Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 130

Date de la décision : 2021-06-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Weston Foods (Canada) Inc.

Opposante

et

 

Bimbo Bakeries USA, Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,770,856 pour LITTLE BITES

 

Demande

 

[1] Weston Foods (Canada) Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce LITTLE BITES (la Marque) produite par Bimbo Bakeries USA, Inc. (la Requérante). Produite le 4 mars 2016, la demande est fondée sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis et sur l’emploi projeté par la Requérante au Canada avec des produits de boulangerie, nommément des muffins, des brownies et des petits gâteaux (les Produits).

[2] L’Opposante allègue dans sa déclaration d’opposition que : (i) la demande n’est pas conforme aux exigences des articles 30d), 30e) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi); (ii) la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi; et (iii) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[3] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande au motif que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi. En effet, je ne suis pas convaincue que la Requérante respecte son fardeau ultime de prouver selon la prépondérance des probabilités que la Marque est enregistrable en vertu de cet article de la Loi. Le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est également accueilli.

Le dossier

[4] Le 27 mars 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification [voir l’article 70 de la Loi]. La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration. L’Opposante a produit l’affidavit de Biserka Horvat, technicienne juridique qui travaille en propriété intellectuelle et est employée par son agent. La Requérante a produit l’affidavit de Daniella Geraci-Samlal, parajuriste en marques de commerce employée par son agent. Les parties ont toutes les deux présenté des observations écrites et ont été présentes à l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[5] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

Question préliminaire : Preuve de l’Opposante composée de sites Web de tiers

[6] La preuve de l’Opposante à l’égard de Mme Horvat comprend des imprimés de 20 sites Web qui mentionnent « LITTLE BITES ». En l’espèce, même si je suis convaincue que les sites Web existaient au moment où Mme Horvat y a accédé, très peu de renseignements sont fournis pour établir que les sites Web contiennent des renseignements fiables ou sont des sites Web officiels [ITV Technologies, Inc c WIC Television Ltd (2003), 29 CPR (4th) 182, à la p. 192 (CF 1re inst)]. Compte tenu du nombre limité de références, et étant donné qu’il y a très peu de références au Canada, et que toutes ont été imprimées après la date de la matière, cette preuve ne montre pas que LITTLE BITES est commun au commerce.

Motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[7] J’examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) de la Loi. La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp, 2003 CF 1021].

[8] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, en ce sens qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Produits :

[traduction]

[…] la [Marque] n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’article 12(1)b) de la Loi, puisque la [Marque] donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des produits annoncés de la Requérante. Plus précisément, la [Marque] n’est pas enregistrable parce que, sous forme graphique, écrite et sonore, elle donne une description claire ou fausse et trompeuse, en langue anglaise, de la nature ainsi que de la qualité des produits de la Requérante […] La [Marque], en liaison avec les produits de boulangerie de la Requérante, nommément, muffins, brownies et petits gâteaux, décrit clairement une particularité et une caractéristique intrinsèque des produits, à savoir que les produits de boulangerie de la Requérante sont ou seront disponibles dans des formats qui comprennent de « petites bouchées » [little bites]. Subsidiairement, si la Requérante ne fournit pas ou ne fournira pas ses produits de boulangerie, nommément, muffins, brownies et petits gâteaux, dans des formats qui comprennent de « petites bouchées » [little bites], cela signifie que la Marque donne une description fausse et trompeuse des produits.

[9] Pour déterminer si une marque donne une description claire, la marque doit être considérée comme une première impression dans le contexte des produits [Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60 (Conseil), au para 29]. La « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des produits et « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’É), à la p. 34].

[10] Enfin, pour déterminer si une marque de commerce est enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement tenir compte de la preuve, mais également appliquer son sens commun [Neptune SA c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst)]. L’un des objectifs les plus importants de l’article 12(1)b) est de protéger le droit de tous les commerçants d’utiliser un langage descriptif approprié. Les tribunaux ont reconnu que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas se les approprier pour son utilisation exclusive [General Motors Corp c Bellows (1949), 10 CPR 101 (CSC), aux p. 112 et 113].

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve

[11] Un opposant peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) simplement par référence à la signification habituelle des mots qui forment la marque du requérant [Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC); McIntosh c La-Co Industries Inc, 1998 CanLII 18596 (COMC)].

[12] La preuve de l’Opposante comprend les définitions de LITTLE et de BITE provenant du Canadian Oxford Dictionary. Pour le mot « little » [petit], ces définitions font référence à une petite taille, une petite quantité, un faible degré, etc., et à ce qui n’est pas gros ou grand; pour le mot « bouchée », elles font référence à une bouchée de nourriture, à une collation ou à un repas léger. Compte tenu de la Marque dans le contexte des Produits, je conclus que les définitions de LITTLE et de BITE appuient les allégations de l’Opposante selon lesquelles la marque de commerce donne une description claire et décrit que les produits sont de petites portions (c.‑à‑d. en format de « bouchées » [bite]). L’Opposant s’acquitte donc de son fardeau de preuve.

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime

[13] Les observations que la Requérante a présentées pour s’acquitter de son fardeau ultime comprennent les suivantes :

· que la marque de commerce LITTLE BITES ne décrit pas clairement une caractéristique intrinsèque des Produits;

· que la marque de commerce LITTLE BITES est simplement suggestive d’un certain nombre de caractéristiques;

· qu’il n’est pas facile de discerner le sens unique et évident de LITTLE BITES;

· que l’état du registre appuie l’enregistrabilité de la marque de commerce LITTLE BITES;

· que la marque de commerce LITTLE BITES a été examinée et approuvée aux États-Unis et au Canada;

La marque de commerce LITTLE BITES décrit une caractéristique intrinsèque des Produits

[14] La Requérante soutient que ce sont les produits eux-mêmes qu’une marque de commerce doit être tenue de décrire clairement, et non la façon dont ces produits sont utilisés ou leur but, ou encore les personnes qui peuvent utiliser ces produits (Observations écrites de la Requérante, au para 56). Dans Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2011 CF 58, au para 46, la Cour fédérale confirme que le mot « nature » ne décrit pas nécessairement entièrement les produits ou les services, mais qu’il peut plutôt décrire une caractéristique distinctive ou dominante des produits ou des services [citant Café Suprême F et P Ltée c Canada (Registre des marques de commerce), (1984), 4 CPR (3d) 529 (CF 1re inst)]. Dans ITV Technologies, au para 67, la Cour fédérale a statué que le caractère descriptif doit s’appliquer à la composition matérielle des marchandises ou services qui forment l’objet de leurs qualités intrinsèques ou caractéristiques des produits ou services visés par la marque de commerce, comme une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérents au produit en soi [citant Provenzano c Registraire des marques de commerce (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst)]. D’autres affaires ont confirmé qu’une nature intrinsèque comprend l’effet ou la fonction [Sharp Kabushiki c Dahlberg Electronics, Inc (1983), 80 CPR (2d) 47 (COMC), à la p. 55] ou les clients potentiels [Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Editorial Projects In Education, Inc, 2012 COMC 218].

La marque de commerce LITTLE BITES est clairement descriptive plutôt que suggestive

[15] La position de la Requérante est que la Marque n’est pas clairement descriptive, étant donné que plusieurs significations peuvent être attribuées à l’expression LITTLE BITES, puisque le mot « little » et le mot « bite » ont chacun de nombreuses significations différentes, comme l’indique la Requérante :

[traduction]

(p 5) […] « Little » a onze significations possibles comme adjectif, deux comme nom et trois comme adverbe : seize significations au total. « Bite » a neuf significations comme verbe, et neuf autres significations comme nom : dix-huit significations au total.

[…]

(p 19) Ces significations peuvent être combinées de diverses façons et suggéreraient une nature complètement différente des produits de boulangerie de la Requérante. Par exemple, LITTLE BITES pourrait décrire l’utilisateur des Produits pertinents, suggérant des « bouchées » pour de « petites » personnes (c.-à-d. des enfants). LITTLE BITES pourrait suggérer au consommateur que les produits de boulangerie sont une « collation » ou un « repas léger » qui présente une « petite quantité » de calories ou de gras ou que l’on considère par ailleurs comme sain. LITTLE BITES pourrait indiquer que les muffins, brownies et petits gâteaux de la Requérante sont des « bouchées » de « petit format ». LITTLE BITES pourrait suggérer que le consommateur devrait manger le produit de boulangerie en prenant de « petites » bouchées avec ses dents.

[16] Pour déterminer si une marque de commerce est clairement descriptive, il faut tenir compte de la marque de commerce dans le contexte des produits particuliers auxquels elle est liée. De plus, la marque de commerce doit être considérée comme une impression immédiate créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. Tel qu’il est établi dans Conseil, on ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque de commerce (para 29). Compte tenu des produits, l’impression immédiate que crée la Marque semble être que les produits de boulangerie de la Requérante, nommément, muffins, brownies et petits gâteaux, s gâteaux-collations, sont en petites portions (c.-à-d. en format de « bouchées » [bites]).

[17] La Requérante soutient par ailleurs que ce qu’une petite bouchée est pour un adulte, un nourrisson et un enfant, et la question de savoir si les produits de la Requérante se dévorent en [traduction] « une seule bouchée ou sont grignotés en cent bouchées », est une « question complètement subjective » (observations écrites de la Requérante, au para 60). Je ne conclus pas que cela rend la Marque enregistrable. On trouve de nombreuses affaires où une marque de commerce a été jugée clairement descriptive, même si elle présentait tout de même une certaine subjectivité, notamment :

· MONEY SAVING VALUE SIZE pour des aliments pour animaux de compagnie vendus [traduction] « dans un format plus grand, permettant à l’acheteur d’économiser », sans indication toutefois de l’argent économisé ou du format des aliments pour animaux de compagnie vendus [Ralston Purina Canada Inc c Effem Foods Ltd (1989), 24 CPR (3d) 125 (CF 1re inst)].

· BONELESS BITES, où l’on a estimé « que les produits de la Requérante sont constitués de fruits de mer, de poisson, de volaille, de bœuf, de veau et de porc désossés ou sans os offerts en petites portions ou bouchées », sans indication toutefois de la taille des bouchées [Maple Leaf Foods Inc c Sofina Foods Inc, 2016 COMC 50].

L’état du registre des marques de commerce BITES de tiers ne prouve pas que la Marque est enregistrable

[18] La Requérante soutient que plus de 37 marques déposées par des tiers comprennent BITES, ce qui indique que ces marques ne sont pas clairement descriptives. La Requérante soutient également que le rejet de la demande entraînerait une incohérence inexpliquée et inéquitable et serait contraire à la validité des autres marques de commerce déposées [citant Reed Stenhouse Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1993), 45 CPR (3d) 79, à la p. 82 (CF 1re inst); Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154, à la p. 161 (CF 1re inst); RJ Reynolds Tobacco Co c Rothmans, Benson & Hedges Inc (1993), 47 CPR (3d) 439, aux p. 442 et 443 (CF 1re inst); Imperial Tobacco Ltd c. Rothmans, Benson & Hedges Inc. (1996), 69 CPR (3d) 483, au para 20 (CF 1re inst)].

[19] Je ne suis pas d’accord pour dire qu’on peut tirer une conclusion selon laquelle la marque de commerce LITTLE BITES est enregistrable en se fondant sur ces 37 marques de commerce. On peut distinguer les cas invoqués par la Requérante à l’appui de son affirmation selon laquelle le refus d’enregistrement de la marque de commerce LITTLE BITES serait incohérent. Les affaires Reed Stenhouse et Canadian Parking Equipment sont des appels de décisions rendues en cours d’examen. Dans Simmons I.P. Inc. c Park Avenue Furniture Corp. (1994), 56 CPR (3d) 284, à la p. 288, la Cour fédérale explique pourquoi une décision de refus d’une marque de commerce après opposition en raison de l’existence de marques de commerce similaires est différente qu’à l’étape de l’examen :

[traduction]

Dans la décision Reed Stenhouse [(1992), 45 C.P.R. (3d) 79, 57 F.T.R. 317, 36 A.C.W.S. (3d) 119 (1re inst), le juge en chef adjoint Jerome a fait observer qu’il incombait au registraire, lorsqu’il rejette une demande à l’étape de l’examen, de justifier son refus « dans une certaine mesure » au regard de la présence de marques passablement similaires dans le registre des marques de commerce. Cependant, je ne considère pas que les commentaires du juge en chef adjoint s’appliquent aux procédures d’opposition : voir les décisions relatives à des oppositions rendues dans Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), à la p. 277, et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (C.O.M.C.), à la p. 386. Il n’appartient pas à la Commission des oppositions d’expliquer pourquoi l’enregistrement d’une marque en particulier a été autorisé par la section de l’examen du Bureau des marques de commerce. Cette décision peut avoir été prise parce que l’examinateur ne disposait pas du type de preuve présenté dans le cadre d’une procédure d’opposition ou parce que le fardeau ultime et le fardeau de preuve ne sont pas les mêmes à l’étape de l’examen. (Non souligné dans l’original.)

[20] En ce qui concerne les deux autres affaires invoquées par la Requérante, l’une d’elles a été tranchée avant Simmons IP Inc c Park Avenue Corp et l’autre affaire, Imperial Tobacco Limited, supra, comprenait un examen de plus de 300 enregistrements qui comprenaient la marque en cause (CLASSIC et CLASSIQUE), ce qui est bien plus que le nombre en cause en l’espèce.

[21] En ce qui concerne l’argument de la Requérante selon lequel une entreprise appartenant à l’Opposante emploie la marque de commerce déposée TWO-BITE BROWNIES, au para 83 de ses observations écrites énoncées ci-dessous, je ne conclus pas que l’emploi de cette marque de commerce donne à penser que la Marque est enregistrable.

[traduction]

On peut soutenir que le terme « TWO-BITE BROWNIES » est encore plus descriptif que la marque de commerce visée par la demande, puisqu’il indique au consommateur (1) le type précis d’aliment (c.-à-d. des brownies) et (2) le nombre exact de bouchées (c.‑à‑d. deux). Par conséquent, selon son propre raisonnement, l’Opposante emploie une marque de commerce qui est clairement descriptive et, par conséquent, invalide.

 

Indépendamment de l’emploi que l’Opposante a fait de la marque TWO-BITE BROWNIES, je dois en venir à une décision quant au caractère descriptif de la Marque qui est conforme à la loi et à la jurisprudence pertinente [voir, par exemple, Molson Breweries c Labatt Brewing Co. (1996), 68 CPR (3d) 202 (CF 1re inst)].

L’approbation de la Marque aux États-Unis et au Canada est d’une importance limitée

[22] Le fait que cette demande ait réussi à franchir l’étape de l’examen et que son annonce au Canada ait été approuvée ne revêt qu’une importance limitée. En général, de telles décisions de la section de l’examen n’ont pas valeur de précédent dans les procédures d’opposition [Constellation Brands Québec Inc c Julia Wine Inc, 2015 COMC 93, au para 15]. Qui plus est, le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un requérant à l’étape de l’examen est différent de celui qui doit prévaloir dans une procédure d’opposition [Matusalem c Espiritu de Chile Ltd, 2011 COMC 137]. Enfin, je ne suis pas disposée à accorder un poids significatif à l’enregistrement de la marque de commerce LITTLE BITES aux États-Unis. Rien n’indique que la loi sur le caractère descriptif aux États-Unis soit semblable à celle du Canada.

Une marque de commerce n’a pas à être employée par d’autres pour être clairement descriptive

[23] Il n’est pas nécessaire que l’Opposante démontre qu’elle ou d’autres ont employé LITTLE BITES pour décrire leurs propres produits ou que cette expression est couramment utilisée [Molson Canada 2005 c Drummond Brewing Company Ltd, 2011 COMC 43, au para 40; Alberta Government Telephones c Cantel Inc, 1994 CanLII 10102].

Ce motif d’opposition est accueilli

[24] La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’au 4 mars 2016, la Marque ne décrivait pas clairement une caractéristique intrinsèque des Produits. J’estime que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime. Dans le meilleur des cas pour la Requérante, je conclurais qu’il y a équilibre entre les probabilités, d’une part, que l’impression immédiate créée par LITTLE BITES serait que les produits de boulangerie de la Requérante, nommément, muffins, brownies et petits gâteaux, sont en petites portions (c.‑à‑d. en format de « bouchées » [bites]); et, d’autre part, qu’une personne raisonnable n’aurait besoin ni d’efforts ni d’imagination pour en arriver à cette conclusion. Ce motif d’opposition est donc admis. Ayant conclu que ce motif d’opposition est accueilli à l’égard de l’affirmation laquelle la marque de commerce donne une description claire, je n’ai pas besoin de déterminer si elle donne une description fausse et trompeuse.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[25] Le motif d’opposition prévu à l’article 2 est énoncé ci-dessous :

[traduction]

[…] la Marque n’est pas distinctive, au sens de l’article 2, en raison du fait que la [Marque] ne distingue pas réellement les produits en liaison avec lesquels sont est projeté au Canada par la Requérante, ou qui sont enregistrés et employés aux États‑Unis, des produits d’autres fabricants et détaillants de produits alimentaires; la [Marque] n’est pas non plus adaptée de manière à pouvoir distinguer les produits de la Requérante. La [Marque] est un terme descriptif ou générique qui ne peut être distinctif de la Requérante relativement à un produit alimentaire.

[26] J’estime que ce motif d’opposition comporte deux volets. Le premier est que la marque de commerce LITTLE BITES n’est pas intrinsèquement distinctive et n’est pas adaptée pour distinguer les Produits de la Requérante des produits d’autres fabricants et détaillants de produits alimentaires, compte tenu de son caractère descriptif clair. Compte tenu du libellé des arguments, en particulier de la partie [traduction] « la [Marque] n’est pas non plus adaptée de manière à pouvoir distinguer les produits de la Requérante », je ne conclus pas que l’Opposante est tenue de prouver l’emploi de LITTLE BITES par d’autres parties pour avoir gain de cause avec ce volet du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. Le deuxième volet est que la marque de commerce LITTLE BITES est générique ou descriptive des Produits et est commune au commerce.

[27] La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, en l’occurrence le 27 mars 2017 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)]. Pour trancher cette question, je suis guidée par les commentaires du juge O’Keefe dans l’affaire Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA – The Engineered Wood Assn. (2002), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst), au para 49, selon qui « une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse [est] nécessairement sans caractère distinctif ».

[28] Compte tenu de ma conclusion antérieure selon laquelle la Marque est clairement descriptive, la différence de date pertinente n’a aucun effet sur cette question, et je conclus qu’à la date pertinente, la Marque n’avait pas été adaptée pour distinguer les produits de la Requérante de ceux des autres au sens de l’article 2 de la Loi. Comme il n’y a aucune preuve que la Marque a acquis un caractère distinctif à un moment quelconque, ce motif d’opposition est retenu. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’aborder le deuxième volet des arguments de l’Opposante, selon lequel les mots de la Marque sont génériques et communs au commerce. Ainsi, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[29] L’Opposante fait valoir que la demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi parce que la Marque n’est pas destinée à être employée comme marque de commerce, mais qu’elle fonctionnera plutôt comme une description claire d’une caractéristique intrinsèque des Produits. Étant donné qu’aucune preuve n’a été présentée par l’Opposante sur cet aspect, et que l’Opposante n’a fait état d’aucune preuve de la Requérante à l’appui de son allégation, l’Opposante n’a pas rempli son fardeau de preuve et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30d)

[30] L’Opposante plaide que la demande ne respecte pas l’article 30d) de la Loi parce que la Requérante n’a pas employé la Marque aux États-Unis avec chacun des produits décrits dans la demande. Étant donné qu’aucune preuve n’a été présentée par l’Opposante sur cet aspect, et que l’Opposante n’a fait état d’aucune preuve de la Requérante à l’appui de son allégation, l’Opposante n’a pas rempli son fardeau de preuve et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[31] La Requérante soutient que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce LITTLE BITES avec les Produits, compte tenu de la nature clairement descriptive ou fausse et trompeuse des produits.

[32] L’exigence prévue à l’article 30i) de la Loi consiste à inclure dans la demande une déclaration selon laquelle le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque au Canada en liaison avec les produits et services. Alors que, dans ce cas-ci, la déclaration requise est fournie, un opposant peut seulement invoquer l’article 30i) dans des circonstances particulières, comme lorsque l’on allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou de fraude ou lorsque l’on pourrait soutenir que la loi fédérale empêche l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)]. Dans ce cas-ci, il n’y a aucune allégation de cette nature dans la déclaration d’opposition. Même si les motifs d’opposition prévus à l’article 12(1)b) et à l’article 2 avaient été retenus, une telle conclusion n’aurait pas nécessairement empêché la Requérante d’être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada. Ce motif d’opposition est donc rejeté.


Décision

[33] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

François Cyrenne, trad. a.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

Date de l’audience 2021‑04‑19

 

Comparutions

 

Michelle Nelles Pour l’Opposante

 

Mark Evans Pour la Requérante

 

 

Agents au dossier

 

Torys LLP Pour l’Opposante

 

Smart & Biggar LLP Pour la Requérante

 

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