Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 240

Date de la décision : 2021-10-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Barrette Legal Inc.

Partie requérante

et

 

Biologische Heilmittel Heel GmbH

Propriétaire inscrite

 

LMC383,470 pour TRAUMEEL

Enregistrement

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC383,470 pour la marque de commerce TRAUMEEL (la Marque).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[3] Le 8 mai 2018, à la demande de Barrette Legal Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à Biologische Heilmittel Heel GmbH (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[4] La base de données indique que la Marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Préparations pharmaceutiques pour le traitement des entorses, des dislocations, des contusions, des épanchements de sang et des épanchements articulaires, des fractures, des commotions cérébrales, des oedèmes et des enflures des tissus mous postopératoires et post-traumatiques, de l’inflammation dégénérative des organes et des tissus, de la parodontite, de la parodontose et de la suppuration des poches parodontales.

(2) Préparations vétérinaires, nommément médicaments homéopathiques destinés aux animaux pour soulager les douleurs musculaires et articulaires ainsi que pour soulager la douleur, l’inflammation et les ecchymoses associées aux blessures, comme les entorses, les dislocations et les contusions; produits hygiéniques à usage médical, nommément onguents pour masser, apaiser et rafraîchir la peau irritée, pour le traitement des contusions, des lacérations et des mauvaises plaies qui tardent à guérir, des engelures, des brûlures et des inflammations de la peau, pour améliorer l’apparence de la peau ainsi que pour rendre la peau plus lisse et plus douce et procurer une sensation de confort.

Services

(1) Services médicaux, nommément offre de médicaments homéopathiques.

(2) Publication d’un site Web sur les médicaments homéopathiques et leur utilisation.

(3) Services vétérinaires.

[5] Un avis prévu à l’article 45 précédent a été donné à la Propriétaire le 21 avril 2015. Subséquemment, le 17 juin 2017, la décision a été prise par le registraire de radier, entre autres, l’ensemble des services. Nonobstant cette décision, je remarque que la base de données n’a pas été mise à jour pour tenir compte de la décision de 2017 et que les services étaient toujours énumérés dans l’enregistrement lorsque l’avis en cause a été donné en mai 2018. Aux fins de cette décision, je n’évaluerai pas les services comme faisant partie de l’enregistrement existant et je confirme que l’enregistrement sera mis à jour pour bien tenir compte de la décision de 2017. Peu importe, je note que la Propriétaire n’a pas produit de preuve d’emploi dans le cadre de cette procédure concernant l’un de ces services radiés.

[6] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 8 mai 2015 au 8 mai 2018.

[7] La définition pertinente d’emploi en l’espèce est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[8] Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le critère relatif à la preuve que le propriétaire enregistré doit respecter est assez faible [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448] et une « surabondance d’éléments de preuve » n’est pas requise [voir Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst), au para 3]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

[9] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Maria Dolores Pérez, exécuté le 23 novembre 2018.

[10] Les deux parties ont déposé des représentations écrites et étaient présentes à une audience.

La preuve

[11] Mme Pérez est une directrice au sein de la Propriétaire, un fabricant et distributeur de médicaments naturels. Elle affirme que la Propriétaire fabrique presque l’ensemble de ses produits à Baden‑Baden, en Allemagne, et que ces produits sont ensuite distribués partout dans le monde au moyen de filiales régionales et de partenaires de distribution locaux.

[12] Au Canada, les produits ont été vendus par différents distributeurs jusqu’à ce que la Propriétaire crée une filiale en 1994, Heel Homeotherapy Canada, laquelle est éventuellement devenue Heel Canada Inc. En raison de deux actions collectives aux États‑Unis qui ont entraîné des règlements, la Propriétaire a décidé de se retirer de la vente directe au Canada en 2014. Les dernières ventes à Heel Canada ont eu lieu en avril 2014, laquelle a vendu en retour les produits à des acheteurs au Canada jusqu’en août 2014.

[13] Bien qu’il n’y ait aucun distributeur au Canada, Mme Pérez affirme que [traduction] « de nombreux distributeurs européens continuent d’expédier des produits de marque TRAUMEEL à des consommateurs au Canada ». Elle ajoute que [traduction] « les distributeurs européens qui vendent les produits Heel offrent des produits de marque TRAUMEEL à des consommateurs sur Amazon Canada [...] et Ebay Canada ».

[14] Dans la dernière partie de l’affidavit de Mme Pérez, intitulée [traduction] « NOS PLANS POUR RÉINTÉGRER LE MARCHÉ CANADIEN », elle affirme que, en 2017, la Propriétaire a conclu un accord avec son distributeur aux États‑Unis, MediNatura Inc. Avec ce nouvel accord, Mme Pérez explique que la Propriétaire prévoit une distribution accrue de [traduction] « capsules et onguents TRAUMEEL » qui [traduction] « débutera au Canada sous peu ». Par conséquent, Mme Pérez indique que la Propriétaire a conservé tous ses enregistrements auprès de Santé Canada.

[15] En appui, les pièces pertinentes suivantes sont jointes à l’affidavit de Mme Pérez :

· La Pièce C est composée d’emballages de produits, de publicités et de publications. En ce qui concerne les publicités et les publications, bien que certaines soient en anglais, Mme Pérez n’atteste pas de leur distribution ou de leur circulation au cours de la période pertinente. En ce qui a trait aux emballages montrés, je remarque que ceux-ci ne sont pas en français ou en anglais. La Marque et le nom de la Propriétaire figurent sur eux. Cependant, Mme Pérez ne précise pas les produits visés par l’enregistrement représentés par cette pièce.

· La Pièce E est composée d’une feuille de calcul montrant les expéditions de différents produits comme « TRAUMEEL AD US VET 50 AMP ELA » et « TRAUMEEL S 50 TAB CA » au Canada de la Propriétaire à sa filiale Heel Canada Inc entre le 26 février 2013 et le 23 avril 2014.

· La Pièce F est décrite par Mme Pérez comme [traduction] « des déclarations de [...] Metropolitan Pharmacy et Bulexpo Ltd. concernant les ventes de produits de marque TRAUMEEL à des clients canadiens ». Je remarque que cette pièce est composée de deux documents intitulés Affidavit. Dans le premier, il n’y a aucun nom ou adresse et l’espace où l’auteur de l’affidavit devrait indiquer le nombre de clients au Canada est vide. Dans le deuxième, l’auteur de l’affidavit déclare avoir livré des produits à une adresse en Bulgarie.

· La Pièce G est composée d’imprimés d’une recherche sur Amazon.ca pour « traumeel ». Je remarque que cette recherche a été menée le 14 novembre 2018 et qu’il y a 23 résultats. Pour chaque résultat, le nom, une photo du produit ou de l’emballage et un prix sont indiqués. De ces 23 produits, 17 contiennent « traumeel » dans le nom et, pour sept d’entre eux, la Marque est arborée sur la photo à côté du produit. Les photos à côté du nom des autres produits arborent d’autres marques.

· La Pièce H est composée d’imprimés d’évaluations sur Amazon.ca pour des produits, à savoir des onguents, des capsules et des gouttes par voie orale, portant la Marque et de pages de profil des évaluateurs. Je remarque que plusieurs évaluateurs sont du Canada et il y a une mention [traduction] Achat vérifié à côté de la plupart des évaluations. Cependant, je remarque que la date d’achat n’est pas mentionnée.

· La Pièce I est composée d’un imprimé de deux pages intitulé Business Report Bulexpo Ltd. Mme Pérez affirme que cet imprimé indique les ventes faites par le distributeur Bulexpo Ltd. de la Propriétaire, de janvier 2017 à août 2018, de certains produits visés par l’enregistrement à des acheteurs canadiens. Je note que, à la première page, neuf produits différents sont énumérés et, pour chacun des produits, un certain nombre d’unités commandées et un prix en dollars canadiens. Toutefois, il n’y a aucune date ou confirmation d’expédition. La deuxième page indique que différents produits ont été vendus et expédiés au Canada, comme [traduction] « Traumeel S Onguent 100g », [traduction] « Traumeel capsules en 2 paquets » et [traduction] « Traumeel S – Analgésique anti-inflammatoire antidouleur – Onguent homéopathique – 100 g ». Cependant, les dates d’achat sont du 27 mai 2018 au 12 août 2018 et, par conséquent, après la période pertinente.

· La Pièce J est composée d’une facture et d’une confirmation d’expédition d’un client canadien achetant [traduction] « Traumeel S – Analgésique anti-inflammatoire antidouleur – Onguent homéopathique » et [traduction] « Traumeel S Onguent 100g ». Sur cette confirmation, il y a une photo de chacun des produits commandés et la Marque est présente sur les deux produits et leur emballage. Il y a également des photos des emballages et des produits reçus par le client. Dans ces photos, je remarque que la Marque ne figure pas sur les produits ou l’emballage reçus par le client. Mme Pérez affirme que [traduction] « la vente a été conclue en juillet 2018, mais serait représentative des ventes sur Amazon.ca qui ont été continues depuis au moins le début de 2015 ».

· La Pièce L est composée d’un imprimé de Santé Canada indiquant les enregistrements de la Propriétaire pour six différents produits de marque « Traumeel S ».

Analyse

[16] La Partie requérante soulève les questions suivantes :

  • Une partie de l’affidavit et certaines des pièces représentent une preuve par ouï-dire.

  • Tout emploi en liaison avec les produits par les distributeurs de la Propriétaire ne profite pas à la Propriétaire.

  • La preuve est ambiguë quant à la marque de commerce qui est arborée sur les produits vendus par le distributeur.

  • La Propriétaire n’a pas associé les produits vendus par les distributeurs aux produits visés par l’enregistrement.

  • Les produits vendus par le distributeur ne constituent pas la pratique normale du commerce de la Propriétaire.

  • Il n’y a aucune circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi de la Marque.

Admissibilité de l’affidavit et des pièces

[17] Je suis d’accord avec la Partie requérante que plusieurs pièces jointes à l’affidavit ne sont pas de la Propriétaire, mais de tiers, comme les imprimés de la Pièce G de produits vendus par Amazon.ca, les imprimés de la Pièce H d’évaluations sur Amazon.ca et l’imprimé de la Pièce I d’un distributeur concernant les ventes de produits. Certainement, la dépendance sur des recherches sur Amazon.ca et des imprimés de celui-ci comme preuve de transfert au Canada est questionnable dans le meilleur des cas. Cependant, la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45 est telle que des préoccupations de ouï‑dire devraient être dirigées vers le poids de la preuve, plutôt que son admissibilité [voir Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18]. Il convient d’admettre sans réserve les déclarations faites par un déposant et d’accorder une crédibilité substantielle aux déclarations contenues dans un affidavit produit dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive Inc, 2018 COMC 79, au para 25]. Par conséquent, toute préoccupation concernant la fiabilité des déclarations de Mme Pérez et des pièces sera évaluée ci-dessous en termes de poids plutôt que d’admissibilité.

Liaison entre la Marque et les Produits

[18] La Partie requérante allègue que la preuve est [traduction] « contradictoire concernant la marque de commerce assujettie aux ventes alléguées aux pièces G et H ». En particulier, la Partie requérante note que certaines des évaluations contenues à la Pièce H, comme [traduction] « Il était vendu avant au Canada, mais maintenant nous devons l’obtenir de la Bulgarie, donc l’étiquette est différente », [traduction] « un peu surpris que la langue sur la boîte est le polonais » et [traduction] « j’ai commandé traumeceel pour l’original, pas sous le nom de marque tpaymnns ». Pour cette dernière évaluation, l’évaluateur a fourni une photo avec son évaluation et la Marque n’est pas présente sur le produit reçu. La Partie requérante souligne également que la Marque ne figure pas sur les photos de la Pièce J de l’emballage reçu par un client canadien.

[19] Dans ses représentations, la Propriétaire mentionne l’échantillon d’emballage à la Pièce C, affirmant que bien que deux marques de commerce figurent sur certains des emballages, la Marque n’est par arborée par tous les emballages. À cet égard, la Propriétaire remarque que Mme Pérez affirme dans son affidavit que les distributeurs de la Propriétaire expédient [traduction] « les produits de marque TRAUMEEL aux consommateurs au Canada ».

[20] Cependant, Mme Pérez n’indique pas clairement que les emballages à la Pièce C sont représentatifs des emballages envoyés aux clients canadiens au cours de la période pertinente. Les emballages de la Pièce C ne sont pas en anglais ou en français et ne correspondent pas aux emballages montrés dans les photos de la Pièce J comme une vente [traduction] « représentative ». De plus, je suis d’accord avec les observations de la Partie requérante concernant la preuve contradictoire qui se trouve dans les évaluations à la Pièce H. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la preuve démontre clairement que tous les produits vendus par le distributeur de la Propriétaire au cours de la période pertinente arboraient la Marque ou étaient autrement associés à la Marque.

Transfert des produits au Canada au cours de la période pertinente

[21] Même si je devais accepter que les produits vendus par le distributeur de la Propriétaire aient été associés à la Marque, la Propriétaire n’a pas produit une preuve suffisante pour démontrer que les produits visés par l’enregistrement ont été, en fait, transférés au Canada au cours de la période pertinente.

[22] Bien qu’il ne soit pas obligatoire de produire des factures pour répondre de façon satisfaisante à un avis prévu à l’article 45 [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)], une certaine preuve que des transferts ont eu lieu dans la pratique normale du commerce au Canada est nécessaire [John Labatt c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Une telle preuve peut prendre la forme de documents comme des factures et des rapports de vente, mais elle peut aussi être obtenue à l’aide de déclarations assermentées claires concernant des volumes de ventes, la valeur en dollars des ventes ou des données factuelles équivalentes [voir, par exemple, 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79].

[23] En l’espèce, la Propriétaire invoque les évaluations sur Amazon.ca (à la Pièce H), affirmant qu’au moins 23 clients canadiens ont acheté des onguents de marque TRAUMEEL, au moins 2 clients canadiens ont acheté des capsules de marque TRAUMEEL et au moins 3 clients canadiens ont acheté des gouttes par voie orale de marque TRAUMEEL. La Propriétaire invoque également le rapport opérationnel de la Pièce I du distributeur et la vente [traduction] « représentative » à la Pièce J faite après la période pertinente.

[24] Il est questionnable de savoir si de telles ventes [traduction] « indirectes » devraient être considérées comme étant « dans la pratique normale du commerce » au sens de l’article 4(1) de la Loi. Dans le meilleur des cas, elles semblent être des ventes isolées par l’entremise d’un distributeur étranger sur Amazon.ca. Peu importe, ces pièces ne sont pas suffisantes pour permettre de conclure que le transfert des produits visés par l’enregistrement a eu lieu au Canada au cours de la période pertinente, dans la pratique normale du commerce ou autrement. D’abord, j’accorde peu de poids aux évaluations de la Pièce H et au rapport opérationnel de la Pièce I. Même si je devais accepter le rapport comme un document commercial plutôt que des ouï-dire, il ne démontre aucune vente des produits visés par l’enregistrement à des Canadiens au cours de la période pertinente. De plus, les évaluations sur Amazon.ca ne sont pas fiables, puisqu’il n’y a aucune date d’achat des produits et il n’est pas clair si la Marque était arborée sur les produits évalués. En ce qui concerne la vente [traduction] « représentative » de la Pièce J, les produits montrés sur la confirmation d’expédition, portant la Marque, ne sont pas ceux qui figurent dans les photos des produits reçus par le client canadien. L’emballage n’est pas en français ou en anglais, la Marque n’est pas présente et Mme Pérez n’indique pas les produits qui ont été vendus à ce client. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il y a une preuve de transfert des produits visés par l’enregistrement au Canada au cours de la période pertinente.

[25] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Par conséquent, la question est de savoir si, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, des circonstances spéciales existaient pour justifier le défaut d’emploi de la Marque.

Circonstances spéciales

[26] Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit d’abord décider de la raison pour laquelle la marque commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting )]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont de nature inhabituelle, peu courantes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst) (John Labatt)].

[27] Si le registraire décide que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, il doit quand même décider si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination nécessite l’examen de trois critères : (1) la durée pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (2) la question de savoir si le défaut d’emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (3) la question de savoir s’il avait l’intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting, précité]. Ces critères sont tous trois pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129].

[28] Dans son affidavit, Mme Pérez renvoie aux deux actions collectives contre Heel Inc, la filiale de la Propriétaire aux États‑Unis, et aux règlements subséquents pour expliquer le retrait des ventes directes au Canada. Elle indique que ceux-ci ont créé un fardeau financier pour les filiales et qu’une [traduction] « révision complète » de l’emballage et des publicités était nécessaire pour se conformer aux règlements.

[29] Il n’y a aucune preuve qui suggère que la décision de la Propriétaire de se retirer du marché canadien était autre chose qu’une décision commerciale, en raison des règlements. En l’absence d’autres détails concernant ces poursuites et ces règlements, je ne suis pas en mesure de conclure que les circonstances décrites dans l’affidavit de Mme Pérez sont si « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » qu’elles permettent de respecter la norme des circonstances spéciales formulée dans John Labatt.

[30] En tout état de cause, même si je devais accepter que le retrait des ventes directes au Canada en raison de poursuites peut être considéré comme des circonstances « de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles », je ne suis pas convaincue que cela justifie la période du défaut d’emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire ait respecté les critères indiqués dans Harris Knitting, particulièrement le deuxième critère.

[31] Le retrait du marché canadien n’était pas hors du contrôle de la Propriétaire; plutôt, cela semble avoir été une décision commerciale en raison de la nature des règlements. Mme Pérez affirme que la Propriétaire devait modifier l’emballage et les publicités conformément aux règlements. Cependant, elle n’a pas expliqué pourquoi la Propriétaire a choisi de ne pas le faire. De plus, la preuve indique que la Propriétaire a priorisé d’autres marchés par rapport au marché canadien, puisque les ventes des produits de la Propriétaire ont repris aux États‑Unis, mais pas au Canada.

[32] Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire ait établi des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[33] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

 

Ann-Laure Brouillette

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 18 août 2021

COMPARUTIONS

Nicola M. Hunt

Pour la Propriétaire inscrite

Bruno Barrette

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Nicola M. Hunt

Pour la Propriétaire inscrite

Barrette Legal Inc.

Pour la Partie requérante

 

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