Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 218

Date de décision : 2021-09-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Tribu Expérientiel Inc.

Opposante

et

 

JKLP IP Pty Ltd

Requérante

 

1,723,795 pour Jackalope

Demande

[1] JKLP IP Pty Ltd (la Requérante) a demandé à enregistrer la marque de commerce Jackalope (la Marque) pour emploi en liaison avec divers services d’hôtel, de centre de villégiature, de restaurant et de bar.

[2] Tribu Expérientiel Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque, principalement en raison d’une allégation selon laquelle elle crée de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante qui sont constitués du mot JACKALOPE et qui sont enregistrés et employés au Canada en liaison avec un festival de sport, ainsi qu’avec des produits et services connexes, dont certains relèvent des domaines des voyages ou des aliments et boissons.

[3] L’Opposante allègue également que la demande n’est pas conforme aux exigences officielles parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque telle que revendiquée.

[4] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande en partie.

Le dossier

[5] La demande d’enregistrement de la Marque (la Demande) a été produite par la Requérante le 15 avril 2015 et a reçu le numéro de série 1,723,795. La Demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants (les Services) :

Services de réservation d’hébergement; organisation d’hébergement pour vacanciers; organisation d’hébergement à l’hôtel; réservation de chambres d’hôtel; services d’accueil (hébergement); services de réservation de chambres d’hôtel; services d’hébergement hôtelier; exploitation d’auberges (bar, restaurant et hébergement); réservation de chambres d’hôtel; centres de villégiature; services d’hôtel de villégiature; réservation de chambres d’hôtel; services de réservation pour des hôtels; services de traiteur pour hôtels; information sur les hôtels; services de réservation d’hôtels; services d’hôtel; services de bar; services de café et de café-bar (offre d’aliments et de boissons); services de buffet à salades; services de bar à vin; réservation de places de restaurant; réservation de sièges de restaurant; services de réservation de restaurant; services de restaurant; restaurants; restaurants libre-service; restaurants-théâtres (offre d’aliments et de boissons); réservation de places dans des centres de villégiature.

[6] La Demande revendique une date de priorité de production du 27 mars 2015, fondée sur la demande australienne no 1684004 produite à cette date pour la même marque de commerce, ou sensiblement la même, en liaison avec le même genre de services.

[7] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 4 janvier 2017, et a fait l’objet d’une opposition le 5 janvier 2017, quand l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). La déclaration d’opposition a été modifiée le 2 mars 2018, puis de nouveau le 13 janvier 2021.

[8] Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles suivants de la Loi : 30e) et 30i) (conformité aux exigences officielles relatives à la demande); 12(1)d) (enregistrabilité de la marque de commerce); 16(3)a), 16(3)b) et 16(3)c) (droit à l’enregistrement); et 2 (caractère distinctif de la marque de commerce). La contre-déclaration de la Requérante, produite le 21 mars 2017, contient des refus généraux de toutes les allégations contenues dans la déclaration d’opposition et est suffisamment large pour contester tous les motifs tels que modifiés.

[9] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi concernant les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement la modification, à l’exception que la définition de « confusion » aux l’article 6(2) à 6(4) de la Loi dans sa version actuelle sera appliquée.

[10] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit la preuve suivante :

  • · Une copie certifiée de sa demande no 1,702,712 (no LMC991,019 depuis son enregistrement) pour la marque de commerce Jackalope & dessin, reproduite ci-dessous, qui est constituée du mot JACKALOPE sur la silhouette d’un lièvre avec des bois (c’est-à-dire un « jackalope ») qui saute au-dessus d’un petit logo arborant le mot AMNESIA, avec le dessin d’un cercle derrière le jackalope :

Jackalope & dessin

  • · L’affidavit de son président, Micah Desforges, daté du 19 septembre 2016, dans lequel M. Desforges décrit l’emploi et la promotion par l’Opposante des marques de commerce suivantes en liaison avec un festival annuel de sports extrêmes ou « d’action » au Canada : (i) la marque nominale JACKALOPE (la Marque nominale de l’Opposante); (ii) le dessin-marque ci-dessus (le Dessin-marque de l’Opposante); et (iii) un dessin-marque constitué du mot JACKALOPE encerclant un dessin linéaire de bois, souvent affiché avec un logo LAIT AU CHOCOLAT à droite du dessin-marque, tel qu’illustré ci-dessous (le Nouveau logo de l’Opposante) :

[11] Je note que M. Desforges a été contre-interrogé au sujet du même affidavit dans le cadre de quatre procédures d’opposition connexes, qui ont été entendues en même temps que la présente affaire et qui concernent les demandes no 1,723,772, no 1,723,775, no 1,723,797 et no 1,723,802 de la Requérante. Toutefois, la transcription du contre-interrogatoire n’a été produite qu’à l’égard de ces quatre procédures connexes et n’a pas été versée au dossier en l’espèce. Des décisions distinctes seront rendues à l’égard des procédures connexes.

[12] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit en preuve l’affidavit d’Emily Makiv, daté du 20 juillet 2017. Mme Makiv est la chef des opérations et ancienne directrice générale d’un groupe de sociétés affiliées (le JKLP Group), qui comprend la Requérante et qui supervise l’exploitation d’un hôtel de marque JACKALOPE en Australie. Dans son affidavit, elle décrit l’emploi et la promotion qu’a faits la Requérante de la Marque en liaison avec cette entreprise hôtelière, y compris la présentation de la Marque sur les formes suivantes d’affiches et de marchandises : (i) écrite en tant que syllabes JAC, KAL et OPE superposées, telle que reproduite ci-dessous (le Dessin vertical); (ii) écrite simplement de gauche à droite dans une police identique (le Dessin horizontal); et (iii) comme le Dessin horizontal, sous une tête de jackalope stylisé, telle que reproduite ci-dessous (le Logo de tête de jackalope) :

Dessin vertical

Dessin horizontal

Logo de tête de jackalope

[13] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites, et seule l’Opposante était représentée à l’audience.

L’Opposante

[14] L’Opposante est une agence de marketing spécialisée dans le marketing expérientiel, où les entreprises attirent les consommateurs au moyen d’évènements ou d’expériences [affidavit Desforges, au para 5]. À ce titre, l’Opposante conçoit, produit et coordonne des évènements spéciaux et des expériences originales pour le lancement de produits, des ouvertures officielles, des visites promotionnelles, etc., tout en créant du contenu commercial pour les médias sociaux, la télévision et d’autres voies de distribution [para 6]. Son expertise réside dans la création de coups d’éclat et d’évènements promotionnels reliant les sports extrêmes aux styles de vie liés pour les consommateurs âgés de 13 à 34 ans [paras 5 et 6].

[15] Parmi ces évènements spéciaux, l’Opposante organise et dirige depuis 2012 le festival JACKALOPE, un festival annuel de sports extrêmes d’été de deux à trois jours, à Montréal, qui comprend des cliniques d’initiation et des démonstrations, ainsi que des compétitions internationales [paras 7 et 8]. M. Desforges explique que l’Opposante a tiré des revenus du festival non seulement en vendant des possibilités de commandite, mais aussi en vendant des billets et des marchandises de marque [para 16]. Il note également que, depuis la création du festival, des services de restaurant sont offerts sur le site du festival, lesquels semblent prendre la forme d’un bar et de camions-restaurants [para 9; Pièces MD‑2 à MD‑4].

La Requérante

[16] La Requérante, avec Jackalope Mornington Peninsula Pty Ltd (Mornington Pty) et JKLP Group Pty Ltd (Group Pty), forme le JKLP Group, qui supervise des entreprises vinicoles, hôtelières et d’accueil dans l’État de Victoria, en Australie, y compris l’hôtel JACKALOPE, situé sur le site d’un vignoble avec une vinerie en activité dans la péninsule de Mornington [affidavit Makiv, aux paras 2 à 4, et 24]. Mme Makiv décrit cet hôtel comme le premier d’une série sous la [traduction] « marque innovante de boutiques de luxe internationales appelée JACKALOPE » [para 3]. Elle précise que la Marque a été choisie pour [traduction] « communiquer l’expérience unique et mystique qu’offre un hôtel de luxe dans un magnifique environnement naturel » et est employée en association avec [traduction] « divers services d’hébergement, services de restaurant, évènements et marchandises » [paras 5 et 8].

[17] Mme Makiv précise que Mornington Pty est membre du JKLP Group responsable de l’exploitation de l’hôtel et des restaurants liés et qu’elle emploie la Marque à cet égard conformément à [traduction] « [l’]autorisation » de la Requérante [para 8]. Elle confirme que la Requérante contrôle la nature et la qualité des produits et services liés par l’entremise de son seul directeur, qui est également le seul directeur de Mornington Pty et du Group Pty [paras 3 et 8]. Aux fins de la présente décision, je suis convaincue que l’arrangement qu’elle décrit respecte les exigences de l’article 50 de la Loi en matière de licences, de sorte que l’emploi de la Marque par Mornington Pty profite à la Propriétaire.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[18] Dans une procédure d’opposition, il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, il incombe à l’opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chaque motif d’opposition. Si l’opposant s’est acquitté de ce fardeau initial, le requérant doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motif d’opposition relatif à l’intention d’employer la Marque en vertu de l’article 30e) rejeté sommairement

[19] L’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque au Canada sous la forme visée par la Demande et en liaison avec chacun des Services. Subsidiairement, l’Opposante plaide que, lorsque la Demande a été produite, la Requérante employait déjà la Marque au Canada en liaison avec les Services, de sorte que la Requérante était tenue de produire la Demande en se fondant sur l’« emploi » de la Marque en vertu de l’article 30b) de la Loi plutôt que sur l’« intention [d’]employer » en vertu de l’article 30e). Toutefois, il n’y a aucune preuve au dossier pour appuyer ces allégations. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté, car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion entre les marques de commerce

[20] Les autres motifs d’opposition en l’espèce portent sur des allégations de confusion entre la Marque et les marques de commerce JACKALOPE de l’Opposante.

Enregistrabilité de la Marque au titre de l’article 12(1)d)

[21] L’Opposante plaide que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la Marque nominale et le Dessin-marque de l’Opposante, tels qu’illustrés dans les enregistrements de marque de commerce suivants, appartenant à l’Opposante (les Enregistrements de l’Opposante) :

Marque de commerce (Numéro d’enregistrement)

Produits et services visés par l’enregistrement

Traduction du Journal des marques de commerce

Jackalope & dessin

(LMC991,019)

T-shirts, casquettes, sac à dos, planche à roulettes.

Organisation et tenue d’un festival de sport dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulette, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour.

T-shirts, caps, backpacks, skateboards.

Organization and conduct of a sports festival in the field of aerial ballet, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, sky diving, motocross, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, apnea, personal watercrafting, swimming, scuba diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing, and free running.

JACKALOPE

(LMC1,083,111)

(1) Noix préparées; arachides préparées; croustilles

(2) Barres énergisantes; maïs grillé et éclaté (pop corn)

(3) Bière; boissons énergétiques; eau en bouteille

(1) Prepared nuts; prepared peanuts; potato chips.

(2) Energy bars; popping corn (popcorn).

(3) Beer; energy drinks; bottled water.

JACKALOPE

(LMC1,090,656)

(1) Organisation de voyages.

(2) Éducation, nommément, initiation sportive par le biais de camps d’entraînement, de livres, de vidéos et de manuels dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulettes, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour; organisation d’activités et d’évènements sportifs dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulettes, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour; organisation de camps de vacances; organisation de camps sportifs.

(3) Productions audiovisuelles, nommément, production de films, préparation de présentations audiovisuelles.

(1) Travel arrangement.

(2) Education, namely sports education through training camps, books, videos and manuals in the fields of aerial acrobatics, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, skydiving, motocross racing, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, freediving, personal watercraft riding, swimming, underwater diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing and free running; organization of sporting events and activities in the fields of aerial acrobatics, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, skydiving, motocross racing, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, freediving, personal watercraft riding, swimming, underwater diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing and free running; organization of holiday camps; organization of sports camps.

(3) Production of audiovisual media, namely film production, preparation of audiovisual presentations.

[22] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. L’opposant s’acquitte de son fardeau initial si l’enregistrement invoqué est en règle à cette date, et le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour le confirmer [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Après avoir exercé ce pouvoir discrétionnaire, je confirme que les trois enregistrements de l’Opposante existent encore.

[23] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne serait pas susceptible de créer de la confusion avec l’une des marques de commerce visées par les Enregistrements de l’Opposante.

Critère en matière de confusion

[24] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe du système de classification de Nice [article 6(2) de la Loi].

[25] Le critère en matière de confusion doit être appliqué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[26] Il faut tenir compte des circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énoncées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne constituent pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux variera dans le cadre d’une analyse propre au contexte [voir Veuve Clicquot, précité; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Ressemblance entre les marques de commerce

[27] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est généralement le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion [Masterpiece, précité]. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte pour les examiner attentivement et en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit plutôt être considérée dans son ensemble et évaluée en fonction de son effet sur le consommateur moyen [voir Veuve Clicquot, précité; et Masterpiece, précité]. Toutefois, il est tout de même possible de faire ressortir des caractéristiques particulières de chaque marque de commerce susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF)]. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[28] En l’espèce, la Marque est identique à la Marque nominale de l’Opposante dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent.

[29] La Marque a également un degré élevé de ressemblance avec le Dessin-marque de l’Opposante, compte tenu du mot commun JACKALOPE et de l’idée connexe d’une créature qui est moitié lièvre et moitié antilope. Bien que le Dessin-marque de l’Opposante comprenne d’autres éléments, je conclus qu’ils ne contribuent guère à réduire la probabilité de confusion. La silhouette de jackalope renforce l’idée véhiculée par le mot JACKALOPE, la forme géométrique en arrière-plan n’est pas une caractéristique particulière, et les détails et les petits caractères de cette forme sont trop petits pour avoir une incidence importante. Je note également que les petits caractères sont descriptifs, lesquels se lisent comme suit : « FESTIVAL DE SPORTS D’ACTION ».

[30] Je ne considère pas non plus que le logo AMNESIA sous le dessin de jackalope est une caractéristique particulièrement frappante ou unique du Dessin-marque de l’Opposante. Le logo AMNESIA comprend de l’énoncé « présenté par AMNESIA www.amnesiashop.com », avec une lettre A stylisée. Il identifie donc simplement un commanditaire ou un organisateur du festival JACKALOPE. De plus, je conclus que, en raison de sa taille et de sa position sur le Dessin-marque de l’Opposante, le logo AMNESIA serait perçu comme une caractéristique secondaire, de la même nature qu’une marque maison ou d’une marque double. Par conséquent, cela n’aurait aucune incidence importante sur l’impression créée par le mot JACKALOPE et les éléments figuratifs en tant que marque principale.

[31] Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante, que ce soit la Marque nominale ou le Dessin-marque de l’Opposante qui soit pris en compte.

Caractère distinctif inhérent et acquis

[32] En ce qui concerne les marques de commerce des deux parties, le mot JACKALOPE possède un certain caractère distinctif inhérent lié aux produits et aux services pertinents. Bien que la preuve montre qu’il ne s’agit pas d’un mot unique provenant de l’une ou l’autre des parties – il s’agit de l’hybride mythique d’un lièvre et d’une antilope –, ce n’est pas un mot courant non plus. De plus, bien que la publicité et la promotion des deux parties lient le symbolisme du terme à la nature de l’expérience client, le mot JACKALOPE lui-même n’a aucun lien immédiat ou évident avec les produits ou les services de l’une ou l’autre partie. En effet, pour les consommateurs qui ne connaissent pas la signification du terme, JACKALOPE serait susceptible d’être perçu comme un mot inventé. Les marques nominales des deux parties possèdent donc un degré de caractère distinctif inhérent similaire.

[33] Je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante est légèrement plus distinctif, compte tenu des éléments figuratifs supplémentaires.

[34] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce des parties sont devenues connues, les deux parties ont produit une preuve à cet égard.

La preuve de l’Opposante

[35] M. Desforges joint à son affidavit divers documents en tant que pièces afin de montrer comment les marques de commerce JACKALOPE de l’Opposante étaient présentées pendant le festival et dans le cadre de la promotion de celui-ci. Je note que ces documents indiquent que le Dessin-marque de l’Opposante, qui est utilisé depuis 2012, a été modifié pour le festival de 2015 : au lieu de sauter au-dessus d’un logo AMNESIA, le jackalope saute au-dessus d’un logo FIDO. De plus, le Dessin-marque de l’Opposante est parfois présenté sans le logo reconnaissant le commanditaire du festival. En appliquant les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltée c Munsingwear, Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante n’a pas perdu son identité et demeure reconnaissable. Le mot JACKALOPE imprimé sur une silhouette de jackalope et le cercle en arrière-plan ont été maintenus. Je suis convaincue que les caractéristiques dominantes de la marque de commerce ont ainsi été préservées et que les variations constituent donc des variantes acceptables de la marque de commerce telle qu’enregistrée.

[36] Je note également que, pour le festival de 2016 et dans une publicité du festival de 2017, le Dessin-marque de l’Opposante a été remplacé par le Nouveau logo de l’Opposante. En l’espèce, les caractéristiques dominantes du Dessin-marque de l’Opposante – le mot JACKALOPE imprimé sur une silhouette de jackalope – n’ont pas été préservées. Toutefois, je considère toujours que l’emploi du Nouveau logo de l’Opposante constitue également un emploi de la Marque nominale de l’Opposante, qui demeure reconnaissable et se distingue des caractéristiques graphiques du Nouveau logo [pour les principes relatifs à l’emploi d’une marque de commerce comportant des éléments additionnels et une variation stylistique, voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et Stikeman, Elliot c Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC)]. De même, je considère que l’emploi du Dessin-marque de l’Opposante constitue également un emploi de la Marque nominale de l’Opposante.

[37] Enfin, je considère que l’emploi du mot JACKALOPE suivi de l’année du festival constitue un emploi de la Marque nominale de l’Opposante suivie d’un objet descriptif.

[38] Les documents fournis à l’appui par M. Desforges comprennent les suivants :

  • Chiffres annuels de fréquentation, de revenus et de publicité du festival de 2012 à 2016 [paras 7, 13 à 15, et 18]. M. Desforges atteste que des milliers de visiteurs de partout au Canada assistent chaque année au festival, que chaque site Web de l’Opposante reçoit environ 10 000 visites uniques au Canada chaque année (2012 à 2015), que les revenus annuels ont passé de près de 100 000 $ à plus de 300 000 $, et que les dépenses publicitaires annuelles représentent des dizaines de milliers de dollars.
  • Extraits du site Web tribuexperientiel.com/fr de l’Opposante, qui décrivent les festivals JACKALOPE tenus en 2012 et en 2013 [Pièce MD‑2] et qui comprennent des images d’une camisole et de casquettes de marque [pages 15, 18 et 19].
  • Extraits du site Web jackalopefest.ca/fr de l’Opposante, imprimés le 14 septembre 2016, qui portent sur des festivals qui ont eu lieu de 2012 à 2016 et qui font la promotion de l’édition de 2017 [Pièce MD‑4]. Je note que le site comprend des images de marchandises de marque et annonce également un voyage pour pratiquer divers sports extrêmes au Panama en 2017, lequel était offert par Voyage Grand V, en collaboration avec le festival [pages 245 et 246].
  • Photographies d’un échantillon représentatif de marchandises de marque JACKALOPE que l’Opposante a vendues au public à diverses éditions du festival depuis 2012, y compris des t-shirts, des casquettes et une bouteille pour boissons [Pièce MD‑5]. Les marchandises décrites semblent être celles offertes en vente en ligne en 2016 [voir Pièce MD‑4, aux pages 244 et 245]. Toutefois, les chiffres de vente des marchandises de marque ne sont pas fournis.
  • L’affiche officielle du festival JACKALOPE qui a eu lieu en 2016, qui, comme le confirme M. Desforges, est représentative des affiches promotionnelles de l’Opposante de 2012 à 2015 [Pièce MD‑3].
  • Un échantillon d’articles mentionnant le festival, qui ont été publiés en ligne de 2012 à 2016, dont certains comprenaient des images montrant le Dessin-marque ou le Nouveau logo de l’Opposante [Pièce MD‑7]. Je note que bon nombre des publications semblent cibler des médias montréalais ou des sports d’action.
  • Un résumé de la couverture médiatique du festival en 2013 et des documents préparés par l’Opposante pour résumer les festivals tenus en 2014, en 2015 et en 2016, y compris des plans média, des résumés de la couverture médiatique et des aperçus de la façon dont les marques des commanditaires ont été promues [Pièces MD‑2, MD‑3 et MD‑6]. Je note ce qui suit :
  • o La Marque nominale de l’Opposante figure sur tous les documents récapitulatifs, y compris certaines images de publicité et d’affichage, tandis que le Dessin-marque de l’Opposante (ou le Nouveau logo de l’Opposante en 2016) apparaît sur des images publicitaires, des affiches, des vêtements, des cadeaux et des marchandises. M. Desforges mentionne que la marque de commerce JACKALOPE figurait également sur des billets électroniques et des programmes [para 16].

  • o Les plans média fournissent des chiffres de distribution de circulaires publicitaires, d’affiches, de panneaux d’affichage, d’objets promotionnels, de bannières Web, de publications dans les médias sociaux, d’annonces dans des journaux et des magazines, de messages télévisés et radiophoniques, de vidéos promotionnelles en ligne et d’une diffusion en direct sur le Web – les résumés pour 2014 et 2015 montrent que le nombre total de ces mentions dans les médias se chiffre dans les millions par année. De plus, les reportages de la presse fournissent des chiffres de circulation de la presse écrite, à la télévision, à la radio et sur Internet – chacune ayant reçu des millions de mentions en 2014 et en 2015. Étant donné que les documents récapitulatifs semblent être des dossiers établis dans la pratique normale et habituelle du commerce, en tant que rapports ciblant les principaux commanditaires du festival, je suis disposée à accepter les chiffres de distribution et de circulation comme indicateurs de la mesure dans laquelle les marques de commerce de l’Opposante sont devenues connues.

  • o Une grande partie des médias imprimés semblent se trouver principalement à Montréal. En effet, les résultats abrégés de sondages dans les résumés de 2014 et de 2016 indiquent qu’environ 70 % à 75 % des répondants en 2014 et en 2016 provenaient de la région de Montréal, tandis qu’environ 15 % des répondants en 2014 étaient du Québec, mais de l’extérieur de Montréal [Pièce MD‑2, à la page 85; Pièce MD‑3, à la page 236]. Bien qu’aucun renseignement sur l’administration de ces sondages n’ait été fourni, une photographie du résumé de 2014 montre des festivaliers qui remplissent le sondage sur place par voie électronique [Pièce MD‑2, à la page 83]. Le résumé de 2014 renvoie également à une tournée promotionnelle dans six grandes villes du Québec en 2014, mais ne fournit aucun détail à cet égard [Pièce MD‑2, à la page 23]. En l’absence d’autres détails, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup de poids aux chiffres précis des sondages; toutefois, la preuve tend à indiquer que les marques de commerce de l’Opposante peuvent être davantage connues à Montréal et dans les environs.

  • o Les photographies montrent que des vêtements de marque, comme des t-shirts et des casquettes, semblent être portés par les festivaliers et le personnel, ainsi que par les porte-parole qui donnent des entrevues à la télévision [Pièce MD‑2, aux pages 36 et 164; Pièce MD‑3, aux pages 195 et 228]. De plus, en 2015, des influenceurs ont reçu une trousse bonifiée comprenant un chapeau et un sac à dos de marque JACKALOPE, tandis que des [traduction] « personnes clés de l’industrie » et des [traduction] « [a]thlètes de haut niveau » ont reçu des sacs à dos, des t-shirts et des casquettes de marque [Pièce MD‑2, aux pages 140 et 164]. En 2016, des bouteilles d’eau promotionnelles de marque ont été distribuées avant l’évènement [Pièce MD‑3, à la page 221].

  • o M. Desforges explique que l’émission de télévision mentionnée en 2015 et en 2016 est une émission de 30 minutes qui résume les évènements du festival, et qui est produite par l’Opposante et diffusée au Canada par l’entremise du réseau TVA Sports, en plus d’être vendue à l’échelle internationale [para 20, Pièce MD‑2, à la page 167, et Pièce MD‑3, à la page 23]. Je suis disposée à accepter que cette émission de télévision soit en corrélation générale avec le service visé par l’enregistrement « Productions audiovisuelles, nommément, production de films, préparation de présentations audiovisuelles ».

[39] Compte tenu de la preuve de M. Desforges, je conclus que la Marque nominale et le Dessin-marque de l’Opposante sont devenus connus dans une certaine mesure dans la région de Montréal, en liaison avec les évènements et les activités du festival de sports d’action, et qu’ils sont probablement aussi connus dans une certaine mesure parmi les amateurs de sports d’action partout au Canada. Je suis également convaincue que le Dessin-marque de l’Opposante est devenu connu dans une mesure à tout le moins limitée en liaison avec des produits promotionnels connexes comme des t-shirts et des casquettes. Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’il soit connu dans une mesure particulière en liaison avec les autres produits et services visés par les enregistrements de l’Opposante pour la Marque nominale, comme des collations, l’organisation de voyages, l’organisation de camps de vacances ou de camps sportifs.

La preuve de la Requérante

[40] La preuve de Mme Makiv montre que l’hôtel JACKALOPE a ouvert ses portes le 1er avril 2017 et qu’à la date de son affidavit, il avait accueilli près de 3 000 clients [para 34]. Toutefois, la commercialisation de l’hôtel avait déjà commencé à la fin de 2016. En guise de preuve de la mesure dans laquelle la Marque a été employée et promue à cet égard, Mme Makiv fournit ce qui suit :

[41] Bien que Mme Makiv confirme que des clients au Canada peuvent accéder au site Web www.jackalopehotels.com de l’hôtel et réserver en ligne, elle ne précise pas si le site cible activement les Canadiens, s’il a effectivement été consulté depuis le Canada ou si des réservations ont été faites depuis le Canada. Elle ne fournit pas non plus de chiffres concernant la distribution ou l’accès au Canada de la couverture médiatique sur l’hôtel, dont une grande partie semble être en Australie. La seule publication énumérée ayant un lien évident avec le Canada est une brève présentation dans le magazine numérique enRoute d’Air Canada, téléchargée en juillet 2017, mais, encore une fois, il n’y a aucune indication de la mesure dans laquelle l’article a pu être consulté depuis le Canada [para 31, Pièce I].

[42] Compte tenu de la preuve de Mme Makiv, il est possible que des Canadiens qui visitent l’Australie ou qui effectuent des recherches en ligne aient pris connaissance du lien entre la Marque et un hôtel-boutique de luxe et des caractéristiques et marchandises connexes. Toutefois, en l’absence de renseignements sur la mesure dans laquelle l’emploi et la promotion de la Marque ont atteint le Canada, je ne peux pas conclure que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure significative.

Conclusion concernant le caractère distinctif inhérent et acquis

[43] À la lumière de ce qui précède, je conclus que l’examen global du facteur de l’article 6(5)a), qui comporte une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise l’Opposante, que je tienne compte de la Marque nominale ou du Dessin-marque de l’Opposante – au moins dans la mesure où l’Opposante s’appuie sur le fait que ses marques de commerce étaient devenues connues en liaison avec les évènements et les activités d’un festival de sports d’action et des produits promotionnels connexes.

Durée de l’emploi

[44] La preuve démontre l’emploi et la promotion continus de la Marque nominale et du Dessin-marque de l’Opposante depuis 2012, alors que la Demande est fondée sur l’emploi projeté. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante en ce qui a trait à ses deux marques de commerce.

Genre de produits, services et entreprises

[45] Lorsqu’on examine la nature des produits et services des parties en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, il faut évaluer l’état déclaratif des produits et services figurant dans la demande du requérant et l’état déclaratif des produits et services figurant dans l’enregistrement de l’opposant. Toutefois, chaque état déclaratif doit être interprété de façon globale et dans le but de déterminer le type probable d’entreprise visée; une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [Triangle Tyre Co, Ltd c Gestion André Touchette inc, 2019 CF 220; McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); McDonald’s Corp c Silcorp Ltée (1989), 55 CPR (2d) 207 (CF 1re inst), conf. par (1992), 41 CPR (3d) 67 (CAF)].

[46] Je conclus que les Services en l’espèce appartiennent à trois grandes catégories : (i) organisation et réservation d’hébergement et de repas; (ii) offre de services d’hébergement et d’autres services d’hôtel; et (iii) services de restaurant, de traiteur et de bar. J’aborderai chacune de ces catégories séparément.

Services d’organisation et de réservation

[47] Je conclus que les services suivants figurant dans la Demande (les Services d’organisation et de réservation) chevauchent directement le service « Organisation de voyages » figurant dans l’enregistrement no LMC1,090,656 pour la Marque nominale de l’Opposante :

Services de réservation d’hébergement; organisation d’hébergement pour vacanciers; organisation d’hébergement à l’hôtel; réservation de chambres d’hôtel; […] services de réservation de chambres d’hôtel; […] réservation de chambres d’hôtel; […] réservation de chambres d’hôtel; services de réservation pour des hôtels; […] information sur les hôtels; services de réservation d’hôtels; […] réservation de places de restaurant; réservation de sièges de restaurant; […] réservation de places dans des centres de villégiature.

[48] À cet égard, je considère que la nature de l’« Organisation de voyages » pourrait inclure la réservation d’hébergement (y compris dans des hôtels) et de repas (y compris dans des restaurants), et la fourniture de renseignements à cet égard.

Services d’hébergement et d’hôtel

[49] À l’inverse, je ne conclus pas que les services suivants énumérés dans la Demande (les Services d’hébergement et d’hôtel) sont nettement liés ou de nature similaire aux produits ou services figurant dans les enregistrements de l’Opposante :

[…] services d’accueil (hébergement); […] services d’hébergement hôtelier; exploitation d’auberges ([…] hébergement); […] centres de villégiature; services d’hôtel de villégiature; […] services d’hôtel; […]

[50] À cet égard, je note ce qui suit.

Enregistrement no LMC1,090,656

[51] Même si je reconnais que l’« Organisation de voyages » englobe la réservation d’hébergement, je ne suis pas disposée à conclure que l’« Organisation de voyages » comprend l’offre véritable d’hébergement en soi ou de services d’hôtel. En outre, l’Opposante ne fournit aucune preuve que les entreprises d’organisation de voyages tendent également à offrir un hébergement ou des services d’hôtel.

[52] Je ne conclus pas non plus que l’un des autres services figurant dans l’enregistrement no LMC1,090,656 de l’Opposante chevauche les services d’hébergement et d’hôtel. J’évalue que certains centres de villégiature (par exemple, des stations de ski ou des stations balnéaires) peuvent accueillir certains évènements et activités sportifs, et que le service « services d’accueil (hébergement) » peut être assez large pour couvrir l’hébergement dans des camps de nuit, y compris des camps de vacances et des camps sportifs. Toutefois, les services spécifiques figurant dans l’enregistrement de l’Opposante sont l’« organisation d’activités et d’évènements sportifs », l’« organisation de camps de vacances; organisation de camps sportifs », et l’« Éducation, nommément, initiation sportive par le biais de camps d’entraînement ». Je ne crois pas que ces services d’organisation et d’éducation soient liés à l’offre de services d’hébergement ou d’hôtel. Par conséquent, je ne conclus pas que les services d’organisation et d’éducation figurant dans l’enregistrement de l’Opposante sont liés de façon significative aux Services spécifiques d’« hébergement en centre de villégiature », de « services d’hôtel de villégiature » ou de « services d’accueil (hébergement) ».

Enregistrement no LMC991,019

[53] J’arrive à une conclusion similaire concernant le service « Organisation et tenue d’un festival de sport » dans l’enregistrement no LMC991,019 : bien qu’un centre de villégiature puisse éventuellement accueillir un festival de sport, l’organisation et la tenue du festival ne seraient pas liées aux services d’hébergement ou d’hôtel en centre de villégiature en soi.

[54] L’Opposante cherche à établir un lien entre les services d’hôtel et les services de festival, en ce sens que les hôtels disposent de piscines, c’est-à-dire un équipement également offert au festival de l’Opposante. En effet, les publications de la Requérante sur Facebook font spécifiquement la promotion d’une piscine à débordement de 30 mètres, tout comme bon nombre des articles produits en pièce, et certains de ces documents mettent en évidence des caractéristiques supplémentaires de la piscine, comme un jacuzzi, un pavillon adjacent pour soins de spa ou des repas privés, et une vue sur le vignoble [affidavit Makiv, Pièces A à L]. En ce qui concerne l’Opposante, des photographies figurant dans ses documents récapitulatifs montrent ce qui semble être une piscine publique sur le site des festivals de 2014 et de 2015; elle a été promue dans le cadre d’une [traduction] « zone de rafraîchissement » et d’une [traduction] « fête à la piscine » en 2015 [affidavit Desforges, Pièce MD‑2, aux pages 30, 111, 127 à 130, 136 et 137]. Toutefois, le fait que les hôtels et les festivals de sports puissent chercher à attirer des clients au moyen d’une piscine accessoire ne signifie pas que l’organisation et la tenue de festivals de sport soient liées aux services d’hôtel.

[55] Selon l’Opposante, étant donné que l’accès à une piscine est accessoire à la prestation de services d’hôtel, l’enregistrement de la Marque en liaison avec des services d’hôtels donnerait à la Requérante le droit exclusif d’annoncer elle-même les installations de piscine de marque JACKALOPE [selon la définition d’« emploi » d’une marque de commerce énoncée à l’article 4(2) de la Loi]. Toutefois, même si une entreprise hôtelière peut être considérée comme offrant des « services d’hôtel » lorsque les clients ont accès à une piscine à l’hôtel, je ne suis pas disposée à accepter que l’enregistrement d’une marque de commerce pour des « services d’hôtel » accorde un droit exclusif d’employer cette marque de commerce dans la publicité relative à l’accès à des piscines en dehors du contexte hôtelier. À titre d’exemple, un complexe sportif indépendant faisant la publicité d’installations de piscine ne serait pas considéré comme faisant la promotion de « services d’hôtel ». Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec l’Opposante que l’enregistrement de la Marque en liaison avec des « services d’hôtel » créerait de la confusion pour cette raison.

[56] En ce qui concerne les produits « T-shirts » et « casquettes » figurant dans l’enregistrement no LMC991,019, bien que Mme Makiv affirme que l’hôtel de la Requérante vend des t-shirts et des casquettes de marque JACKALOPE, je suis d’avis qu’un hôtel apposant son nom sur des vêtements disponibles à l’achat à l’hôtel est une activité promotionnelle et qu’il n’est pas possible de démontrer qu’il y a un chevauchement significatif entre le service « services d’hôtel » et les produits « t-shirts » ou « casquettes » en soi.

Enregistrement no LMC1,083,111

[57] Enfin, je ne conclus pas non plus que les boissons ou les collations figurant dans l’enregistrement no LMC1,083,111 pour la Marque nominale de l’Opposante sont liées, par leur nature, aux services d’hébergement ou d’hôtel en soi. En ce qui concerne le chevauchement potentiel avec les services de restaurant, de traiteur ou de bar de l’hôtel, cette question sera abordée ci-dessous.

Services de restaurant, de traiteur et de bar

[58] L’Opposante présente un certain nombre d’observations alléguant un chevauchement entre les produits et services visés par ses enregistrements et les services de restaurant et de bar de la Requérante. Toutefois, en tenant compte des voies de commercialisation potentielles et véritables des parties, je ne vois aucun lien significatif entre les produits ou les services figurant dans les trois enregistrements de l’Opposante et les autres services, qui sont énoncés comme suit (les Services de restaurant, de traiteur et de bar) :

[…] exploitation d’auberges (bar, restaurant […]); […] services de traiteur pour hôtels; […] services de bar; services de café et de café-bar (offre d’aliments et de boissons); services de buffet à salades; services de bar à vin; […] services de restaurant; restaurants; restaurants libre-service; restaurants-théâtres (offre d’aliments et de boissons); […]

[59] En ce qui concerne ces services, je note ce qui suit.

Enregistrement no LMC1,083,111

[60] L’Opposante soutient que les collations et les boissons visées par son enregistrement no LMC1,083,111 pour la Marque nominale chevauchent les services de restaurant figurant dans la Demande, dans la mesure où les restaurants vendent des aliments et des boissons. En effet, comme l’a souligné l’Opposante, l’affidavit de Mme Makiv contient des renvois au [traduction] « Magasin de nourriture et de vins Rare Hare » [para 13], ce qui laisse entendre que le restaurant Rare Hare peut être qualifié de magasin d’aliments ou inclure un magasin d’aliments. À cet égard, je note également qu’un des articles produits en pièce décrit Rare Hare comme une [traduction] « vinerie, [un] restaurant et [un] magasin de produits de consommation » [affidavit Makiv, Pièce D].

[61] À l’appui, l’Opposante cite deux décisions du registraire dans lesquelles il a été conclu qu’il y avait confusion entre la marque de commerce d’une requérante, employée en liaison avec des « services de restauration », et la marque de commerce d’une opposante, employée en liaison avec des produits alimentaires : Campbell Soup Co c Spectrum Foods, Inc (1987), 15 CPR (3d) 362, et Culinar Inc c Saga Enterprises, Inc (1990), 30 CPR (3d) 361. Dans les deux affaires, le registraire a conclu (i) qu’il est peu courant que des restaurants vendent aussi des produits alimentaires et que des magasins d’alimentation offrent aussi des services de la nature d’un restaurant, et (ii) que le terme large « services de restauration » pourrait comprendre l’offre d’aliments et de restaurants.

[62] Toutefois, dans les deux affaires citées, le registraire a également conclu à l’existence d’un lien particulier entre le commerce de la restauration et les produits alimentaires et le commerce de l’opposante. Dans Campbell Soup, en l’absence de preuve de la part de la requérante, il semble que les « services de restauration » visée par la demande pourraient comprendre l’offre d’aliments dans des restaurants et l’agent de la requérante a reconnu que la sauce à spaghettis PREGO de l’opposante pouvait être vendue à des restaurants – en s’appuyant sur cela, le registraire a conclu que [traduction] « il pouvait clairement y avoir un lien entre les commerces des parties » [para 8]. Dans Culinar, le registraire a conclu non seulement que l’expression « services de restauration » figurant dans la demande comprenait l’offre d’aliments à des restaurants et que les gâteaux et pâtisseries STUART de l’opposante étaient des produits que l’on pourrait trouver dans un restaurant et qui pourraient « certainement se vendre à des restaurants », mais aussi que l’opposante exploitait des restaurants [paras 10 et 11].

[63] À l’inverse, en l’espèce, rien n’indique que le commerce de l’Opposante chevauche celui des services de restaurant, comme il est a été dûment conclu dans Campbell Soup et Culinar. Je suis disposée à connaissance d’office que de la bière est servie (et parfois brassée) dans certains types de bars et que de l’eau en bouteille est servie dans certains restaurants et par certains traiteurs. De plus, bien qu’il n’y ait aucune preuve de la signification du terme « restaurants-théâtres » ou de la nature du théâtre en cause, j’évalue qu’au moins les cinémas préparent et vendent du « pop corn ». Toutefois, des termes comme « services de bar », « services de restaurant », « restaurants » et « services de traiteur pour hôtels » se rapportent principalement à un éventail de services liés aux aliments et aux boissons, et non aux produits eux-mêmes. Ce niveau de lien entre les produits d’un opposant et les services d’un requérant n’est pas nécessairement un indicateur solide d’une probabilité de confusion, particulièrement si le modèle d’affaires de chaque partie est fondamentalement différent [voir Triangle Tyre, précité].

[64] Contrairement à dans Campbell Soup et Culinar, la Requérante en l’espèce a produit une preuve concernant le genre de son entreprise. Il ressort clairement de cette preuve et de la lecture de la Demande que la Requérante fait partie du commerce de l’accueil et non de l’industrie de la restauration. En outre, même si l’enregistrement de l’Opposante ne contient aucune restriction quant aux voies de commercialisation, il ressort clairement de la preuve de l’Opposante que cette dernière n’est pas un fabricant ou un brasseur, mais qu’elle est plutôt une entreprise de commercialisation expérientielle et que ses produits et services de marque JACKALOPE se rapportent à un festival de sports d’action et ne sont pas offerts dans un autre contexte.

[65] Je tiens également à noter qu’en l’absence de preuve sur ce point, je ne suis pas disposée à conclure que les types particuliers de restaurants ou de bars énumérés dans la Demande – comme des cafés et des bistrots, des restaurants avec buffet à salades, des bars à vin ou des restaurants-théâtres – seraient censés préparer, servir ou vendre les types particuliers de produits alimentaires et de boissons énumérés dans l’enregistrement de l’Opposante, à savoir des noix préparées, des arachides préparées, des croustilles, des barres énergisantes, du maïs éclaté (pop corn), de la bière, des boissons énergétiques et de l’eau en bouteille.

[66] Dans les circonstances, je conclus que, malgré un certain chevauchement superficiel, les boissons et les collations visées par l’enregistrement de l’Opposante ne sont pas liées de façon significative aux services de restaurant, de traiteur ou de bar visés par la Demande.

Enregistrement no LMC1,090,656

[67] Même si je reconnais que l’« Organisation de voyages » englobe la réservation de repas, je ne suis pas disposée à conclure que l’« Organisation de voyages » comprend l’offre véritable de repas en soi ou de services de restaurant, de traiteur ou de bar connexes. En outre, l’Opposante ne fournit aucune preuve que les entreprises d’organisation de voyages tendent également à offrir des services de restaurant, de traiteur ou de bar. De même, en ce qui concerne l’« organisation de camps de vacances; organisation de camps sportifs », bien que j’évalue que les campeurs peuvent avoir besoin de repas, je ne conclus pas que le service spécifique d’organisation de camps comprend ou est lié à l’offre des repas requis.

[68] En ce qui concerne l’« organisation d’activités et d’évènements sportifs », l’« organisation de camps sportifs » et l’« Éducation, nommément, initiation sportive par le biais de camps d’entraînement », bien que l’Opposante note que les « services de restaurant » de la Requérante pourraient comprendre des bars sportifs, rien n’indique que les bars sportifs tendent à organiser ou à tenir des évènements, des activités ou des camps sportifs, ou que les camps sportifs tendent à exploiter des bars. En outre, à mon avis, le fait que les évènements, les activités, les camps et les restaurants puissent tous avoir pour thème le sport ne constitue pas un fondement suffisant pour conclure que les services d’organisation ou d’éducation dans le domaine du sport sont liés aux « services de restaurant ».

Enregistrement no LMC991,019

[69] L’Opposante soutient que l’« Organisation et tenue d’un festival de sport » impliquent la prestation de services de restaurant et de bar. À cet égard, je note ce qui suit :

[70] En ce qui concerne l’aspect de restauration, je conclus que, même si des camions-restaurants sont exploités lors de festivals de sport ou que les festivals de sport organisent des évènements parallèles dans des restaurants, la preuve laisse entendre que ces camions-restaurants et ces sites parallèles sont exploités par des tiers plutôt que par l’organisateur du festival (que ce soit directement ou par l’entremise de titulaires de licence). L’Opposante soutient que la participation de tiers est sans importance parce qu’il existe toujours un lien entre les services de restaurant et les festivals de sport, en ce sens que les consommateurs à la recherche d’un repas peuvent choisir de manger au festival de sport. À mon avis, toutefois, il y a au plus une preuve de chevauchement des voies de commercialisation, lesquelles seront abordées ci-dessous.

[71] L’Opposante note également que les « services de restaurant » de la Requérante pourraient comprendre des bars sportifs. Encore une fois, rien n’indique toutefois que les bars sportifs tendent à organiser des festivals de sport ou que les festivals de sport tendent à exploiter des restaurants de la nature des bars sportifs. À mon avis, le fait que les festivals et les restaurants puissent tous avoir pour thème le sport ne constitue pas un fondement suffisant pour conclure que les services d’« Organisation et tenue d’un festival » sont liés aux « services de restaurant ».

[72] En ce qui concerne les services de bar, dans la mesure où il y a une preuve documentaire selon laquelle l’Opposante vend de la bière ou de l’alcool, je serais disposée à accepter que cet aspect de la tenue d’un festival soit de nature similaire à un service offert par certains bars et qu’un léger chevauchement soit ainsi possible entre l’organisation et la tenue d’un festival de sport et la catégorie générale des « services de bar ». Toutefois, un bar sous forme de tente à bière, spécialement aménagé pour un festival extérieur, serait de nature différente d’un bar à cocktails, d’un café-bar, d’un bar à vin ou d’un buffet à salades dans un hôtel. Bien que je sois consciente que l’emploi véritable d’une marque à ce jour ne devrait pas être considéré comme excluant les emplois éventuels dans un enregistrement et qu’il n’y a aucune garantie que la Requérante n’exploitera jamais une tente à bière ou n’offrira jamais de services de bar lors d’un festival extérieur, rien ne laisse entendre que le modèle d’affaires actuel de la Requérante soit susceptible de changer.

[73] De plus, en l’absence d’autres éléments de preuve sur ce point, l’offre de bière et d’alcool semble représenter un aspect relativement mineur du festival de l’Opposante. M. Desforges ne mentionne pas la prestation de services de bar dans son affidavit, et aucun élément de preuve ne démontre que les marques de commerce de l’Opposante étaient affichées dans le cadre de l’exécution ou de la publicité de ces services (sauf dans la mesure où les documents récapitulatifs constituent de la publicité).

[74] Par conséquent, je conclus que le lien démontré entre les « services de bar » et l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action n’est pas particulièrement fort.

Résumé du genre de produits, services et entreprises

[75] Bref, je conclus (i) qu’il y a un chevauchement direct entre les Services d’organisation et de réservation figurant dans la Demande et les services d’« Organisations de voyages » figurant dans l’enregistrement no LMC1,090,656 pour la Marque nominale de l’Opposante; (ii) qu’il n’y a aucune similitude ni aucun lien significatif entre les services d’hébergement et d’hôtel figurant dans la Demande et l’un des produits ou services figurant dans les enregistrements de la Marque nominale de l’Opposante; et (iii) que, malgré un certain chevauchement superficiel avec des produits comme la « Bière » et l’« eau en bouteille », il n’y a aucun lien significatif entre les Services de restaurant, de traiteur et de bar figurant dans la Demande et l’un des produits ou services figurant dans les enregistrements de l’Opposante.

Nature du commerce

[76] Il faut également tenir compte des voies de commercialisation qui seraient normalement liées aux produits et services des parties [voir Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. La probabilité de confusion est généralement plus grande lorsque les produits ou services des parties, même s’ils sont différents, sont offerts dans les mêmes types de lieux ou au même type de clients; à l’inverse, la probabilité de confusion peut être écartée lorsque les voies de commercialisation de chaque partie sont très différentes (voir Toys R Us (Canada) Ltd c Manjel Inc, 2003 CFPI 282).

[77] Encore une fois, les états déclaratifs des produits et services figurant dans la demande du requérant et l’enregistrement de l’opposant doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou la nature possible du commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober; une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [voir Coffee Hut, précité; Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd, 1999 CarswellNat 3465 (COMC)]. Il convient de se concentrer sur le droit des parties d’exploiter une voie donnée plutôt que sur le fait qu’elles le fassent ou non; cela dit, il faut tenir compte des commerces véritables des parties et se fonder sur ceux-ci pour déterminer la probabilité de chevauchement des parties [Distribution Prosol PS Ltd c Custom Building Products Ltd, 2015 CF 1170; voir aussi Masterpiece, précité].

[78] En l’espèce, les produits et services des parties ont été offerts et exécutés par des voies distinctes : un festival de sport dans le cas de l’Opposante et un hôtel dans le cas de la Requérante. Rien n’indique que l’une des parties emploierait à l’avenir sa marque JACKALOPE dans un contexte différent. Cela dit, rien n’empêcherait l’Opposante de faire des réservations à l’hôtel et au restaurant de la Requérante dans le cadre d’un voyage comme la tournée panaméenne annoncée sur le site Web JACKALOPE de l’Opposante, et rien n’empêcherait la Requérante de fournir des renseignements supplémentaires ou d’offrir d’autres services de réservation sous la bannière JACKALOPE aux acheteurs de ces voyages organisés par l’Opposante. De même, rien n’empêcherait l’un des bars ou restaurants de la Requérante de louer des espaces à un festival comme celui exploité par l’Opposante, et rien n’empêcherait l’Opposante d’organiser un évènement parallèle dans un restaurant ou bar d’un hôtel comme celui de la Requérante ou de vendre des boissons et des collations de marque dans un tel lieu. Il existe au moins une probabilité de chevauchement dans ces mesures.

[79] Je note également que l’hôtel de la Requérante est situé sur le site d’une vinerie en activité et est lié à un restaurant de vin [affidavit Makiv, au para 24]. L’hôtel propose également des commodités comme des produits de bain fabriqués exclusivement pour l’hôtel [affidavit Makiv, au para 22; voir également le renvoi, dans un article à la Pièce D, à des [traduction] « crèmes sur mesure, y compris un bain pour la peau à un exfoliant pour le corps à base de raisins à pinot »]. Rien n’indique que les commodités de la Requérante comprennent de l’eau en bouteille ou que la Requérante prévoit passer de vineries et restaurants de vin à, par exemple, des brasseries et bistrots-brasseries. Néanmoins, dans la mesure où la Requérante exploite une entreprise qui produit et vend des boissons alcoolisées dans un restaurant connexe, et qui commande des commodités exclusives qui peuvent être en bouteille, je conclus qu’il existe au moins une probabilité que de la bière maison ou de marque tierce, ou de l’eau en bouteille soient vendues dans l’un des hôtels JACKALOPE. Dans cette mesure, il y aurait aussi une probabilité de chevauchement des voies de commercialisation entre les services de restaurant, de traiteur et de bar et des produits comme la « Bière » et l’« eau en bouteille ». Toutefois, en l’absence de preuve concernant les plans d’affaires futurs de la Requérante, une telle conclusion serait hypothétique. De plus, la possibilité que de la bière, de l’eau en bouteille ou d’autres produits similaires vendus dans un contexte hôtelier soient achetés lors d’un festival de sports d’action (ou que l’on croit qu’ils proviennent de celui-ci) semble faible.

[80] En ce qui concerne les clients et la clientèle, je suis d’accord avec l’Opposante qu’il existe une probabilité de chevauchement, puisque la Requérante et l’Opposante offrent toutes deux des services aux voyageurs, aux touristes, aux personnes à la recherche de nourriture et de divertissement, et, particulièrement, aux personnes qui cherchent des « expériences originales ». La preuve montre que les expériences offertes par l’Opposante diffèrent, en ce qui a trait au thème et au style, des expériences offertes par la Requérante; toutefois, il n’y a aucune restriction à cet égard dans la Demande ou dans les enregistrements de l’Opposante. De plus, comme l’a fait remarquer l’Opposante, les consommateurs à la recherche d’un repas peuvent choisir de manger dans le restaurant d’un des hôtels de la Requérante ou au festival de sports d’action de l’Opposante.

[81] Il y a également eu un certain chevauchement dans les voies publicitaires. L’Opposante note, en particulier, que des affiches faisant la promotion du festival JACKALOPE étaient exposées à la réception de l’hôtel et dans deux bars un mois avant le festival de 2015, et dans 11 bars et restaurants en ce qui concerne le festival de 2016 [voir les plans média dans la Pièce MD‑2, à la page 166, et la Pièce MD‑3, à la page 212]. De l’avis de l’Opposante, les clients de ces restaurants qui voient l’affiche promotionnelle de l’Opposante pourraient être exposés simultanément à l’affiche JACKALOPE de la Requérante si cette dernière ouvrait un restaurant à proximité. Je note également que : (i) le festival de l’Opposante semble avoir été mentionné sur au moins un site Web connexe à l’hôtel, westinmontreal.com [affidavit Desforges, Pièce MD‑6]; (ii) les résumés de la couverture médiatique des parties énumèrent des publications ayant des titres liés aux voyages, en particulier le magazine enRoute d’Air Canada [affidavit Desforges, Pièce MD‑2, à la page 170, Pièce MD‑3, à la page 227, et Pièce MD‑6; affidavit Makiv, aux paras 11, 12, 14 à 18, 24, 25, et 28 à 31]; et (iii) le résumé de 2015 de l’Opposante mentionne la distribution d’une vidéo promotionnelle sur le site Web touristique de Montréal, tandis que Mme Makiv mentionne la Requérante au moins lors d’une rencontre avec les exploitants du site Web touristique de sa région [affidavit Desforges, Pièce MD‑2, à la page 165; affidavit Makiv, au para 11].

[82] Bref, je conclus que les voies de commercialisation des parties sont différentes et distinctes, bien que je sois disposée à accepter une légère probabilité de chevauchement, dans la mesure où les restaurants peuvent louer des espaces de vente à un festival où se déroulent des activités et des évènements sportifs ou que des festivals accueillent des évènements parallèles dans des restaurants d’hôtels. Bien qu’il y ait également un possible chevauchement dans les voies de commercialisation des services de restaurant, de traiteur ou de bar de l’hôtel de la Requérante et celles de produits de l’Opposante, comme la bière ou l’eau en bouteille, je ne conclus pas que cela est probable dans les circonstances particulières de l’espèce. J’accepte également la probabilité de chevauchement général dans la clientèle des parties et, par conséquent, des voies publicitaires; toutefois, la clientèle qui se chevauche en l’espèce, c’est-à-dire les voyageurs, les touristes et les personnes à la recherche de nourriture et de divertissement, est large. Dans l’ensemble, peu importe lequel des enregistrements de l’opposant est pris en compte, je conclus que la nature du commerce ne favorise fortement aucune des parties.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[83] Comme je l’ai noté ci-dessus, il n’incombe pas à l’Opposante de démontrer qu’il existe une probabilité de confusion, mais c’est plutôt la Requérante qui doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion.

[84] Après avoir tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, je conclus que, au mieux pour la Requérante, les probabilités sont équitablement partagées entre une conclusion de confusion avec la Marque nominale de l’Opposante en ce qui a trait aux Services d’organisation et de réservation, et une conclusion de non-confusion. J’arrive à cette conclusion principalement parce que les marques de commerce sont identiques et qu’il y a un chevauchement direct entre les Services d’organisation et de réservation et les services d’« Organisation de voyages » figurant dans l’enregistrement no LMC1,090,656 de l’Opposante. Dans les circonstances, le fait que les services d’organisation et de réservation de chacune des parties seraient offerts par différentes voies de commercialisation n’élimine pas nécessairement la probabilité de confusion. Étant donné que le fardeau incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante en ce qui a trait à ces Services.

[85] Ayant conclu qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion avec la Marque nominale de l’Opposante en raison de l’enregistrement no LMC1,090,656, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la probabilité de confusion avec l’enregistrement no LMC1,083,111 ou l’enregistrement no LMC991,019 en ce qui a trait à cette catégorie des Services.

[86] J’arrive à une conclusion différente en ce qui a trait aux Services d’hébergement et d’hôtel et aux Services de restaurant, de traiteur et de bar. Malgré la forte ressemblance entre la Marque et la Marque nominale de l’Opposante, et malgré le caractère distinctif inhérent de la Marque nominale de l’Opposante et la mesure dans laquelle elle est devenue connue en liaison avec l’organisation d’activités et d’évènements sportifs, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion, peu importe lequel des deux enregistrements de l’Opposante pour cette marque de commerce est pris en compte. J’arrive à cette conclusion principalement en me fondant sur les différences dans le genre de produits et services en cause et en tenant compte du degré minime de chevauchement dans les voies de commercialisation. À mon avis, un consommateur n’est pas susceptible de croire que l’un des Services d’hébergement et d’hôtel ou l’un des Services de restaurant, de traiteur et de bar visés par la Demande provient de la même source que l’un des produits ou services visés par les enregistrements no LMC1,083,111 ou no LMC1,090,656, ou qu’il est lié à ces produits ou services.

[87] Je conclus que la position de l’Opposante n’est pas meilleure lorsqu’on tient compte du Dessin-marque de l’Opposante et des produits et services visés par son enregistrement no LMC991,019. Bien que le Dessin-marque de l’Opposante soit devenu connu dans une certaine mesure en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sport et des marchandises connexes, je conclus que la preuve relative à l’emploi et à la promotion de cette marque de commerce est insuffisante pour faire pencher la balance en faveur de l’Opposante. Plus précisément, je ne suis pas disposée à conclure que le consommateur moyen s’attendrait à ce que les Services d’hébergement et d’hôtel ou les Services de restaurant, de traiteur et de bar proviennent d’un festival de sport, ou soient approuvés, autorisés ou parrainés par un festival de sport, parce que ces festivals peuvent offrir un accès sur place à des camions-restaurants, à de la bière, à de l’alcool ou à des piscines, ou un accès à des évènements parallèles dans des restaurants et des bars à l’extérieur du site. De plus, le fait que la Requérante puisse parfois s’adresser aux mêmes consommateurs que l’Opposante et faire de la publicité en conséquence ne signifie pas nécessairement qu’il y a une probabilité que ces consommateurs soient confus quant à la source des services chaque partie.

[88] Bref, je conclus que le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi est accueilli en ce qui a trait aux Services d’organisation et de réservation, mais rejeté en ce qui a trait aux Services d’hébergement et d’hôtel et aux Services de restaurant, de traiteur et de bar.

Droit à l’enregistrement des marques de commerce et du nom commercial employés antérieurement en vertu des articles 16(3)a) et c)

[89] L’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi parce que, à la date de priorité de production et à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial suivants, employés antérieurement par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre, ou, à son avantage, par des licenciés :

  • la Marque nominale de l’Opposante;
  • la marque de commerce JACKALOPE & Design illustrant un hybride de lièvre et d’antilope, que j’accepte comme correspondant au Dessin-marque de l’Opposante;
  • le nom commercial JACKALOPE.

[90] L’Opposante plaide l’emploi de ces marques de commerce et de ce nom commercial en liaison avec ses produits, services et entreprise qui se rapportent à l’organisation et à la tenue d’un festival de sports d’action, ainsi qu’à des vêtements et accessoires, dont la nature est la même que ceux visés par (i) la demande no 1,702,712 de l’Opposante [maintenant l’enregistrement no LMC991,019] et (ii) la Demande.

[91] Pour s’acquitter de son fardeau initial en vertu de ces motifs, l’Opposante doit prouver non seulement l’emploi de sa marque de commerce ou de son nom commercial avant la date de priorité de production de la Demande, à savoir le 27 mars 2015, conformément aux articles 16(3) et 34(1) de la Loi, mais aussi que sa marque de commerce ou son nom commercial n’avait pas été abandonné lorsque la Demande a été annoncée le 4 janvier 2017, tel que prévu à l’article 16(5). L’abandon exige à la fois une absence d’emploi et une intention d’abandonner l’emploi [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].

Marques de commerce employées antérieurement : fardeau initial de l’Opposante en vertu de l’article 16(3)a)

[92] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, conformément au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), l’affidavit de M. Desforges fournit une preuve de l’emploi de la Marque nominale et du Dessin-marque de l’Opposante en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action à compter de 2012, ce qui est antérieur à la date de priorité de production de la Demande du 27 mars 2015. En outre, compte tenu de l’annonce de l’édition de 2017 du festival sur le site Web du festival, j’accepte que la Marque nominale de l’Opposante n’ait pas été abandonnée lorsque la Demande a été annoncée le 4 janvier 2017.

[93] En ce qui concerne le Dessin-marque de l’Opposante, il a été remplacé en 2016 par le Nouveau logo de l’Opposante, dont l’élément graphique est constitué uniquement de bois, et non d’un hybride de lièvre et d’antilope, tel que plaidé. L’adoption d’une nouvelle marque de commerce peut démontrer une intention d’abandonner l’emploi d’une marque plus ancienne et inutilisée; toutefois, ce facteur n’est pas déterminant en soi [Labatt, précité]. En l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante que l’introduction du Nouveau logo en 2016 ne signifie pas nécessairement que l’Opposante n’avait pas l’intention de revenir un jour à son ancien logo. Quoi qu’il en soit, je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante n’est pas une « marque plus ancienne et inutilisée ». Il a continué d’être affiché sur le site Web du festival en septembre 2016 dans des photographies d’éditions antérieures du festival, non seulement dans des scènes illustrées (sur des vêtements et des affiches), mais aussi dans le coin de certaines photographies [Pièce MD‑4, aux pages 260 et 261]. Il n’y a aucune raison de croire qu’il aurait été retiré de ces annonces avant le 4 janvier 2017.

[94] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à l’emploi de sa Marque nominale et de son Dessin-marque en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action.

[95] Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau à l’égard d’une des marques de commerce en ce qui a trait aux vêtements et aux accessoires. La seule preuve documentaire antérieure à la date pertinente semble être une photographie d’une paire de casquettes arborant le Dessin-marque de l’Opposante sur une page Web concernant le festival de 2013 [Pièce MD‑2, à la page 12]. Toutefois, contrairement au site Web du festival de 2016, qui montre clairement les marchandises de marque vendues en ligne, les pages Web de 2013 n’indiquent pas si les marchandises étaient disponibles à l’achat en ligne, et il n’est pas clair si les casquettes qui sont illustrées ont été véritablement vendues ou simplement distribuées gratuitement à des fins promotionnelles. L’Opposante ne fournit aucun chiffre de vente pour les vêtements ou les accessoires vendus avant la date pertinente.

[96] Par conséquent, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) en ce qui a trait aux deux marques de commerce invoquées, mais seulement en ce qui a trait à l’organisation et à la tenue d’un festival de sports d’action. Par conséquent, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que, à la date pertinente, c’est-à-dire la date de priorité de production du 27 mars 2015 de la Requérante, il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des marques de commerce de l’Opposante employées en liaison avec ces services [article 16(3)a) de la Loi].

Marques de commerce employées antérieurement : probabilité de confusion

[97] En appliquant le critère en matière de confusion selon les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, la date pertinente antérieure liée à ce motif d’opposition ne modifie pas de façon importante l’analyse effectuée en vertu du motif fondé sur l’enregistrabilité en ce qui a trait au degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties, à leur caractère distinctif inhérent et acquis, et à la durée de leur emploi. Bien que l’emploi et la promotion des marques de commerce de l’Opposante dans le cadre des festivals de 2015 et de 2016 ne puissent plus être pris en compte, il reste une preuve d’emploi et de promotion des deux marques de commerce de 2012 à 2014, tandis que rien n’indique que la Marque ait été employée ou connue au Canada à la date pertinente.

[98] Toutefois, si l’on tient compte du genre des produits, services et entreprises des parties et de la nature de leurs commerces, le cas de l’Opposante est plus faible à l’égard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement. En vertu de ce motif, c’est l’état déclaratif des services tel que défini dans la Demande par rapport aux produits et services à l’égard desquels l’Opposant a démontré un emploi véritable qui régit l’analyse, et l’Opposante n’a démontré l’emploi qu’en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action.

[99] Pour les raisons mentionnées dans l’analyse du motif fondé sur l’enregistrabilité, je suis d’avis qu’aucun lien significatif n’a été démontré entre l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action de l’Opposante et les Services d’hébergement et d’hôtel ou les Services de restaurant, de traiteur et de bar.

[100] En outre, je suis d’avis qu’aucun lien significatif avec les Services d’organisation et de réservation n’a été établi non plus. Même si le festival de l’Opposante peut être lié à l’organisation de repas et de voyages comme celui au Panama, annoncé sur le site Web du festival, cette publicité semble remonter à 2016 – à 2017 en ce qui a trait au voyage –, ce qui est postérieur à la date pertinente. Rien n’indique que le festival de l’Opposante était lié à l’organisation de ces voyages à la date pertinente.

[101] En ce qui concerne les voies de commercialisation, je note également que la majorité de la preuve concernant la promotion du festival JACKALOPE dans des publications ayant des titres liés aux voyages, sur des sites Web touristiques, et dans des restaurants et des bars est postérieure à la date pertinente. De plus, la preuve concernant le genre particulier l’entreprise de la Requérante est postérieure à la date pertinente.

[102] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime à l’égard du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) en ce qui a trait à tous les Services, peu importe laquelle des deux marques de commerce invoquées de l’Opposante est prise en compte. Dans les deux cas, malgré la ressemblance entre les marques de commerce des parties, et malgré le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce de l’Opposante et la mesure dans laquelle elle est devenue connue, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion. J’arrive à cette conclusion principalement en me fondant sur les différences dans le genre de produits, services et entreprises des parties et la nature de leurs commerces. À mon avis, il est peu probable qu’un consommateur ait l’impression que les Services de la Requérante proviennent de l’Opposante ou sont approuvés, autorisés, parrainés par l’Opposante.

[103] Par conséquent, le motif fondé le droit à l’enregistrement en raison de l’emploi antérieur des marques de commerce est rejeté.

Nom commercial employé antérieurement : motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)c)

[104] L’article 2 de la Loi définit le « nom commercial » comme étant le « [n]om sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier ».

[105] À l’audience, l’Opposante a soutenu que la présentation du mot JACKALOPE dans les messages Instagram suivants en 2014 et en 2016 (tels que reproduits dans les documents récapitulatifs respectifs) démontre l’emploi du nom commercial de l’Opposante [Pièce MD‑2, à la page 67; Pièce MD‑4, à la page 207; en gras dans l’original] :

  • En 2014 : « JACKALOPE Présenté par amnesiashop et diffusion web amplifiée par ROGERS! Le 18, 19 et 20 juillet 2014 au Parc Olympique, Montréal, Canada! http://www.jackalopefest.com »;
  • En 2016 : « JACKALOPE Presented by @lait.chocolat #skateboarding #basejump #bouldering #FMX August 19-21, 2016, Montreal, Olympic park #jackalopefest Buy your tickets now! » [JACKALOPE Présenté par @lait.chocolat #plancheàroulettes #sautextrême #escaladeenbloc #FMX Du 19 au 21 août 2016, Montréal, Parc Olympique #jackalopefest Achetez vos billets maintenant!].

[106] Selon l’argument de l’Opposante, le mot JACKALOPE pourrait, dans ces cas, être perçu à la fois comme le nom du festival et comme un nom commercial, l’un n’excluant pas l’autre.

[107] Il n’est pas nécessaire d’aborder ce motif d’opposition en détail. Même si j’acceptais l’emploi du nom d’utilisateur « JACKALOPE » sur Instagram en tant qu’emploi d’un nom commercial, l’analyse relative à la confusion ne serait pas plus favorable à l’Opposante en ce qui a trait à l’un des Services que l’analyse relative à la confusion effectuée à l’égard de la Marque nominale de l’Opposante sous le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a). La Requérante s’acquitterait donc de son fardeau ultime.

[108] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Droit à l’enregistrement à l’égard d’une demande produite antérieurement en vertu de l’article 16(3)b)

[109] L’Opposante plaide également que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)b) de la Loi parce que, à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec la demande d’enregistrement no 1,702,712 de l’Opposante, produite antérieurement, pour le Dessin-marque de l’Opposante (la Demande de l’Opposante).

[110] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit prouver non seulement que la demande d’enregistrement de sa marque de commerce a été produite avant la date pertinente – en l’espèce, la date de priorité de production du 27 mars 2015 –, conformément aux articles 16(3) et 34(1) de la Loi, mais aussi qu’elle était toujours en instance à la date de l’annonce de la Demande, à savoir le 4 janvier 2017, tel que prévu à l’article 16(4). Après avoir exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre à cet égard, je confirme que la Demande de l’Opposante a été produite avant la date pertinente et, bien qu’elle soit maintenant enregistrée, était toujours en instance à la date de l’annonce de la Demande.

[111] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Demande de l’Opposante à la date pertinente.

[112] Pour les raisons susmentionnées concernant les motifs fondés le droit à l’enregistrement pour emploi antérieur, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime à l’égard de tous les Services. En vertu du motif fondé sur le droit à l’enregistrement pour demande antérieure, l’analyse du genre de produits, services et entreprises, et de la nature des commerces est régie par l’état déclaratif des services figurant dans la Demande par rapport à l’état déclaratif des produits et services figurant dans la Demande de l’Opposante. Toutefois, les services visés par la Demande de l’Opposante sont les mêmes que ceux en liaison avec lesquels le Dessin-marque de l’Opposante a été employé. En ce qui concerne les produits figurant dans la Demande de l’Opposante, nommément « T-shirts, casquettes, sac à dos, planche à roulettes », je conclus qu’ils ne sont pas similaires ou de nature connexe aux Services. Comme je l’ai indiqué ci-dessus au sujet du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité, à mon avis, même si l’hôtel de la Requérante vend des vêtements de marque, cet emploi promotionnel du nom de l’hôtel ne démontre pas que le consommateur moyen considérerait les services d’hôtel comme étant liés aux produits « T-shirts » ou « casquettes » en soi.

[113] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2

[114] L’Opposante plaide également que la Marque ne distingue pas et ne peut pas distinguer les Services au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne fait pas de distinction entre les Services et les produits et services de l’Opposante, compte tenu de ce qui est allégué dans la déclaration d’opposition. En l’absence d’autres détails, j’interprète l’argument comme étant que la Marque crée de la confusion avec la Marque nominale et le Dessin-marque de l’Opposante des façons alléguées à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité et le droit à l’enregistrement.

[115] La date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date à laquelle la déclaration d’opposition a été produite, à savoir le 6 janvier 2017 en l’espèce [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185]. Pour que ce motif d’opposition soit accueilli, l’opposant employant sa propre marque de commerce doit établir que, à la date pertinente, sa marque était devenue suffisamment connue au Canada pour annuler le caractère distinctif de la marque du requérant [Motel 6, Inc c No 6 Motel Limited (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. L’opposant doit établir que sa marque de commerce était connue au Canada dans une certaine mesure, ayant acquis une réputation « importante, significative ou suffisante » annulant le caractère distinctif, ou sinon être bien connue dans une région particulière du Canada; dans les deux cas, il doit y avoir une preuve claire de la mesure dans laquelle la marque de commerce était connue [Bojangles, précité].

[116] Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la Requérante aura le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque qu’elle cherche à enregistrer était adaptée pour distinguer ou distinguent véritablement les Services et les produits et services de l’Opposante.

[117] Il n’est pas nécessaire d’aborder ce motif d’opposition en détail. La seule preuve que les marques de commerce de l’Opposante ont été employées ou promues afin de devenir connues dans une certaine mesure concerne l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action par l’Opposante. Bien que cette preuve comprenne une page Web annonçant un voyage au Panama, offert en collaboration avec le festival, il n’y a aucune indication de la mesure dans laquelle cette page Web particulière a été consultée depuis le Canada; dans les circonstances, je ne suis pas disposée à conclure que les marques de commerce de l’Opposante sont connues en liaison avec l’organisation de voyages. La preuve ne démontre pas non plus que des vêtements et d’autres produits promotionnels de l’Opposante ont été vendus ou distribués dans une certaine mesure.

[118] En outre, même si je concluais que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant une preuve concernant l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action – en démontrant que les marques de commerce invoquées avaient une réputation importante, significative ou suffisante à l’échelle du Canada, ou étaient bien connues dans la région de Montréal –, la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime, pour les raisons abordées ci-dessus à l’égard des motifs fondés sur le droit à l’enregistrement pour emploi antérieur. Malgré la preuve supplémentaire d’emploi et de promotion à la date pertinente ultérieure, l’argument de l’Opposante quant à la confusion ne serait pas plus fort à l’égard des Services.

[119] Compte tenu de ce qui précède, ce motif d’opposition est rejeté.

Conviction d’avoir le droit d’employer la Marque en vertu de l’article 30i)

[120] L’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que la déclaration de la Requérante selon laquelle elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada est fausse, compte tenu de sa connaissance des droits de l’Opposante et de l’illégalité de cet emploi. Plus précisément, l’Opposante plaide que la Requérante était au courant (i) que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante qui sont mentionnés dans la déclaration d’opposition, et (ii) que l’emploi de la Marque dirigerait l’attention du public vers les Services de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion avec les produits, services ou entreprises de l’Opposante, en contravention de l’article 7b) de la Loi.

[121] La connaissance d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion n’empêche pas en soi un requérant d’être convaincu qu’il a le droit d’employer la marque qu’il souhaite enregistrer. Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, la déclaration requise est incluse dans la demande, l’opposant ne peut invoquer l’article 30i) que dans des cas particuliers, comme lorsqu’il allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou a commis une fraude ou lorsque l’on pourrait soutenir, à première vue, que la non-conformité à une loi fédérale empêche l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); Interactive Design Pty Ltd c Grafton‑Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC); et Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)].

[122] En l’espèce, il n’y a aucune allégation de mauvaise foi ou de fraude dans la déclaration d’opposition, et il n’y a aucune preuve au dossier à cet effet. En ce qui concerne l’allégation combinant les articles 30i) et 7b) de la Loi, le registraire a précédemment considéré que ce motif était valide en vertu du principe général selon lequel l’enregistrement d’une marque ne peut pas être toléré si son emploi contrevient à une loi fédérale [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553 (COMC); et Institut national des appellations d’origine c Pepperidge Farm Inc (1997), 84 CPR (3d) 540 (COMC)]. Toutefois, pour invoquer avec succès l’article 7b), l’opposant doit fournir une preuve suffisante pour appuyer l’existence des trois éléments de la commercialisation trompeuse : (i) l’existence d’un achalandage; (ii) la déception du public due à la représentation trompeuse; et (iii) des dommages actuels ou possibles [Kirkbi AG c Gestion Ritvik Inc, 2003 CAF 297, conf. par 2005 CSC 65; Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120]. En l’espèce, l’Opposante n’a fourni aucune preuve de dommages actuels ou possibles.

[123] Une conclusion de dommages peut être tirée si une perte de contrôle sur l’emploi et l’incidence commerciale de la marque de commerce du demandeur est implicite dans l’emploi du défendeur qui crée de la confusion [voir, par exemple, Boulangerie Vachon Inc c Racioppo, 2021 CF 308]. Toutefois, en l’espèce, rien ne permet de conclure que l’emploi de la Marque par la Requérante entraînerait nécessairement une perte de contrôle sur l’emploi et l’incidence commerciale des marques de commerce de l’Opposante, et ce, d’une manière qui pourrait affaiblir sa réputation de façon à entraîner une perte d’achalandage. À l’audience, l’Opposante a souligné la présence constante qu’aurait une chaîne d’hôtels ou de restaurants par rapport à un festival saisonnier, et a soulevé la possibilité d’une impression négative si la Requérante employait la Marque en liaison avec, par exemple, des bars sportifs de mauvaise qualité. Toutefois, étant donné que rien n’indique que la Requérante emploierait la Marque de cette façon, une conclusion selon laquelle l’Opposante perdrait le contrôle sur l’incidence commerciale de ses marques de commerce pour cette raison serait hypothétique.

[124] Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur l’article 30i) sont également rejetés, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Décision

[125] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi en ce qui a trait aux services suivants :

Services de réservation d’hébergement; organisation d’hébergement pour vacanciers; organisation d’hébergement à l’hôtel; réservation de chambres d’hôtel; […] services de réservation de chambres d’hôtel; […] réservation de chambres d’hôtel; […] réservation de chambres d’hôtel; services de réservation pour des hôtels; […] information sur les hôtels; services de réservation d’hôtels; […] réservation de places de restaurant; réservation de sièges de restaurant; services de réservation de restaurant; […] réservation de places dans des centres de villégiature.

Et je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi en ce qui a trait aux autres services :

[…] services d’accueil (hébergement); […] services d’hébergement hôtelier; exploitation d’auberges (bar, restaurant et hébergement); […] centres de villégiature; services d’hôtel de villégiature; […] services de traiteur pour hôtels; […] services d’hôtel; services de bar; services de café et de café-bar (offre d’aliments et de boissons); services de buffet à salades; services de bar à vin; […] services de restaurant; restaurants; restaurants libre-service; restaurants-théâtres (offre d’aliments et de boissons); […].

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge

 

Le français est conforme aux WCAG.

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-02-08

COMPARUTIONS

Barry Gamache

Pour l’Opposante

Personne n’a comparu

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

ROBIC

Pour l’Opposante

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour la Requérante

 

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