Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 131

Date de la décision : 2021-06-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Anheuser-Busch, LLC

Opposante

et

 

Molson Canada 2005

Requérante

 

 

 



 

1,648,874 pour GAME DAY PACK

 

Demande

 

[1] Anheuser-Busch, LLC (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce GAME DAY PACK (la Marque) déposé par Molson Canada 2005 (la Requérante). Produite le 22 octobre 2013, la demande est fondée sur l’emploi par la Requérante de la Marque au Canada depuis le 15 septembre 2013 en liaison avec les boissons alcoolisées brassées, nommément la bière, ainsi que la promotion et le parrainage d’événements sportifs (les Produits et Services).

[2] L’Opposante allègue dans sa déclaration d’opposition que : (i) la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi); (ii) la Marque n’est pas enregistrable en vertu des articles 12(1)d) et 12(1)e) de la Loi; et (iii) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[3] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande, puisque la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque possède un caractère distinctif inhérent ou a acquis un caractère distinctif.

Le dossier

[4] L’Opposante a produit une déclaration d’opposition le 20 janvier 2015. La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification [article 70 de la Loi]. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration.

[5] L’Opposante a produit la preuve suivante.

· L’affidavit de Matthew Jones – M. Jones est un directeur de l’activation de la marque employé par La Brasserie Labatt du Canada, une compagnie associée à l’Opposante (para 2 et 3). En octobre et novembre 2013, les mots GAME DAY PACK ont été affichés sur la bière BUDWEISER et sur du matériel au point de vente (para 4 à 7). Ces caisses BUDWEISER comprenaient un coupon qui pouvait être échangé pour des croustilles ou de la pizza (para 6).

· L’affidavit de Nathan Haldane – M. Haldane est un stagiaire au sein de l’agent de l’Opposante. M. Haldane fournit une preuve provenant de revues, de billets de blogue et d’articles sur le restaurant GameDay Sports Bar situé au 614, rue College, Toronto, en Ontario (Pièce E). Il joint également des versions archivées du site Web de ce restaurant au www.gamedayoncollege.com (Pièce C).

· Le premier affidavit de Dane Penney – M. Penney est un recherchiste-spécialiste en marques de commerce au sein des agents de l’Opposante. La preuve de M. Penney comprend des imprimés de sites Web qui font référence aux articles alimentaires GAMEDAY APPROVED vendus pour faire la promotion des équipes de la LCF dans l’ouest du Canada et des comptes TWITTER, YOUTUBE et FACEBOOK de l’émission COLLEGE GAME DAY d’ESPN (Pièces B et C; E à G).

[6] La Requérante a produit la preuve suivante.

· L’affidavit de D. Jill Roberts – Mme Roberts est une assistante judiciaire. Mme Roberts a effectué un certain nombre de recherches Internet qui montrent que le restaurant GameDay sur la rue College est maintenant fermé (para 3 à 7; Pièces 2 à 6).

· L’affidavit de Joanne Nardi – Mme Nardi est la directrice, Marques de commerce et Propriété intellectuelle, pour Molson Coors. La Requérante est un partenariat qui est l’entreprise d’exploitation de Molson Coors au Canada (para 6). En 2011, Molson Coors a conclu une entente de parrainage avec la Ligue nationale de hockey. En 2014, GAME DAY PACK a été affiché sur des caisses de bières avec la marque de commerce NHL et les écussons des équipes de la LNH (para 11 et 12; Pièce D). Mme Nardi a été contre-interrogée relativement à son affidavit. Entre septembre 2013 et août 2016, la preuve de la Requérante est que 14 000 hectolitres de bière portant la marque ont été livrés à Brewers’ Distributor Limited (para 16, Question 143).

[7] L’Opposante a produit un deuxième affidavit de Dane Penney comme contre-preuve. Cet affidavit comprend un imprimé du site Web Brewers’ Distributor (Pièce B) qui indique qu’il s’agit d’une coentreprise privée entre La Brasserie Labatt du Canada et Molson Breweries.

[8] Les parties ont toutes les deux produit des plaidoyers écrits et ont participé à une audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[9] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298].

Motifs d’opposition

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[10] Le motif d’opposition en vertu de l’article 2 a deux volets. Le premier est que la Marque ne possède pas un caractère distinctif inhérent. Le deuxième est que la Marque n’est pas distinctive en raison de l’emploi de marques de commerce semblables ou d’emplois descriptifs par un certain nombre de différentes parties. Les paragraphes pertinents dans la déclaration d’opposition sont présentés ci-dessous.

[traduction]

c) La [Marque] n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi puisqu’elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer, les [Produits et Services] de la Requérante des [produits] et des services des autres, y compris les entités indiquées ci‑dessous qui utilisent « Game Day » de manière descriptive ou dans des noms ou des marques associés à la bière, à la promotion d’événements sportifs […] Plus particulièrement :

i. La [Marque] n’a pas de caractère distinctif inhérent par rapport à la bière, puisque les mots « game day pack » décrivent clairement et précisément une caisse de bières qui est destinée ou appropriée pour la consommation le jour d’une partie (c’est-à-dire le jour auquel un jeu sportif a lieu) et particulièrement comme élément dans un ensemble d’aliments et de boissons à consommer tout en visionnant un jeu sportif.

ii. La [Marque] n’a pas été employée de manière à acquérir un caractère distinctif (c’est-à-dire employée dans une telle mesure qu’elle distingue les Produits et Services de la Requérante des [produits] et services des autres).

 

iii. Depuis au moins octobre 2013, l’Opposante a employé les mots « game day pack » pour communiquer aux consommateurs que les caisses de bières BUDWEISER sont destinées ou appropriées pour la consommation le jour d’une partie et particulièrement comme élément dans un ensemble d’aliments et de boissons à consommer tout en visionnant un jeu sportif.

 

iv. Depuis au moins octobre 2012, Gameday Inc a employé GameDay comme nom et marque de commerce en liaison avec un bar sportif situé au 614, rue College à Toronto, en Ontario, offrant la vente de bière. Le nom et la marque GameDay ont été affichés en évidence au bar sportif et dans la publicité pour un tel bar, y compris un site Web connexe à gamedayoncollege.com.

 

v. L’expression « Game Day » a également été employée par les autres entités suivantes au Canada avec les [produits] ou les services indiqués :

 

GAME DAY – une émission de télévision sportive de CBC;

 

GAMEDAY Approved / GAME DAY PACKS – une gamme de produits (y compris des aliments et des boissons communément consommés tout en visionnant un jeu sportif) approuvée et produite par un partenariat entre le Winnipeg Football Club et les magasins de détail CO-OP au Manitoba;

 

GAMEDAY WE ALL PLAY! par le Winnipeg Football Club [...]

 

College GameDay – une émission de divertissement d’ESPN prévisionnant des parties de football collégial depuis 1987;

[11] La date pertinente pour évaluer le motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, en l’espèce, le 20 janvier 2015 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

La Marque n’est pas distinctive en raison de l’emploi de GAME DAY par d’autres

[12] J’évaluerai d’abord le deuxième volet du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif.

[13] Il est bien établi que, afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial, un opposant doit démontrer que l’une des marques de commerce sur lesquelles il s’appuie a une réputation importante, significative ou suffisante au Canada [Bojangles’ International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF), au para 34].

[14] En l’espèce, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve, puisqu’elle n’a pas démontré que l’une des marques de commerce GAME DAY plaidées dans la déclaration d’opposition était devenue connue au Canada le 20 janvier 2015 de manière suffisante pour influencer le caractère distinctif de la Marque. Plus particulièrement, je remarque ce qui suit concernant chacune des marques de commerce sur lesquelles s’appuie l’Opposante.

a) GAME DAY – L’Opposante n’a fourni aucune preuve qu’une émission de télévision sportive de CBC de ce nom a été diffusée au Canada ou a une quelconque réputation au Canada.

b) GAMEDAY WE ALL PLAY! – L’Opposante n’a fourni aucune preuve que le Winnipeg Football Club a déjà employé cette marque de commerce au Canada ou que cette marque de commerce a une quelconque réputation au Canada.

c) GAMEDAY Approved / GAME DAY PACKS – L’Opposante fournie la preuve de la gamme de produits GAMEDAY Approved et GAME DAY PACKS (y compris des aliments et des boissons dont la promotion pour la consommation en visionnant un jeu sportif semble être faite) approuvée et produite par un partenariat entre diverses équipes de la LCF et les magasins de détail CO-OP dans l’ouest du Canada. Cependant, la preuve de l’Opposante est insuffisante pour me permettre de déterminer si ces marques de commerce ont une réputation importante au Canada. En particulier, je remarque ce qui suit :

i. Il n’y a aucune preuve de spectateurs fournie pour les publicités télévisées ou numériques mentionnées dans l’article de Canadian Grocer en date du 29 septembre 2014 [traduction] « Federated Co-Op lance une campagne de marketing pour la gamme Game Day Approved » (affidavit Penney, Pièce C).

ii. Bien que la campagne ait eu lieu chaque année depuis 2010, elle n’est peut-être que pour trois mois au cours de la saison de football (affidavit Penney, Pièce C, article [traduction] « Federated Co-Op lance une campagne de marketing pour la gamme Game Day Approved »).

iii. Bien que l’article [traduction] « Federated Co-Op lance une campagne de marketing pour la gamme Game Day Approved » indique que Federated Co-Op a une présence dans plus de 500 communautés avec les produits Game Day Approved dans les magasins d’aliments et les dépanneurs à ses postes d’essence, il y a une preuve limitée quant à la mesure à laquelle les marques de commerce GAME DAY APPROVED sont connues par les consommateurs.

d) College GameDay – L’Opposante n’a fourni aucune preuve que cette émission de divertissement d’ESPN prévisionnant les parties de football collégial aux États-Unis depuis 1987 a une réputation importante au Canada. Bien que les visionnements des vidéos YouTube de la chaîne YouTube College GameDay et le nombre de mentions « j’aime » sur les billets Twitter (affidavit Penney, Pièces D à F) suggèrent qu’il s’agit d’une émission populaire, il n’y a rien qui me permette d’en déduire qu’elle a une réputation importante au Canada.

e) Gameday Inc – La preuve suggère qu’il n’y avait qu’un seul emplacement pour ce restaurant, sur la rue College à Toronto, en Ontario (affidavit Haldane) et l’Opposante n’a pas démontré que la marque de commerce est devenue connue dans une mesure importante au Canada ou est bien connue dans une région particulière du Canada, dans ce cas-ci Toronto.

L’absence du caractère distinctif inhérent de la Marque

[15] Dans Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CF 291 (CF 1re inst), le juge Barnes explique que « [l]a question de savoir si une marque est distinctive est une question de fait, qui doit être tranchée par référence au message que la marque transmet aux consommateurs ordinaires » (para 5). De plus, en confirmant la décision de la cour inférieure, la Cour fédérale d’appel affirme que [traduction] « le caractère distinctif doit être déterminé à partir du point de vue de l’utilisateur moyen des marchandises en question et la marque de commerce doit être considérée dans son ensemble et comme une question de première impression » [Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 313, aux para 6 et 7]. Enfin, dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, la juge Bédard affirme que « l’élément clé [est] de savoir si le terme permet d’identifier la provenance des marchandises, compte tenu du produit et du marché dans leur ensemble » (para 81).

[16] L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve initial à l’égard de son allégation que la Marque n’a pas de caractère distinctif inhérent. La preuve de l’Opposante est suffisante pour s’acquitter de son fardeau de preuve d’appuyer son allégation que « game day pack » décrit une caisse de bières qui est destinée ou appropriée pour la consommation le jour d’une partie (c’est‑à‑dire le jour auquel un jeu sportif a lieu) et, par conséquent, n’est pas en mesure d’identifier la provenance des produits. Je m’appuie sur les définitions du dictionnaire Merriam‑Webster pour les mots « game », soit [traduction] « une compétition physique ou mentale menée conformément à des règles avec les participants en directe opposition aux uns et aux autres », et « day », soit « une date ou un jour en particulier », ainsi que la preuve de la façon dont ces mots sont employés par les autres, en particulier, ce qui suit :

· L’emploi par l’Opposante de la phrase descriptive SHARE IN THE ULTIMATE GAME DAY PACK! dans la publicité au point de vente affichée en automne 2013 et l’emploi descriptif de GAME DAY PACK sur la bière vendue au cours de cette période (affidavit Jones, para 5 à 7). Je ne crois pas qu’il y ait une quelconque raison d’ignorer l’emploi par l’Opposante au cours de cette période, puisque cela semble avoir été fait dans la pratique normale du commerce.

· L’article dans Canadian Grocer en date du 29 septembre 2014 intitulé [traduction] « Federated Co-Op lance une campagne de marketing pour la gamme Game Day Approved » (affidavit Penney, Pièce C) qui indique :

[traduction]

Federated Co-operatives Ltd, établi à Saskatoon, a lancé une campagne de marketing de trois mois faisant la promotion de sa gamme Game Day Approved de marchandise générale et de produits de collations.

 

Lancée initialement en 2010 avec les Roughriders de la Saskatchewan de la LCF, la gamme de produits Game Day Approved s’est étendue cette année pour inclure les Stampeders de Calgary, les Blue Bombers de Winnipeg et les Eskimos d’Edmonton.

 

Elle offre des collations et des boissons portant le nom et l’image de joueurs sélectionnés parmi les quatre équipes de la LCF […]

· L’article sur le site Web de la Children’s Hospital Foundation en date du 20 mai 2014 qui indique :

[traduction]

Moore a signé des autographes pour ses adeptes mardi au magasin d’aliments Red River Co-op nouvellement ouvert dans le quartier Southdale de Winnipeg pour lancer la gamme de produits Game Day Approved de Co-op et des Blue Bombers. Grâce au partenariat Game Day Approved entre Co-op et les Blue Bombers, une part des ventes des 12 produits de marchandises générales et d’aliments de marque commune est versée à la Children’s Hospital Foundation of Manitoba.

 

« C’est un gain pour tout le monde. Non seulement les amateurs de football et les clients Co-op achètent des produits de qualité et montrent leur fierté envers leur équipe, ils contribuent également à un avenir en meilleure santé pour nos enfants et nos familles avec leurs achats Game Day Approved », dit Doug Wiebe, directeur général de Red River Co-op, pour le compte des magasins Co-op partout au Manitoba.

 

L’équipe Game Day Approved de cette année comprend des graines de tournesol spécialement emballées, des sacs de glace, des barres de chocolat, du pain tranché, du pain hamburger, des arachides dans leurs écailles, des mélanges montagnards, des verres réutilisables, des glacières pour pique-nique et des ballons de football pour collectionneurs.

[17] Même si l’affidavit de Mme Nardi montre des ventes et la promotion de bières au Canada en liaison avec la Marque avant la date pertinente, la Marque est présentée en liaison avec les marques de commerce MOLSON CANADIAN et NHL, les deux affichées d’une manière beaucoup plus en évidence [Simmons IP Inc c Park Avenue Furniture Corp (1996), 74 CPR (3d) 404 (COMC)]. Bien qu’il soit possible pour GAME DAY PACK d’acquérir un caractère distinctif malgré son emploi avec ces autres marques de commerce [Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC, 2010 CF 918 (CF)], la Requérante n’a fourni aucune preuve me permettant de conclure que la Marque sera reconnue par le consommateur moyen à la première impression comme identificateur de la provenance, plutôt qu’un certain élément qualitatif, dans le contexte des produits et des services de la Requérante. Je ne suis pas en mesure de conclure que la Marque a d’elle-même acquis un caractère distinctif au Canada. En particulier, on ne peut pas affirmer que l’emploi de GAME DAY PACK sur les caisses de bières indique la source des produits connexes aux consommateurs plutôt que des caisses de bières qui sont idéales pour la consommation les jours de parties.

[18] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive au sens de l’article 2 de la Loi à la date pertinente. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[19] La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est la date de la production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p. 475]. Le fardeau initial d’un opposant est léger quant à la question de la non-conformité avec l’article 30b) de la Loi, puisque les faits concernant le premier emploi par un requérant relèvent particulièrement des connaissances d’un requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), à la p. 89].

[20] L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi pour plusieurs raisons, y compris que la Requérante n’a pas employé la [Marque en liaison avec les Produits et Services] depuis le 15 septembre 2013; la Requérante n’a pas affiché ou associé les mots « GAME DAY PACK » avec les [Produits et Services] d’une manière (par exemple, dans une police uniforme; séparées des éléments visuels environnants) qui constitue « l’emploi » de la [Marque] au sens de l’article 4 de la Loi; et la Requérante n’a pas elle-même produit les [Produits] ou fourni les [Services] et elle n’a pas contrôlé le caractère ou la qualité des [Produits et Services] de manière suffisante pour bénéficier de la présomption de l’article 50 de la Loi.

[21] J’estime que l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve à l’égard du premier volet de ce motif d’opposition. En réponse à une question prise en délibéré, Mme Nardi fournit une feuille de calcul montrant que de la bière incluant la Marque a été livrée à Brewers’ Distributor Limited le 11 septembre 2013. J’estime que cette livraison de bière incluant la Marque à Brewers’ Distributor Limited satisfait aux exigences de l’article 4, même si Molson est un partenaire dans ses activités (contre-interrogatoire Nardi, Q136). La loi indique clairement que l’emploi d’une marque de commerce à n’importe quel moment de la chaîne de distribution au Canada suffit à démontrer l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst), au para 39; Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registraire des marques de commerce) (1997), 77 CPR (3d) 475 (CF 1re inst), au para 30]. De plus, bien que Molson soit un partenaire dans Brewers’ Distributor Limited avec La Brasserie Labatt du Canada, je n’estime pas que cela est un problème, puisque la preuve indique qu’il s’agit de la pratique normale du commerce de la Requérante et les emplacements de Brewers’ Distributor Limited sont comme de [traduction] « grands entrepôts » à partir desquels la bière est distribuée aux magasins (contre-interrogatoire de Nardi, Q130 à Q137).

[22] En ce qui a trait au deuxième volet de ce motif d’opposition, je n’estime pas que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve initial. La Requérante fournit des emballages montrant la phrase GAME DAY PACK dans une police distincte à l’écart des éléments nominaux environnants (affidavit Nardi, Pièce B). Bien que GAME DAY PACK ne soit pas présenté avec la marque de commerce NHL, il n’y a rien pour empêcher que deux marques de commerce soient employées en même temps [AW Allen Ltd c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst)].

[23] En ce qui a trait au troisième volet de ce motif d’opposition, je n’estime pas que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau de preuve initial. Il n’y a aucune preuve pour suggérer que la Requérante n’a pas produit les Produits ou les Services ou contrôlé le caractère ou la qualité des Produits et Services de manière suffisante pour bénéficier de la présomption de l’article 50 de la Loi. Dans son contre-interrogatoire, Mme Nardi explique que la requérante est un partenariat qui est l’entité d’exploitation au Canada, mène les activités canadiennes et détient les licences de brasserie qui permet l’exploitation de la brasserie (Q15 à Q20).

[24] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus concernant chacun des volets du motif d’opposition fondé sur l’article 30b), celui-ci est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[25] La date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[26] L’article 12(1)d) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce n’est enregistrable que si elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée. L’Opposante plaide que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les enregistrements de marques de commerce nos LMC823,490 et LMC613,144.

[27] Puisque seul l’enregistrement no LMC823,490 est en règle, l’Opposante s’acquitte seulement de son fardeau de preuve à l’égard de cette marque de commerce [USV Pharmaceuticals of Canada Ltd c Sherman and Ulster Ltd (1974), 15 CPR (2d) 79 (COMC), qui confirme qu’un opposant peut invoquer l’enregistrement d’un tiers aux fins d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)].

GAMEDAY
(enregistrement no LMC823,490)

RRF Foods Inc.

Salsa, moutarde, sauce barbecue, sauce au raifort.

 

Test en matière de confusion

[28] Le critère pour trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi qui indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire une telle évaluation, je dois examiner toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) de la Loi. Enfin, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles‑mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui est considérée comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des Produits et Services de la Requérante, fournis sous le nom de la Marque, croiraient que ces Produits et Services sont fournis par la propriétaire de la marque de commerce GAMEDAY, ou que la Requérante détient une autorisation ou une licence de la propriétaire de la marque de commerce GAMEDAY.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[29] Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ne favorise aucune des deux parties. Les deux marques de commerce ne possèdent pas de caractère distinctif inhérent. Les deux marques en question comportent GAME DAY, signifiant le jour auquel une partie a lieu. Le mot supplémentaire dans la Marque suggère les Produits et Services, nommément qu’ils concernent une caisse de boissons à consommer le jour d’une partie.

Degré de ressemblance

[30] Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il faut examiner les marques de commerce dans leur ensemble. Le critère approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’une autre partie [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 RCS 824, au para 20]. Il y a un degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce dans leur présentation et leur son et une certaine ressemblance dans l’idée suggérée (le jour auquel une partie a lieu comparativement à une caisse de boissons à consommer le jour d’une partie).

Mesure dans laquelle elles sont connues et période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[31] Ces facteurs favorisent la Requérante, quoique légèrement. La preuve de la Requérante montre seulement l’emploi de la Marque de septembre 2013 à août 2016. La preuve de la Requérante est que 14 000 hectolitres de bière ont été vendus avec la Marque au cours de cette période (affidavit Nardi, para 16; Q143, Q152, Q153). La majorité des ventes ont eu lieu de septembre 2013 à novembre 2013 alors que les réponses aux engagements montrent que plus de 12 000 hectolitres ont été livrés de la Requérante à Brewers’ Distributor Limited au cours de cette période.

Genre de produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[32] Les produits et les services en question semblent être différents, puisque les produits visés par l’enregistrement sont des condiments et les produits et services visés par la demande d’enregistrement sont de la bière et des services promotionnels. Cela étant dit, il y a un chevauchement dans le genre des produits et des services en question puisqu’ils visent tous à cibler un consommateur qui veut consommer des aliments et des boissons le jour d’une partie.

Circonstance de l’espèce : jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[33] La jurisprudence relative aux marques de commerce faibles est en faveur de la Requérante. Il est généralement admis que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles les unes des autres [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst), au para 66]. Comme il est expliqué dans Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL (2005), 46 CPR (4th) 112 (CF 1re inst), au para 31 :

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […]

[34] Une partie qui adopte une marque de commerce faible est réputée accepter un certain risque de confusion [General Motors c Bellows (1949), 10 CPR 101, aux p. 115 et 116 (CSC)]. Bien qu’il soit possible d’accroître le caractère distinctif d’une marque de commerce faible par un emploi à grande échelle [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst), au para 6], il n’y a aucune preuve que cela s’est produit en l’espèce.

Conclusion

[35] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les Produits et Services, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce GAMEDAY employée en liaison avec les produits enregistrés [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Clicquot Ltée, précitée]. L’article 6(2) de la Loi prévoit qu’il existe une probabilité de confusion lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne. Il y a également confusion lorsque les consommateurs croient que les Produits et Services de la Requérante sont en quelque sorte approuvés, autorisés ou parrainés par la propriétaire de l’enregistrement GAMEDAY [Big Apple Ltd c BAB Holdings Inc (2000), 8 CPR (4th) 252 (COMC), au para 13].

[36] Compte tenu des facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, et étant donné que la marque de commerce déposée est une marque faible et qu’il n’y a aucune preuve de son emploi, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime. La balance des probabilités sur la question d’une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée penche en faveur de la Requérante. Même si le degré de ressemblance est élevé dans la présentation et le son, compte tenu de la faiblesse des marques de commerce, les autres facteurs prennent une plus grande importance. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)e)

[37] La date pertinente pour déterminer si une marque de commerce est enregistrable en vertu de l’article 12(1)e) est la date de ma décision [Canadian Olympic Association c Olympus Optical Co (1991), 38 CPR (3d) 1 (CAF)].

[38] L’Opposante plaide que la Marque est une marque de commerce [traduction] « qui ressemble à un tel point qu’il est probable de la prendre pour » la marque officielle GAME DAY (no 921,574) de la Canadian Broadcasting Corporation / Société Radio-Canada.

[39] Pour déterminer si la Marque ressemble à un tel point qu’il est probable de la prendre pour la marque officielle, le test ne se limite pas à une comparaison visuelle. On peut également tenir compte des facteurs établis à l’article 6(5)e) de la Loi, nommément le degré de ressemblance entre les marques dans leur présentation, leur son ou les idées qu’elles suggèrent [Techniquip Ltd c Canadian Olympic Assn (1998), 80 CPR (3d) 225 (CF 1re inst), conf. par (1999), 3 CPR (4th) 298 (CAF)]. Le test prévu à l’article 9(1)n)(iii) diffère de l’analyse standard de la confusion de façon que, pour être accueilli, il doit y avoir une probabilité que les consommateurs mélangent les marques elles-mêmes, pas une probabilité que les consommateurs supposent un lien entre la source des produits ou des services.

[40] Je souscris à l’avis de la Requérante que la Marque n’est manifestement pas identique à la marque officielle. La Marque contient le mot supplémentaire PACK.

[41] L’ajout du mot PACK signifie que la Marque n’a pas une ressemblance telle qu’il est probable de la prendre pour la marque officielle GAME DAY (no 921,574), puisque la marque officielle suggère le jour auquel une partie a lieu et l’autre suggère un ensemble d’aliments ou de boissons à consommer le jour d’une partie. La Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)e) est rejeté.


Décision

[42] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

 

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

Date de l’audience 2021-02-23

 

Comparutions

 

Mark Robbins Pour l’Opposante

 

Adele J. Finlayson Pour la Requérante

 

 

Agents au dossier

 

BERESKIN & PARR LLP/S.E.N.C.R.L.,S.R.L. Pour l’Opposante


MOFFAT & CO. Pour la Requérante

 

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