Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 115

Date de la décision : 2021-05-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Sim & McBurney

Partie requérante

et

 

New Yorker S.H.K. Jeans
GmbH & Co.
KG

Propriétaire inscrite

 

LMC652,977 pour

Dessin NEW YORKER

Enregistrement

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC652,977 pour la marque de commerce Dessin NEW YORKER (la Marque), reproduite ci-dessous :

[2] La Marque est constituée des mots NEW YORKER en majuscules, descendant au milieu pour accentuer un Y central élargi. Elle est actuellement enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

[3] Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de maintenir l’enregistrement en partie.

La procédure

[4] Le 27 septembre 2017, à la demande Sim & McBurney (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à la propriétaire inscrite de la Marque, New Yorker S.H.K. Jeans GmbH & Co. KG (la Propriétaire).

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve démontrant qu’elle avait employé la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement, à un moment quelconque dans la période de trois ans précédant immédiatement la date de l’avis, laquelle, en l’espèce, est du 27 septembre 2014 au 27 septembre 2017 (la Période pertinente). Si la Marque n’avait pas été employée pendant la période pertinente, la Propriétaire devait fournir une preuve indiquant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Il est bien établi que de simples déclarations sur l’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure de radiation en vertu de l’article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Friedrich Knapp, souscrit le 27 avril 2018, en Allemagne (l’Affidavit), auquel étaient jointes les Pièces A à D.

[9] Seule la propriétaire a présenté des observations écrites, mais les deux parties ont assisté à une audience.

La preuve

[10] Dans l’Affidavit, M. Knapp s’identifie comme administrateur de la filiale américaine de la Propriétaire, NEW YORKER Fashion Retail New York LLC (la Licenciée), un poste qu’il occupe depuis 2015, et il confirme qu’il est autorisé par la Propriétaire à faire l’Affidavit. M. Knapp confirme également qu’à titre d’administrateur de la Licenciée, il est responsable de la production de rapports financiers et de gestion, y compris l’analyse de la distribution par produit, pays et client, et qu’il connaît bien les ventes, la promotion et la commercialisation des produits arborant la Marque au Canada. Il a également accès aux documents opérationnels de la Propriétaire qui ont trait aux activités commerciales de la Licenciée.

[11] M. Knapp affirme la Marque a été employée en liaison avec seulement certains des produits visés par l’enregistrement. En particulier, M. Knapp affirme que, pendant la Période pertinente, la Marque a été employée en liaison avec les produits suivants [traduction] « vendus et offerts à la vente » aux clients au Canada :

[traduction]

Sacs, nommément fourre-tout, sacs à main, sacs à dos, porte-monnaie, sacs de sport, sacs de sport et à provisions spéciaux, vêtements, articles chaussants, coiffures, vêtements de plein air pour hommes et dames, nommément chemises, tee-shirts, chemises sport, débardeurs, pulls d’entraînement, polos, pulls, chandails, tabliers, robes, jupes, pantalons, jeans, pantalons, pantalons de survêtement, shorts, maillots de bain, corsetterie, bonneterie, chaussettes, vestes, anoraks, châles, gants, cravates, bandeaux serre-tête, bandeaux antisudoripares, souliers, bottes, sandales, souliers tout-aller, chaussures de sport, espadrilles, chapeaux, casquettes, sous-vêtements; ceintures; vêtements de bain pour hommes et dames, nommément caleçons de bain, bikinis; chaussures de repos et chaussures de ville pour hommes et dames.

[12] M. Knapp explique que la Marque a été employée sous licence, par la Licenciée, en étant affichée sur l’emballage et l’étiquetage des produits ainsi que sur les factures et les bordereaux d’emballage accompagnant les expéditions des produits. M. Knapp confirme qu’en tout temps la Propriétaire exerçait un contrôle direct ou indirect sur la nature et la qualité des produits.

[13] À titre de Pièce A, M. Knapp joint des photographies démontrant la façon dont la Marque a été affichée en liaison avec les produits qui ont été vendus ou expédiés à des distributeurs au Canada pour la revente pendant la Période pertinente. La Marque figure directement sur les produits, sur leurs étiquettes ou sur leurs étiquettes volantes. Toutefois, M. Knapp ne fait la corrélation entre aucun des articles illustrés et aucun des produits visés par l’enregistrement.

[14] À titre de Pièce B, M. Knapp produit des copies partiellement caviardées des pages initiales de sept bordereaux d’emballage et de trois factures correspondantes, qui datent tous, sauf une, de la Période pertinente. Les bordereaux d’emballage identifient l’expéditeur comme étant « NEW YORKER » et M. Knapp confirme que les deux destinataires nommés sur les bordereaux d’emballage et les factures sont des distributeurs au Canada. De plus, il déclare que les [traduction] « factures/bordereaux d’emballage » accompagnaient les produits compris dans la Pièce A expédiées aux distributeurs au Canada pour la revente pendant la Période pertinente. Même si cette déclaration aurait pu être plus claire, je suis prête à accepter que, dans chaque cas, soit le bordereau d’emballage ou la facture correspondante, sinon les deux, accompagnaient les produits. Sur toutes les factures et les bordereaux d’emballage, la Marque figure au haut de la page.

[15] En tant que Pièces C et D, M. Knapp joint de nombreuses captures d’écran du site Web et de la page Facebook de la Propriétaire, présentant la Marque. Je remarque que sur l’une des pages Web fournies, la Propriétaire se décrit comme une entreprise de mode européenne avec des magasins dans 40 pays et une gamme de vêtements avec des [traduction] « jeans, vêtements de sport et de vêtements urbains pour un groupe cible de jeunes suivant les tendances – complétée par une gamme plus vaste d’accessoires et de sous-vêtements ». Sur d’autres pages Web, la Propriétaire annonce ses campagnes de parrainage, y compris le parrainage de deux équipes sportives, dont les logos font la promotion de certains articles illustrés à la Pièce A. Ces captures d’écran ne sont pas datées et M. Knapp n’indique pas quand elles ont été prises ou si elles sont représentatives du site Web et de la page Facebook pendant la Période pertinente. Quoi qu’il en soit, M. Knapp ne mentionne pas la possibilité d’acheter des produits sur le site Web ou la page Facebook de la Propriétaire.

Question préliminaire

[16] La Partie requérante soutient que M. Knapp n’a pas établi qu’il était au courant des faits qu’il atteste, étant donné qu’il ne définit pas ses responsabilités et qu’il ne divulgue pas précisément la date en 2015 où il est devenu administrateur de la Licenciée. Toutefois, j’estime que les renseignements fournis par M. Knapp concernant son poste sont suffisants. Plus particulièrement, j’accepte qu’en tant qu’administrateur de la Licenciée responsable de la production de rapports sur la distribution [traduction] « par produit, pays et client », M. Knapp connaîtrait la vente, la promotion et la commercialisation des produits de marque NEW YORKER au Canada, comme il l’atteste. De plus, M. Knapp atteste qu’il a accès aux documents opérationnels de la Propriétaire concernant les activités de la Licenciée, et il n’y a aucune raison de douter que ces documents opérationnels s’étendent jusqu’à la Période pertinente. Par conséquent, j’accepte la déclaration de M. Knapp selon laquelle l’affidavit est produit en fonction de ses connaissances personnelles et de l’accès aux documents faits dans la pratique habituelle et normale du commerce.

Analyse et motifs de la décision

[17] À l’audience, la Propriétaire a reconnu qu’il n’y avait pas eu emploi de la Marque pendant la période pertinente en liaison avec les produits (3) et les produits (1) et (2) suivants :

  • (1) [Sacs, nommément] cartables, sacs de vol, sacs polochons, sacs de chasse, sacs, havresacs, étuis porte-clés.

  • (2) [Vêtements, articles chaussants, coiffures, vêtements de plein air pour hommes et dames, nommément] jerseys, tabliers, gilets, gilets, costumes, salopettes, combinaisons, costumes avec pantalons, bermudas, léotards, tuniques, blazers, robes de chambre, pyjamas, robes de nuit, chemises de nuit, caleçons-combinaisons, caleçons boxeur, collants, mi-chaussettes, bas de réchauffement, guêtres, bretelles, parkas, foulards, mitaines, poignets antisudoripares, cache-oreilles, sabots, tourmalines, bérets, casques; barrettes, vêtements pour bébés; bonneterie; foulards, gants; [vêtements de bain pour hommes et dames, nommément] bonnets de bain, peignoirs de plage.

[18] En outre, je ne suis saisie d’aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque. Par conséquent, ces Produits seront radiés de l’enregistrement.

[19] Autrement, la Partie requérante soutient que la preuve de la Propriétaire n’indique pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits restants visés par l’enregistrement pendant la Période pertinente pour plusieurs raisons, qui peuvent généralement être résumées comme suit :

· il n’y a pas de copie de l’entente de licence pour la Marque, ni de renseignements concernant l’entente de licence, comme sa date d’entrée en vigueur ou les dispositions sur le contrôle de la qualité;

· l’Affidavit ne décrit pas la pratique normale du commerce de la Propriétaire;

· le nom de la Propriétaire ou de la Licenciée ne figure pas sur les factures et les bordereaux d’emballage;

· les photographies de la Pièce A ne sont pas corrélées avec les produits visés par l’enregistrement et c’est la Propriétaire qui devrait effectuer cette corrélation. De plus, les photographies ne sont pas datées et il n’y a aucune mention de l’endroit ou de la façon dont elles ont été prises ou si elles sont représentatives des produits vendus au Canada pendant la Période pertinente.

[20] Chacune de ces observations sera traitée ci-dessous.

Emploi sous licence de la Marque

[21] La Partie requérante soutient que la simple mention de l’entente de licence dans l’Affidavit ne suffit pas à satisfaire aux exigences énoncées à l’article 50(1) de la Loi.

[22] À cet égard, en vertu de l’article 50(1) de la Loi, pour que la preuve d’emploi de la Marque par la Licenciée profite à la Propriétaire, la Propriétaire doit avoir maintenu un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des produits en question.

[23] Comme l’a indiqué la Cour fédérale, le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle : premièrement, attester explicitement qu’il exerce effectivement le contrôle prévu; deuxièmement, produire des preuves démontrant qu’il exerce effectivement le contrôle nécessaire; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit l’exercice d’un tel contrôle [Empresa Cubana Del Tobaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84]. En l’espèce, M. Knapp affirme clairement, au paragraphe 7 de l’Affidavit, que tout emploi de la Marque est fait en vertu d’une licence de la Propriétaire et qu’en tout temps la Propriétaire [traduction] « exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature et la qualité des produits ». Cela est suffisant aux fins de cette procédure.

[24] Par conséquent, j’accepte que tout emploi de la Marque par la Licenciée en l’espèce profite à la Propriétaire.

Pratique normale du commerce

[25] La Partie requérante fait valoir que l’Affidavit ne fournit pas suffisamment de renseignements pour établir la pratique normale du commerce de la Propriétaire; par exemple, si la Propriétaire est une fabricante, une grossiste, une distributrice ou une détaillante. La Partie requérante soutient que, sans ces renseignements, l’emploi de la Marque ne peut être déterminé comme étant conforme à l’article 4 de la Loi.

[26] La Partie requérante fait également valoir que les factures et les bordereaux d’emballage en preuve ne représentent pas nécessairement la pratique normale du commerce, étant donné que seuls deux destinataires différents sont indiqués dans ces documents, qu’il n’y a pas de prix à côté des articles indiqués et que la quantité d’articles indiqués est faible. En outre, la Partie requérante soutient que tous les bordereaux d’emballage fournis ne comportent pas de facture correspondante et que ces bordereaux d’emballage ne constituent pas à eux seuls une preuve que les produits ont été vendus.

[27] Cependant, il n’existe aucun type particulier de preuve à fournir pour montrer la pratique normale du commerce dans une procédure prévue à l’article 45, et la preuve n’a pas à être parfaite [voir Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)]. En effet, selon la Cour fédérale, le fardeau de preuve à atteindre est « très bas »; un propriétaire inscrit doit uniquement établir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi, en fournissant les faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, aux para 2 et 9 (Diamant)].

[28] En l’espèce, même si M. Knapp n’utilise pas l’expression [traduction] « pratique normale du commerce » dans l’Affidavit, il affirme que, pendant la Période pertinente, la Licenciée a employé la Marque en liaison avec certains produits visés par l’enregistrement qui ont été [traduction] « vendus ou expédiés à des distributeurs au Canada pour la revente ». Il confirme que la Propriétaire contrôlait la nature et la qualité de ces produits et, à titre de Pièce C à son affidavit, il fournit des extraits du site Web de la Propriétaire décrivant brièvement la principale gamme de produits de la Propriétaire, ce qui est conforme aux produits pour lesquelles l’emploi est affirmé.

[29] De plus, M. Knapp fournit, à titre de Pièce B, la preuve de trois factures et de six bordereaux d’emballage illustrant les ventes et les expéditions de nombreux produits visés par l’enregistrement en liaison avec la Marque à deux distributeurs au Canada pendant la Période pertinente. Les factures en preuve et les bordereaux d’emballage sont conformes à la pratique normale du commerce qui précède. M. Knapp ne précise pas si ces documents démontrent les seules transactions impliquant le Canada pendant la Période pertinente ou s’ils sont représentatifs d’une plus grande série de transactions. Toutefois, il n’y a pas de quantité minimale d’activité commerciale requise pour maintenir un enregistrement [voir Vogue Brassière Inc c Sim & Mcburney (2000), 5 CPR (4th) 537 (CF 1re inst) (Vogue); et Coscelebre Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 35 CPR (3d) 74 (CF 1re inst)]. Même la preuve d’une seule vente peut suffire pour établir l’emploi aux fins d’une procédure en vertu de l’article 45, pour autant qu’elle présente les caractéristiques d’une opération commerciale authentique et qu’elle ne soit pas perçue comme ayant été délibérément fabriquée ou inventée en vue de protéger l’enregistrement [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst), au para 12].

[30] En l’espèce, les factures et les bordereaux d’emballage démontrent des ventes et des expéditions répétées de vêtements et d’accessoires aux distributeurs sur plus de trois ans et, à ce titre, semblent suivre un modèle de transactions commerciales authentiques, même si certains éléments sont caviardés. À cet égard, bien que les prix unitaires sur les factures aient été caviardés, le prix total de chaque produit demeure visible et, de toute façon, la réduction des renseignements sur les prix n’est pas déterminante. Dans l’ensemble, je suis d’accord avec la Propriétaire que les matériaux sont conformes à une continuité des ventes et je ne vois rien dans la preuve qui indiquerait que les factures ou les bordereaux d’emballage sont destinés à des produits promotionnels ou à des ventes symboliques. Je suis donc convaincue que les factures et les bordereaux d’emballage démontrent des transferts effectués dans la pratique normale du commerce.

Nom de la Propriétaire ou la Licenciée sur les factures et les bordereaux d’emballage

[31] La Partie requérante soulève également l’absence du nom de la Propriétaire ou de la Licenciée sur les factures et les bordereaux d’emballage. Il n’y a aucune indication de l’expéditeur sur les factures et les bordereaux d’emballage indiquent simplement qu’ils sont envoyés de « NEW YORKER ».

[32] Toutefois, la preuve dans une procédure en vertu de l’article 45 doit être considérée dans son ensemble et il faut éviter de se concentrer sur des éléments de preuve individuels [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)]. Les pièces doivent être lues conjointement avec les renseignements fournis dans l’Affidavit. La preuve fournie permet de tirer des inférences raisonnables [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen (2005), 48 CPR (4th) 223 (CAF)].

[33] En l’espèce, l’Affidavit est muet quant à savoir qui est « NEW YORKER ». Toutefois, M. Knapp affirme que c’est la Licenciée qui a employé la Marque en l’affichant sur les factures et les bordereaux d’emballage. Par conséquent, aux fins de la présente procédure, je suis prête à accepter que l’appellation « NEW YORKER » sur les bordereaux d’emballage renvoie à la Licenciée, NEW YORKER Fashion Retail New York LLC. Quoi qu’il en soit, une propriétaire inscrite n’est pas tenue de fournir une preuve de l’emploi de la marque de commerce avec son nom (ou le nom de son licencié) [voir Novopharm Ltd c Monsanto Canada, Inc (1998), 80 CPR (3d) 287 (COMC); et Vogue, précité].

Corrélation de la preuve de la Propriétaire avec les produits visés par l’enregistrement

[34] Comme nous l’avons déjà indiqué, malheureusement, M. Knapp ne fait pas de corrélation entre les produits indiqués dans l’enregistrement et les articles illustrés aux photographies de la Pièce A ou aux factures et bordereaux d’emballage de la Pièce B.

[35] La Partie requérante soutient qu’en l’absence de cette corrélation, il n’est pas possible de déterminer quels produits visés par l’enregistrement, s’il y en a, correspondent aux articles figurant dans les photographies – à l’exception des chaussettes et des sous-vêtements – ou des articles indiqués dans les factures ou les bordereaux d’emballage.

[36] Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au registraire de conjecturer sur le genre de produits visés par l’enregistrement [Fraser Milner Casgrain LLP c Fabric Life Ltd, 2014 COMC 135, au para 13; Wrangler Apparel Corp c Pacific Rim Sportswear Co (2000), 10 CPR (4th) 568, au para 12 (COMC)], et la caractérisation par M. Knapp des articles illustrés aurait été utile, il est possible d’obtenir des renseignements suffisants à partir des brèves descriptions de produits dans les factures et les bordereaux d’emballage et de certaines photographies pour établir une corrélation avec certains produits avec des produits homologués spécifiques.

[37] En établissant ces corrélations, je garde à l’esprit le principe selon lequel lorsqu’on interprète un état déclaratif des produits dans une procédure visée à l’article 45, il faut se garder « d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé » [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, au para 17].

Produits pour lesquels l’emploi a été démontré

[38] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je suis prête à accepter que les produits visés par l’enregistrement suivants mentionnés dans la déclaration d’emploi de M. Knapp soient indiqués dans les factures et les bordereaux d’emballage à la Pièce B et sont également représentés dans les photographies de la Pièce A :

Tee-shirts, pulls, pantalons, shorts, vestes, souliers, casquettes, sous-vêtements.

[39] À cet égard, je note que je considère que les [traduction] « PANTALONS DE FEMMES FIBRES CHIMIQUES SYNTHÉTIQUES EN TRICOT » indiquées dans les bordereaux d’emballage sont de la nature du pantalon gris représenté dans les photographies et correspondent au produit visé par l’enregistrement « pantalons ». Je considère également que les [traduction] « SLIPS… » et les [traduction] « BRASSIÈRES… » correspondent aux « sous-vêtements »; en effet, les photographies comprennent des images de mémoires portant l’inscription [traduction] « SOUS-VÊTEMENTS ». De plus, en faisant une lecture équitable de l’affidavit dans son ensemble, je conclus qu’il est raisonnable de conclure que les articles vendus sous la mention [traduction] « BOTTILLONS – CHAUSSURES AVEC SEMELLES EN CAOUTCHOUC/PLASTIQUES – DESSUS EN MATÉRIAUX TEXTILES » étaient des « chaussures », dans la nature des chaussures avec des semelles en caoutchouc et des dessus en textile illustrés dans les photographies. (Si la Licenciée a également vendu des « bottes » dans la catégorie [traduction] « BOTTILLONS – CHAUSSURES », cela n’est pas indiqué dans l’affidavit.)

[40] Même si M. Knapp n’a pas précisé quand et où ont été prises les photographies de la Pièce A, il déclare que ces photographies sont représentatives de la façon dont la Marque a été apposée sur l’étiquetage des produits visés par l’enregistrement qui ont été vendus ou expédiés aux distributeurs au Canada pour la revente pendant la Période pertinente. Étant donné que les photographies démontrent la façon dont la Marque a été affichée en liaison avec de tels produits pendant la Période pertinente, et que les factures et les bordereaux d’emballage fournissent une preuve de transfert de tels produits dans la pratique normale du commerce pendant cette période, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec ces produits en vertu de l’article 4(1) de la Loi.

[41] De plus, après avoir examiné l’ensemble de la preuve et avoir tenu compte des observations de la Propriétaire à l’audience, j’accepte que les produits visés par l’enregistrement qui suivent mentionnés dans la déclaration d’emploi de M. Knapp soient représentés dans les factures et les bordereaux d’emballage de la Pièce B, même s’ils ne semblent pas figurer dans les photographies de la Pièce A.

[traduction]

Chemises, chandails, robes, jupes, salopettes, jeans, corsetterie, châles; sous-vêtements.

[42] À cet égard, je considère que les [traduction] « CARDIGANS… » sont des « chandails »; les [traduction] « PANTALONS POUR HOMMES EN DENIM TISSÉ » sont des « jeans »; et que les [traduction] « CAMISOLES MODE POUR FEMMES EN COTTON TRICOTÉ » qui sont indiquées comme étant des [traduction] « sous-vêtements ». De plus, bien que le produit visé par l’enregistrement « salopettes » ne soit pas explicitement inclus dans la déclaration d’emploi de M. Knapp, il affirme employer de façon plus générale les « pantalons » et la référence à [traduction] « SALOPPETTES COURTE POUR FEMMES COTON TISSÉ » dans les bordereaux d’emballage et les factures en preuve appuient la conclusion que la Marque n’est pas du bois mort à l’égard de ce type de pantalons particulier.

[43] M. Knapp affirme que les photographies à la Pièce A démontrent la façon dont la Marque a été apposée sur l’emballage et l’étiquetage des produits vendus au Canada ou expédiés aux distributeurs au Canada aux fins de revente pendant la Période pertinente. Par conséquent, je suis prête à conclure que la Marque a été affichée d’une façon semblable sur ces produits supplémentaires indiqués dans les factures et les bordereaux d’emballage.

[44] De plus, la Cour d’appel fédérale a statué que la présentation d’une marque de commerce au haut d’une facture qui accompagne des produits au moment de leur transfert dans la pratique normale du commerce peut, dans certaines circonstances, constituer un emploi de cette marque de commerce en liaison avec les produits énumérés dans la facture [voir Hortilux Schreder BV c Iwasaki Electric Co, 2012 CAF 321]. Dans le cas présent, comme dans le cas Hortilux, la Marque figure en haut des factures et des bordereaux d’emballage. De plus, la présentation de la Marque sous forme de logo contraste avec le texte ordinaire employé pour le reste du document et aucune autre marque de commerce n’est mentionnée; par conséquent, je suis convaincue que l’avis d’association entre la Marque et les produits est claire.

[45] La Partie requérante cite Riches, McKenzie et Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 [Pepper King] au paragraphe 24, en ce qui a trait à la proposition selon laquelle un propriétaire qui se fonde sur l’affichage d’une marque de commerce sur des factures doit établir, de façon claire et sans ambiguïté, que les factures ont donné un avis d’association entre la marque et les produits au moment transfert. À cet égard, la Partie requérante soutient qu’en l’absence de détails sur la façon dont les factures et les bordereaux d’emballage accompagnaient les produits en question, il n’est pas possible d’évaluer si ces matériaux ont été portés à l’attention des destinataires de manière à fournir l’avis requis.

[46] Cependant, le Pepper King se distingue. Dans cette affaire, l’auteur de l’affidavit n’a pas déclaré que les factures accompagnaient les produits au moment du transfert, et la Cour fédérale a conclu que le registraire n’aurait pas dû en déduire ce fait. Ce n’est pas le cas en l’espèce. M. Knapp indique clairement que les factures et les bordereaux d’emballage [traduction] « accompagnaient » les produits inclus dans la Pièce A qui ont été expédiés aux distributeurs au Canada pour la revente pendant la Période pertinente, et je note que chaque facture et bordereau d’emballage comprend au moins un produit du type représenté à la Pièce A.

[47] Compte tenu de ce qui précède, je suis également convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits supplémentaires facturés conformément à l’article 4(1) de la Loi.

Produits pour lesquels la preuve est insuffisante pour démontrer l’emploi

[48] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et avoir tenu compte des observations de la Propriétaire à l’audience, je suis prête à accepter que les produits visés par l’enregistrement supplémentaire suivant, qui selon ce qu’affirme M. Knapp, peuvent être représentés dans les photographies de la Pièce A; toutefois, ils ne figurent pas sur les factures et les bordereaux d’emballage de la Pièce B.

Fourre-tout, sacs à main, sacs à dos, porte-monnaie, sacs de sport; débardeurs, polos, maillots de bain, chaussettes; ceintures; bikinis.

[49] M. Knapp atteste que les photographies à la Pièce A démontrent la façon dont la Marque a été apposée sur l’emballage et l’étiquetage des produits vendus ou expédiés aux distributeurs au Canada aux fins de revente pendant la Période pertinente. Toutefois, il n’est pas clair si les photographies à la Pièce A visent également à démontrer quels produits ont été vendus ou expédiés.

[50] Il n’est pas obligatoire de produire des factures pour répondre de façon satisfaisante à un avis donné en vertu de l’article 45 [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)]. Cependant, en l’absence des dernières, un propriétaire inscrit doit être prêt à produire une preuve à l’égard du volume des ventes, de la valeur en dollars des ventes ou des renseignements factuels équivalents pour permettre au registraire de conclure que des transferts des produits particuliers en question a eu lieu dans la pratique normale du commerce [voir 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79; et Gowling Lafleur Henderson LLP c Wertex Hosiery Inc, 2014 COMC 193].

[51] En l’espèce, l’Affidavit ne contient ni déclarations sous serment claires ni rapports de vente ou autres pièces démontrant des faits qui me permettraient de conclure que les produits supplémentaires démontrés ont été transférés dans la pratique normale du commerce au Canada pendant la Période pertinente. Dans les circonstances, pour les produits non représentés sur les factures et les bordereaux d’emballage en preuve, la déclaration de M. Knapp selon laquelle certains produits visés par l’enregistrement ont été [traduction] « vendus et offerts à la vente à des clients au Canada » pendant la Période pertinente équivaut à une simple affirmation d’emploi, qui est insuffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 45 de la Loi.

[52] Par conséquent, en l’absence de preuve de transfert des produits supplémentaires représentés à la Pièce A, ou de tout autre produit visé par l’enregistrement dans l’affirmation d’emploi de M. Knapp, je ne peux pas conclure que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec ces produits supplémentaires autres produits au sens de l’article 4 de la Loi.

[53] Enfin, je note qu’à l’audience, la Propriétaire a tenté de corréler certains produits visés par l’enregistrement supplémentaire à la preuve fournie en reliant des produits individuels à de multiples produits visés par l’enregistrement, par exemple, en établissant une corrélation entre les tee-shirts et les produits visés par l’enregistrement supplémentaire comme les « hauts » ou les [traduction] « patinage à roues alignées, planche à roulettes, patinage à roulettes, nommément les chemises ». Cependant, après avoir distingué divers produits dans l’enregistrement en question, la Propriétaire doit fournir une preuve d’emploi à l’égard de chacun des produits spécifiés [voir John Labatt, précité [sic]]. En l’espèce, en l’absence de preuve contraire, je ne suis pas convaincue que l’un des produits individuels susmentionnés pour lesquels l’emploi de la Marque a été démontré – ou tout autre produit qui pourrait être représenté dans les factures ou les bordereaux d’emballage – correspond à des produits visés par l’enregistrement supplémentaire.

Conclusion

[54] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec seulement les produits visés par l’enregistrement suivant au sens des articles 4 et 45 de la Loi :

Vêtements, articles chaussants, coiffures, vêtements de plein air pour hommes et dames, nommément chemises, tee-shirts, pulls, chandails, robes, jupes, combinaisons, pantalons, jeans, shorts, corsetterie, vestes, châles, souliers, casquettes, sous-vêtements.

[55] Puisque la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la Marque au sens l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer les autres produits.

Disposition

[56] Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié de manière à radier tous les produits (1) et (3) et les produits suivants de (2) :

[Vêtements, articles chaussants, coiffures, vêtements de plein air pour hommes et dames, nommément] chemisiers… chemises sport, débardeurs, pulls d’entraînement, polos,… jerseys, tabliers, gilets, gilets, hauts, bustiers, costumes,… peignoirs,… salopettes, combinaisons,… costumes avec pantalons,… bermudas, pantalons, pantalons de survêtement,… léotards, tuniques, blazers, robes de chambre, pyjamas, chemises de nuit, chemises de nuit, caleçons-combinaisons, caleçons boxeur, pantalons sport, maillots de bain,… bonneterie, collants, mi-chaussettes, chaussettes, bas de réchauffement, guêtres, bretelles,… anoraks, parkas, manteaux, foulards,… gants, mitaines, cravates, cache-cols, poignets antisudoripares, bandeaux serre-tête, bandeaux antisudoripares, cache-oreilles,… bottes, sandales, souliers tout aller, sabots, chaussures de sport, espadrilles, chapeaux,… tourmalines, bérets, casques; barrettes, vêtements pour bébés,… [;]… ceintures; bonneterie; ceintures, foulards, gants; vêtements de bain pour hommes et dames, nommément caleçons de bain, bikinis, bonnets de bain, peignoirs de plage; chaussures de repos et chaussures de ville pour hommes et dames; vêtements, articles chaussants et coiffures pour patinage en ligne, planche à roulettes, patinage à roulettes, ski de fond et planche à neige, nommément jerseys, chemises, pantalons, shorts; vestes, bottes, bottes de neige, bottes de planche à neige, chapeaux, chapeaux de laine, casquettes, bandeaux antisudoripares, bandeaux serre-tête, gants, sous-vêtements longs, chaussures de ski; vêtements pour bébés, sous-vêtements.

[57] L’état déclaratif des produits modifié indiquera ce qui suit :

(2) Vêtements, articles chaussants, coiffures, vêtements de plein air pour hommes et dames, nommément chemises, tee-shirts, pulls, chandails, robes, jupes, combinaisons, pantalons, jeans, shorts, corsetterie, vestes, châles, souliers, casquettes, sous-vêtements.

 

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-02-22

COMPARUTIONS

Donna White

Pour la Propriétaire inscrite

Kenneth McKay

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Marks & Clerk

Pour la Partie requérante

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.