Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 98

Date de la décision : 2021-05-21

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

PowerRich Corporation

Opposante

et

 

ATP Nutrition Ltd.

Requérante

 

1 678 151 pour POWERPLANT

Demande

 

Aperçu

[1] ATP Nutrition Ltd. (la Requérante) a produit la demande no 1 678 151 (la Demande) en vue de l’enregistrement de POWERPLANT (la Marque) en liaison avec de l’engrais à usage agricole.

[2] PowerRich Corporation (l’Opposante) est une entreprise familiale qui répond aux besoins nutritionnels des cultures en fonction du type de sol pendant plus d’une décennie. Elle s’oppose à la Demande principalement au motif que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposant POWERPAK, POWERROOT et POWERFOL, toutes enregistrées en liaison avec des engrais agricoles, et POWERRICH CORPORATION et Dessin, enregistrées en liaison avec la fabrication et la distribution d’engrais agricoles.

[3] Pour les motifs qui suivent, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion. Par conséquent, la Demande est rejetée.

Le Dossier

[4] La Demande a été déposée le 23 mai 2014 et est fondée sur l’emploi projeté en liaison avec de l’engrais à usage agricole.

[5] La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 18 octobre 2017. Le 6 mars 2018, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019 et en application de l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition dans cette procédure seront évalués en se fondant sur la Loi dans sa version du 17 juin 2019.

[6] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondée sur la non-conformité à l’article 30i), la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence d’un droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi. À l’exception du motif fondé sur l’alinéa 30i), chacun des motifs d’opposition est fondé sur une allégation de confusion avec les enregistrements de l’Opposante nos LMC904,009 (POWERFOL), LMC913,039 (POWERPAK), LMC903,997 (POWERROOT) (les marques nominales de l’Opposante), LMC450,293 (POWERRICH CORPORATION et Dessin) (la marque figurative de l’Opposante, reproduite ci-dessous) et/ou le nom commercial PowerRich Corporation de l’Opposante.

 

[7] Comme preuve à l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Gregory Frank Grant. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Elizabeth Czyrnyj. Ni l’un ni l’autre des déposants n’a été contre-interrogé.

[8] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

Fardeau de la preuve

[9] La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 1990 CanLII 11059 (CF), à la p. 298].

Analyse des motifs d’opposition

Alinéa 30i) – Non-conformité

[10] L’Opposante allègue dans sa déclaration d’opposition que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada, puisque, à titre de concurrente, elle était au courant du nom commercial PowerRich Corporation de l’Opposante et de sa famille de marques de commerce POWER.

[11] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[12] L’article 30i) de la Loi exige simplement qu’un requérant déclare dans sa demande qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer sa marque de commerce. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) devrait être accueilli seulement dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il y a une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p. 155]. La simple connaissance de l’existence de la marque de commerce d’un opposant n’appuie pas en soi une allégation selon laquelle un requérant n’aurait pas pu être convaincu de son droit d’employer la marque [Axa Assurances Inc c Charles Schwab & Co (2005), 49 CPR (4th) 47 (COMC); Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197].

[13] En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il n’y a pas de preuve de mauvaise foi ou de cas exceptionnel. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Article 12(1)d) – Non-enregistrabilité

[14] L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec au moins l’une de ses marques nominales enregistrées ou sa marque figurative enregistrée.

[15] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerce, 1991 CanLII 11769 (FAC), Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16] En ce qui a trait à la question de la confusion, je me concentrerai les marques de commerce nominales de l’Opposante puisque je considère qu’elles représentent le meilleur cas de réussite l’Opposante.

[17] Chacune des marques nominales de l’Opposante est enregistrée en liaison avec des engrais agricoles. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que chacun de ces enregistrements existe bel et bien [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

Quand des marques de commerce créent-elles de la confusion?

[18] Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus… exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice…

[19] Ainsi, la question ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits et/ou services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs d’engrais venus en liaison avec la Marque croiraient qu’il a été produit, autorisé ou licencié par l’Opposante.

[20] Aux fins de cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits et/ou services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[21] Les critères énoncés à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (SCC) [Masterpiece], au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’alinéa 6(5)e), la ressemblance entre les marques, aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion.

Analyse des facteurs de l’article 6(5)

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[22] Le facteur prévu à l’article 6(5)a) consiste à tenir compte de la combinaison du caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce et de la mesure dans laquelle elle est devenue connue au Canada.

[23] La Requérante fait valoir que la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent parce qu’elle suggère une centrale électrique de production d’électricité et qu’elle n’a donc pas de sens à l’égard des produits visés par la demande. Toutefois, comme l’a fait remarquer l’Opposant, dans l’évaluation du caractère distinctif inhérent d’une marque, il faut tenir compte de la marque de commerce en liaison avec les produits et/ou les services des parties.

[24] Le premier élément de chaque marque est le mot POWER. Puisque le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire [Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65, au para 29], je note que le dictionnaire en ligne www.dictionary.com définit le mot « power » comme « to give power to; make powerful ».

[25] La Marque est la combinaison de deux mots du dictionnaire, POWER et PLANT. Lorsqu’elle est considérée en liaison avec les produits pertinents, la Marque évoque un engrais qui donne de l’énergie aux plants ou qui fait des plants vigoureux. Par conséquent, je ne considère pas que la Marque ait un caractère distinctif inhérent solide.

[26] Similairement, je ne considère pas que la marque POWERROOT de l’Opposante soit intrinsèquement forte. À cet égard, je considère qu’il est révélateur d’un engrais qui crée des racines vigoureuses.

[27] Les marques POWERPAK et POWERFOL de l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé que la Marque puisqu’il s’agit de mots inventés. Toutefois, elles sont également fondamentalement faibles parce qu’elles suggèrent un caractère ou une qualité des produits qui leur sont associés de la façon suivante :

· POWERPAK: suggère un paquet d’engrais qui rendra le plant plus vigoureux dans l’ensemble;

· POWERFOL: suggère que l’engrais rendra soit le plant plus vigoureux dans son ensemble, plus particulièrement parce qu’elle ressemble au terme élogieux « powerful », ou que l’engrais donnera de la vigueur au feuillage du plant (si l’on considère que l’élément FOL est un jeu de mots ou un élément suggestif de « foliage » (feuillage)).

[28] Malgré un caractère distinctif inhérent faible, chacune des marques de commerce de l’Opposante est devenue connue au Canada dans une certaine mesure par ses ventes et sa publicité au Canada depuis au moins aussi tôt que 2008. La preuve de M. Grant, directeur général de l’Opposante, peut se résumer comme suit :

· les trois principaux produits de l’Opposante sont POWERPAK, POWERROOT et POWERFOL; chacun de ces produits est employé dans le [traduction] « cycle de culture » et fait partie du Programme d’engrais PowerRich depuis 1990;

· le mélange d’engrais POWERPAK est la partie pré-plantation du programme de cycle de culture d’engrais PowerRich;

· le produit POWERROOT est une solution non toxique, hydrosoluble, de traitement des semences à base de varech et de transplantation qui peut être appliquée directement à la graine;

· l’engrais POWERFOL est la troisième et dernière partie du programme de cycle de culture d’engrais PowerRich; il s’agit d’un aliment végétal appliqué à un plant en croissance;

· les trois principaux produits de l’Opposante sont vendus à des agriculteurs, principalement par l’entremise d’agents établis en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan;

· pour chacune des dix années précédant la date de l’affidavit de M. Grant (14 septembre 2018), les revenus annuels générés par les ventes des produits du Programme d’engrais PowerRich au Canada ont dépassé 10 000 000 $;

· les étiquettes d’emballage arborant les marques de commerce POWERPAK et POWERFOL sont employées conjointement avec les produits physiques;

· les contrats expurgés datés du 3 août 2017 et du 21 mai 2018, arborant la marque de commerce POWERRICH CORPORATION et Dessin au haut, et les marques de commerce POWERPAK, POWERFOL et/ou POWERROOT dans le corps du contrat applicable, qui accompagnent chaque vente et ont été employés de cette façon depuis que l’Opposante a commencé à vendre ses produits dans le Programme d’engrais PowerRich en 1990, sont joints en pièce jointe;

· pour chacune des dix années précédant la date de l’affidavit de M. Grant, les dépenses annuelles de publicité de l’Opposante pour promouvoir son programme et ses produits d’engrais PowerRich POWERPAK, POWERROOT et POWERFOL au Canada ont dépassé 150 000 dollars canadiens;

· l’Opposante a annoncé ses marques nominales et figuratives dans des magazines distribués ou consultés par des agriculteurs, y compris The Western Producer et The Book : Prairie Farmers Catalogue, sur des affiches dans les champs agricoles, à de grands salons commerciaux et de petits salons régionaux, à des séminaires, à la radio, au moyen de parrainage d’équipes et d’événements sportifs, sur son site Web et au moyen des médias sociaux.

[29] La Requérante soutient que M. Grant n’a fourni aucune preuve satisfaisante de l’emploi réel des marques nominales de l’Opposante employées en liaison avec de l’engrais. À cet égard, la Requérante soutient que M. Grant n’a pas fourni de ventilation des produits vendus en liaison avec chacune des marques de commerce de l’Opposante; qu’il n’a fourni aucun détail sur le nombre de ventes effectuées, à quel endroit et au cours de quelle année; et qu’il n’a joint aucune preuve documentaire comme des factures. La Requérante soutient qu’il n’y a aucune preuve que l’échantillon de contrats expurgés fournis était constitué de ventes effectuées [traduction] « à des parties sans lien de dépendance ». La Requérante affirme que cela rend la preuve de M. Grant ambiguë et que cette ambiguïté devrait être résolue contre l’Opposante.

[30] Par contre, l’Opposante soutient que la preuve de M. Grant n’a pas été contestée. L’opposante soutient en outre que la preuve de M. Grant est suffisante pour démontrer l’emploi et/ou la révélation des marques nominales de l’Opposante au Canada depuis 1990.

[31] Je commencerai par souligner que même si la Requérante aurait pu demander le contre-interrogatoire de M. Grant pour préciser des éléments de preuve lorsqu’il y a des ambiguïtés, elle n’était pas tenue de le faire puisque le registraire a conclu que de telles ambiguïtés doivent être résolues contre la partie qui a présenté la preuve dans une affaire d’opposition [Power Budd, LLP c Beaudry, 2006 CanLII 80342 (TMOB); Ben Sherman Group Limited c Knautz, 2013 COMC 122]. Cela dit, en l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que la preuve de M. Grant est suffisante pour démontrer que l’Opposante a fait connaître au moins dans une certaine mesure chacune de ses marques nominales au Canada.

[32] À cet égard, l’Opposante a fait preuve d’une publicité abondante de ses marques nominales au Canada dans le cadre de diverses activités pour la période de dix ans précédant l’affidavit de M. Grant. L’Opposante a également démontré des ventes importantes d’engrais de l’Opposante vendus en liaison avec ses marques nominales au cours de la même période, et a corroboré cette affirmation en fournissant des contrats de vente représentatifs de ses produits POWERPAK, POWERFOL et POWERROOT, datés du 3 août 2017 et du 21 mai 2018. Bien que les renseignements commerciaux de nature délicate de l’Opposante aient été supprimés des contrats, je ne considère pas que cela en soi laisse entendre qu’aucune de ces transactions de vente n’a été effectuée dans la pratique normale du commerce. Enfin, M. Grant a également fourni l’emballage et l’étiquetage représentatifs des produits POWERPAK et POWERFOL de l’Opposante.

[33] Comme il n’y a aucune preuve que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada, j’estime que ce facteur favorise, dans l’ensemble, l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[34] Bien que M. Grant affirme que l’Opposante emploie ses marques nominales au Canada depuis aussi tôt que 1990, la preuve de l’Opposante à l’égard de laquelle les marques nominales ont été employées en particulier depuis cette date n’est pas claire. Toutefois, je conclus que l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque POWERPAK depuis au moins le 3 août 2017 et de ses marques POWERROOT et POWERFOL depuis au moins le 21 mai 2018, en se fondant sur les contrats de vente représentatifs fournis. Puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque de la Requérante, ce facteur favorise l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[35] Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des produits tels que définis dans les enregistrements invoqués par l’Opposante et l’état déclaratif des produits dans la demande d’enregistrement de la Marque, qui régit l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[36] Les produits des parties sont essentiellement identiques, puisque la Marque a été demandée en liaison avec de l’engrais à usage agricole, tandis que chacune des marques nominales de l’Opposante est enregistrée pour de l’engrais agricole. En l’absence de preuve contraire, j’estime que les voies de commercialisation des parties pourraient également se chevaucher. Ces facteurs favorisent donc également l’Opposante.

Degré ressemblance

[37] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de placer les marques de commerce côte à côte, et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin, précité, au para 20]. Bien que la Cour suprême indique dans Masterpiece, précité, que l’approche préférable pour comparer les marques consiste à déterminer d’abord s’il y a un aspect des marques de commerce qui est particulièrement frappant ou unique, elle a également maintenu que la première composante est souvent considérée plus importante pour distinguer [Conde Nast Publications Inc v Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst)].

[38] Dans ce cas, il se trouve que le mot POWER est à la fois le premier élément et le composant le plus frappant de la Marque et de la marque de commerce POWERROOT de l’Opposante. J’estime qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre ces marques ans la présentation ou le son. Les idées suggérées par ces marques sont également assez semblables, puisque la Marque suggère un engrais qui est puissant pour le plant lui-même, tandis que la marque POWERROOT de l’Opposante suggère un engrais qui est puissant pour la racine du plant.

[39] Bien qu’il y ait également une certaine ressemblance entre la Marque et les marques POWERPAK et POWERFOL de l’Opposante, je n’estime pas que le degré de ressemblance entre la Marque et ces marques est aussi élevé que celui entre la Marque et la marque POWERROOT de l’Opposante. À cet égard, l’élément frappant des marques de commerce POWERPAK et POWERFOL de l’Opposante est l’ensemble des marques, respectivement, étant donné qu’il s’agit des deux termes inventés. Bien que les idées suggérées entre ces marques et la Marque soient également semblables (c’est-à-dire que POWERPAK suggère un paquet d’engrais qui sont puissants pour l’ensemble du plant, tandis que POWERFOL suggère un puissant engrais pour l’ensemble du plant), le lien entre les idées suggérées entre ces marques et la Marque n’est pas aussi évident qu’entre la Marque et la marque POWERROOT de l’Opposante.

[40] Dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.

Circonstances pertinentes – la famille de marques de commerce

[41] Dans un autre contexte, l’Opposante affirme qu’elle possède une famille de marques de commerce, chacune comprenant le premier mot POWER pour lequel un emploi important et des activités promotionnelles ont été prouvés. En se fondant sur la décision McDonald’s Corp v Yogi Yogurt Ltd (1982) 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst), l’Opposante maintient que l’existence d’une famille de marques de commerce, y compris les mêmes préfixes ou des préfixes similaires augmente la probabilité de confusion.

[42] L’Opposante soutient en outre qu’il est important qu’elle ait caractérisé toute son image de marque POWER autour du cycle de culture, ce qui est mentionné dans certaines des activités publicitaires de l’Opposante. M. Grant explique également que le [traduction] « Programme d’engrais PowerRich » de l’Opposante comprend les trois produits suivants : l’engrais POWERPAK, employé pour l’étape de pré-plantation; l’engrais POWERROOT, qui est appliqué directement à la graine; et l’engrais POWERFOL, qui est un aliment végétal appliqué directement au plant. Je suis d’accord que cette preuve démontre que les marques nominales de l’Opposante forment une série de marques.

[43] Quoi qu’il en soit, la preuve démontre également l’emploi réel de plus d’une marque dans la famille de marques de l’Opposante. À cet égard, même si l’Opposante n’a pas fourni de ventilation des ventes de chacun de ses engrais, l’Opposante a fourni des emballages et étiquettes représentatifs indiquant comment chacune des marques nominales a été employée au fil des ans, ainsi que des contrats de vente représentatifs qui affichent la quantité et la description de chacun des engrais dans la famille des marques nominales de l’Opposante vendues dans le passé. L’Opposante a également démontré l’emploi de sa marque POWERRICH CORPORATION et Dessin en liaison avec la fabrication et la distribution d’engrais. Je conclus donc que les consommateurs peuvent s’attendre à ce que les marques avec le préfixe « POWER » employées en liaison avec des produits d’engrais proviennent de l’Opposante.

[44] À la lumière de ce qui précède, j’estime que cette circonstance renforce dans une certaine mesure la probabilité de confusion avec la Marque proposée de la Requérante [voir McDonald’s Corp c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF)].

Circonstances de l’espèce – Preuve de l’état du registre

[45] La Requérante, en revanche, soutient que l’état de la preuve au registre de Mme Czyrnyj, ancienne stagiaire en droit de la Requérante, démontre que le mot POWER, qui est l’élément commun de toutes les marques en cause en l’espèce, est également contenu dans un certain nombre d’autres marques pour des produits similaires et que de telles occurrences communes dans le registre des marques de commerce réduisent le risque de confusion dans cette affaire [Techniquip Limited c Association olympique canadienne, 1998 CanLII 7573 (CF)].

[46] Dans la décision Techniquip, la Cour a déclaré ce qui suit au para 19 :

Il est reconnu que le registraire, au moment de se demander si deux marques sont susceptibles de créer de la confusion, doit déterminer si l’élément commun à celles-ci est également présent dans un certain nombre d’autres marques. En effet, cette situation tend à diminuer le risque de confusion et à permettre de distinguer les marques de commerce comparées grâce à des caractéristiques autres que leur particularité commune. À cet égard, l’auteur Harold G. Fox, dans son ouvrage intitulé The Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, affirme ce qui suit aux pages 174 et 175 :

[traduction]

[marques non déposées et déposées] Si ces marques sont toutes déposées au nom du propriétaire, la présomption suivante s’applique lorsque le registraire est saisi de la demande : les marques constituent une série de marques employées par un propriétaire, ce qui équivaut à un seul enregistrement contradictoire, et l’enregistrement de la marque visée par la demande devrait, à première vue, être refusé. Si, d’un autre côté, les marques sont déposées au nom de plusieurs propriétaires différents, il faut alors présumer que la caractéristique commune consiste en une particularité commune au commerce visé et l’enregistrement devrait donc être autorisé […] Lorsque la question est soulevée à la suite d’une opposition, le registraire ne peut alors recourir à aucune présomption concernant les faits de l’espèce. Avant de pouvoir tirer, à la lumière de l’emploi des autres marques, l’inférence proposée, que ce soit en faveur du requérant ou de l’opposant, cet emploi doit avoir été mis en preuve.

[47] La preuve de Mme Czyrnyj est qu’il y a au moins 20 marques POWER dans le registre des marques de commerce pour 18 propriétaires différents, toutes enregistrées ou visées pour l’enregistrement avec des produits semblables à ceux des parties en cause. Je n’estime pas que bon nombre des résultats trouvés par Mme Czyrnyj soient pertinents, toutefois, parce qu’ils n’incluent pas le mot Power d’une façon importante, c’est-à-dire comme premier élément ou préfixe de la marque. À mon avis, les marques les plus pertinentes trouvées par Mme Czyrnyj sont celles qui comprennent le mot Power comme premier élément, qui comprend les points suivants :

· POWER TO GROW, enregistrement no LMC103,295

· POWER PILLS, enregistrement no LMC461,220

· POWER BLOOM, enregistrement no LMC567,542

· POWERPLUS, enregistrement no LMC819,112

· POWERGROWER, enregistrement no LMC633,997

· POWERBLOX, demande no 1,753,437

[48] Toutefois, l’Opposante soutient qu’un petit nombre d’enregistrements et de demandes pertinents comme celui-ci, sans preuve de l’emploi de ces marques sur le marché, ne me suffit pas pour tirer une conclusion significative sur l’état du marché. Je suis d’accord.

[49] Bien que le mot POWER ne soit pas un élément inhabituel des marques de commerce pour des produits et/ou des services liés aux engrais, à mon avis, il n’y a pas suffisamment de marques de commerce qui ont le mot POWER comme premier composant ou préfixe, ce qui me permettrait de conclure que ces marques pour des produits et/ou des services similaires sont courantes sur le marché [voir Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Je me réfère également à la décision dans McDowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581, où la Cour a conclu que l’absence de preuve que les marques étaient employées relativement à des produits similaires à ceux des parties était suffisante pour conclure que la Commission avait commis une erreur en tirant une inférence négative simplement de l’état du registre.

[50] Compte tenu de ce qui précède, je n’estime pas que cette circonstance pertinente aide la Requérante.

Conclusion

[51] La Requérante a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Compte tenu des facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, et en particulier du chevauchement des produits des parties, et de la ressemblance entre la Marque et la marque POWERROOT de l’Opposante en particulier, ainsi que de la preuve de l’Opposante selon laquelle ses marques nominales et sa marque figurative forment une famille de marques de commerce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce POWERROOT de l’Opposante. Autrement dit, la Requérante ne m’a pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, un Canadien qui a un souvenir imparfait de la marque POWERROOT de l’Opposante associée aux engrais ne présumerait pas, de première impression, que les engrais de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement liés ou associée aux produits de l’Opposante.

[52] En ce qui a trait aux marques POWERPAK et POWERFOL de l’Opposante, j’estime que la prépondérance des probabilités quant à la probabilité de confusion quant à la source des produits des parties doit être uniformément équilibrée. J’en arrive à cette conclusion pour les mêmes raisons que ci-dessus, même si je considère que le degré de ressemblance n’est pas aussi favorable à l’Opposante à l’égard de ces marques qu’à l’égard de sa marque POWERROOT. Étant donné que le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante.

[53] Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est donc accueilli.

Articles 16(3)a) et c) – Absence de droit à l’enregistrement

[54] L’Opposante fait aussi valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle crée de la confusion avec au moins l’une des marques enregistrées de l’Opposante en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi et/ou le nom commercial de l’Opposante, PowerRich Corporation, en vertu de l’article 16(3)c) de la Loi. La date pertinente pour ces motifs d’opposition est la date de dépôt de la Demande, soit, le 26 mai 2014.

[55] Afin de s’acquitter de son fardeau initial en vertu de l’article 16, l’Opposante doit prouver l’emploi d’au moins une de ses marques de commerce déposées ou de son nom commercial au Canada avant le 23 mai 2014 et le non-abandon en date du 18 octobre 2017, date de l’annonce de la demande en question [article 16(5) de la Loi].

[56] Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau en vertu pour ce motif en ce qui a trait à ses marques nominales. À cet égard, même si M. Grant a témoigné d’importantes ventes annuelles de chacun des trois produits du Programme d’engrais PowerRich, y compris ses produits POWERPAK, POWERROOT et POWERFOL, pour chacune des dix dernières années précédant la date de son affidavit, la preuve documentaire principale fournie pour corroborer cette déclaration (c’est-à-dire les contrats de vente représentatifs) est datée après la date pertinente pour ce motif.

[57] Toutefois, j’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en vertu de ces motifs à l’égard de sa marque figurative et de son nom commercial. À cet égard, même si la preuve de l’Opposante démontre des variations de cette marque dans certaines de ses publicités, je suis convaincue, d’après la preuve dans son ensemble, que l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque figurative et de son nom commercial en liaison avec la fabrication et la distribution d’engrais avant la date de dépôt de la demande, et le non-abandon de cette marque et de son nom commercial à la date de l’annonce. Le reste de ce motif repose donc sur une évaluation de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque figurative et le nom commercial PowerRich Corporation de l’Opposante.

[58] Ni la Marque, ni la marque figurative ou le nom commercial de l’Opposante ne sont intrinsèquement solides. La durée d’emploi des marques et du nom commercial favorise l’Opposante, puisque celle-ci a démontré l’emploi de sa marque figurative et de son nom commercial depuis au moins aussi tôt que 2009, principalement par la preuve des diverses activités publicitaires de l’Opposante, alors que la Requérante n’a démontré aucun emploi de sa Marque. Les produits de la Requérante sont également liés aux services de l’Opposante et, en l’absence de preuve contraire, je m’attendrais à ce que les voies de commercialisation des parties se chevauchent également.

[59] Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, le degré de ressemblance même s’il est mentionné à l’article 6(5), est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [voir Masterpiece, précité]. En l’espèce, les différences additionnelles dans l’apparence, le son et les idées suggérées entre la Marque et la marque figurative et le nom commercial de l’Opposante suffisent à faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Bien que les marques et le nom commercial de l’Opposante commencent par la composante POWER, le nom commercial de l’Opposante comporte également d’autres composantes, y compris le mot CORPORATION, et sa marque figurative comporte à la fois le mot CORPORATION et le dessin d’un plant. De plus, je considère que les idées suggérées par la Marque et la marque figuratives et le nom commercial de l’Opposante ne sont pas aussi étroitement liées qu’entre la Marque et les marques nominales de l’Opposante. À cet égard, la Marque suggère un engrais qui donnera aux plants le pouvoir de grandir, tandis que l’idée suggérée par la marque figurative et le nom commercial de l’Opposante est celle d’une société qui est riche en pouvoir.

[60] À la lumière de ce qui précède, je suis donc satisfaite que la Requérante se soit acquittée du fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque figurative ou le nom commercial de l’Opposante. Ces motifs d’opposition sont donc rejetés.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[61] L’Opposante plaide également que la Marque n’est pas distinctive de la Requérante.

[62] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’en date de la première opposition, elle avait acquis une réputation importante pour un moins l’une de ses marques de commerce ou noms commerciaux afin de nier le caractère distinctif de la Marque [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006) et Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 412, à la p. 424 (CAF)].

[63] D’après la preuve fournie, je conclus seulement que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en vertu de ce motif en ce qui a trait à sa marque figurative et à son nom commercial. À mon avis, les différences dans les dates importantes entre ce motif et le motif prévu à l’article 16(3)a) n’auraient pas eu d’incidence importante sur la détermination de la question de la confusion entre la Marque et la marque figurative ou le nom commercial de l’Opposante. Par conséquent, mes conclusions ci-dessus s’appliquent également à ce motif d’opposition.

[64] Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.

Décision

[65] Compte tenu de tout ce qui précède, et conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-04-21

COMPARUTIONS

Timothy C. Bourne

Pour l’Opposante
Ridout & Maybee LLP

Robert A. Watchman

Pour la Requérante
Pitblado Law

AGENTS AU DOSSIER

Ridout & Maybee LLP

Pour l’Opposante

Pitblado Law

Pour la Requérante

 

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