canada LP, ou de détruire sous serment, la totalité des affiches, des annonces publicitaires et des autres documents, sous forme imprimée, électronique ou autre, ce qui inclut la totalité des cartes professionnelles et des documents publicitaires, promotionnels et d’étiquetage, selon le cas, dont l’emploi violerait les droits de Whirlpool Canada LP et qui sont — ou pourraient être — en la possession, sous l’autorité ou sous la garde d’Alliance Laundry Systems LLC;

10. Il est ordonné à Alliance Laundry Systems LLC d’envoyer à ses clients, y compris ses distributeurs et détaillants, une déclaration indiquant expressément qu’elle n’est pas la propriétaire de la marque SPEED QUEEN au Canada;

[18] Bien qu’Alliance ait produit un Avis d’appel interjetant appel de la Décision de 2019, la procédure a été subséquemment annulée [conformément à la copie de l’Avis de désistement en date du 21 novembre 2019 inscrite au dossier de la Cour no A-187-19]. Ainsi, la Décision de 2019 est maintenue.

[19] Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante a observé à l’audience que la Demande semblerait être devenue théorique, une position qui, elle affirme, est renforcée par la décision ultime de la Requérante de ne pas se présenter à l’audience. Cependant, en l’absence d’un retrait formel de la Demande, je dois prendre une décision. À cet égard, bien que je sois consciente que chaque dossier repose sur son propre mérite, j’adopterai une partie du raisonnement dans la Décision de 2019 lorsque j’estimerai qu’il est approprié de le faire.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[20] Comme ils ont été plaidés, les deux motifs d’opposition fondés sur l’article 30 dépendent essentiellement du même ensemble de faits, nommément qu’à la date de production de la Demande, la Requérante était bien consciente de l’enregistrement de marque de commerce no UCA15837 existant de l’Opposante pour la marque de commerce SPEED QUEEN qui visait essentiellement des produits identiques et que la Requérante ne pouvait pas avoir l’intention d’employer, ou être convaincue qu’elle avait le droit d’employer, la marque de commerce identique au Canada avec des produits essentiellement identiques, puisqu’une telle action aurait représenté une usurpation de marque de commerce en vertu des articles 19 et 20 de la Loi et aurait eu pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage associée à la marque de commerce déposée de l’Opposante en violation de l’article 22 de la Loi.

[21] La date pertinente pour examiner ces motifs d’opposition est la date de production de la Demande, nommément 15 septembre 2011 [Georgia-Pacific Corp v Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[22] Je conclus que ces deux motifs d’opposition devraient être rejetés pour les raisons suivantes.

[23] D’abord, la Demande contient la déclaration que la Requérante, par elle-même ou par un licencié, a l’intention d’employer la Marque au Canada et la déclaration que la Requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada. La Demande est par conséquent conforme aux exigences formelles des articles 30e) et 30i) de la Loi.

[24] Deuxièmement, l’Opposante n’a pas produit de preuve suggérant l’absence de l’intention d’employer la Marque de la part de la Requérante et n’a pas présenté de preuve de mauvaise foi de la part de la Requérante. Plutôt, l’Opposante s’appuie sur la preuve de la Requérante présentée par l’affidavit McDonald, et plus particulièrement les déclarations suivantes de M. McDonald :

[traduction]

8. Vers 2010, Alliance a commencé à surveiller le marché canadien pour déterminer s’il y a des ventes par Whirlpool Canada LP ou Whirlpool Corporation de leurs propres appareils SPEED QUEEN. Selon l’absence évidente de telles ventes, en septembre 2011, nous avons demandé à des avocats canadiens de produire, pour le compte d’Alliance, une demande pour l’enregistrement au Canada de SPEED QUEEN comme marque de commerce (no 1,543,613) et d’entamer une procédure d’annulation aux fins de l’absence d’emploi afin de retirer du registre l’enregistrement canadien au nom de Whirlpool Canada LP pour SPEED QUEEN (no 15837).

9. Le registraire des marques de commerce a décidé de maintenir un tel enregistrement pour les « laveuses » et les « sécheuses » (18 décembre 2013) et cette décision a été confirmée par la Cour fédérale (en date du 17 décembre 2014). Cependant, le 28 octobre 2015, la Cour d’appel fédérale a accepté l’appel produit par Alliance, mettant ainsi de côté la décision de la Cour fédérale et permettant l’appel de la décision du registraire des marques de commerce. Il a été décidé que, « même si on adopte une position généreuse quant à son contenu, la preuve [produite par Whirlpool] ne respecte pas le seuil de la preuve peu élevé qui est requis pour démontrer l’emploi de la marque de commerce en cause en liaison avec les produits de l’intimée ». Une copie de la décision émise par la Cour d’appel fédérale est jointe à titre de Pièce B à mon affidavit.

10. Whirlpool Canada LP a produit une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada de la décision de la Cour d’appel fédérale. Ladite demande a été refusée et l’enregistrement no 15837 pour la marque de commerce SPEED QUEEN, appartenant à Whirlpool Canada LP, a été officiellement radiée par le registraire des marques de commerce le 20 juillet 2016.

11. Pendant plusieurs années, Alliance a refusé de distribuer des appareils de marque SPEED QUEEN au Canada puisque l’enregistrement appartenait à Whirlpool Canada LLP. Toutefois, à titre du plus grand concepteur et fabricant d’équipement de lavage commercial au monde et en tant que propriétaire de la marque de commerce SPEED QUEEN partout dans le monde, l’intention d’Alliance a toujours été d’étendre la vente d’appareils SPEED QUEEN au Canada.

12. Subséquemment à la décision de la Cour suprême de refuser d’entendre l’appel de Whirlpool Canada LP de la décision de la Cour d’appel fédérale radiant l’enregistrement canadien pour SPEED QUEEN, Alliance a entamé les préparatifs pour entrer dans le marché canadien avec des produits SPEED QUEEN. Parmi ces efforts, Alliance a cherché à recruter des distributeurs avec une présence établie dans le marché canadien.

[25] L’Opposante observe que l’affidavit McDonald indique clairement que la Requérante était consciente de l’enregistrement de l’Opposante, ainsi que de l’emploi antérieur de l’Opposante de la marque de commerce SPEED QUEEN au Canada lorsque la Demande a été produite. L’Opposante observe que son enregistrement n’a pas été annulé avant le 20 juillet 2016, presque cinq ans après la date pertinente du 15 septembre 2011, et Alliance ne pouvait pas être certaine qu’il aurait été même annulé.

[26] Je ne souscris pas à l’approche de l’Opposante. Comme l’a indiqué la Requérante dans ses plaidoyers écrits, l’affidavit McDonald explique expressément le contexte dans lequel la Demande a été produite et la procédure d’annulation pour l’absence d’emploi a été entamée. Par l’affidavit McDonald, la Requérante démontre dans la preuve qu’elle est la propriétaire de la marque de commerce SPEED QUEEN aux États-Unis et dans le reste du monde, comme il est indiqué ci-dessus dans mes remarques préliminaires. En ce qui a trait au cas isolé et particulier du marché canadien, l’affidavit McDonald explique que [traduction] « [p]endant plusieurs années, Alliance a refusé de distribuer des appareils de marque SPEED QUEEN au Canada puisque l’enregistrement appartenait à Whirlpool ». C’est seulement lorsque la demande d’autorisation d’appel de Whirlpool à la Cour suprême du Canada de la décision de la Cour d’appel fédérale a été refusée et que l’enregistrement no UCA15837 de l’Opposante pour la marque de commerce SPEED QUEEN a été officiellement radié par le registraire que la Requérante a entamé les préparatifs pour entrer dans le marché canadien avec les produits SPEED QUEEN. Je ne vois aucune raison me permettant de conclure que l’intention d’Alliance au moment de produire la Demande était fausse.

[27] Par conséquent, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard des motifs d’opposition fondés sur les articles 30e) et 30i).

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[28] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que, à la date de production de la Demande (c’est-à-dire le 15 septembre 2011), sa marque de commerce SPEED QUEEN avait été employée ou révélée antérieurement au Canada et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande (c’est-à-dire le 26 octobre 2016) [article 16(5) de la Loi]. À cet égard, l’Opposante peut faire appel à son propre emploi ou sa propre révélation ou à celui ou celle de ses prédécesseurs en titre [article 17(1) de la Loi].

[29] La position de la Requérante est que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de démontrer que la marque de commerce SPEED QUEEN était devenue connue au Canada à un moment quelconque au sens de l’article 5 de la Loi. À la lumière de la preuve de l’Opposante (abordée ci-dessous), la Requérante observe également qu’il n’y a eu aucun emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN au Canada par l’Opposante, ou son licencié, à la date de production de la demande le 15 septembre 2011. À cet égard, la Requérante s’appuie sur la procédure en vertu de l’article 45, laquelle a mené à la radiation de l’enregistrement no UCA15837 de l’Opposante, pour affirmer que la marque de commerce SPEED QUEEN n’était pas employée au Canada au cours de la période pertinente du 5 octobre 2008 au 5 octobre 2011, ce qui couvre la date de production de la Demande et jusqu’à trois années auparavant. La position de la Requérante est que l’Opposante n’a pas fourni de meilleure preuve d’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN pour la même période que la preuve produite pour le registraire en réponse à la procédure en vertu de l’article 45.

[30] En revanche, l’Opposante affirme qu’elle a établi un emploi important de sa marque de commerce SPEED QUEEN remontant jusqu’en 1930 et que, malgré l’annulation de l’enregistrement no UCA15837, l’Opposante n’a jamais abandonné sa marque de commerce SPEED QUEEN et continue de vendre des laveuses et des sécheuses de marque SPEED QUEEN au Canada. À cet égard, l’Opposante s’appuie également sur certaines des constatations faites par la juge Gagné dans la Décision de 2019 pour renforcer sa position qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial sous le présent motif d’opposition.

[31] Avant d’aborder de manière plus détaillée les observations respectives des parties, je vais maintenant examiner la preuve de l’Opposante concernant précisément la question de l’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN au Canada.

La preuve de l’Opposante

L’affidavit Dibkey

[32] Dans la première partie de son affidavit, M. Dibkey fournit quelques renseignements contextuels concernant l’histoire et les activités de l’Opposante, y compris la possession de la marque de commerce SPEED QUEEN, enregistrement no UCA15837, qui a été annulée le 20 juillet 2016, et la concession de licences à son égard. Il affirme que la marque de commerce SPEED QUEEN a été employée par Whirlpool et son licencié Whirlpool Corp en abordant en évidence la marque de commerce SPEED QUEEN sur la face avant des laveuses et des sécheuses et qu’en tout temps, depuis l’acquisition de la marque de commerce SPEED QUEEN le 30 septembre 2004, Whirlpool a maintenu un contrôle direct ou indirect sur le caractère et la qualité de toutes les laveuses et sécheuses SPEED QUEEN mises en marché et vendues au Canada [para 1 à 5]. En appui, M. Dibkey joint à titre de Pièce C à son affidavit des photos représentatives montrant comment la marque de commerce SPEED QUEEN est arborée en évidence sur des laveuses et des sécheuses SPEED QUEEN vendues au Canada. Je remarque que ces laveuses et ces sécheuses semblent être destinées à un emploi commercial puisqu’elles sont à pièces. Je remarque également à ce stade de ma décision que je suis convaincue que tout emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN décrit par M. Dibkey dans son affidavit profite à Whirlpool, conformément aux dispositions en matière de licence de l’article 50 de la Loi.

[33] M. Dibkey se tourne ensuite aux ventes réalisées des laveuses et des sécheuses SPEED QUEEN au Canada par Whirlpool Corp à titre de licencié de Whirlpool.

[34] M. Dibkey joint d’abord à titre de Pièce D à son affidavit des copies de factures qui démontrent de telles ventes. Les échantillons de factures sont en date du 20 décembre 2011 au 28 juillet 2015. M. Dibkey confirme que la description et les numéros de modèles ou de pièces sur les factures correspondent aux ventes de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN au Canada et que ces factures sont représentatives du type de factures qui accompagneraient les ventes de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN au Canada [para 6 et 7].

[35] M. Dibkey fournit par après, au paragraphe 8 de son affidavit, le tableau suivant montrant en détail les ventes réalisées de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN au Canada pour les années 1996 à 2010 (totalisant 5 481 665,59 $ CA, représentant 9 549 unités) et pour les années 2011 à 2016 (totalisant 493 718,92 $ US, représentant 1 038 unités).

ANNÉE

UNITÉS

VENTES

1996

492

269 400,00 $ CA

1997

535

300 822,00 $ CA

1998

613

364 431,00 $ CA

1999

4 152

2 411 996,00 $ CA

2000

3 575

2 034 512,00 $ CA

2001

8

5 822,10 $ CA

2002

22

11 886,66 $ CA

2003

6

3 199,80 $ CA

2004

137

75 336,28 $ CA

2005

7

4 007,00 $ CA

2008

1

202,85 $ CA

2010

1

50,00 $ CA

TOTAL EN $ CA

(1996-2010)

9 549 unités

5 481 665,69 $ CA

2011

216

74 088,00 $ US

2012

148

64 923,20 $ US

2013

254

136 291,82 $ US

2014

143

77 185,92 $ US

2015

59

32 664 $ US

2016

218

107 528 $ US

TOTAL EN $ US

(2011-2016)

1 038 unités

493 718,92 $ US

[36] M. Dibkey explique que [traduction] « il y a eu une baisse des ventes des laveuses et sécheuses SPEED QUEEN au cours des années 2006-2010 ». Plus particulièrement, il indique ce qui suit :

[traduction]

9. […] Cette baisse de la disponibilité dans le marché peut être attribuée, en partie, par la réaffectation de ressources par Whirlpool Corporation pour achever l’acquisition de Maytag Corporation en 2006 et l’intégration subséquente, ainsi que le besoin de faire la transition de la plateforme de fabrication des laveuses et des sécheuses de marque SPEED QUEEN à un nouveau site de fabrication en raison de l’acquisition. De plus, des changements dans la plateforme de fabrication étaient requis afin de se conformer à la réglementation de 2007 mise en œuvre dans le cadre du programme ENERGY STAR, lequel a renforcé les exigences en matière d’efficience des laveuses de vêtements.

[37] M. Dibkey affirme que [traduction] « au cours des dernières années, Whirlpool a concentré son entreprise SPEED QUEEN sur la vente de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN à des distributeurs, y compris Debsel Inc. de Saint-Laurent, au Québec, et Hartco Co Ltd de Mississauga, en Ontario » [para 10]. En appui, il joint à titre de Pièce E à son affidavit des [traduction] « captures d’écran représentatives du site Web de Hartco Co Ltd offrant les laveuses et les sécheuses SPEED QUEEN pour la vente » et à titre de Pièce F des [traduction] « copies représentatives des brochures de spécifications de produits de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN (de 2011-2021 et de 2013 et plus) que les distributeurs peuvent fournir à leurs clients ».

[38] M. Dibkey affirme également que [traduction] « au cours de la pratique naturelle de faire la promotion de ses laveuses et sécheuses SPEED QUEEN, [Whirlpool] a participé à un salon professionnel parrainé par la Canadian Laundry Trade Association (« CALATA ») qui s’est déroulé du 13 au 15 avril 2012 » [para 11]. Il joint à titre de Pièce G à son affidavit des [traduction] « photos prises lors du salon professionnel de CALATA montrant une laveuse SPEED QUEEN ».

[39] M. Dibkey conclue son affidavit en affirmant que :

[traduction]

12. Les laveuses et les sécheuses SPEED QUEEN [de Whirlpool] ont une réputation établie qui est synonyme avec qualité dans le marché des appareils de lavage au Canada. [Whirlpool] a développé un important achalandage entourant sa marque de commerce SPEED QUEEN employée en liaison avec ses laveuses et sécheuses SPEED QUEEN au Canada.

Historique de dossier de l’enregistrement de marque de commerce canadienne no UCA15837 pour la marque de commerce SPEED QUEEN

[40] Compte tenu de la position de la Requérante que l’affidavit Dibkey n’offre pas une meilleure preuve d’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN à la date de production de la Demande et pour la période du 5 octobre 2008 au 5 octobre 2011 (la Période pertinente) qui était en question dans la procédure en vertu de l’article 45 qui a mené à la radiation de l’enregistrement no UCA15837 de l’Opposante, je mettrai brièvement en évidence les éléments clés de la preuve qui a été produite dans cette procédure précédente.

[41] La preuve de l’Opposante dans la procédure en vertu de l’article 45 était constituée de l’affidavit de Robert English, l’administrateur/directeur général de Whirlpool Corporation, exécuté le 27 mars 2012 (l’affidavit English).

[42] M. English a affirmé sous serment que les laveuses et sécheuses SPEED QUEEN étaient, au cours de la Période pertinente, vendues par Whirlpool et ses licenciés, y compris Whirlpool Corp, dans la pratique normale du commerce, à des clients au Canada. Le paragraphe clé de l’affidavit de M. English est reproduit ci-dessous :

[traduction]

11. Les ventes de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN au Canada pour les années 2001-2010 totalisent 100 504,69 $ CA. Bien que le volume général des ventes de laveuses et sécheuses SPEED QUEEN a brièvement diminué dans les années suivant l’acquisition par Whirlpool Corporation de Maytag Corporation en 2006, je confirme qu’une part des ventes ci-dessus pour les laveuses et sécheuses SPEED QUEEN pour les années 2001-2020 ont lieu directement au cours de la Période pertinente.

[Je remarque que le nombre total de ventes fourni par M. English correspond à celui obtenu en additionnant les données de ventes pour les années correspondantes dans le tableau au paragraphe 8 de l’affidavit Dibkey. Cependant, aucune ventilation n’est fournie par M. English.]

[43] Afin d’appuyer ses allégations d’emploi en liaison avec la marque de commerce SPEED QUEEN, M. English a joint les pièces suivantes à son affidavit :

· Pièce B : des photos représentatives montrant comment la marque de commerce SPEED QUEEN est arborée en évidence sur des laveuses et des sécheuses SPEED QUEEN, et l’était pendant la Période pertinente. Je remarque que ces photos correspondent à celles jointes à titre de Pièce C à l’affidavit Dibkey.

· Pièces C et D : des copies de factures en date du 20 et du 22 décembre 2011 de Whirlpool Corporation à un client de détail situé dans la province de Québec pour 108 laveuses SPEED QUEEN et 108 sécheuses SPEED QUEEN, respectivement. De nouveau, je remarque que ces factures sont incluses dans l’échantillon de factures joint à titre de Pièce D à l’affidavit Dibkey.

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve initial?

La position de la Requérante

[44] Comme il a été indiqué ci-dessus, la Requérante affirme que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de démontrer que la marque de commerce SPEED QUEEN était devenue connue au Canada à un moment quelconque au sens de l’article 5 de la Loi. La Requérante observe également que l’affidavit Dibkey, comme pour l’affidavit English, montre [traduction] « qu’il n’y a eu aucun emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN au Canada par l’Opposante, ou son licencié, à la date de production de la demande le 15 septembre 2011 ».

[45] Plus particulièrement, la Requérante observe ce qui suit dans ses plaidoyers écrits :

[traduction]

38. L’affidavit Dibkey montre que les ventes de laveuses et sécheuses SPEED QUEEN étaient presque inexistantes entre 2005 et 2010 et les quelques ventes isolées réalisées au cours de cette période (huit appareils au total) ne devraient pas être considérées comme des ventes réalisées dans la pratique normale du commerce [conformément aux dispositions de l’article 4(1) de la Loi].

[…]

41. L’affidavit Dibkey ne fournit pas suffisamment de faits pour déterminer si, par exemple, la vente alléguée de deux appareils SPEED QUEEN (une en 2008 et une en 2010) représente des transactions commerciales authentiques. Ces ventes ne sont appuyées par aucune facture et l’Opposante n’offre aucune justification pour des ventes si inhabituelles et isolées.

42. En fait, les factures jointes à titre de Pièce D à l’affidavit Dibkey ne sont pas pertinentes […] puisqu’elles ont toutes été émises après la date de production de la Demande. Cet élément de preuve devrait être ignoré, limitant la preuve pour toute vente possible aux données de ventes montrées dans le tableau sous le paragraphe 8 de l’affidavit Dibkey.

43. On remarque également que les données de ventes qui correspondent à ces deux ventes alléguées en 2008 et 2010 créent de graves doutes comme qui ces transactions étaient des « ventes dans la pratique normale du commerce » authentiques. Selon le paragraphe 8 de l’affidavit Dibkey, l’unité vendue en 2008 représente une vente de 202 $ CA et l’unité vendue en 2010 représente une vente de 50 $ CA. Cela ne correspond pas au prix de vente moyen de 578 $ CA par unité vendue avant 2005 (inclusivement).

44. Malgré cette incohérence, la preuve de l’Opposante n’arrive pas à expliquer à qui ces deux appareils auraient été vendus et dans quel contexte. Bien que les factures jointes à titre de Pièce D à l’affidavit Dibkey ont toutes été émises à Debsel inc (jusqu’au 21 novembre 2012 seulement) et à Harco Co Ltd, c’est-à-dire les distributeurs de l’Opposante, au cours des quelques dernières années (paragraphe 10 de l’affidavit Dibkey), il n’y a aucune information que ce soit concernant les ventes réalisées avant le 20 décembre 2011.

45. L’opinion de la Requérante est que la justification fournie par l’Opposante pour expliquer la quasi-absence de ventes d’appareils SPEED QUEEN au Canada pendant plus de cinq ans (paragraphe 9 de l’affidavit Dibkey) n’est pas admissible à titre de circonstances exceptionnelles justifiant une telle interruption des ventes. L’affidavit Dibkey utilise, de manière délibérée, des termes génériques comme « réaffectation des ressources », « intégration subséquente » et « changements dans la plateforme de fabrication » pour appuyer les justifications. Cependant, ils n’expliquent pas concrètement comment et pourquoi la production d’appareils SPEED QUEEN est passée de 4 152 unités et de 3 575 unités en 1999 et 2000 respectivement, à 1 unité en 2008 et 2010 (et 0 unité en 2006, 2007 et 2009).

46. La simple allégation de ventes de deux unités à l’intérieur d’une période de trois ans (2008 à 2010) ne permet pas au registraire de considérer que de telles ventes ont été réalisées dans la pratique normale du commerce, et ainsi comptant pour l’emploi de la marque de commerce dans le sens de l’article 4(1) de la Loi. L’échec de l’Opposante d’expliquer l’important écart dans les prix de vente pour ces deux unités comparativement à ses ventes antérieures alléguées suggèrent fortement qu’elles n’étaient pas des ventes réalisées dans la pratique normale du commerce. Comme il a été susmentionné, l’Opposante n’a fourni aucun détail concernant de telles ventes, au moyen de factures par exemple, pour montrer, entre autres, l’entité à laquelle elles ont été faites.

47. Il faut souligner que les Pièces E, F et G jointes à l’affidavit Dibkey […] sont toutes ultérieures à la date de production de la Demande. Par conséquent, elles ne sont pas pertinentes pour montrer l’emploi à cette date en particulier.

La position de l’Opposante

[46] En réponse, l’Opposante a observé lors de l’audience que, à la lumière de la Décision de 2019, il ne peut y avoir aucune ambiguïté que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial sous le présent motif d’opposition. L’Opposante a indiqué les passages suivants de cette décision, entre autres, où Mme Gagné a écrit :

[54] Pour ce qui est de la radiation pour cause de non-emploi entre 2008 et 2011, Whirlpool invoque plusieurs raisons pour expliquer la différence entre les volumes de ventes, raisons qui sont plus ou moins sérieuses. Toutefois, quand la réputation d’une marque de commerce est solide, elle peut résister à des périodes de non-emploi.

[55] Même s’il en a été question plus tôt dans le contexte de l’abandon de la marque, le principe est toujours valable : tant qu’une marque a une solide réputation, des périodes de défaut d’emploi ne se soldent pas forcément par une perte de protection. Comme Whirlpool a été en mesure d’établir que la marque SPEED QUEEN jouit d’une certaine réputation au sein du marché canadien, elle continue de profiter d’une protection, et ce, malgré la radiation de l’enregistrement en 2016.

[47] L’Opposante allègue également qu’il n’y a aucune raison de soupçonner que les ventes faites au cours des années 2008 et 2010 étaient autre chose qu’authentiques. À cet égard, l’Opposante a souligné que la Requérante était libre de contre-interroger M. Dibkey au sujet de ses déclarations faites sous serment d’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN, ce qu’elle n’a pas choisi de faire. Puisque M. Dibkey n’a pas été contre-interrogé, l’Opposante affirme que ses déclarations doivent être admises sans réserve.

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial

[48] Tenant compte d’abord du volet du motif d’opposition fondé sur la révélation au Canada de la marque de commerce SPEED QUEEN de l’Opposante, je suis d’accord avec la Requérante que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve pour les raisons suivantes.

[49] La preuve de l’Opposante ne démontre pas que la marque de commerce de l’Opposante a été révélée au Canada conformément à l’article 5 de la Loi avant la date de production de la Demande le 15 septembre 2011. La définition de révélation est fournie à l’article 5 de la Loi comme suit :

Quand une marque de commerce est réputée révélée

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des produits ou services, si, selon le cas :

a) ces produits sont distribués en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces produits ou services sont annoncés en liaison avec cette marque :

i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

[50] Il est évident que la preuve de l’Opposante n’établit pas l’emploi de la marque de commerce SPEED QUEEN par l’Opposante dans un pays de l’Union, autre que le Canada.

[51] En ce qui a trait au volet du motif d’opposition fondé sur l’emploi antérieur et le non‑abandon de la marque de commerce SPEED QUEEN de l’Opposante, je suis d’accord avec l’Opposante qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve pour les raisons suivantes.

[52] Comme l’a mentionné le registraire dans Olive Me Inc, et al c 1887150 Ontario Inc, 2020 COMC 26, l’article 16 de la Loi n’exige pas qu’un opposant prouve un certain niveau d’emploi ou de réputation. Si l’opposante démontre que son emploi respecte les exigences de l’article 4 de la Loi, que cet emploi s’est produit avant la date de production et que sa marque de commerce n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande du requérant, l’opposant s’est acquitté de son fardeau de démontrer l’emploi antérieur aux fins d’une opposition en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi, même si cette preuve se limite à une seule vente ou un seul événement, dans la mesure que cela s’est fait dans la pratique normale du commerce [7666705 Canada Inc c 9301-7671 Québec Inc, 2015 COMC 150].

[53] À cet égard, l’article 16 de la Loi n’exige pas qu’un opposant démontre nécessairement l’emploi continu de sa marque de commerce alléguée en appui à un motif d’opposition en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi. En effet, comme l’a remarqué la Cour d’appel fédérale dans Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder BV, 2012 CAF 321, au paragraphe 21 :

Le paragraphe 16(5) de la Loi ne repose pas sur le fait qu’une personne cesse d’employer (au sens de la Loi) une marque de commerce, mais plutôt sur le fait qu’une personne abandonne une marque de commerce en question. Comme je l’ai déjà dit, l’abandon d’une marque de commerce n’est pas déterminé en fonction uniquement du fait qu’une personne cesse d’employer cette marque de commerce. La personne doit également avoir eu l’intention d’abandonner la marque de commerce. Il est vrai que pour déterminer si une personne a l’intention d’abandonner une marque de commerce, on pourrait se fonder sur le fait qu’elle ne l’a pas employée depuis longtemps en l’absence de toute autre preuve.

[54] En l’espèce, l’affidavit Dibkey démontre sans équivoque que l’Opposante n’a pas abandonné sa marque de commerce SPEED QUEEN à la date de l’annonce de la Demande le 26 octobre 2016, comme l’exige l’article 16(5) de la Loi. D’autre part, je remarque que la Requérante ne semble pas nier que Whirlpool a réalisé des ventes dans la pratique normale du commerce depuis décembre 2011 à ses distributeurs Debsel (jusqu’au 21 novembre 2012) et Harco. Plutôt, selon ma lecture des observations de la Requérante, la Requérante s’en prend seulement aux ventes de l’Opposante réalisées avant la date de production de la Demande.

[55] À cet égard, les observations de la Requérante, en se concentrant sur les ventes de 2008 et de 2010, semblent suggérer que l’article 16(3)a) de la Loi exige qu’il y ait emploi de la marque de commerce de l’Opposante à la date de production de la Demande le 15 septembre 2011. Je reconnais les raisons pour lesquelles la Requérante remet en question les ventes réalisées au cours des années 2008 et 2010 (ou sinon au cours de la période du 5 octobre 2008 à 5 octobre 2011, c’est-à-dire la Période pertinente dans la procédure en vertu de l’article 45 ayant mené à la radiation de l’enregistrement no UCA15837 de l’Opposante). Cependant, j’estime que les ventes de l’Opposante n’ont pas à être réalisées à la date de production de la Demande, tant qu’elles ont été réalisées avant la date de production de la Demande. Par exemple, le seul emploi démontré avant la Demande pourrait être 20 ans avant la date de production de la Demande, tant que l’Opposante a également démontré qu’elle n’a pas abandonné l’emploi de sa marque de commerce à l’annonce de la Demande. La date pertinente du 15 septembre 2011 sert à déterminer la probabilité de confusion en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi.

[56] Ici, sans aller jusqu’à dire que les ventes de l’Opposante pour les années 2008 et 2010 ne sont pas de bonne foi et ont été réalisées uniquement pour créer une preuve, je suis d’accord avec la Requérante que l’écart important dans les prix de vente pour les deux unités mentionnées pour les années 2008 et 2010 comparativement aux ventes antérieures de l’Opposante suggère qu’elles n’ont pas été réalisées dans la pratique normale du commerce. Mon intention n’est pas de dire que les ventes de l’Opposante doivent être réalisées à un profit pour constituer un transfert dans la pratique normale du commerce. Cependant, en l’absence de clarifications de la part de M. Dibkey, je ne suis pas prête à en tenir compte. Dans la même veine, sans explications supplémentaires de la part de M. Dibkey concernant l’emploi fait de la marque de commerce SPEED QUEEN par les prédécesseurs en titre de l’Opposante avant l’acquisition par Whirlpool de la marque le 30 septembre 2004, je ne suis pas prête à tenir compte des donnés sur les ventes fournies pour les années 1996 à 2004 (inclusivement, puisque les ventes de 2004 n’ont pas été ventilées entre celles de Whirlpool et de son dernier prédécesseur en titre). Cela nous laisse les ventes de 2005 (7 unités totalisant 4 007,00 $ CA) et les photos fournies en accompagnement des laveuses et sécheuses SPEED QUEEN vendues par le licencié de l’Opposante Whirlpool Corp. En l’absence d’un contre-interrogatoire de M. Dibkey, je ne vois aucune raison de remettre en question le témoignage écrit de M. Dibkey et de conclure que les ventes pour l’année 2005, bien que minimes, n’étaient pas des ventes de bonne foi dans la pratique normale du commerce de l’Opposante. À cet égard, je remarque également que la diminution des ventes des laveuses et des sécheuses SPEED QUEEN au cours des années 2006-2010 a été expliquée par M. Dibkey; cette explication était absente de l’affidavit English.

[57] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime.

Le test en matière de confusion

[58] Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[59] En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour une discussion approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[60] Je n’estime pas qu’il me soit nécessaire de discuter longuement de chacun de ces facteurs puisqu’il s’agit clairement d’une question de confusion. Les marques de commerce des parties sont identiques et les produits associés à celles-ci sont également identiques ou se chevauchent directement.

[61] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[62] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce SPEED QUEEN était connue dans une mesure suffisante à la date à laquelle la déclaration d’opposition a été produite (c’est-à-dire le 23 novembre 2016) pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF) , 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles' International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Plus particulièrement, l’Opposante doit démontrer que sa marque était devenue connue au Canada dans une certaine mesure, profitant d’une réputation « importante, significative ou suffisante » pour annuler le caractère distinctif, ou soit autrement « bien connue dans une région précise du Canada » [Bojangles, précité, au para 33]. À cet égard, la preuve d’un opposant ne se limite pas à la vente de produits ou de services au Canada. Cela peut également être fondé sur la preuve de la connaissance ou de la réputation de la marque de commerce d’un opposant, y compris celui qui est diffusé par le bouche-à-oreille ou par des articles de journaux et de magazines [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd, précité, aux p. 58 et 59].

[63] La position de la Requérante est que l’Opposante ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

[64] Plus particulièrement, la Requérante observe ce qui suit dans ses plaidoyers écrits :

[traduction]

52. Il faut souligner que les factures jointes à titre de Pièce D à l’affidavit Dibkey ont toutes été émises à des distributeurs établis à Saint-Laurent, au Québec (Debsel Inc) ou à Mississauga, en Ontario (Harco Co Ltd). Tenant compte du fait que les deux distributeurs sont situés à une courte portée de 500 km et que l’affidavit reste muet quant à l’endroit où les appareils auraient été expédiés en bout de compte par les distributeurs pour la vente de détail, la preuve de l’opposant ne permet pas au registraire de déterminer si de telles ventes d’appareils SPEED QUEEN sont suffisantes pour démontrer la réputation nécessaire au Canada.

53. De plus, selon l’affidavit Dibkey, l’Opposante aurait vendu 1 038 unités d’appareils SPEED QUEEN entre 2011 et 2016 au Canada. La Requérante affirme que, au-delà de la question territoriale abordée ci-dessus, cette quantité d’appareils n’est pas suffisante pour montrer une réputation importante, significative ou suffisante de la marque SPEED QUEEN au Canada. Sur une période de six ans, cela représente des ventes annuelles limitées, particulièrement si de telles ventes sont comparées à la vente de 38 810 appareils SPEED QUEEN par la Requérante au Canada au cours d’une période aussi brève que de 16 mois, c’est-à-dire entre octobre 2016 (paragraphe 13 de l’affidavit McDonald) et le 2 mars 2018 (la date à laquelle l’affidavit McDonald a été signé).

54. De plus, la Pièce F (c’est-à-dire les copies représentatives des brochures de spécifications sur les produits de laveuses et de sécheuses SPEED QUEEN pour les distributeurs) et la Pièce G de l’affidavit Dibkey (c’est-à-dire les photos prises au salon professionnel parrainé par la Canadian Laundry Trade Association qui s’est déroulé du 13 au 15 avril 2012) n’aident pas à appuyer l’argument de l’Opposante. À tout le moins, l’Opposante aurait dû expliquer où et dans quelle quantité les brochures de spécification sur les produits ont été déposées et le nombre de Canadiens qui ont participé au salon professionnel. En l’absence de tels faits déterminants, le registraire ne peut pas simplement supposer que la réputation de l’Opposante pour la marque SPEED QUEEN était suffisamment au moment auquel la déclaration d’opposition a été produite.

[65] En réponse, l’Opposante observe ce qui suit dans ses plaidoyers écrits :

[traduction]

43. Comme il a été indiqué précédemment, l’Opposante a établi un emploi important de sa marque de commerce SPEED QUEEN remontant jusqu’en 1930. La seule déclaration du requérant concernant son emploi de la [Marque] au Canada est le paragraphe 13 qui indique ce qui suit : « Depuis octobre 2016, Alliance a vendu 38 810 unités sous la marque de commerce SPEED QUEEN pour l’installation au Canada ». Il n’est pas clair, à partir de cette déclaration, du nombre, s’il y a lieu, d’unités vendues au Canada avant la date pertinente (novembre 2016) ou même si l’une des unités avait été installée au Canada à la date de l’affidavit (2 mars 2018).

44. Puisque l’Opposante a établi un emploi de sa marque SPEED QUEEN suffisant pour annuler le caractère distinctif de la [Marque] d’Alliance à la date pertinente et qu’Alliance n’a pas établi comment la [Marque] peut possiblement s’en distinguer alors que l’Opposante emploie la même marque pour les mêmes produits depuis 1930, on affirme que la [Marque] n’avait pas de caractère distinctif lorsque l’opposition a été produite et que la Demande doit être rejetée pour cette raison.

[66] L’Opposante a également observé lors de l’audience que, à la lumière de la Décision de 2019, il ne peut y avoir aucune ambiguïté que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial sous le présent motif d’opposition. Je reproduis ci-dessous quelques passages de cette décision discutant l’achalandage accumulé par la marque de commerce SPEED QUEEN de l’Opposante dans le marché canadien :

[48] Quant aux ventes fondées sur la demande, la Loi ou la jurisprudence ne fixe aucun quota qu’une entreprise est tenue de respecter pour montrer que la marque a atteint une certaine reconnaissance. Bien que la jurisprudence reconnaisse bel et bien qu’une vente unique ne répond pas toujours à la définition d’une « vente réalisée dans la pratique normale du commerce », les ventes dont Whirlpool fait état depuis 2011 sont supérieures à une par année. À mon avis, la vente constante d’environ 140 à 250 appareils électroménagers par année entre 2011 et 2016 (à l’exception de 2015, où 59 appareils électroménagers ont été vendus) démontre le rôle actif de Whirlpool dans la pratique normale du commerce, ce qui étaye une conclusion d’achalandage.

[…]

[52] Alliance ne réfute pas les preuves liées à une exposition commerciale tenue en 2012. De plus, même si la marque n’apparaît pas sur le site Web « Commercial Laundry », elle est présente sur le site Web de Harco. Cette publicité de la part du distributeur est susceptible de permettre de joindre les utilisateurs ultimes et d’assurer la promotion des ventes. En conséquence, même si les témoins ne sont peut-être pas au courant de l’existence de fonds promotionnels, il semble bien qu’on ait fait la promotion de la marque SPEED QUEEN lors d’une exposition commerciale tenue en 2012, ainsi que sur le site Web de Harco en 2014.

[53] Compte tenu de la présence prolongée de la marque au Canada ainsi que des ventes modérées et des activités promotionnelles qu’elle a réalisées, Whirlpool a établi que sa marque SPEED QUEEN a acquis un certain achalandage sur le marché canadien, du moins en Ontario.

[C’est moi qui souligne.]

[67] Bien que la juge Gagné ne le décrive pas en détail, je remarque que la preuve respective des parties dans ce dossier comprenait les affidavits de M. Dibkey et de M. McDonald, et que la juge Gagné a remarqué que la preuve des parties indiquait que :

[18] […] Au Canada, Whirlpool a vendu 10 607 appareils électroménagers portant la marque SPEED QUEEN pendant toute la période de 1996 à 2017 (il convient de garder à l’esprit que, sur les 500 000 appareils électroménagers de toutes marques que Whirlpool vend chaque année au Canada, seuls 3 000 à 5 000 sont des appareils de buanderie commerciaux). […] Par contraste, Alliance a vendu plus de 13 000 appareils électroménagers au Canada pendant la courte période d’octobre 2016 à août 2017.

[68] Le nombre cité de 10 607 unités pour les années 1996-2017 correspond essentiellement au nombre total de 10 587 unités pour les années 1996-2016 obtenu en additionnant le nombre d’unités par année montré dans le tableau sous le paragraphe 8 de l’affidavit Dibkey en l’espèce. En ce qui a trait aux ventes d’Alliance, il n’est pas clair combien d’unités, le cas échéant, ont été vendues avant la date pertinente du 23 novembre 2016.

[69] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis prête à accepter que l’Opposante a démontré que sa marque de commerce SPEED QUEEN était devenue connue dans une certaine mesure, du moins en Ontario, à la date pertinente du 23 novembre 2016. Cependant, je ne suis pas convaincue que la preuve de l’Opposante démontre de manière concluante que la marque de commerce de l’Opposante avait acquis une réputation qui était « importante, significative ou suffisante » au Canada permettant d’annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante ou, sinon, que la marque de commerce de l’Opposante était « bien connue dans une région précise du Canada » (c’est-à-dire en l’espèce, la région de l’Ontario), comme l’exige Bojanles, précité.

[70] Compte tenu de ce qui précède, ce motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté, car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.


Décision

[71] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE D’AUDIENCE 2021-03-31

COMPARUTIONS

Jennifer E. McKay

Pour l’Opposante

Aucune comparution

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Dentons Canada LLP

Pour l’Opposante

Robic

Pour la Requérante

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.