Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 125

Date de la décision : 2021-06-21

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Ono Sushi Burrito and Poke Inc.

Opposante

et

 

 

9339-9541 Quebec Inc.

Requérante

 

1,820,943 pour ONO POKII

Demande

Introduction

[1] Ono Sushi Burrito and Poke Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce ONO POKII (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,820,943 (la Demande) par 9339-9541 Quebec Inc. (la Requérante) produite le 1er février 2017.

[2] La Demande est fondée sur l’utilisation proposée de la Marque au Canada en association avec les produits et services suivants (les Produits et Services) :

Produits

(1) Plats préparés, nommément salades à base de produits de la mer, salades à base de poisson cru, salades à base de poisson séché, salades à base de riz, salades à base de nouilles, salades à base d’algues, salades à base de céréales entières, salades à base de quinoa, salades à base de couscous, salades à base de légumineuses, salades de légumes, salades de fruits, sauces à salade, légumes marinés, huiles pimentées, sel de mer naturel et aromatisé, boissons non alcoolisées, nommément thés, jus de fruits, boissons à base de fruits, boissons à base de noix de coco, limonade et boissons fouettées.

(2) Vêtements, nommément tee-shirts, chapeaux, casquettes et tuques.

(3) Vaisselle, nommément bols, grandes tasses et verres à boire.

 

Services

(1) Exploitation d’un restaurant offrant des services de table, de plats à emporter et de livraison, services de traiteur et services de camion de cuisine de rue.

[3] Il y a une traduction/translittération de caractères étrangers pour la Marque, qui est décrite dans la demande comme suit :

Selon le requérant, la traduction anglaise des mots hawaïens ONO POKII est WAHOO FISH YOUNGEST FAMILY MEMBER.

[4] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 6 juin 2018.

[5] Le 20 août 2018, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont fondés sur la non-enregistrabilité en vertu des articles 12(1)c) et 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 et la non-conformité aux articles 30a), e) et i) de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi tel qu’il se lit avant le 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Steven Diep. À l’appui de la Demande, la Requérante a produit l’affidavit de John Weimers. Il n’y a pas eu de contre‑interrogatoire.

[7] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites ni assisté à une audience.

Aperçu de la preuve

[8] La preuve au dossier est brièvement résumée ci-dessous. Des parties pertinentes de la preuve sont approfondies dans l’analyse des motifs d’opposition.

Preuve de l’Opposante

[9] L’Opposante a produit l’affidavit de Steven Diep (assermenté le 22 février 2019), directeur du marketing de l’Opposante et copropriétaire du restaurant de l’Opposante.

[10] En examinant l’affidavit Diep, je n’ai tenu compte d’aucune affirmation que je considère comme l’équivalent d’une opinion sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées par le registraire dans cette procédure.

L’Opposante

[11] L’Opposante a été constituée en société en Alberta le 28 octobre 2016; la Pièce A de l’affidavit Diep est une copie du certificat de constitution de l’Opposante.

[12] M. Diep affirme que l’Opposante possède et exploite un restaurant à Edmonton, en Alberta, qui se spécialise en poké. M. Diep affirme que l’Opposante a employé les noms commerciaux « Ono Sushi Burrito and Poke Inc. » et/ou « Ono Sushi Burrito and Poke » (le Nom commercial) dans la pratique normale du commerce depuis octobre 2016, y compris en employant le Nom commercial pour :

a) faire appel à un agent immobilier, Cushman & Wakefield, pour effectuer des perquisitions dans les locaux en octobre 2016 ou vers cette date;

b) présenter une offre à Tissot Management pour louer les locaux du restaurant (où il est maintenant situé) en novembre 2016 ou vers cette date;

c) recevoir des soumissions et des services de construction pour la construction du restaurant d’Alair Enterprises Canada Ltd. en décembre 2016 ou vers cette date;

d) conclure un contrat avec HESCO Hotel and Equipment Supply Co. pour la fourniture d’équipement de cuisine pour le restaurant en décembre 2016 ou vers cette date;

e) obtenir des prix de TouchBistro Inc. pour un système de point de vente pour le restaurant en mars 2017 ou vers cette date;

f) enregistrer le nom de domaine www.onopokeco.com auprès de Hébergement Web Canada en janvier 2017;

g) faire participer Sysco Canada Inc. à la livraison d’ingrédients alimentaires au restaurant;

h) engager Chownow, SKIP Du resto jusqu’à vous, Uber Eats, et Foodora pour la livraison des plats préparés par le restaurant aux clients, en août-septembre 2017.

Ono’s Sushi – tierce partie

[13] M. Diep désigne « Ono’s Sushi » comme une tierce partie à la présente procédure. M. Diep a examiné et imprimé diverses pages du site Web d’Ono Sushi à l’adresse www.sushionos.com/about-us (Pièces C et D) ainsi que la page Facebook d’Ono Sushi (Pièce E). M. Diep affirme que ce site Web indique qu’Ono’s Sushi exploite son entreprise sous le nom de « Ono’s Sushi » depuis 2013 à une adresse à Abbotsford, en Colombie-Britannique, et que la page Facebook d’Ono’s Sushi démontre des critiques de cette entreprise remontant au 9 janvier 2014.

[14] M. Diep affirme qu’en se fondant sur son examen de ces Pièces (C, D, E), il croit qu’Ono Sushi emploie la marque de commerce Ono Sushi depuis 2013.

Site Web de la Requérante

[15] M. Diep a examiné le site Web à www.ono-pokii-westmount.business.site/?m=true et imprimé le menu disponible dans le site. Il affirme qu’à la lumière de son examen, il croit que la Requérante exploite un restaurant spécialisé dans le poké, dont l’ingrédient principal est le poisson cru, situé au 4914, rue Sherbrooke Ouest, Westmount, QC.

Preuve de la Requérante

[16] La Requérante a produit l’affidavit de John Weimers (souscrit le 8 juillet 2019), président de la Requérante.

[17] Comme pour mon examen de l’affidavit de l’Opposante, je n’ai tenu compte d’aucune affirmation dans l’affidavit Weimers que je considère comme l’équivalent d’une opinion sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées par le registraire dans la présente procédure.

L’entreprise et la marque de commerce de la Requérante

[18] M. Weimers affirme qu’après la production de la Demande, la Requérante a en fait ouvert et a commencé à exploiter un restaurant sous le nom de la Marque au 4914, rue Sherbrooke Ouest, Westmount (Québec). M. Weimers affirme que plus particulièrement, la Requérante a commencé à employer la Marque pour l’exploitation d’un restaurant offrant des services de table, de plats à emporter, de livraison et de traiteur.

[19] En ce qui concerne la Marque, M. Weimers énonce que :

· La Marque comprend le mot hawaïen « ono » employé comme argot ou nom populaire d’un poisson, le thazard noir, et le mot hawaïen « poki’i » est le terme employé pour un frère ou une sœur plus jeune ou le plus jeune membre de la famille. La pièce JW-2 est décrite comme des pages Internet à cet effet. Je remarque que la ponctuation du mot défini « poki’i » n’est pas la façon dont il apparaît dans la Marque (« pokii »).

· En tant que personne responsable de la création de la Marque de la Requérante pour le concept de restaurant et les produits connexes qui seraient associés aux services de restauration et alimentaires, il a décidé d’employer le mot hawaïen POKII comme jeu sur le mot hawaïen POKE. POKE est le nom du plat traditionnel de poisson cru hawaïen, et puisque POKII est une orthographe différente, cela attirerait l’attention des gens en tant que nom ou marque de commerce créatif et distinctif pour les Produits et Services de la Requérante.

L’entreprise de l’Opposante

[20] M. Weimers affirme que selon une recherche sur Internet, l’Opposante n’utilise pas ONO SUSHI BURRITO AND POKE INC. et/ou ONO SUSHI BURRITO AND POKE comme noms d’entreprise. Toutefois, les détails de la recherche et/ou de tout imprimé de recherche ne sont pas fournis.

[21] M. Weimers affirme que l’Opposante emploie ONO POKE comme nom pour son restaurant, qui n’a été ouvert qu’à Edmonton (Alberta) en juin 2017. La Pièce JW-3 consiste en des imprimés d’articles et de blogues faisant référence à l’ouverture du restaurant ONO POKE CO. de l’Opposante à Edmonton, en Alberta.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[22] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de tous les éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

[23] Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

· articles 38(2)a) et 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p. 475];

· articles 38(2)b)/12(1)c) – la date de ma décision [David Oppenheimer Co LLC c Imagine IP LLC (2011), 96 CPR (4th) 438, au para 46];

· articles 38(2)b) et 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

· articles 38(2)c) et 16(3) – la date de dépôt de la demande [article 16(3) de la Loi];

· articles 38(2)d) et 2 – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[24] Tous les motifs d’opposition invoqués en vertu de l’article 30 par l’Opposante peuvent être rejetés sommairement parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, comme il est expliqué ci-dessous.

[25] L’Opposante a plaidé que la Demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30a) de la Loi étant donné que la Requérante n’a pas décrit les Produits et Services qui seront employés en liaison avec la Marque dans les termes ordinaires du commerce. L’Opposante a plaidé que contrairement à l’article 30e) de la Loi, la Requérante n’avait pas l’intention et n’a actuellement pas l’intention, soit par elle-même ou par l’entremise d’un licencié, d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et Services indiqués dans la Demande. La Requérante a également plaidé que contrairement à l’article 30e), à la date de production de la Demande, la Requérante avait déjà employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits et Services. Toutefois, aucune preuve ni argument à l’appui de ces motifs d’oppositions n’a été produit.

[26] L’Opposante a également plaidé que, contrairement à l’article 30i) de la Loi, la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec les Produits et Services en ce qui a trait au Nom commercial de l’Opposante et à l’emploi antérieur de celui-ci par l’Opposante du Nom commercial de l’Opposante.

[27] L’article 30i) exige qu’une requérante ajoute une déclaration dans la demande selon laquelle la requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Lorsqu’une requérante a fourni la déclaration exigée, la jurisprudence suggère que la non-conformité à l’article 30i) se trouve seulement lorsqu’il y a des cas exceptionnels qui rendent la déclaration de la requérante comme étant fausse, comme la preuve de mauvaise foi ou la non-conformité à une loi fédérale [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à 155; Société canadienne des postes c le Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Le simple fait que la Requérante a pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas pour soutenir un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) [Woot, Inc c WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[28] En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)c)

[29] L’opposant a plaidé que, contrairement à l’article 12(1)c) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’il s’agit du nom dans une autre langue des produits et/ou des services avec lesquels elle est employée ou qu’il est proposé d’employer.

[30] Bien que l’Opposante n’ait fait aucune observation, d’après mon examen de l’affidavit Diep, il semble que l’Opposante ait tenté de s’acquitter de son fardeau de preuve en fournissant des imprimés du site Web de la Requérante, y compris une copie du menu de la Requérante, démontrant que la Requérante exploite un restaurant spécialisé dans le poké, dont l’ingrédient principal est soi-disant du « poisson cru ».

[31] Malgré la nature par ouï-dire de cette preuve, je suis prête à la considérer pour la vérité de son contenu, puisque je considère qu’il est nécessaire que l’Opposante produise ces documents à l’appui de son motif d’opposition et qu’ils sont fiables puisque la Requérante, en tant que partie, a eu l’occasion de réfuter les déclarations qu’elle y contient [Reliant Web Hostings Inc c Tensing Holding BV 2012 CarswellNat 836 (COMC), au para 35]. En effet, la preuve de la Requérante ne conteste pas l’affirmation de M. Diep selon laquelle le restaurant de la Requérante vend du poké. De plus, l’affidavit Weimers indique que M. Weimers a décidé d’employer le mot POKII, défini comme étant le terme employé pour un jeune frère ou une sœur ou le plus jeune membre de la famille, comme [traduction] « jeu sur le mot hawaïen POKE » parce que POKII est une [traduction] « orthographe différente et attirerait l’attention des gens en tant que nom créatif et distinctif d’une marque de commerce pour les Produits et Services ».

[32] Cela dit, la Marque n’est pas « ono » ou « poke », mais ONO POKII. Le nom des Produits et/ou des Services n’est pas ONO POKII; par conséquent, la Marque n’est pas interdite par l’article 12(1)c) de la Loi. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve, et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[33] L'Opposante a plaidé que la Demande d’enregistrement de la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce ONOIR enregistrée sous le no LMC714,791 en liaison avec des services semblables.

[34] Bien que l’Opposante ne soit pas la propriétaire de cet enregistrement, un opposant peut invoquer l’enregistrement d’une autre partie aux fins d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [USV Pharmaceuticals of Canada Ltd c Sherman and Ulster Ltd (1974), 15 CPR (2d) 79 (COMC)].

[35] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que l’enregistrement no LMC714,791, dont les détails sont indiqués ci-dessous, existe bel et bien [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau en regard de ce motif d’opposition.

No d’enr.

Inscrivant

Marque de commerce

Services

Revendications

LMC714,791

9159-6809 Quebec Inc.

ONOIR

Services de restaurant, de bar-salon, de bar et de mets à emporter.

Employée au CANADA depuis septembre 2006

Test en matière de confusion

[36] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[37] En déterminant si deux marques de commerce créent de la confusion, toutes les circonstances pertinentes doivent être considérées, y compris celles énoncées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits et services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54].

Le degré de ressemblance

[38] Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent est le facteur le plus important, les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans toutes les circonstances de l’espèce [Beverly Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145, conf. par 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst)].

[39] Lors de l’examen du degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être examinées dans leur ensemble. Le critère applicable n’est pas une comparaison côte à côte, mais celui de la première impression dans l’esprit du consommateur qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce d’une opposante [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, au para 20].

[40] Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361, la Cour a observé que bien que le premier mot (ou la première syllabe) d’une marque de commerce puisse, pour des raisons de caractère distinctif, être souvent celui qui revêt le plus d’importance [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], une approche préférable est de déterminer d’abord s’il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique.

[41] En l’espèce, la marque de commerce ONOIR est composée d’un seul élément frappant. La marque visée par la demande ONO POKII comprend deux mots étrangers; je ne considère pas qu’un mot soit particulièrement plus frappant que l’autre. En ce qui a trait à l’apparence des marques de commerce, j’estime que, bien qu’il y ait un degré limité de similitude en ce sens que les deux marques de commerce commencent par les lettres ONO, lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble, les marques sont très différentes. La Marque est composée de deux éléments distincts et est beaucoup plus longue. De plus, les lettres ONO ne sont pas seules dans la marque ONOIR, mais sont combinées avec d’autres lettres.

[42] Lorsqu’elles sont prononcées, les marques sont également très différentes. Bien que la marque de commerce ONOIR commence par les lettres ONO, ces lettres ne constituent pas un élément phonétique distinct, comme elles le font dans la Marque. La Marque est aussi beaucoup plus longue, comprenant quatre syllabes par rapport à deux syllabes pour ONOIR.

[43] En ce qui concerne les idées suggérées, la Marque est composée de mots étrangers sans signification précise en français ou en anglais. De même, la marque de commerce ONOIR est un mot inventé qui n’a pas de signification précise en français ou en anglais.

[44] Par conséquent, ce facteur favorise grandement la Requérante.

Caractère distinctif inhérent

[45] La Marque est composée des mots ONO POKII, qui sont des mots étrangers tels qu’ils ont été déclarés par la Requérante dans la Demande. Cependant, rien n’indique que le Canadien moyen connaîtrait le sens de ces mots en français ou en anglais. Par conséquent, la Marque est intrinsèquement distinctive pour le consommateur canadien moyen [Thai Agri Foods Public Company Limited c Choy Foong Int’l Trading Co Inc, 2012 COMC 61].

[46] La marque de commerce déposée ONOIR est un terme inventé. Il n’y a aucune preuve qu’il est suggestif à l’égard de ses services indiqués et, par conséquent, il est aussi intrinsèquement distinctif. Par conséquent, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Mesure dans laquelle les marques ont été révélées et période d’emploi

[47] La Demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur l’emploi projeté. Dans sa preuve, la Requérante a simplement affirmé que [traduction] « après la date de production de la Demande, la Requérante a en fait ouvert et elle exploite un restaurant sous sa Marque dans des locaux loués situés au 4914, rue Sherbrooke Ouest, Westmount, QC ». La preuve de l’Opposante suggère que le restaurant de la Requérante était opérationnel en février 2019 (la Pièce B de l’affidavit Diep, assermenté le 22 février 2019, est une copie du menu de la Requérante).

[48] Bien que l'enregistrement no LMC714,791 soit employé au Canada depuis septembre 2006, sans preuve d'emploi réel, je ne suis pas disposée à accorder un poids, même de poids de minimis, à la date d'emploi revendiquée dans l'enregistrement [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 CF 951, au para 37]. J’ajouterais que même si je supposais l’emploi de minimis, il est bien établi qu’un tel emploi ne permet pas de conclure qu’une marque de commerce a été révélée de façon significative, ni qu’une marque de commerce a nécessairement été employée de façon continue depuis la date indiquée [Krauss-Maffei Wegmann GmbH & Co G c Rheinmetall Defence Electronics GmbH, 2017 COMC 50].

[49] Par conséquent, ces facteurs ne favorisent pas de manière significative l’une ou l’autre partie.

La nature des biens, des services ou des affaires; et la nature du commerce

[50] Il y a un chevauchement direct dans la nature des Services de la Requérante et des services visés par l’enregistrement no LMC714,791, étant donné que les deux comprennent l’exploitation d’un restaurant et de services de plats à emporter. En ce qui concerne les aliments préparés et les boissons non alcoolisées indiquées dans la Demande, étant donné qu’il n’y a aucune restriction sur les voies de commercialisation indiquées dans la Demande, et en l’absence de preuve contraire, je considère qu’il y a un lien potentiel avec les services de restauration de l’inscrivant 9159-6809 Québec Inc., car il est possible que ces produits puissent être vendus dans le restaurant et le bar-salon de l’inscrivant.

[51] Je ne considère pas qu’il y ait chevauchement à l’égard des Produits restants indiqués dans la Demande, nommément les vêtements (tee-shirts, chapeaux, casquettes et tuques) et la vaisselle (bols, grandes tasses et verres à boire).

[52] Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante en ce qui a trait aux Services et aux plats préparés et aux boissons non alcoolisées indiquées dans la Demande.

Conclusion

[53] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée ONOIR. J’en arrive à cette conclusion, car j’estime que les différences qui existent entre ces marques sur le plan de l’apparence, du son et des idées suggérées l’emportent sur le risque de chevauchement à l’égard de certains des Produits de la Requérante et de tous les Services de la Requérante. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motifs d’opposition en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c)

[54] L’Opposante a plaidé que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante « Ono Sushi Burrito and Poke », qui avait déjà été employée ou révélée au Canada par l’Opposante.

[55] L’Opposante a également plaidé que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)c) de la Loi puisque la Marque crée de la confusion avec le nom commercial « Ono Sushi Burrito and Poke Inc. and/or Ono Sushi Burrito and Poke », qui avait auparavant été employé par l’Opposante au Canada.

[56] Une opposante s’acquitte de son fardeau de preuve en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi si elle démontre qu’à la date de production de la demande de marque de commerce au Canada, la marque de commerce ou le nom commercial de l’opposante avait déjà été employée ou révélée au Canada et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la requérante. En l’espèce, la preuve de l’Opposante (affidavit Diep) ne démontre aucun emploi antérieur ou révélation de la marque de commerce « Ono Sushi Burrito and Poke ». L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau en vertu de l’article 16(3)a) de ce motif d’opposition.

[57] En ce qui a trait à l’allégation de l’emploi antérieur du nom, je note que la Loi définit le nom commercial comme étant le « nom sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier ».

[58] En ce qui concerne l’évaluation de l’emploi d’un nom commercial, la Loi ne contient pas de définition de ce qui constitue un tel emploi. Toutefois, le sujet a été examiné par la Cour fédérale dans M. Goodwrench Inc. c General Motors Corp (1994) 55 CPR (3d) 508 (CF 1re inst), dans laquelle le juge Simpson a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Aucune disposition de la Loi ne définit ou ne décrit l’emploi d’un nom commercial. Toutefois, dans l’affaire Professional Publishing Associates Ltd. c. Toronto Parent Magazine Inc. (1986), 9 C.P.R. (3d) 207 (CF 1re inst.), le juge Strayer a étudié ce problème et conclu que les principes énoncés à l’art. 2 et au par. 4(1) de la Loi s’appliquaient à l’emploi d’un nom commercial. Voici ses propos sur la question :

Bien que la Loi sur les marques de commerce ne définisse pas l’emploi à l’égard des noms commerciaux, je suis convaincu, compte tenu des objets de la Loi, que l’emploi devrait avoir lieu dans le cours normal des affaires et à l’égard de la classe de personnes ou des classes de personnes avec qui ces affaires devront être transigées.

Par conséquent, l’emploi dans le cours ou la pratique normale des affaires sera le critère selon lequel la présente espèce sera décidée.

[59] J’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau pour ce motif, car la preuve ne démontre pas l’emploi des noms commerciaux de l’Opposante au Canada avant la date de production de la demande, soit le 1er février 2017, ou à tout moment.

[60] Bien que l’affidavit Diep comprenne une copie du certificat de constitution de l’Opposante, la simple formation ou l’enregistrement de la société sous un nom particulier ne constitue pas, en soi, un emploi comme nom commercial [Pharmx Rexall Drug Stores Inc c Vitabrin Investments Inc, (1995) 62 CPR (3d) 108].

[61] De plus, bien que l’affidavit Diep fasse plusieurs affirmations d’emploi des noms commerciaux de l’Opposante [traduction] « dans la pratique normale du commerce depuis octobre 2016 », l’affidavit ne contient aucune preuve démontrant cet emploi, par exemple des pièces démontrant comment le nom commercial de l’Opposante aurait apparu dans l’une des situations décrites au paragraphe 12.

[62] En outre, je signale également qu’il est défendable que les situations décrites par l’Opposante comme constituant l’emploi d’un nom commercial, par exemple l’emploi du nom commercial dans le cadre de l’embauche d’un agent immobilier pour trouver un emplacement de restaurant, la soumission d’une offre de location de locaux, la réception d’offres et de services de construction pour construire le restaurant et la passation de marchés avec des tiers pour la fourniture d’équipement et d’ingrédients alimentaires, ne semblent pas être liées à la catégorie de personnes avec lesquelles ce commerce doit être effectué, à savoir les clients des restaurants.

[63] En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[64] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle [traduction] « n’est pas distinctive, et n’est pas adaptée pour distinguer, les produits et/ou services de la Requérante, y compris à la lumière de l’emploi de l’Opposante des Noms commerciaux de l’Opposante ».

[65] En ce qui concerne le fardeau de preuve initial d’un opposant pour ce motif, le critère n’est pas simplement de savoir si les noms commerciaux de l’opposant ont été employés, mais plutôt de savoir si les noms commerciaux « [doivent] être connu[s] au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante » [Bojangles International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, au para 34]. Compte tenu de la preuve de l’Opposante dont il a été question ci-dessus, je ne suis pas convaincue que l’Opposant se soit acquitté de son fardeau initial dans la mesure où il se rapporte à l’emploi allégué de noms commerciaux par l’Opposante.

[66] Je note en outre que, comme il est plaidé, il est plausible que le motif d’opposition fondé sur l’article 2 ne se limite pas à une allégation d’absence de caractère distinctif découlant de l’emploi par l’Opposante de ses noms commerciaux, mais qu’il pourrait aussi inclure l’emploi de noms commerciaux de tiers [voir Novopharm Limited c AstraZeneca AB, 2002 CAF 38, selon laquelle la suffisance d’un plaidoyer devrait être évaluée à la lumière de la preuve au dossier]. Bien que l’Opposante n’ait pas soumis d’observations à ce sujet, je note que l’affidavit Diep contient des imprimés pour le site Web et la page Facebook d’« Ono’s Sushi », un restaurant à Abbotsford, en Colombie-Britannique, qui faisait des affaires depuis janvier 2014. En mettant de côté la question du ouï-dire, même si je devais prendre en considération cette preuve, elle ne serait pas suffisante pour s’acquitter du fardeau initial de l’Opposante de prouver que ce nom commercial était connu à un point tel qu’il pourrait annuler le caractère distinctif de la Marque.

[67] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est également rejeté.

Disposition

[68] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Burnet, Duckworth & Palmer LLP

POUR L’OPPOSANTE

De Grandpré Chait SENCRL/LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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