Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence: 2021 COMC 101

Date de la décision: 2021-05-25

DANS L’AFFAIRE DES PROCÉDURES DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

9326-3044 Québec inc.

Partie requérante

et

 

Les Celliers Jean d’Alibert, société anonyme

Propriétaire inscrite

 

LMC871,862 pour CUVÉE BALTHAZAR

et

LMC871,863 pour LE PETIT BALTHAZAR

Enregistrements

 

Introduction

[1] La présente décision concerne deux procédures de radiation sommaire engagées en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard des enregistrements nos LMC871,862 et LMC871,863 respectivement pour les marques de commerce CUVÉE BALTHAZAR et LE PETIT BALTHAZAR (collectivement les Marques), appartenant actuellement à Vins Balthazard Inc. (la Propriétaire).

[2] Les Marques sont enregistrées pour emploi en liaison avec les produits suivants : « vins ».

[3] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de maintenir les deux enregistrements.

Les procédures

[4] Pour chacun des enregistrements, à la demande de 9326-3044 Québec inc. (dont le nom a depuis lors été changé pour Groupe Le Balthazar inc.) (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé un avis tel que prévu à l’article 45 de la Loi. Les avis, datés du 8 mai 2018, ont été envoyés à la propriétaire des Marques à l’époque, soit Les Celliers Jean d’Alibert, société anonyme (CJA).

[5] Ces avis enjoignaient à CJA d’indiquer, à l’égard des produits spécifiés dans chacun des enregistrements, si les Marques ont été employées au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date des avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle chacune des Marques a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi de chacune des Marques est du 8 mai 2015 au 8 mai 2018.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». La preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 n’a pas à être parfaite; en effet, un propriétaire inscrit doit uniquement établir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184]. Ce fardeau de preuve est léger; il suffit que la preuve établisse les faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être tirée [conformément à Diamant, précitée, para 9].

[8] En réponse aux avis du registraire, CJA a produit deux affidavits de Philippe Lauret, président du Directoire de CJA, affirmés solennellement le 25 juillet 2018.

[9] Les deux parties ont soumis des représentations écrites et étaient présentes à l’audience.

Aperçu de la preuve aux dossiers

[10] Dans ses affidavits, M. Lauret explique que CJA est une entreprise d’embouteillage et de vente de vin fondée en 1978. Il affirme que les vins CUVÉE BALTHAZAR et LE PETIT BALTHAZAR ont été « vendus de façon régulière et continue pendant la [p]ériode pertinente à la Société des alcools du Québec ainsi qu’à la société Tannin Fine Wines Limited ». Selon M. Lauret, les clients de CJA ont ensuite offert en vente et vendu les vins en question aux consommateurs canadiens.

[11] Dans son affidavit concernant l’enregistrement no LMC871,862, M. Lauret reproduit des modèles d’étiquettes utilisées sur les bouteilles de vin CUVÉE BALTHAZAR telles que vendues au Canada par CJA pendant la période pertinente, dont les étiquettes suivantes :

[12] Dans son affidavit concernant l’enregistrement nLMC871,863, M. Lauret fait de même pour les étiquettes utilisées sur les bouteilles de vin LE PETIT BALTHAZAR, dont les étiquettes suivantes :

[13] M. Lauret joint à chacun de ses affidavits des copies de factures datées lors de la période pertinente. Je note que ces factures indiquent la vente de plusieurs centaines de demi‑caisses (contenant 6 bouteilles) et caisses (contenant 12 bouteilles) de vin par CJA à des clients au Canada, soit la Société des alcools du Québec et Tannin Fine Wines Ltd.

[14] Je note également que dans le corps des factures, les produits vendus sont désignés par des descriptions incluant les Marques telles que : « IGP Pays d’Oc Viognier Blanc Cuvée Balthazar 6*75 cl », « IGP Pays d’Oc Syrah Rouge Cuvée Balthazar », « Pays d’Oc IGP Cinsault Rose Le Petit Balthazar 6x75 cl Stelvin LUX », « Pays d’Oc IGP Merlot Rouge Le Petit Balthazar 12x75 cl » (mes soulignements).

Remarques préliminaires

[15] À l’audience, la Partie requérante a demandé que les paragraphes 25 et 26 des représentations écrites de la Propriétaire soient écartés car ceux-ci font état de faits concernant le rôle d’un embouteilleur de vin qui n’ont pas été présentés en preuve. Je suis d’avis que ces paragraphes s’apparentent davantage à une argumentation plutôt qu’à des faits. Quoi qu’il en soit et tel qu’il ressortira de mon analyse, ces paragraphes n’ont aucune incidence sur ma décision. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’en discuter davantage.

Analyse et motifs de la décision

[16] D’emblée, il n’y a aucun doute que la preuve démontre la vente de vin par CJA au Canada lors de la période pertinente en liaison avec chacune des Marques. En effet, cette preuve établit d’une part que des bouteilles de vin ont été vendues par CJA et d’autre part que les Marques apparaissent sur les étiquettes des bouteilles vendues ainsi que dans le corps des factures.

[17] Par contre, la Partie requérante soumet que cette preuve n’est pas suffisante pour maintenir les enregistrements en cause. Plus particulièrement, elle prétend que « le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquels [sic] la marque de commerce est enregistrée doit revenir au titulaire de la marque pour qu’il soit considéré employer la marque » (souligné dans l’original) et que CJA n’exerçait aucun tel contrôle puisqu’elle ne faisait qu’embouteiller le vin produit par un tiers.

[18] À l’appui de ses prétentions, la Partie requérante souligne l’affirmation de M. Lauret que « CJA est une entreprise d’embouteillage et de vente de vin ». Elle souligne également que la propriétaire des Marques n’est pas expressément identifiée sur les étiquettes, qui contiennent uniquement la mention « Mise en bouteille par CJA… » et identifient l’œnologue Pierrick Harang et l’entreprise Pierrick Harang Wine (voir mes encadrés rouges sur les étiquettes de vin CUVÉE BALTHAZAR, à titre d’exemple):

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Description automatically generated

[19] La Partie requérante soumet que ces éléments de preuve, indiquant que CJA ne fabriquait pas le vin qu’elle vendait, soulèvent la question du contrôle exercé par CJA sur la qualité de ce vin. Or, selon la Partie requérante, la notion de contrôle de qualité est fondamentalement liée à l’objectif de protection des consommateurs retrouvé dans la Loi et doit être prise en considération lorsqu’on détermine s’il y a emploi d’une marque de commerce. Par conséquent, étant donné l’absence d’allégation d’un tel contrôle par la Propriétaire, les ventes mises en preuve ne pourraient pas valablement constituer un emploi des Marques par CJA.

[20] Lors de l’audience, la Partie requérante a appuyé sa position sur les propos récents de la Cour fédérale (dans le contexte d’une procédure prévue à l’article 45) concernant l’« objectif fondamental de protection » de la Loi, notamment qu’une marque de commerce est « une garantie d’origine et, implicitement, un gage de la qualité » et que « le droit relatif aux marques de commerce appartient, en ce sens, au domaine de la protection des consommateurs » [voir Hilton Worldwide Holding LLP c Miller Thomson, 2018 CF 895, para 71, citant Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, para 2].

[21] J’estime qu’en réalité, lorsqu’elle soulève la question du fabricant du vin, la Partie requérante met en doute le droit de la Propriétaire (et de sa prédécesseure en titre, CJA) aux enregistrements. Toutefois, il est bien établi que la procédure en vertu de l’article 45 n’a pas pour objet de trancher les questions de fond telles que la propriété, le caractère distinctif, le caractère descriptif ou l’abandon d’une marque de commerce déposée [voir United Grain Growers Ltd c Lang Michener, 2001 CAF 66; Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst)].

[22] De plus, contrairement aux soumissions de la Partie requérante, rien ne me porte à croire que la décision dans Hilton a introduit une exigence additionnelle ou autrement modifié la teneur des procédures visées par l’article 45 de la Loi. La seule question dans ces procédures est – et demeure – de déterminer si la marque de commerce déposée était, à l’égard des produits que spécifie l’enregistrement, employée au Canada au cours des trois ans précédant la date de l’avis donné en vertu de cet article [United Grain Growers c Lang Michener, précitée]. En dehors du contrôle exigé par l’article 50 de la Loi, qui s’impose lorsqu’un propriétaire cherche à bénéficier de l’emploi de sa marque de commerce par un licencié, la question du contrôle des caractéristiques ou de la qualité des produits associés à pareille marque ne se pose pas. Ainsi, la question de savoir si la Propriétaire a elle-même fabriqué le vin et la nature de la relation, le cas échéant, qui existe entre la Propriétaire et le fabricant du vin, est une question qui dépasse la portée des présentes procédures.

[23] En terminant, je note que le fait que la Propriétaire (ou CJA) ne soit pas identifiée sur les bouteilles de vin en tant que propriétaire des Marques n’est également pas pertinent puisque la Loi ne prévoit aucune exigence en ce sens.

Décision

[24] Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, je suis d’avis que les Marques ont été employées en liaison avec les produits visés par les enregistrements au sens des articles 4 et 45. Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, les enregistrements seront maintenus.

 

Eve Heafey

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE D’AUDIENCE 2021-04-22

COMPARUTIONS

Me Pascal Lauzon

Pour la Propriétaire inscrite

Me Jean-Philippe Mikus

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

BCF S.E.N.C.R.L./BCF LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Pour la Partie requérante

 

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