Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 220

Date de décision : 2021-09-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Tribu Expérientiel Inc.

Opposante

Et

 

JKLP IP Pty Ltd

Requérante

 

1,723,797 pour JACKALOPE Vertical Design

1,723,802 pour JACKALOPE Horizontal Design

Demandes

[1] JKLP IP Pty Ltd (la Requérante) a demandé à enregistrer (i) la marque de commerce JACKALOPE Vertical Design, qui est constituée du mot JACKALOPE, écrit en tant que syllabes JAC, KAL et OPE superposées, telle que reproduite ci-dessous (la Marque verticale), et (ii) la marque de commerce JACKALOPE Horizontal Design, qui est constituée du mot JACKALOPE écrit simplement de gauche à droite dans une police identique, telle que reproduite ci-dessous (la Marque horizontale); les deux marques de commerce sont enregistrées pour emploi en liaison avec divers hauts, casquettes et bonnets :

Marque verticale

(Demande no 1,723,797)

Marque horizontale

(Demande no 1,723,802)

[2] Tribu Expérientiel Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque verticale et de la Marque horizontale (collectivement, les Marques), principalement en raison d’une allégation selon laquelle les deux Marques créent de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante qui sont constitués du mot JACKALOPE et qui sont enregistrés et employés au Canada en liaison avec un festival de sport, ainsi que des produits et services connexes, y compris des t-shirts et des casquettes.

[3] L’Opposante allègue également que les demandes ne sont pas conformes aux exigences officielles parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer les Marques telles que revendiquées.

[4] Pour les raisons qui suivent, je rejette les demandes en partie.

Le dossier

[5] Les demandes d’enregistrement des Marques (les Demandes) ont été produites par la Requérante le 15 avril 2015 et ont reçu les numéros de série 1,723,797 et 1,723,802, respectivement. Les Demandes sont fondées sur l’emploi projeté des Marques au Canada en liaison avec les produits suivants (les Produits) :

Chandails de baseball; chemises tout-aller; chemises en denim; chemises habillées; chemises de ville; chandails décolletés; polos; tee-shirts imprimés; maillots de rugby; plastrons; vestes-chemises; chemises; chemises à manches courtes; chemises sport; t-shirts; tee-shirts; chemises tissées; casquettes de baseball; bonnets de bain; casquettes de plage; visières de casquette; casquettes (couvre-chefs); casquettes plates; bonnets de douche; bonnets de nuit; casquettes de sport; bonnets de bain.

[6] Les Demandes revendiquent une date de priorité de production du 27 mars 2015, fondée sur les demandes australiennes no 1684016 (dans le cas de la Marque verticale) et no 1684017 (dans le cas de la Marque horizontale), produites à la même date pour la même marque de commerce ou une marque de commerce largement similaire en liaison avec le même genre de produits.

[7] Les Demandes ont été annoncées dans le Journal des marques de commerce le 17 février 2016, et ont fait l’objet d’une opposition le 6 avril 2016, quand l’Opposante a produit des déclarations d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). Les déclarations d’opposition ont ensuite été modifiées le 2 mars 2018, puis de nouveau le 13 janvier 2021.

[8] Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles suivants de la Loi : 30e) et 30i) (conformité aux exigences officielles relatives à la demande); 12(1)d) (enregistrabilité de la marque de commerce); 16(3)a), 16(3)b) et 16(3)c) (droit à l’enregistrement); et 2 (caractère distinctif de la marque de commerce). Les contre-déclarations de la Requérante, produites le 13 juin 2016, contiennent des refus généraux de toutes les allégations contenues dans les déclarations d’opposition et sont suffisamment larges pour contester tous les motifs tels que modifiés.

[9] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi concernant les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement la modification, à l’exception que la définition de « confusion » aux articles 6(2) à 6(4) de la Loi dans sa version actuelle sera appliquée.

[10] À l’appui de ses oppositions, l’Opposante a produit la preuve suivante :

  • Une copie certifiée de sa demande no 1,702,712 (no LMC991,019 depuis son enregistrement) pour la marque de commerce Jackalope & dessin, reproduite ci-dessous, qui est constituée du mot JACKALOPE sur la silhouette d’un lièvre avec des bois (c’est-à-dire un « jackalope ») qui saute au-dessus d’un petit logo arborant le mot AMNESIA, avec le dessin d’un cercle derrière le jackalope :

Jackalope & dessin

  • L’affidavit de son président, Micah Desforges, daté du 19 septembre 2016, dans lequel M. Desforges décrit l’emploi et la promotion par l’Opposante des marques de commerce suivantes en liaison avec un festival annuel de sports extrêmes ou « d’action » au Canada : (i) la marque nominale JACKALOPE (la Marque nominale de l’Opposante); (ii) le dessin-marque ci-dessus (le Dessin-marque de l’Opposante); et (iii) un dessin-marque constitué du mot JACKALOPE encerclant un dessin linéaire de bois, souvent affiché avec un logo LAIT AU CHOCOLAT à droite du dessin-marque, tel qu’illustré ci-dessous (le Nouveau logo de l’Opposante) :

[11] M. Desforges a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription du contre-interrogatoire a été versée au dossier. Je note que les deux parties ont communiqué avec le registraire en septembre et en octobre 2017 au sujet d’un engagement demandé au cours du contre-interrogatoire, auquel l’Opposante n’a pas répondu avant l’expiration de la date limite pour compléter le contre-interrogatoire. Étant donné que les parties auraient pu demander l’autorisation de produire la réponse en preuve lorsqu’elle est devenue disponible, mais que les deux parties ont choisi de ne pas le faire, je confirme qu’aucune conclusion négative ne sera tirée contre l’une ou l’autre des parties en raison de l’absence de cette preuve au dossier.

[12] À l’appui de ses Demandes, la Requérante a produit en preuve l’affidavit d’Emily Makiv, daté du 20 juillet 2017. Mme Makiv est la chef des opérations et ancienne directrice générale d’un groupe de sociétés affiliées (le JKLP Group), qui comprend la Requérante et qui supervise l’exploitation d’un hôtel de marque JACKALOPE en Australie. Dans son affidavit, elle décrit l’emploi et la promotion des Marques par la Requérante en liaison avec cette entreprise hôtelière, y compris la présentation de la Marque horizontale sous une tête de jackalope stylisée, illustrée ci-dessous :

[13] Aucune des parties n’a produit d’observations écrites, et seule l’Opposante était représentée à l’audience.

[14] Enfin, je note que la présente affaire a été entendue avec trois procédures d’opposition connexes, qui concernent les demandes no 1,723,795, no 1,723,772 et no 1,723,775 de la Requérante. Des décisions distinctes seront rendues à l’égard des procédures connexes.

L’Opposante

[15] L’Opposante est une agence de marketing spécialisée dans le marketing expérientiel, où les entreprises attirent les consommateurs au moyen d’évènements ou d’expériences [affidavit Desforges, au para 5]. À ce titre, l’Opposante conçoit, produit et coordonne des évènements spéciaux et des expériences originales pour le lancement de produits, des ouvertures officielles, des visites promotionnelles, etc., tout en créant du contenu commercial pour les médias sociaux, la télévision et d’autres voies de distribution [para 6]. Son expertise réside dans la création de coups d’éclat et d’évènements promotionnels reliant les sports extrêmes aux styles de vie liés pour les consommateurs âgés de 13 à 34 ans [paras 5 et 6].

[16] Parmi ces évènements spéciaux, l’Opposante organise et dirige depuis 2012 le festival JACKALOPE, un festival annuel de sports extrêmes d’été de deux à trois jours, à Montréal, qui comprend des cliniques d’initiation et des démonstrations, ainsi que des compétitions internationales [paras 7 et 8]. M. Desforges explique que l’Opposante a tiré des revenus du festival non seulement en vendant des possibilités de commandite et des espaces pour les exposants et les vendeurs, mais aussi en vendant des billets, en enregistrant des concurrents ou des participants, en créant un bar de marque JACKALOPE sur place et en vendant des marchandises de marque, y compris des t-shirts et des casquettes [para 16; contre-interrogatoire, aux pages 6, 7, et 16 à 18].

La Requérante

[17] La Requérante, avec Jackalope Mornington Peninsula Pty Ltd (Mornington Pty) et JKLP Group Pty Ltd (Group Pty), forme le JKLP Group, qui supervise des entreprises vinicoles, hôtelières et d’accueil dans l’État de Victoria, en Australie, y compris l’hôtel JACKALOPE, situé sur le site d’un vignoble avec une vinerie en activité dans la péninsule de Mornington [affidavit Makiv, aux paras 2 à 4, et 24]. Mme Makiv décrit cet hôtel comme le premier d’une série sous la [traduction] « marque innovante de boutiques de luxe internationales appelée JACKALOPE » [para 3]. Elle précise que cette marque a été choisie pour [traduction] « communiquer l’expérience unique et mystique qu’offre un hôtel de luxe dans un magnifique environnement naturel » et est employée en association avec [traduction] « divers services d’hébergement, services de restaurant, évènements et marchandises » [paras 5 et 8].

[18] Mme Makiv précise que Mornington Pty est membre du JKLP Group responsable de l’exploitation de l’hôtel et des restaurants liés et qu’elle emploie les Marques à cet égard conformément à [traduction] « [l’]autorisation » de la Requérante [para 8]. Elle confirme que la Requérante contrôle la nature et la qualité des produits et services liés par l’entremise de son seul directeur, qui est également le seul directeur de Mornington Pty et du Group Pty [paras 3 et 8]. Aux fins de la présente décision, je suis convaincue que l’arrangement qu’elle décrit respecte les exigences de l’article 50 de la Loi en matière de licences, de sorte que l’emploi des Marques par Mornington Pty profite à la Propriétaire.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[19] Dans une procédure d’opposition, il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, il incombe à l’opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chaque motif d’opposition. Si l’opposant s’est acquitté de ce fardeau initial, le requérant doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motifs d’opposition relatifs à l’intention d’employer les Marques en vertu de l’article 30e) rejetés sommairement

[20] L’Opposante plaide que les Demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer les Marques au Canada sous la forme visée par les Demandes et en liaison avec chacun des Produits. Subsidiairement, l’Opposante plaide que, lorsque les Demandes ont été produites, la Requérante employait déjà les Marques au Canada en liaison avec les Produits, de sorte que la Requérante était tenue de produire les Demandes en se fondant sur l’« emploi » des Marques en vertu de l’article 30b) de la Loi plutôt que sur l’« intention [d’]employer » en vertu de l’article 30e). Toutefois, il n’y a aucune preuve au dossier pour appuyer ces allégations. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté, car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion entre les marques de commerce

[21] Les autres motifs d’opposition en l’espèce portent sur des allégations de confusion entre les Marques et les marques de commerce JACKALOPE de l’Opposante.

Enregistrabilité des marques en vertu de l’article 12(1)d)

[22] L’Opposante plaide que les Marques ne sont pas enregistrables en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’elles créent de la confusion avec la Marque nominale et le Dessin-marque de l’Opposante, tels qu’illustrés dans les enregistrements de marque de commerce suivants, appartenant à l’Opposante (les Enregistrements de l’Opposante) :

Marque de commerce (Numéro d’enregistrement)

Produits et services visés par l’enregistrement

Traduction du Journal des marques de commerce

Jackalope & dessin

(LMC991,019)

T-shirts, casquettes, sac à dos, planche à roulettes.

Organisation et tenue d’un festival de sport dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulette, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour.

T-shirts, caps, backpacks, skateboards.

Organization and conduct of a sports festival in the field of aerial ballet, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, sky diving, motocross, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, apnea, personal watercrafting, swimming, scuba diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing, and free running.

JACKALOPE

(LMC1,083,111)

(1) Noix préparées; arachides préparées; croustilles

(2) Barres énergisantes; maïs grillé et éclaté (pop corn)

(3) Bière; boissons énergétiques; eau en bouteille

(1) Prepared nuts; prepared peanuts; potato chips.

(2) Energy bars; popping corn (popcorn).

(3) Beer; energy drinks; bottled water.

JACKALOPE

(LMC1,090,656)

(1) Organisation de voyages.

(2) Éducation, nommément, initiation sportive par le biais de camps d’entraînement, de livres, de vidéos et de manuels dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulettes, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour; organisation d’activités et d’évènements sportifs dans le domaine du ballet aérien, du base jump, du saut à l’élastique, du vol à voile, du deltaplane, du parapente, du funambulisme, du saut à ski, du parachutisme, de la moto cross, de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, du vélo de montagne, de la planche à roulettes, de la planche à neige, de la motoneige, du plongeon de haut-vol, de l’apnée, de la motomarine, de la nage, de la plongée sous-marine, du surf, du wakeboard, du kayak, de la planche à voile, et du parkour; organisation de camps de vacances; organisation de camps sportifs.

(3) Productions audiovisuelles, nommément, production de films, préparation de présentations audiovisuelles.

(1) Travel arrangement.

(2) Education, namely sports education through training camps, books, videos and manuals in the fields of aerial acrobatics, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, skydiving, motocross racing, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, freediving, personal watercraft riding, swimming, underwater diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing and free running; organization of sporting events and activities in the fields of aerial acrobatics, base jumping, bungee jumping, gliding, hang gliding, paragliding, tightrope walking, ski jumping, skydiving, motocross racing, mountaineering, climbing, skiing, mountain biking, skateboarding, snowboarding, snowmobiling, high diving, freediving, personal watercraft riding, swimming, underwater diving, surfing, wakeboarding, kayaking, windsurfing and free running; organization of holiday camps; organization of sports camps.

(3) Production of audiovisual media, namely film production, preparation of audiovisual presentations.

[23] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. L’opposant s’acquitte de son fardeau initial si l’enregistrement invoqué est en règle à cette date, et le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour le confirmer [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Après avoir exercé ce pouvoir discrétionnaire, je confirme que les trois enregistrements de l’Opposante existent encore.

[24] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques ne seraient pas susceptibles de créer de la confusion avec l’une des marques de commerce visées par les Enregistrements de l’Opposante.

Critère en matière de confusion

[25] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe du système de classification de Nice [article 6(2) de la Loi].

[26] Le critère en matière de confusion doit être appliqué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[27] Il faut tenir compte des circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énoncées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne constituent pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux variera dans le cadre d’une analyse propre au contexte [voir Veuve Clicquot, précité; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

[28] À mon avis, le Dessin-marque de l’Opposante, enregistré pour emploi en liaison avec des produits comme des « t-shirts », des « casquettes » et des « bonnets », représente le meilleur cas de l’Opposante, et je concentrerai donc ma discussion sur cet enregistrement.

Ressemblance entre les marques de commerce

[29] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est généralement le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion [Masterpiece, précité]. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte pour les examiner attentivement et en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit plutôt être considérée dans son ensemble et évaluée en fonction de son effet sur le consommateur moyen [voir Veuve Clicquot, précité; et Masterpiece, précité]. Toutefois, il est tout de même possible de faire ressortir des caractéristiques particulières de chaque marque de commerce susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF)]. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[30] En l’espèce, les Marques ressemblent fortement à l’aspect le plus frappant et le plus unique du Dessin-marque de l’Opposante, à savoir le mot JACKALOPE (dont, comme je le note, la police est similaire, quoique légèrement plus épaisse) et l’idée connexe d’une créature qui est moitié lièvre et moitié antilope. En effet, les Marques sont identiques, dans le son, à cet aspect du Dessin-marque de l’Opposante. Bien que la Marque verticale soit disposée de façon superposée, le mot JACKALOPE demeure facilement reconnaissable [pour une conclusion similaire, voir Native One Inc c Grand River Enterprises Six Nations Ltd, 2011 COMC 195, où on a pris connaissance d’office qu’en anglais, les écrits se lisent habituellement de gauche à droit et de haut en bas].

[31] Bien que le Dessin-marque de l’Opposante comprenne d’autres éléments, je conclus qu’ils ne contribuent guère à réduire la probabilité de confusion. La silhouette de jackalope renforce l’idée véhiculée par le mot JACKALOPE, la forme géométrique en arrière-plan n’est pas une caractéristique particulière, et les détails et les petits caractères de cette forme sont trop petits pour avoir une incidence importante. Je note également que les petits caractères sont descriptifs, lesquels se lisent comme suit : « FESTIVAL DE SPORTS D’ACTION ».

[32] Je ne considère pas non plus que le logo AMNESIA sous le dessin de jackalope est une caractéristique particulièrement frappante ou unique du Dessin-marque de l’Opposante. Le logo AMNESIA comprend de l’énoncé « présenté par AMNESIA www.amnesiashop.com », avec une lettre A stylisée. Il identifie donc simplement un commanditaire ou un organisateur du festival JACKALOPE. De plus, je conclus que, en raison de sa taille et de sa position sur le Dessin-marque de l’Opposante, le logo AMNESIA serait perçu comme une caractéristique secondaire, de la même nature qu’une marque maison ou d’une marque double. Par conséquent, cela n’aurait aucune incidence importante sur l’impression créée par le mot JACKALOPE et les éléments figuratifs en tant que marque principale.

[33] Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et acquis

[34] En ce qui concerne les marques de commerce des deux parties, le mot JACKALOPE possède un certain caractère distinctif inhérent lié aux produits et aux services pertinents. Bien que la preuve montre qu’il ne s’agit pas d’un mot unique provenant de l’une ou l’autre des parties – il s’agit de l’hybride mythique d’un lièvre et d’une antilope –, ce n’est pas un mot courant non plus. De plus, bien que la publicité et la promotion des deux parties lient le symbolisme du terme à la nature de l’expérience client, le mot JACKALOPE lui-même n’a aucun lien immédiat ou évident avec les produits ou les services de l’une ou l’autre partie. En effet, pour les consommateurs qui ne connaissent pas la signification du terme, JACKALOPE serait susceptible d’être perçu comme un mot inventé.

[35] Je considère que la Marque verticale est un peu plus distinctive que la Marque horizontale, car la caractéristique du dessin crée ce qui semble être une grille de lettres. Toutefois, je conclus que le mot JACKALOPE est toujours facilement reconnaissable dans la Marque verticale. Je considère que le Dessin-marque de l’Opposante est légèrement plus distinctif, compte tenu des éléments figuratifs supplémentaires.

[36] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce des parties sont devenues connues, les deux parties ont produit une preuve à cet égard.


 

La preuve de l’Opposante

[37] M. Desforges joint à son affidavit divers documents en tant que pièces afin de montrer comment les marques de commerce JACKALOPE de l’Opposante étaient présentées pendant le festival et dans le cadre de la promotion de celui-ci, y compris sur des marchandises de marque. Je note que ces documents indiquent que le Dessin-marque de l’Opposante, qui est utilisé depuis 2012, a été modifié pour le festival de 2015 : au lieu de sauter au-dessus d’un logo AMNESIA, le jackalope saute au-dessus d’un logo FIDO. De plus, le Dessin-marque de l’Opposante est parfois présenté sans le logo reconnaissant le commanditaire du festival. En appliquant les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF), et Promafil Canada Ltée c Munsingwear, Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante n’a pas perdu son identité et demeure reconnaissable. Le mot JACKALOPE imprimé sur une silhouette de jackalope et le cercle en arrière-plan ont été maintenus. Je suis convaincue que les caractéristiques dominantes de la marque de commerce ont ainsi été préservées et que les variations constituent donc des variantes acceptables de la marque de commerce telle qu’enregistrée.

[38] Je note également que, pour le festival de 2016 et dans une publicité du festival de 2017, le Dessin-marque de l’Opposante a été remplacé par le Nouveau logo de l’Opposante. En l’espèce, les caractéristiques dominantes du Dessin-marque de l’Opposante – le mot JACKALOPE imprimé sur une silhouette de jackalope – n’ont pas été préservées, et, par conséquent, je considère que le Nouveau logo de l’Opposante est une marque de commerce distincte.

[39] Les documents fournis à l’appui par M. Desforges comprennent les suivants :

  • Chiffres annuels de fréquentation, de revenus et de publicité du festival de 2012 à 2016 [paras 7, 13 à 15, et 18]. M. Desforges atteste que des milliers de visiteurs de partout au Canada assistent chaque année au festival, que chaque site Web de l’Opposante reçoit environ 10 000 visites uniques au Canada chaque année (2012 à 2015), que les revenus annuels ont passé de près de 100 000 $ à plus de 300 000 $, et que les dépenses publicitaires annuelles représentent des dizaines de milliers de dollars.
  • Extraits du site Web tribuexperientiel.com/fr de l’Opposante, qui décrivent les festivals JACKALOPE tenus en 2012 et en 2013 [Pièce MD‑2] et qui comprennent des images d’une camisole et de casquettes de marque [pages 15, 18 et 19].
  • Extraits du site Web jackalopefest.ca/fr de l’Opposante, imprimés le 14 septembre 2016, qui portent sur des festivals qui ont eu lieu de 2012 à 2016 et qui font la promotion de l’édition de 2017 [Pièce MD‑4]. Le site comprend des images de marchandises de marque.
  • Photographies d’un échantillon représentatif de marchandises de marque JACKALOPE que l’Opposante a vendues au public à diverses éditions du festival depuis 2012, y compris des t-shirts et des casquettes [Pièce MD‑5]. Les marchandises décrites semblent être celles offertes en vente en ligne en 2016 [voir Pièce MD‑4, aux pages 244 et 245]. Toutefois, les chiffres de vente des marchandises de marque ne sont pas fournis. L’indication la plus proche de l’étendue des ventes est une estimation donnée au cours du contre-interrogatoire selon laquelle environ 20 % des revenus de 2016 provenaient de la vente combinée de marchandises de marque et de services de bar [pages 14 à 18].
  • L’affiche officielle du festival JACKALOPE qui a eu lieu en 2016, qui, comme le confirme M. Desforges, est représentative des affiches promotionnelles de l’Opposante de 2012 à 2015 [Pièce MD‑3].
  • Un échantillon d’articles mentionnant le festival, qui ont été publiés en ligne de 2012 à 2016, dont certains comprenaient des images montrant le Dessin-marque ou le Nouveau logo de l’Opposante [Pièce MD‑7]. Je note que bon nombre des publications semblent cibler des médias montréalais ou des sports d’action. Certains des articles comprennent des images et le Dessin-marque de l’Opposante figure sur quelques-uns de ces articles, notamment des casquettes qui étaient portées; toutefois, le dessin est difficile à distinguer sur les photographies.
  • Un résumé de la couverture médiatique du festival en 2013 et des documents préparés par l’Opposante pour résumer les festivals tenus en 2014, en 2015 et en 2016, y compris des plans média, des résumés de la couverture médiatique et des aperçus de la façon dont les marques des commanditaires ont été promues [Pièces MD‑2, MD‑3 et MD‑6]. Je note ce qui suit :

[40] Je note que M. Desforges a été contre-interrogé au sujet de l’origine des services de l’Opposante, étant donné que le site Web du festival indique que l’évènement est une initiative de l’Opposante et de l’Association des sports d’action. Toutefois, compte tenu de la preuve documentaire et des descriptions de M. Desforges, je suis convaincue que l’Opposante est à l’origine du festival. La publicité et la promotion de l’Opposante sont compatibles avec cette conclusion, puisque la majorité des médias qui mentionnent l’origine du festival ne nomment que l’Opposante et que les coordonnées fournies sur le site Web du festival sont des adresses courriel de l’Opposante. M. Desforges a également confirmé lors du contre-interrogatoire que l’Association ne gère que certains aspects mineurs du festival, comme les inscriptions des athlètes et les permis d’alcool [pages 10 à 13]. Dans la mesure où ces activités pourraient nécessiter l’emploi d’une marque de commerce, je suis convaincue que l’Association serait autorisée par l’Opposant à exercer le contrôle requis sur la nature et la qualité des services liés, conformément à l’article 50 de la Loi, étant donné que M. Desforges est le président des deux entités [pages 10 et 11].

[41] Compte tenu de la preuve de M. Desforges, je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante est devenu connu dans une certaine mesure dans la région de Montréal, en liaison avec les évènements et les activités du festival de sports d’action – au moins dans une mesure limitée en liaison avec des produits promotionnels connexes comme des t-shirts, des camisoles et des casquettes –, et qu’il est probablement aussi connu dans une certaine mesure parmi les amateurs de sports d’action partout au Canada.

La preuve de la Requérante

[42] La preuve de Mme Makiv montre que l’hôtel JACKALOPE a ouvert ses portes le 1er avril 2017 et qu’à la date de son affidavit, il avait accueilli près de 3 000 clients [para 34]. Toutefois, la commercialisation de l’hôtel avait déjà commencé à la fin de 2016. En guise de preuve de la mesure dans laquelle les Marques ont été employées et promues à cet égard, Mme Makiv fournit ce qui suit :

  • Photographies prises en juillet 2017, qui montrent les Marques sur l’affichage de l’hôtel et les marchandises disponibles à l’achat à l’hôtel [paras 35 et 36, Pièces M et N], y compris un t-shirt arborant la Marque horizontale, imprimée sur l’étiquette du cou, et la tête de jackalope stylisée à l’avant, ainsi qu’une casquette et un fourre-tout arborant la Marque verticale.
  • Imprimés obtenus le 20 juillet 2017 sur le site Web www.jackalopehotels.com de l’hôtel et sur ses pages Instagram et Facebook, qui fournissent des renseignements sur la [traduction] « première propriété » de l’hôtel Jackalope et des images de celle-ci, y compris la sculpture de jackalope de sept mètres de haut à l’entrée de l’hôtel [Pièce L].
  • Listes des publications imprimées et en ligne dans lesquelles l’hôtel JACKALOPE a été promu ou présenté de la fin de 2016 à juin 2017 – y compris des magazines de design, de nourriture, de voyage et de style de vie –, ainsi que des renseignements sur les diffusions à la télévision et sur Internet [paras 12 à 21]. Des statistiques d’accès sont fournies pour bon nombre des publications et vont de dizaines de milliers à des millions de mentions dans les médias.
  • Déclarations concernant d’autres initiatives, notamment une séance photo pour le [traduction] « Magasin de nourriture et de vins Rare Hare » de l’hôtel [para 13], une réunion avec les exploitants du site Web touristique de la région [para 11] et la négociation de partenariats stratégiques avec certaines marques de produits de luxe [para 13]. Toutefois, la seule mention de Mme Makiv au résultat de ces autres initiatives est la mention d’un lancement de LEXUS LC à l’hôtel en juin 2017 et sa couverture dans des [traduction] « blogs masculins de premier choix et [des] publications sur le style de vie » [para 19].
  • Copies d’articles sur l’hôtel JACKALOPE dans diverses publications imprimées et en ligne datées de janvier 2017 à juillet 2017 [Pièces A à K]. Dans le corps de son affidavit, Mme Makiv reproduit certaines descriptions données dans ces articles, et je considère qu’elle adopte ces définitions choisies de l’hôtel comme étant les siennes [paras 22 à 32]. Je note que les caractéristiques mises en évidence comprennent une piscine à débordement de 30 mètres et des produits de bain fabriqués exclusivement pour l’hôtel.

[43] Bien que Mme Makiv confirme que des clients au Canada peuvent accéder au site Web www.jackalopehotels.com de l’hôtel et réserver en ligne, essentiellement, elle ne fournit aucun renseignement les marchandises liées illustrées à la Pièce N. En l’absence de preuve concernant la vente ou la promotion de ces produits au Canada, je ne peux pas conclure que les Marques sont devenues connues au Canada, dans une certaine mesure, en liaison avec les Produits.

Conclusion concernant le caractère distinctif inhérent et acquis

[44] À la lumière de ce qui précède, je conclus que l’examen global du facteur de l’article 6(5)a), qui comporte une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise l’Opposante.

Durée de l’emploi

[45] La preuve démontre l’emploi et la promotion continus du Dessin-marque de l’Opposante depuis 2012; toutefois, il n’y a aucune preuve documentaire de la vente de t-shirts, de casquettes ou de bonnets, et le seul chiffre de vente pertinent est simplement une estimation approximative des revenus combinés des ventes de marchandises et des ventes de bars en 2016. Cela étant dit, les Demandes sont fondées sur l’emploi projeté. Dans l’ensemble, ce facteur favorise très légèrement l’Opposante, mais n’est pas particulièrement significatif.

Genre de produits, services et entreprises

[46] Lorsqu’on examine la nature des produits et services des parties en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, il faut évaluer l’état déclaratif des produits et services figurant dans la demande du requérant et l’état déclaratif des produits et services figurant dans l’enregistrement de l’opposant. Toutefois, chaque état déclaratif doit être interprété de façon globale et dans le but de déterminer le type probable d’entreprise visée; une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile à cet égard [Triangle Tyre Co, Ltd c Gestion André Touchette inc, 2019 CF 220; McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); McDonald’s Corp c Silcorp Ltée (1989), 55 CPR (2d) 207 (CF 1re inst), conf. par (1992), 41 CPR (3d) 67 (CAF)].

[47] Je conclus qu’il y a un chevauchement considérable entre les Produits suivants, qui sont divers hauts, casquettes et bonnets de la nature de vêtements et des vêtements de sport, et les produits « t-shirts », « casquettes » et « bonnets » figurant dans l’enregistrement du Dessin-marque de l’Opposante :

Chandails de baseball; chemises tout-aller; chemises en denim; chemises habillées; chemises de ville; chandails décolletés; polos; tee-shirts imprimés; maillots de rugby; plastrons; vestes-chemises; chemises; chemises à manches courtes; chemises sport; t-shirts; tee-shirts; chemises tissées; casquettes de baseball; bonnets de bain; casquettes de plage; visières de casquette; casquettes (couvre-chefs); casquettes plates; […] bonnets de nuit; casquettes de sport; bonnets de bain.

[48] Bien que la preuve montre que les « T-shirts » et les « casquettes » de l’Opposante sont des t-shirts tout-aller et des casquettes de baseball, il n’y a aucune restriction à cet effet dans l’enregistrement, que j’estime également assez large pour couvrir des vêtements et des vêtements de sport plus spécialisés, comme des bonnets de nuit et des bonnets de bain.

[49] Toutefois, je ne conclus pas que les « bonnets de douche », que je considère comme des produits de bain, sont visés par l’enregistrement de l’Opposante. La version complète de l’état déclaratif des produits figurant dans l’enregistrement de l’Opposante se lit comme suit : « T-shirts, casquettes, sac à dos, planche à roulettes ». Je suis d’avis que, dans ce contexte, les « casquettes » et « bonnets » seraient vraisemblablement compris comme des casquettes et des bonnets de la nature de vêtements et de produits de sport. À l’inverse, les « bonnets de douche » sont un produit de bain qui ont une fonction très spécifique et qui ne seraient pas considérés comme des vêtements ou de l’équipement de sport.

[50] En ce qui concerne les services visés par l’enregistrement du Dessin-marque de l’Opposante, rien n’indique que les festivals de sport sont connus pour vendre des bonnets de douche de marque ou des produits de bain de marque en général, ou que ces ventes seraient considérées comme autre chose que des activités promotionnelles. La preuve ne démontre donc pas un lien significatif entre les produits « bonnets de douche » et le service « Organisation et tenue d’un festival de sport » en soi.

Nature du commerce

[51] Il faut également tenir compte des voies de commercialisation qui seraient normalement liées aux produits et services des parties [voir Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. Encore une fois, les états déclaratifs des produits et services figurant dans la demande du requérant et l’enregistrement de l’opposant doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou la nature possible du commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober [voir Coffee Hut, précité; Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd, 1999 CarswellNat 3465 (COMC)]. Il convient de se concentrer sur le droit des parties d’exploiter une voie donnée plutôt que sur le fait qu’elles le fassent ou non; cela dit, il faut tenir compte des commerces véritables des parties et se fonder sur ceux-ci pour déterminer la probabilité de chevauchement des parties [Distribution Prosol PS Ltd c Custom Building Products Ltd, 2015 CF 1170; voir aussi Masterpiece, précité].

[52] En l’espèce, les produits et services des parties ont été offerts et exécutés par des voies distinctes : un festival de sport dans le cas de l’Opposante et un hôtel dans le cas de la Requérante. La preuve semble indiquer que les produits des deux parties sont offerts à l’achat ou à titre de produits promotionnels en liaison avec ces deux principaux services d’intérêt. Rien n’indique que l’une des parties emploierait à l’avenir sa marque JACKALOPE dans un contexte différent.

[53] Toutefois, compte tenu du chevauchement dans le genre des produits et de l’absence de restrictions quant aux voies de commercialisation dans les Demandes ou l’enregistrement de l’Opposante, je considère qu’il est raisonnable de conclure que toute vente promotionnelle réalisée à l’extérieur des lieux des commerces des parties pourrait être réalisée par les mêmes voies de commercialisation. Je note également que rien n’empêcherait l’une des parties de vendre ses produits promotionnels lors de festivals extérieurs ou dans les boutiques-souvenirs d’hôtels.

[54] Je suis également d’accord avec l’Opposante qu’il existe une probabilité de chevauchement dans la clientèle des parties, puisque la Requérante et l’Opposante offrent toutes deux des services aux voyageurs, aux touristes, aux personnes à la recherche de nourriture et de divertissement, et, particulièrement, aux jeunes, aux jeunes de cœur et aux personnes qui cherchent des « expériences originales ». Par conséquent, il y a eu un certain chevauchement dans les voies publicitaires, puisque le festival de l’Opposante est promu par des publications et des sites Web liés aux voyages [Pièce MD‑2, aux pages 165 et 170; Pièce MD‑3, à la page 227; Pièce MD‑6]. Toutefois, cette clientèle cible qui se chevauche est vaste.

[55] Dans l’ensemble, je ne conclus pas que la nature du commerce favorise fortement l’une ou l’autre des parties.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[56] Comme je l’ai noté ci-dessus, il n’incombe pas à l’Opposante de démontrer qu’il existe une probabilité de confusion, mais c’est plutôt la Requérante qui doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion.

[57] En ce qui concerne chacune des Marques, après avoir tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, je conclus que, au mieux pour la Requérante, les probabilités sont équitablement partagées entre une conclusion de confusion avec le Dessin-marque de l’Opposante et une conclusion de non-confusion, en ce qui a trait à tous les Produits, sauf « bonnets de douche ». J’arrive à cette conclusion principalement en me fondant sur (i) la forte ressemblance entre le Dessin-marque de l’Opposante et chacune des Marques et (ii) le chevauchement direct dans le genre de produits. Dans les circonstances, et compte tenu de la possibilité que des ventes promotionnelles de produits comme des hauts, des casquettes et des bonnets soient effectuées à l’extérieur des lieux des commerces, le fait que les principales activités des parties aient des voies de commercialisation différentes et distinctes n’élimine pas, à mon avis, la probabilité de confusion. Étant donné que le fardeau incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante en ce qui a trait à ces Produits.

[58] À l’inverse, compte tenu de la nature différente des produits « bonnets de douche », je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, nonobstant le caractère distinctif inhérent du Dessin-marque de l’Opposante et sa ressemblance à chacune des Marques, un consommateur n’est pas susceptible de croire que les « bonnets de douche » de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement liés aux « casquettes » et aux « bonnets » visés par l’enregistrement du Dessin-marque de l’Opposante.

[59] En outre, je conclus que le cas de l’Opposante ne serait pas plus fort, même si l’on considérait les enregistrements de sa Marque nominale. Pour chacune des marques, le degré de ressemblance est plus élevé lorsqu’elle est comparée avec la Marque nominale de l’Opposante, compte tenu de l’absence d’éléments figuratifs; de plus, tout emploi et toute promotion de la Marque nominale de l’Opposante sous la forme du Dessin-marque ou du Nouveau logo de l’Opposante pourraient être pris en compte. Toutefois, à mon avis, le genre différent des produits et services figurant dans les enregistrements de la Marque nominale de l’Opposante rend la confusion peu probable. Même si certains types de casquettes et bonnets peuvent être vendus dans le cadre de l’exécution ou de l’annonce de certains des services visés par l’enregistrement no LMC1,090,656 – par exemple, « organisation d’activités et d’évènements sportifs » ou « initiation sportive par le biais de camps d’entraînement » –, ce fait à lui seul ne permettrait pas de démontrer que le consommateur moyen considérerait que les produits ou les services figurant dans les enregistrements de la Marque nominale de l’Opposante sont liés à des « bonnets de douche » ou s’attendrait à ce qu’ils proviennent de la même source que ces produits et services.

[60] Bref, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime à l’égard des « bonnets de douche ». Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité des Marques en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi est accueilli en ce qui a trait à tous les Produits, sauf les « bonnets de douche », et est rejeté en ce qui a trait aux « bonnets de douche ».

Droit à l’enregistrement des marques de commerce et du nom commercial employés antérieurement en vertu des articles 16(3)a) et c)

[61] L’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des Marques en vertu des articles 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi parce que, à la date de priorité de production et à toutes les dates pertinentes, les Marques créaient de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial suivants, employés antérieurement par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre, ou, à son avantage, par des licenciés :

  • la Marque nominale de l’Opposante;
  • la marque de commerce JACKALOPE & Design illustrant un hybride de lièvre et d’antilope, que j’accepte comme correspondant au Dessin-marque de l’Opposante;
  • le nom commercial JACKALOPE.

[62] L’Opposante plaide l’emploi de ces marques de commerce et de ce nom commercial en liaison avec ses produits, services et entreprise qui se rapportent à l’organisation et à la tenue d’un festival de sports d’action, ainsi qu’à des vêtements et accessoires, dont la nature est la même que ceux visés par (i) la demande no 1,702,712 de l’Opposante [maintenant l’enregistrement no LMC991,019] et (ii) les Demandes.

[63] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ces motifs, l’Opposante doit prouver non seulement l’emploi de sa marque de commerce ou de son nom commercial avant la date de priorité de production des Demandes, à savoir le 27 mars 2017, conformément aux articles 16(3) et 34(1) de la Loi, mais aussi que sa marque de commerce ou son nom commercial n’avait pas été abandonné lorsque les Demandes ont été annoncées le 17 février 2016, tel que prévu à l’article 16(5) de la Loi. L’abandon exige à la fois une absence d’emploi et une intention d’abandonner l’emploi [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].

Marques de commerce employées antérieurement : fardeau initial de l’Opposante

[64] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, conformément au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), l’affidavit de M. Desforges fournit une preuve de l’emploi de la Marque nominale et du Dessin-marque de l’Opposante en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action à compter de 2012, ce qui est antérieur à la date de priorité de production des Demandes du 27 mars 2015. En outre, compte tenu de l’édition de 2016 du festival et de l’annonce de l’édition de 2017 du festival sur le site Web du festival, j’accepte que la Marque nominale de l’Opposante n’ait pas été abandonnée lorsque les Demandes ont été annoncées le 17 février 2016.

[65] En ce qui concerne le Dessin-marque de l’Opposante, il a été remplacé en 2016 par le Nouveau logo de l’Opposante, dont l’élément graphique est constitué uniquement de bois, et non d’un hybride de lièvre et d’antilope, tel que plaidé. L’adoption d’une nouvelle marque de commerce peut démontrer une intention d’abandonner l’emploi d’une marque plus ancienne et inutilisée; toutefois, ce facteur n’est pas déterminant en soi [Labatt, précité]. En l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante que l’introduction du Nouveau logo en 2016 ne signifie pas nécessairement que l’Opposante n’avait pas l’intention de revenir un jour à son ancien logo. Quoi qu’il en soit, je conclus que le Dessin-marque de l’Opposante n’est pas une « marque plus ancienne et inutilisée ». Il a continué d’être affiché sur le site Web du festival en septembre 2016 dans des photographies d’éditions antérieures du festival, non seulement dans des scènes illustrées (sur des vêtements et des affiches), mais aussi dans le coin de certaines photographies [Pièce MD‑4, aux pages 260 et 261]. Ainsi, le Dessin-marque de l’Opposante a continué d’être affiché dans la publicité du festival après le 17 février 2016.

[66] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à l’emploi de sa Marque nominale et de son Dessin-marque en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action.

[67] Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau à l’égard d’une des marques de commerce en ce qui a trait aux vêtements et aux accessoires. La seule preuve documentaire antérieure à la date pertinente semble être une photographie d’une paire de casquettes arborant le Dessin-marque de l’Opposante sur une page Web concernant le festival de 2013 [Pièce MD‑2, à la page 12]. Toutefois, contrairement au site Web du festival de 2016, qui montre clairement les marchandises de marque vendues en ligne, les pages Web de 2013 n’indiquent pas si les marchandises étaient disponibles à l’achat en ligne, et il n’est pas clair si les casquettes qui sont illustrées ont été véritablement vendues ou simplement distribuées gratuitement à des fins promotionnelles. L’Opposante ne fournit aucun chiffre de vente pour les vêtements ou les accessoires vendus avant la date pertinente.

[68] Par conséquent, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) en ce qui a trait aux deux marques de commerce invoquées, mais seulement en ce qui a trait à l’organisation et à la tenue d’un festival de sports d’action. Par conséquent, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que, à la date pertinente, c’est-à-dire la date de priorité de production du 27 mars 2015 de la Requérante, il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et l’une des marques de commerce de l’Opposante employées en liaison avec ces services [article 16(3)a) de la Loi].

Marques de commerce employées antérieurement : probabilité de confusion

[69] En appliquant le critère en matière de confusion selon les facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, la date pertinente antérieure liée à ce motif d’opposition ne modifie pas de façon importante l’analyse effectuée en vertu du motif fondé sur l’enregistrabilité en ce qui a trait au degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties, à leur caractère distinctif inhérent et acquis, et à la durée de leur emploi. Bien que l’emploi et la promotion des marques de commerce de l’Opposante dans le cadre des festivals de 2015 et de 2016 ne puissent plus être pris en compte, il reste une preuve d’emploi et de promotion des deux marques de commerce de 2012 à 2014, tandis que rien n’indique que les Marques aient été employées ou connues au Canada à la date pertinente.

[70] Toutefois, si l’on tient compte du genre des produits, services et entreprises des parties et de la nature de leurs commerces, le cas de l’Opposante est plus faible à l’égard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement. En vertu de ce motif, c’est l’état déclaratif des services tel que défini dans les Demandes par rapport aux produits et services à l’égard desquels l’Opposant a démontré un emploi véritable qui régit l’analyse, et l’Opposante n’a démontré l’emploi qu’en liaison avec l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action. De plus, seul un nombre limité de chiffres de distribution de vêtements promotionnels sont fournis et ils se rapportent au festival de 2015, qui est postérieur à la date pertinente. La preuve n’est donc pas suffisante pour conclure que l’organisation et la tenue du festival de l’Opposante étaient, à la date pertinente, liées à des produits de la nature de hauts, de casquettes ou de bonnets, ou qu’il y avait un chevauchement dans les voies de commercialisation.

[71] Par conséquent, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime à l’égard du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) peu importe laquelle des deux marques de commerce de l’Opposante est prise en compte. Dans les deux cas, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion. Par conséquent, le motif fondé le droit à l’enregistrement en raison de l’emploi antérieur des marques de commerce est rejeté.

Nom commercial employé antérieurement

[72] L’article 2 de la Loi définit le « nom commercial » comme étant le « [n]om sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier ».

[73] À l’audience, l’Opposante a soutenu que la présentation du mot JACKALOPE dans les messages Instagram suivants en 2014 et en 2016 (tels que reproduits dans les documents récapitulatifs respectifs) démontre l’emploi du nom commercial de l’Opposante [Pièce MD‑2, à la page 67; Pièce MD‑4, à la page 207; en gras dans l’original] :

  • En 2014 : « JACKALOPE Présenté par amnesiashop et diffusion web amplifiée par ROGERS! Le 18, 19 et 20 juillet 2014 au Parc Olympique, Montréal, Canada! http://www.jackalopefest.com »;
  • En 2016 : « JACKALOPE Presented by @lait.chocolat #skateboarding #basejump #bouldering #FMX August 19-21, 2016, Montreal, Olympic park #jackalopefest Buy your tickets now! » [JACKALOPE Présenté par @lait.chocolat #plancheàroulettes #sautextrême #escaladeenbloc #FMX Du 19 au 21 août 2016, Montréal, Parc Olympique #jackalopefest Achetez vos billets maintenant!].

[74] Selon l’argument de l’Opposante, le mot JACKALOPE pourrait, dans ces cas, être perçu à la fois comme le nom du festival et comme un nom commercial, l’un n’excluant pas l’autre.

[75] Il n’est pas nécessaire d’aborder ce motif d’opposition en détail. Même si j’acceptais l’emploi du nom d’utilisateur « JACKALOPE » sur Instagram en tant qu’emploi d’un nom commercial, l’analyse relative à la confusion ne serait pas plus favorable à l’Opposante que l’analyse relative à la confusion effectuée à l’égard de la Marque nominale de l’Opposante sous le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a). La Requérante s’acquitterait donc de son fardeau ultime.

[76] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Droit à l’enregistrement à l’égard d’une demande produite antérieurement en vertu de l’article 16(3)b)

[77] L’Opposante plaide également que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des Marques en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi parce que, à toutes les dates pertinentes, les deux Marques créaient de la confusion avec la demande d’enregistrement no 1,702,712 de l’Opposante, produite antérieurement, pour le Dessin-marque de l’Opposante (la Demande de l’Opposante).

[78] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit prouver non seulement que la demande d’enregistrement de sa marque de commerce a été produite avant la date pertinente – en l’espèce, la date de priorité de production des Demandes est le 27 mars 2015 –, conformément aux articles 16(3) et 34(1) de la Loi, mais aussi qu’elle était toujours en instance à la date de l’annonce des Demandes, à savoir le 17 février 2016, tel que prévu à l’article 16(4). Après avoir exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre à cet égard, je confirme que la Demande de l’Opposante a été produite avant la date pertinente et que, bien qu’elle soit maintenant enregistrée, elle était toujours en instance à la date de l’annonce des Demandes.

[79] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et la Demande de l’Opposante à la date pertinente.

[80] Pour les raisons susmentionnées en ce qui a trait au motif fondé sur l’enregistrabilité, et après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre le Dessin-marque de l’Opposante et chacun des Marques en ce qui a trait à tous les Produits, sauf les « bonnets de douche ». Compte tenu de la nature différente des produits « bonnets de douche », je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, il est peu probable que les Marques créent de la confusion en ce qui a trait à ce Produit.

[81] Bref, pour chacun des Marques, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime en ce qui a trait aux « bonnets de douche ». Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement pour emploi antérieur est accueilli en ce qui a trait à tous les Produits, sauf les « bonnets de douche », et est rejeté en ce qui a trait aux « bonnets de douche ».

Caractère distinctif des Marques en vertu de l’article 2

[82] L’Opposante plaide également que les Marques ne distinguent pas et ne peuvent pas distinguer les Produits au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elles ne font pas de distinction entre les Produits et les produits et services de l’Opposante, compte tenu de ce qui est allégué dans la déclaration d’opposition. En l’absence d’autres détails, j’interprète l’argument comme étant que les Marques créent de la confusion avec la Marque nominale et le Dessin-marque de l’Opposante des façons alléguées à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité et le droit à l’enregistrement.

[83] La date pertinente pour les motifs d’opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif est la date à laquelle les déclarations d’opposition ont été produites, à savoir le 6 avril 2016 en l’espèce [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185]. Pour que ce motif d’opposition soit accueilli, l’opposant employant sa propre marque de commerce doit établir que, à la date pertinente, sa marque était devenue suffisamment connue au Canada pour annuler le caractère distinctif de la marque du requérant [Motel 6, Inc c No 6 Motel Limited (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. L’opposant doit établir que sa marque de commerce était connue au Canada dans une certaine mesure, ayant acquis une réputation « importante, significative ou suffisante » annulant le caractère distinctif, ou sinon être bien connue dans une région particulière du Canada; dans les deux cas, il doit y avoir une preuve claire de la mesure dans laquelle la marque de commerce était connue [Bojangles, précité].

[84] Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la Requérante aura le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques qu’elle cherche à enregistrer étaient adaptées pour distinguer ou distinguent véritablement les Produits et les produits et services de l’Opposante.

[85] Il n’est pas nécessaire d’aborder ce motif d’opposition en détail. La seule preuve que les marques de commerce de l’Opposante ont été employées ou promues afin de devenir connues dans une certaine mesure concerne l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action par l’Opposante. La preuve ne démontre pas que des vêtements et d’autres produits promotionnels de l’Opposante ont été vendus ou distribués dans une certaine mesure.

[86] Toutefois, même si je concluais que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant une preuve concernant l’organisation et la tenue d’un festival de sports d’action – en démontrant que les marques de commerce invoquées avaient une réputation importante, significative ou suffisante à l’échelle du Canada, ou étaient bien connues dans la région de Montréal –, la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime à l’égard de tous les Produits pour les raisons abordées ci-dessus à l’égard des motifs fondés sur le droit à l’enregistrement pour emploi antérieur. Malgré la preuve supplémentaire d’emploi et de promotion à la date pertinente ultérieure, l’argument de l’Opposante quant à la confusion ne serait pas plus fort à l’égard des Produits. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Conviction d’avoir le droit d’employer les Marques en vertu de l’article 30i)

[87] L’Opposante plaide que les Demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que les déclarations de la Requérante selon lesquelles elle est convaincue d’avoir le droit d’employer les Marques au Canada sont fausses, compte tenu de sa connaissance des droits de l’Opposante et de l’illégalité de cet emploi. Plus précisément, l’Opposante plaide que la Requérante était au courant (i) que les Marques créent de la confusion avec les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante qui sont mentionnés dans la déclaration d’opposition, et (ii) que l’emploi des Marques dirigerait l’attention du public vers les Produits de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion avec les produits, services ou entreprises de l’Opposante, en contravention de l’article 7b) de la Loi.

[88] La connaissance d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion n’empêche pas en soi un requérant d’être convaincu qu’il a le droit d’employer la marque qu’il souhaite enregistrer. Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, la déclaration requise est incluse dans la demande, l’opposant ne peut invoquer l’article 30i) que dans des cas particuliers, comme lorsqu’il allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou a commis une fraude ou lorsque l’on pourrait soutenir, à première vue, que la non-conformité à une loi fédérale empêche l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); Interactive Design Pty Ltd c Grafton‑Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC); et Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)].

[89] En l’espèce, il n’y a aucune allégation de mauvaise foi ou de fraude dans la déclaration d’opposition, et il n’y a aucune preuve au dossier à cet effet. En ce qui concerne l’allégation combinant les articles 30i) et 7b) de la Loi, le registraire a précédemment considéré que ce motif était valide en vertu du principe général selon lequel l’enregistrement d’une marque ne peut pas être toléré si son emploi contrevient à une loi fédérale [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553 (COMC); et Institut national des appellations d’origine c Pepperidge Farm Inc (1997), 84 CPR (3d) 540 (COMC)]. Toutefois, pour invoquer avec succès l’article 7b), l’opposant doit fournir une preuve suffisante pour appuyer l’existence des trois éléments de la commercialisation trompeuse : (i) l’existence d’un achalandage; (ii) la déception du public due à la représentation trompeuse; et (iii) des dommages actuels ou possibles [Kirkbi AG c Gestion Ritvik Inc, 2003 CAF 297, conf. par 2005 CSC 65; et Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120]. En l’espèce, l’Opposante n’a fourni aucune preuve de dommages actuels ou possibles.

[90] Une conclusion de dommages peut être tirée si une perte de contrôle sur l’emploi et l’incidence commerciale de la marque de commerce du demandeur est implicite dans l’emploi du défendeur qui crée de la confusion [voir, par exemple, Boulangerie Vachon Inc c Racioppo, 2021 CF 308]. Toutefois, en l’espèce, rien ne permet de conclure que l’emploi de l’une des Marques par la Requérante entraînerait nécessairement une perte de contrôle sur l’emploi et l’incidence commerciale des marques de commerce de l’Opposante, et ce, d’une manière qui pourrait affaiblir sa réputation de façon à entraîner une perte d’achalandage. À l’audience, l’Opposante a souligné la présence constante qu’aurait une chaîne d’hôtels ou de restaurants par rapport à un festival saisonnier, et a soulevé la possibilité d’une impression négative si la Requérante employait l’une des Marques en liaison avec, par exemple, des bars sportifs de mauvaise qualité. Par analogie, des hauts ou des casquettes de mauvaise qualité sont une autre possibilité hypothétique. Toutefois, étant donné rien n’indique que la Requérante emploierait l’une des Marques de cette façon, une conclusion selon laquelle l’Opposante perdrait le contrôle de ses marques de commerce pour cette raison serait hypothétique.

[91] Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur l’article 30i) sont également rejetés, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Décision

[92] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les Demandes selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi en ce qui a trait aux produits suivants :

Chandails de baseball; chemises tout-aller; chemises en denim; chemises habillées; chemises de ville; chandails décolletés; polos; tee-shirts imprimés; maillots de rugby; plastrons; vestes-chemises; chemises; chemises à manches courtes; chemises sport; t-shirts; tee-shirts; chemises tissées; casquettes de baseball; bonnets de bain; casquettes de plage; visières de casquette; casquettes (couvre-chefs); casquettes plates; […] bonnets de nuit; casquettes de sport; bonnets de bain.

et je rejette l’opposition contre chacune des Demandes selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi en ce qui a trait à l’autre produit :

[…] bonnets de douche; […].

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge

 

Le français est conforme aux WCAG.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-02-08

COMPARUTIONS

Barry Gamache

Pour l’Opposante

Personne n’a comparu

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

ROBIC

Pour l’Opposante

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour la Requérante

 

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