Contenu de la décision
OPIC
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CIPO
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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADEMARKS
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Référence : 2021 COMC 233
Date de la décision : 2021-10-20
NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45
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BenefitHub, Inc.
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Partie requérante
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et
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Frontline Centre Inc.
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Propriétaire inscrite
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LMC550,087 pour BENE FIT & DESSIN
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Enregistrement
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Introduction
[1]
La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC550,087 pour la marque de commerce BENE FIT & DESSIN (la Marque), appartenant actuellement à Frontline Centre Inc (la Propriétaire).
[2]
La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec ce qui suit :
Produits : Cartes de remise, cartes de débit, cartes de crédit, cartes d’identité et cartes de sécurité.
Services : Services d’administration, de règlement des demandes, de gestion de l’information, de traitement des paiements, de vérification d’admissibilité, et tenue de dossiers de renseignements sur les employés, tous pour les régimes d’avantages sociaux des employés, et services de marketing pour le compte de fournisseurs et de distributeurs de régimes d’indemnisation.
[3]
Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.
La procédure
[4]
À la demande de BenefitHub, Inc (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 4 juin 2020, à la Propriétaire.
[5]
L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 4 juin 2017 au 4 juin 2020 (la période pertinente).
[6]
La définition d’« emploi » est énoncée à l’article 4 de la Loi, comme suit :
4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.
4(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.
[7]
Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le critère relatif à la preuve que le propriétaire enregistré doit respecter est assez faible [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448] et une « surabondance d’éléments de preuve » n’est pas requise [voir Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque a été employée en liaison avec chacun des produits et des services visés par l’enregistrement.
[8]
En l’absence d’emploi tel, conformément à l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement d’une marque est susceptible d’être radié, à moins que le défaut d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales qui le justifient.
[9]
En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Frank Pasquill, exécuté le 27 août 2020.
[10]
Seule la Partie requérante a déposé des observations écrites et aucune audience n’a été tenue.
La preuve
[11]
L’affidavit est bref, composé des paragraphes pertinents suivants, sans pièce :
[traduction]
3. Frontline Inc a reçu l’avis de produire en date du 4 septembre 2020 la preuve d’emploi de « [la Marque] » au Canada au cours de la période de trois ans précédant la date de l’avis en liaison avec les produits et les services couverts par l’enregistrement. Par conséquent, nous fournirons une explication du défaut d’emploi au cours de la période du 4 juin 2017 au 4 juin 2020. Les raisons pour le défaut d’emploi étaient hors de notre contrôle, comme des changements perturbateurs dans la technologie de l’information et des restrictions de voyage en raison de la pandémie de COVID-19.
4. RAISON NO 1 – CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE
En juillet 2018, nous avons rencontré notre développeur système Alleyne Inc pour discuter des répercussions potentielles de la technologie de chaîne de blocs hautement perturbatrice sur la prestation des services « BENE FIT ». Au cours de l’étude de cette nouvelle méthode de traitement des demandes, nous avons décidé d’étudier l’emploi potentiel de la marque de commerce dans une interface de téléphones intelligents. Les décisions nous ont éloignés de l’emploi des marques de commerce sur des cartes de crédit et de débit et nous ont rapprochés de leur emploi sur les cartes d’identité et sur notre site Web iBENE-fit.com.
5. En octobre 2019, nous avons examiné le développement système effectué par Alleyne Inc qui avait :
* étudié l’application de la chaîne de blocs pour cette plateforme et présenté des recommandations;
* préparé un modèle de circuit de travail et de processus autour duquel le système sera conçu;
* préparé des esquisses pour les applications mobiles;
* préparé un design bout à bout de l’application mobile et de la plateforme.
6. Après avoir examiné les développements ci-dessus, nous avons conclu que la technologie de chaîne de blocs accorderait aux employeurs le niveau le plus élevé de sécurité au cours de la prestation d’avantages flexibles non imposables à leurs employés. Par conséquent, nous avons décidé de reporter notre emploi des marques de commerce BENE FIT jusqu’à ce que le logiciel de chaîne de blocs ait été testé et qu’un nouveau plan de marketing ait été élaboré intégrant l’emploi d’une interface de téléphones intelligents.
7. RAISON NO 2 – PANDÉMIE DE COVID-19
En raison des interdictions de voyages en raison de la COVID-19, depuis mars 2020 nous n’avons pas été en mesure de rencontrer en personne nos investisseurs potentiels. Par conséquent, nous pensons maintenant d’employer les marques de commerce dans du matériel de collecte de fonds en vue d’appuyer une nouvelle stratégie de « financement participatif » par Internet.
Analyse et motifs de la décision
[13]
Dans ses observations, la Partie requérante affirme que les [traduction] « raisons » fournies par la Propriétaire sont insuffisantes pour démontrer des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque. À cet égard, la Partie requérante souligne les questions pertinentes suivantes :
·
la Propriétaire a pris une décision volontaire et délibérée d’explorer une nouvelle technologie pour son entreprise;
·
l’incapacité de la Propriétaire de voyager pour rencontrer des investisseurs en personne en raison de la COVID-19 est seulement survenue à la fin de la période pertinente (mars 2020);
·
la Propriétaire n’a fourni aucune preuve quant à la façon dont la Marque était employée à tout moment en liaison avec les Produits et les Services;
·
la preuve reste muette quant à la raison pour laquelle la Propriétaire doit parler avec des investisseurs potentiels près de 20 ans après l’enregistrement de la Marque.
Le test relatif aux circonstances spéciales
[14]
Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a effectivement pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. La Cour fédérale a conclu que des circonstances spéciales signifient des circonstances ou des raisons qui sont « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst), au para 29].
[15]
Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances spéciales justifient la période de défaut d’emploi. Cela repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une véritable intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills].
[16]
La pertinence du premier critère est évidente, étant donné que les raisons qui peuvent justifier une brève période de défaut d’emploi peuvent ne pas suffire pour justifier une période étendue de défaut d’emploi; autrement dit, les motifs du défaut d’emploi seront soupesés contre la durée du défaut d’emploi [selon Harris Knitting Mills].
[17]
Ces critères sont tous trois pertinents, mais la satisfaction du deuxième critère est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129].
[18]
L’intention de reprendre l’emploi sous peu doit être justifiée par « un fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)].
Pourquoi la marque de commerce n’a-t-elle pas été employée au cours de la période pertinente?
[19]
Dans son affidavit, M. Pasquill offre deux raisons pour le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente : [traduction] « changements perturbateurs dans la technologie de l’information » et [traduction] « restrictions de voyage en raison de la pandémie de COVID-19 » [paragraphe 3].
[20]
Puisque M. Pasquill n’indique pas à quel moment la Marque a été employée pour la dernière fois, les raisons du défaut d’emploi ne sont pas actuellement claires en l’espèce. Comme l’a souligné la Partie requérante, la pandémie de COVID-19 est survenue seulement à la fin de la période pertinente et ne couvre pas l’ensemble de la période du défaut d’emploi. De plus, il n’est pas clair pourquoi l’incapacité de tenir des réunions en personne avec des investisseurs potentiels explique l’absence d’emploi, en particulier compte tenu du fait que la Marque a été enregistrée en 2001.
[21]
En considérant l’affidavit de M. Pasquill sans réserve, les raisons pour le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente semblent être une combinaison de la décision de la Propriétaire de mettre à l’essai un nouveau logiciel pour les téléphones intelligents et d’élaborer une nouvelle stratégie de marketing [paragraphe 6], laquelle a elle-même été interrompue par la pandémie de COVID-19 vers la fin de la période pertinente.
Les raisons du défaut d’emploi constituent-elles des circonstances spéciales?
[22]
Même en prenant les événements décrits dans l’affidavit de M. P sans réserve, je suis d’accord avec la Partie requérante qu’ils ne constituent pas des circonstances spéciales. Bien que la pandémie puisse avoir perturbé les activités de la Propriétaire, cela ne compte que pour une courte période vers la fin de période pertinente et l’auteur de l’affidavit n’explique pas, par exemple, comment l’absence de réunions en personne avec des investisseurs potentiels a mené la Propriétaire à ne pas employer la Marque. Plus important, l’absence initiale d’emploi semble être le résultat d’une décision commerciale volontaire par la Propriétaire d’étudier d’autres technologies et d’élaborer une nouvelle stratégie de marketing. Que cela soit aggravé par la pandémie ou pas, une telle décision commerciale volontaire ne constitue pas des circonstances qui sont « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles ».
[23]
En effet, dans son affidavit, M. Pasquille renvoie à deux occasions à des décisions commerciales prises par la Propriétaire pour expliquer le défaut d’emploi :
·
Paragraphe 4 : [traduction] « [...] Au cours de l’étude de cette nouvelle méthode de traitement des demandes, nous avons décidé d’étudier l’emploi potentiel de la marque de commerce dans une interface de téléphones intelligents. Les décisions nous ont éloignés de l’emploi des marques de commerce sur des cartes de crédit et de débit et nous ont rapprochés de leur emploi sur les cartes d’identité et sur notre site Web iBENE-fit.com. »
·
Paragraphe 6 : [traduction] « [...] Par conséquent, nous avons décidé de reporter notre emploi des marques de commerce BENE FIT jusqu’à ce que le logiciel de chaîne de blocs ait été testé et qu’un nouveau plan de marketing ait été élaboré intégrant l’emploi d’une interface de téléphones intelligents. »
[24]
À la lumière de ce qui précède, je ne peux pas conclure que les raisons du défaut d’emploi de la Marque correspondent à des circonstances spéciales en l’espèce.
Les circonstances justifiaient-elles le défaut d’emploi?
[25]
Peu importe, même si je devais accepter que les explications de la Propriétaire peuvent être considérées comme des circonstances « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles », je ne suis pas convaincu qu’il justifie la période du défaut d’emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire ait satisfait aux critères indiqués dans Harris Knitting Mills.
[26]
D’abord, en ce qui a trait à la période du défaut d’emploi, dans des cas tels que celui-ci où un propriétaire n’indique pas ou ne peut pas indiquer la date du dernier emploi, le registraire peut considérer la date de l’enregistrement comme la date pertinente aux fins de l’évaluation de la période du défaut d’emploi [voir, par exemple, Clark, Woods c Canaglobe International Inc (1992), 47 CPR (3d) 12 (COMC)].
[27]
En l’espèce, puisque la Marque a été enregistrée en 2001, la période du défaut d’emploi aux fins de ce critère est un long 20 ans.
[28]
Deuxièmement, comme il est indiqué ci-dessus, M. Pasquill renvoie à des décisions commerciales prises par la Propriétaire, sans expliquer comment ces décisions étaient hors du contrôle de la Propriétaire.
[29]
Troisièmement, autre qu’une vague déclaration concernant l’emploi possible de la Marque dans du matériel de collecte de fonds au paragraphe 7 de l’affidavit, nous sommes plongés dans le doute quant à savoir si la Propriétaire commencera (ou recommencera) à employer la Marque en liaison avec les Produits et les Services et, le cas échéant, à quel moment cela pourrait se produire.
[30]
Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire ait démontré des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque à l’égard de chacun des Produits et des Services au cours de la période pertinente.
Décision
[31]
Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.
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Martin Béliveau
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Président
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Commission des oppositions des marques de commerce
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Office de la propriété intellectuelle du Canada
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Traduction certifiée conforme
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William Desroches
Le français est conforme aux WCAG
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COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE
OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA
COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER
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DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue
AGENTS AU DOSSIER
Aucun agent nommé
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Pour la Propriétaire inscrite
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Gowling WLG (Canada) LLP
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Pour la Partie requérante
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