Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 191

Date de la décision : 2021-08-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Churchill Brewing Corp.

Opposante

et

 

Prairie Baard Corp.

Requérante

 

1,816,910 pour
Prairie Baard Logo

Demande

[1] Churchill Brewing Corp. (l’Opposante) s’oppose à une demande d’enregistrement de la marque de commerce Prairie Baard Logo ci-dessous (la Marque) produite par Prairie Baard Corp. (la Requérante).

[2] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[3] Le 5 janvier 2017, la Requérante a produit la demande d’enregistrement de la Marque en fonction de son emploi de la Marque au Canada avec de la bière depuis au moins aussi tôt que mai 2016 et des marchandises, nommément casquettes de baseball et tee-shirts depuis au moins aussi tôt qu’octobre 2016. La demande a par la suite été modifiée pour inclure une revendication d’emploi par la [traduction] « requérante ou le prédécesseur en titre de la requérante (Graham DeLaet) ».

[4] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 14 février 2018.

[5] Le 28 février 2018, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition plaidés sont fondés sur les articles 30b), 30i), 16(1)a) (droit), 2 (caractère distinctif) et 12(1)d) (enregistrabilité) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Toutes les mentions dans la présente décision visent la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition qui se rapportent à la Loi dans sa version avant sa modification.

[6] À l’audience, l’Opposante a retiré le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi. Les articles 12(1)d), 16(1)a) et les motifs d’opposition liés au caractère distinctif sont fondés sur les allégations de confusion de l’Opposante entre la Marque et sa marque de commerce de logo Churchill enregistrée et employée au Canada avec des produits et services, y compris la bière et l’exploitation d’une brasserie. Le motif d’opposition prévu à l’article 30b) allègue que la Requérante n’a pas employé la Marque depuis les dates de premier emploi revendiquées dans la demande (c.-à-d.) mai 2016 pour la bière et octobre 2016 pour les marchandises, nommément casquettes de baseball et tee-shirts.

[7] L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de Ryan Peet et a par la suite obtenu l’autorisation de produire l’affidavit de Danielle Lepine. La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de David Corelli et a par la suite obtenu l’autorisation de produire un deuxième affidavit de M. Corelli. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont participé à une audience.

Fardeau de la preuve

[8] C’est à la requérante qu’incombe un fardeau ultime de démontrer que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il incombe à une Opposante de présenter une preuve suffisante et recevable, à partir de laquelle il est raisonnable de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois ce fardeau initial rempli, une requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers n’empêchent pas l’enregistrement de la marque de commerce visée par la demande [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29].

Examen des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[9] L’Opposante soutient que la demande ne respecte pas à l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas employé la Marque au Canada en date de la date du premier emploi revendiquée dans la demande (qui sont interprétées comme étant le 31 mai 2016 pour la bière et le 31 octobre 2016 pour les marchandises, nommément casquettes de baseball et tee-shirts).

[10] La conformité à l’article 30b) exige que l’emploi de la marque de commerce soit continu dans le cours normal des affaires depuis la date de premier emploi revendiquée jusqu’à la date de production de la demande d’enregistrement [Benson & Hedges Canada Ltd c Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst); Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co, 2001 CFPI 253]. La conformité de la demande telle que modifiée est évaluée à la date de production [voir Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)] qui prévoit que les motifs d’opposition prévus à l’article 30 sont évalués à la date de production et Eaton Williams (Millibank) Ltd c Nortec Air Conditioning Industries Ltd (1982), 73 CPR (2d) 70 (COMC) qui prévoit que la conformité de la demande modifiée est évaluée].

[11] Le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant à l’égard de l’article 30b) est léger, étant donné que les faits pertinents se rapportant à l’emploi sont plus facilement accessibles au requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, un opposant doit démontrer que la preuve du requérant est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée ou soulever un doute quant à sa véracité [Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co, précité; Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd., 2014 CF 323, au para 33 à 38]. Si un opposant réussit à s’acquitter de son fardeau de preuve initial, un requérant doit alors, en réponse, prouver le bien-fondé de sa revendication d’emploi.

[12] Après que l’Opposante a produit une preuve démontrant que la Requérante a été constituée en société après le 31 mai 2016, date du premier emploi revendiquée dans la demande (affidavit Lepine), la Requérante a modifié la demande afin d’inclure une revendication selon laquelle [traduction] « la requérante ou son prédécesseur en titre (Graham DeLaet) a ou ont employé la marque de commerce en liaison avec les produits ».

[13] La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de David Corelli, directeur de la stratégie chez SportBox Inc. dba SBX Group (« SportBox ») daté du 17 décembre 2018 (affidavit Corelli). M. Corelli explique que SportBox est une agence de marketing qui travaille avec des athlètes et des personnalités sportives pour les aider à lancer des entreprises commerciales (para 2). Graham DeLaet, un joueur canadien des circuits de la PGA, fait appel à SportBox pour fournir des services corporatifs et de marketing liés à la fabrication et à la vente de la bière et des produits connexes de la Requérante (para 2). M. Corelli déclare ce qui suit dans l’affidavit Corelli :

Para

 

3

En ma qualité de directeur de la stratégie de SportBox et en vertu de la relation de SportBox avec M. DeLaet [la Requérante], je suis responsable de la gestion de la protection de la propriété intellectuelle pour [la Requérante], y compris les marques de commerce nationales et internationales. J’ai accès aux livres et registres [de la Requérante] pertinents aux questions visées aux présentes. En vertu de mon poste et de mes fonctions avec SportBox et en raison de la relation de SportBox avec M. DeLaet [le Requérant], je connais aussi la propriété et la délivrance de licences des marques de commerce [de la Requérante], ainsi que les mesures que [le Requérant] prend pour contrôler la nature et la qualité de ses marques de commerce sous licence.

4

En vertu de mon rôle avec SportBox et de la relation de SportBox avec M. DeLaet [le Requérant] tel qu’il est décrit ci-dessus et tout au long de mon affidavit, j’ai connaissance des faits énoncés aux présentes et des documents produits aux présentes. Je connais personnellement les faits exposés et les documents produits ou ils ont été obtenus des dossiers de SportBox et [la Requérante] qui sont conservés dans la pratique normale du commerce.

11

… en vigueur le 1er mai 2016… tout droit, titre et intérêt de M. DeLaet au sujet de la [Marque] ont été cédés à [la Requérante]. Depuis le 1er mai 2016, [la Requérante] est et a été la propriétaire de la [Marque].

[14] Après que l’Opposante a produit sa preuve démontrant que la Requérante n’a été constituée que le 21 juin 2016 (affidavit Lepine), M. Corelli a produit un deuxième affidavit daté du 23 décembre 2019 (deuxième affidavit Corelli), y compris les déclarations suivantes :

Para

 

4

Dans l’affidavit de 2018, j’ai décrit les transactions de bière [avec la Marque] sous licence, et la cession de cette licence de M. DeLaet à [la Requérante].

5

Le paragraphe 11 de l’affidavit de 2018 contenait une erreur. J’ai dit dans cet affidavit que… tout droit, titre et intérêt de M. DeLaet au sujet de la [Marque] ont été cédés à [la Requérante] à compter du 1er mai 2016, et que depuis le 1er mai 2016, [la Requérante] est et a été la propriétaire de la [Marque]. Cette date est incorrecte. La cession a eu lieu le 1er juillet 2016.

[15] En l’espèce, parce que la demande a été modifiée pour revendiquer l’emploi par un prédécesseur en titre, Graham DeLaet, même si la preuve de la Requérante concernant l’erreur dans la date de cession est, au mieux, vague, je conclus que l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve. M. Corelli atteste que la Marque a été employée de façon continue (affidavit Corelli, para 6 à 8). Bien que la Requérante n’ait pas produit de factures démontrant les ventes de bière au 31 mai 2016, il existe des preuves documentaires à l’appui de l’affirmation de M. Corelli. À la Pièce E de l’affidavit de M. Corelli, il y a une publicité pour un [traduction] « lancement de bière et une séance d’accueil avec Graham DeLaet » le 25 et 26 mai en Saskatchewan et à Calgary. De plus, plusieurs articles mentionnent le lancement de la marque PRAIRIE BAARD et comprennent des photos de cannettes de bière mettant en vedette la Marque dans des publications datées avant le 31 mai 2016 (affidavit Corelli, Pièce E). Enfin, bien que la bière soit brassée par Bomber Brewing, la preuve démontre que M. DeLaet a conclu un accord de licence daté du 29 décembre 2015, en vertu duquel Bomber Brewing a accepté de lui soumettre les produits autorisés pour des essais et un contrôle de la qualité et de ne pas s’écarter de ses normes de qualité (affidavit Corelli, para 9 à 12) et que cet accord de licence a été modifié par la suite afin d’inclure la Requérante en tant que licenciée (deuxième affidavit Corelli, au para 6).

[16] Puisque j’ai conclu que l’Opposante ne s’acquitte pas à son fardeau de preuve, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[17] L’Opposante plaide que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec l’enregistrement de la marque de commerce no LMC898,160 de l’Opposante pour la marque de commerce Logo Churchill :

Produits

(1) Boissons alcoolisées, nommément spiritueux, nommément vodka, gin, téquila, rhum et whiskey; cidres et panachés; boissons non alcoolisées, nommément boissons alcoolisées à saveur de bière, boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits, boissons gazeuses non alcoolisées, boissons non alcoolisées à base de café, jus de fruits, boissons aromatisées aux fruits; sacs, nommément sacs isothermes, sacs à bandoulière, sacs de golf, mallettes, sacs à dos, fourre-tout et sacs de sport; articles de fantaisie, nommément affiches, chaînes porte-clés, sous-verres, montres, décalcomanies, lunettes de soleil, boucles de ceinture, épinglettes décoratives, cartes à jouer.

(2) Boissons alcoolisées, nommément bières.

Services

(1) Services de brassage sur mesure de bière pour des tiers; services de restaurant, de bar et de bar-salon; exploitation d’un établissement vinicole et d’une distillerie. Organisation de dégustations de bière et de spiritueux; Exploitation d’un magasin de vins et spiritueux de détail;

(2) Exploitation d’une brasserie. Exploitation d’un site Web d’information destinée au public dans le domaine des boissons alcoolisées;

 

[18] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de cette décision [Park Avenue Furniture Corporporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[19] Étant donné que l’enregistrement est en vigueur, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition [voir Quaker Oats Co of Canada Ltd c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC) concernant le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre dans le contexte d’un motif d’opposition prévu à l’article 12(1)d)]. Par conséquent, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante.

[20] Le test en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui stipule que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou services liés à chacune de ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, exécutés ou loués par la même personne.

[21] Certaines des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte aux fins de l’évaluation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont décrites à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. La liste de ces critères n’est pas exhaustive et la valeur probante de chacun peut varier [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

[22] Le test en matière de confusion est énoncé dans Veuve Clicquot, précité, au paragraphe 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque de la Requérante], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [de l’Opposante] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Le degré de ressemblance

[23] Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, précité, au para 49]. Il faut envisager le degré de ressemblance entre les marques dans leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent. Cependant, il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [Veuve Clicquot, précité].

[24] En l’espèce, l’Opposante soutient que la caractéristique la plus frappante des deux marques est une barbe faite de cône de houblon et qu’il y a un degré élevé de ressemblance entre les marques, puisqu’il n’y a aucune preuve d’autres marques de commerce constituées d’un dessin de barbe en cône de houblon, que ce soit dans la base de données du Bureau des marques de commerce ou sur le marché (observations écrites de l’Opposant, au para 35).

[25] La similitude entre la Marque et la marque de commerce déposée du Logo Churchill de l’Opposante découle du fait que les deux marques comportent un cône de houblon qui forme une barbe. À la Pièce E de l’affidavit Corelli, les imprimés des publications de tiers comprennent les déclarations suivantes : [traduction] « le logo de la bière comporte une barbe bien en vue qui ressemble à un cône de houblon, qui est une fleur souvent employée pour aromatiser la bière » et [traduction] « DeLaet explique que le nom de la bière est un hommage à ses poils faciaux emblématiques et aussi à son héritage européen, puisque “baard” est hollandais pour barbe ».

[26] Néanmoins, lorsque les marques des parties sont considérées comme un tout et de la première impression pour un consommateur plutôt pressé, l’impression visuelle globale des marques est plus différente que semblable. Les caractéristiques frappantes de la marque de commerce déposée de l’Opposante comprennent l’illustration du visage d’un homme qui comprend non seulement une barbe composée d’un cône de houblon, mais aussi un chapeau proéminent, des traits du visage et les mots CHURCHILL BREWING CO. Cependant, la Marque se compose principalement d’un cône de houblon que les consommateurs peuvent reconnaître comme ayant une forme de barbe avec quelques petits fruits en haut (les feuilles et des brins d’herbe dépassant des côtés).

[27] De plus, il n’y a pas de similitude entre les marques des parties lorsqu’elles sont prononcées. En ce qui a trait à l’idée suggérée, comme question de première impression pour un consommateur plutôt pressé, la marque de commerce déposée de l’Opposante suggère de la bière fabriquée par CHURCHILL BREWING CO. ainsi qu’une représentation à l’ancienne d’un homme, y compris une barbe faite à partir d’un cône de houblon. En revanche, la Marque se compose principalement d’un cône de houblon, et compte tenu de sa forme de barbe particulièrement en vue du dessus du cône de houblon qui comprend une forme de moustache et peut suggérer un cône de houblon ou un cône de houblon formant une barbe.

[28] Dans Diageo Canada Inc c Heaven Hill Distilleries, Inc, 2017 CF 571, la Cour fédérale a évalué la probabilité de confusion entre le caractère de l’amiral Nelson et les marques de commerce déposées Captain Morgan de Diageo, toutes deux associées à des produits de rhum. Le tribunal a noté (au paragraphe 127) :

En outre, le degré de ressemblance entre le personnage de l’amiral Nelson et les marques de commerce déposées de Diageo (autre que celle portant le numéro LMC864267) est tel que sur le coup d’une première impression, un consommateur un peu pressé, n’ayant qu’un vague souvenir des marques de commerce CAPTAIN MORGAN et qui est habituellement prudent, mais qui ne s’arrête pas pour examiner de près les ressemblances ou les différences entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, serait susceptible d’être confus et d’acheter une bouteille de rhum ADMIRAL NELSON’S, croyant qu’il s’agit d’une bouteille de rhum CAPTAIN MORGAN. Cette conclusion est étayée par les conclusions du rapport Corbin dont nous avons traité plus haut; elle est également étayée par le témoignage d’Andrew Knight, directeur de la planification et de l’information chez Diageo, qui a fait le témoignage suivant : [traduction] « l’achat d’une bouteille d’alcool est un élément de peu d’importance dans la vie d’un consommateur, et il a tendance à prendre sa décision assez rapidement, sans y réfléchir trop longuement ».

[29] Tout en reconnaissant qu’il y avait peu de place pour la confusion entre les marques lorsqu’elles étaient prononcées, la Cour a considéré qu’il y avait une confusion visuelle entre les marques du point de vue du consommateur moyen qui ne s’arrêterait pas pour examiner de près les points de similarité ou de différence entre les marques [Diageo, précité, au paragraphe 133].

[30] En l’espèce, je considère que le consommateur moyen des Produits ne s’arrêterait pas non plus pour examiner de près le point de similarité entre les marques des parties, à savoir la barbe en cône de houblon. Lorsqu’elles sont considérées dans leur intégralité, les marques des parties, sur le coup d’une première impression, ne se ressemblent guère en ce qui a trait au son et aux idées suggérées et qu’elles n’ont qu’une certaine ressemblance sur le plan de l’apparence. Fait important, les différences entre les marques de commerce sur le plan de l’apparence donnent lieu à une apparence et à une idée visuelle suggérées différentes.

Caractère distinctif inhérent

[31] Les marques de commerce des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent en ce sens qu’elles comportent toutes deux des composantes de dessin très distinctives. Dans la mesure où le caractère distinctif inhérent des marques de commerce est réduit parce que les dessins distinctifs comprennent un cône de houblon employé pour aromatiser la bière, le caractère distinctif de la marque de commerce de chaque partie serait réduit d’un montant similaire. Enfin, les mots CHURCHILL BREWING CO. ne font qu’ajouter un caractère distinctif inhérent à la marque de commerce de l’Opposante, parce que BREWING CO. est descriptif et que CHURCHILL est une rivière en Saskatchewan. À la Pièce A de l’affidavit de M. Peet, l’agent de commercialisation de l’Opposante, les imprimés de la page du site Web de l’Opposant [traduction] « À propos de Churchill Brewing Company » indiquent que [traduction] « Nos bières artisanales sont brassées en lots sans agents de conservation ni additifs, sont filtrées à froid et non pasteurisées, laissant la bière aussi pure que les eaux impeccables de la rivière Churchill ».

Mesure dans laquelle elles sont connues et période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[32] La marque de commerce déposée de l’Opposante est la marque de commerce du Logo Churchill reproduit ci-dessous :

[33] La preuve de l’Opposant démontre principalement l’emploi de la marque de commerce de dessin suivante (la marque de commerce du Logo CHURCHILL Circle) sur les cannettes de bière et dans une grande partie de la publicité dans l’affidavit de M. Peet. Ce dessin, qui est démontré sur la cannette de bière ci-dessous, comprend les mots CHURCHILL BREWING COMPANY qui figurent dans un cercle autour de la représentation du visage de l’homme avec une barbe en cône de houblon (contrairement à la marque de commerce déposée de l’Opposant où CHURCHILL BREWING CO. apparaît dans une bannière au bas).

 

[34] Je conclus que l’emploi de la marque de commerce du logo Churchill Circle constitue l’emploi de la marque de commerce du logo de Churchill déposé. Je conclus que la marque de commerce déposée du Logo Churchill demeure reconnaissable et est employée de façon à ce qu’elle n’ait pas perdu son identité [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. La marque de commerce Logo CHURCHILL est constituée de deux éléments dominants : (i) la représentation d’un homme avec une barbe en cône de houblon et (ii) les mots CHURCHILL BREWING. Ces deux caractéristiques dominantes sont préservées dans la version de la marque employée dans les cannettes de bière [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. De plus, j’estime que la marque de commerce Logo Churchill serait perçue par le public comme étant employée, puisque les différences entre les marques sont relativement mineures et concernent uniquement le placement de la composante CHURCHILL BREWING [Nightingale Interloc Ltd. c Prodesign Ltd. (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[35] L’étendue de la connaissance favorise l’Opposante, dont la preuve démontre des ventes de plus de 500 000 $ de bière CHURCHILL vendue sous sa marque de commerce déposée au cours de chacune des années 2015 à 2017 (affidavit Peet, para 7). La durée d’emploi favorise très légèrement l’Opposante, dont la bière a été vendue depuis au moins aussi tôt que novembre 2015 (affidavit Peet, para 3).

[36] En revanche, la marque PRAIRIE BAARD de la Requérante a été introduite en mai 2016 et aucune information sur la quantité de ventes de bière de la Requérante n’a été fournie. De plus, bien que des exemples de publicité soient fournis, y compris des dépliants et des photos de la Marque sur une poignée de robinet et des trousses de parcours de golf, ainsi qu’une promotion sur le compte Twitter de M. DeLaet avec 123 000 abonnés et une entrevue avec M. DeLaet sur YouTube (affidavit Corelli, para 24; Pièces N à X), cette preuve ne me permet pas de déterminer dans quelle mesure la Marque est connue au Canada.

Genre des produits et nature du commerce des parties

[37] En ce qui a trait à la nature des produits et à la nature du commerce des parties, les boissons alcoolisées de la Requérante, ainsi que la bière et les produits promotionnels associés à la marque de commerce de l’Opposante sont essentiellement les mêmes, tout comme leurs voies de commercialisation respectives.

Emploi du dessin de barbe en cône de houblon de l’Opposante

[38] À titre de circonstance environnante supplémentaire, l’Opposante soutient que la probabilité de confusion est accrue par le fait que l’Opposante emploie également une marque de commerce qui met l’accent sur une barbe formée d’un cône de houblon (le Dessin de la barbe en cône de houblon de l’Opposante) :

[39] Toutefois, comme la preuve ne fait état que de l’emploi de cette marque de commerce par opposition à la marque de commerce du Logo Churchill sur deux affiches, y compris une affiche pour le salon Churchill Brewing Co. et le site Web (affidavit Peet, Pièces A et B), je n’estime pas qu’il s’agisse d’une circonstance qui favorise l’Opposante dans une vaste mesure.

Conclusion concernant la confusion

[40] À la suite de mon analyse de tous les facteurs pertinents, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante. Les différences entre les marques de commerce sur le plan visuel, phonétique et dans l’idée suggérée sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion quant à la source des produits respectifs des parties, malgré le chevauchement des produits et des voies de commercialisation. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est rejeté.

Motifs d’opposition en vertu des articles 2 et 16(1)a)

[41] L’Opposante invoque ce qui suit en ce qui a trait aux motifs d’opposition prévus aux articles 16(1)a) et 2 :

5

En vertu des dispositions de l’article 38(2)c) et de l’article 16(1) de la Loi sur les marques de commerce, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la [Marque] parce qu’à la date du premier emploi revendiquée dans la Demande… la [Marque] créait de la confusion avec la marque de commerce Logo Churchill de l’Opposante… [qui] avait été employée et rendue connue au Canada par l’Opposante…

6

En vertu des dispositions des articles 38(2)d) et 2 de la Loi sur les marques de commerce, la [Marque] n’est pas distinctive, en ce sens qu’elle ne fait pas de distinction réelle entre les produits et services identifiés dans la Demande et les produits et services d’autrui, et qu’elle n’est pas non plus adaptée pour le faire. En particulier, la [Marque] ne distingue pas les produits de la Requérante des produits et services de l’Opposante, ou n’est pas adaptée pour le faire, à la lumière de l’emploi et de la révélation de la marque de commerce Logo Churchill de l’Opposante au Canada.

[42] La marque de commerce Logo Churchill est définie par l’Opposante dans la déclaration d’opposition comme suit :

[43] En ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1) de la Loi, les dates pertinentes sont le 31 mai 2016 (pour la bière) et le 31 octobre 2016 (pour les marchandises, nommément casquettes de baseball et tee-shirts). La date pertinente pour évaluer le motif d’absence de caractère distinctif est la date de l’opposition (le 28 février 2018) [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[44] À l’audience, l’Opposante a soutenu que la confusion devrait être évaluée entre la Marque et le dessin de barbe en cône de houblon de l’Opposante. Par souci de commodité, cette marque de commerce est reproduite ci-dessous.

[45] Bien que la preuve de l’Opposante ait pu être suffisante pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de la marque de commerce du dessin de barbe en cône de houblon de l’Opposante, son omission de plaider cette marque de commerce dans sa déclaration d’opposition signifie qu’elle ne peut pas s’y fier. Je comprends qu’une fois la preuve produite, le registraire doit en tenir compte dans l’évaluation des arguments [Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387]. Il ne s’agit toutefois pas d’un cas où un plaidoyer vaste, ambigu ou ouvert est clarifié par la preuve d’un opposant. À première vue, la portée et la signification des plaidoyers sont claires : l’allégation est que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce du Logo Churchill de l’Opposante.

[46] Je n’estime pas que l’emploi de la marque de commerce sans les mots CHURCHILL BREWING CO. est l’emploi de la marque de commerce du Logo Churchill. Je n’estime pas que la marque de commerce du Logo Churchill demeure reconnaissable et est employée de façon à ce qu’elle n’ait pas perdu son identité [Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA, précité]. La marque de commerce Logo Churchill se compose de deux éléments dominants – le dessin et les mots CHURCHILL BREWING CO. – et bien que l’élément de dessin soit conservé dans le dessin de la barbe en cône de houblon de l’Opposante, la deuxième caractéristique dominante ne l’est pas [Promafil Canada Ltée, précité]. De plus, je n’estime pas que la marque de commerce Logo Churchill serait perçue par le public comme étant employée [Nightingale Interloc Ltd, précité].

[47] Enfin, même si je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de la marque de commerce du Logo Churchill pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 2 de la Loi, ces motifs sont rejetés pour les mêmes raisons que pour le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Disposition

[48] Compte tenu de tout ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-France Denis

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

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DATE DE L’AUDIENCE 2021-05-27

COMPARUTIONS

Paul W. Braunovan

Pour l’Opposante

R. Nelson Godfrey

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER (Tous les agents chez)

Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP

Pour l’Opposante

Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Requérante

 

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