Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2021 COMC 261

Date de la décision : 2021-11-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Weeds Glass & Gifts Ltd.

Opposante

et

 

Kenneth Kinnear

Requérant

 

1,845,028 pour WEEDS WORLD

Demande

le dossier

[1] Le 29 juin 2017, Kenneth Kinnear (le Requérant) a produit la demande no 1,845,028 (la Demande) pour enregistrer la marque de commerce WEEDS WORLD (la Marque), fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec la marijuana séchée.

[2] La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce daté du 22 août 2018, et le 22 octobre 2018, Weeds Glass & Gifts Ltd. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). Conformément à l’article 70, tous les renvois aux articles de la Loi relatifs aux motifs d’opposition visent la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019. Les motifs d’opposition sont fondés sur la non-conformité à l’article 30, ainsi que l’absence du droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et c), la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d) et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2.

[3] Le 14 novembre 2018, le Requérant a déposé et signifié sa contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition. À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Donald Joseph Briere, président de l’Opposante. À l’appui de la Demande, le Requérant a produit l’affidavit de Kenneth Kinnear, le Requérant dans cette procédure. Ni l’un ni l’autre des déposants n’a été contre-interrogé.

[4] Seul le Requérant a produit des observations écrites et seule l’Opposante était présente à l’audience.

[5] L’Opposante a retiré ses motifs d’opposition invoqués en vertu de l’article 30e) à l’audience.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[6] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Lorsque ce fardeau est assumé, le Requérant a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs précis d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 à la p. 298].

Questions préliminaires

Invocation par le Requérant d’éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier

[7] Dans ses observations écrites, le Requérant a fourni des informations sur le type de cannabis qui l’intéresse, ce dont il s’agit et la façon dont il est cultivé, et pourquoi ses effets permettent de le considérer comme un produit de qualité supérieure. Ces faits n’ont pas été déposés dans le cadre d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle et ne sont donc pas considérés comme faisant partie du dossier. Par conséquent, je n’en tiendrai pas compte.

Allégation selon laquelle l’emploi par l’Opposante des marques WEEDS et WEEDS & Design est illégal

[8] M. Briere, président de l’Opposante, a fait les déclarations suivantes dans son affidavit au sujet de l’emploi par l’Opposante des marques WEEDS et WEEDS & Design (les marques WEEDS) en liaison avec les produits et services de l’Opposante liés au cannabis :

· l’Opposante a employé les marques WEEDS et le nom commercial WEEDS dans l’exercice de ses activités de façon continue depuis environ 2012;

· depuis sa constitution en société en 2012, l’Opposante a atteint une expansion maximale de 23 magasins au Canada;

· les marques de commerce WEEDS de l’Opposante apparaissent sur les façades et les enseignes de ses magasins; sont jointes en tant que Pièce C des photographies de façades de magasins affichant bien en vue la marque WEEDS & Design, et ce, depuis ou vers 2013;

· depuis environ 2017, l’Opposante exploite un site Web pour promouvoir ses produits et services, et ses marques WEEDS y apparaissent sur chaque page; la Pièce D est constituée de captures d’écran de pages Web du site Web de l’Opposante téléchargées le 30 avril 2019 ou aux alentours de cette date;

· les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont apparues de manière extensive sur des cartes postales, des brochures, des affiches, des étiquettes de produits, des emballages de produits, des cartes de visite et des publicités pour les produits et services au cours de la période de 7 ans précédant la signature de l’affidavit (Pièces E à J);

· les dépenses approximatives de l’Opposante pour [traduction] « le marketing et la préparation de matériel de publicité, de marketing et de promotion en liaison avec les marques de l’Opposante » ont varié entre 4 000 $ en 2012-2013 et 524 000 $ en 2017-2018;

· l’Opposante a perçu des revenus bruts [traduction] « provenant de la vente de ses différents produits dans des magasins de détail » allant de 100 000 $ en 2012-2013 à plus de 18 000 000 $ en 2017-2018.

[9] Le Requérant estime que dans la mesure où les preuves de l’Opposante démontrent un emploi antérieur de ses marques et noms commerciaux, cette dernière ne devrait pas être autorisée à invoquer un tel « emploi illégal ». À cet égard, je note les observations suivantes faites par le requérant, soit dans l’affidavit de M. Kinnear, soit dans les observations écrites du Requérant :

· Le gouvernement fédéral canadien a légalisé la possession et la vente de cannabis en 2018. Avant cela, la possession et la vente de cannabis étaient illégales et soumises à des sanctions strictes.

· Lorsque le cannabis est devenu légal, chaque province et territoire a mis en place son propre cadre réglementaire afin de contrôler la vente du cannabis dans cette province ou ce territoire.

· Le Requérant croit que l’Opposante admettrait volontiers avoir vendu beaucoup de cannabis illégal au Canada. Le Requérant ne pense pas qu’il soit exagéré de dire que l’Opposante est fière de son histoire, car elle a exprimé clairement cette position de nombreuses manières publiques facilement accessibles sur Internet.

· L’Opposante n’a été en possession d’une licence valide d’une province ou d’un territoire lui permettant de ventre légalement du cannabis dans cette province ou ce territoire à aucun moment depuis que la vente de cannabis est devenue légale le 17 octobre 2018.

· L’Opposante n’a jamais vendu de cannabis légalement au Canada, jamais.

· Si l’Opposante entreprend effectivement l’une ou l’autre de ces activités, elle ne le fait pas légalement, mais illégalement. Aucune de ces activités n’est actuellement légale selon les lois canadiennes.

· Tout emploi par l’Opposante de ses marques de commerce pour vendre du cannabis avant la légalisation du cannabis le 17 octobre 2018 ne serait pas qualifiée d’emploi d’une marque de commerce dans la pratique normale du commerce.

· Avant la légalisation, les seuls fournisseurs légaux de cannabis étaient les producteurs autorisés à le faire par le gouvernement fédéral.

· L’Opposante n’était pas, n’est pas et n’a jamais été un producteur agréé légalement autorisé à vendre du cannabis.

[10] Comme l’a fait remarquer l’Opposante, le Requérant n’a pas expliqué la source de ses revendications concernant les activités de celle-ci, ni expliqué comment il était en mesure d’avoir une connaissance directe de l’inexactitude alléguée des revendications de l’Opposante. De plus, même si le Requérant n’était pas obligé de le faire, il aurait pu choisir de contre-interroger M. Briere sur son affidavit pour vérifier la véracité de l’une des déclarations qu’il a faites ou pour clarifier toute ambiguïté dans son témoignage.

[11] En l’espèce, je considère que l’expression « emploi illégal » désigne un emploi qui n’est pas en conformité avec le droit criminel ou avec les lois provinciales ou fédérales pertinentes. Pour déterminer si l’Opposante peut invoquer ou non l’emploi de ses marques de commerce à l’appui de son opposition, j’estime que le passage suivant de la décision de la Cour fédérale Sunbeam Products, Inc c Mister Coffee Services Inc (2001), 2001 CFPI 1218 (CanLII), 16 CPR (4th) 53 (CF) [Sunbeam] est instructif dans son approche de cette question :

Dans l’affaire McCabe, la Cour fédérale avait été saisie de la preuve qu’un tribunal américain avait conclu que l’emploi de la marque de commerce par l’intimée constituait une atteinte aux droits de l’appelante. Dans l’affaire Lunettes Cartier, la Commission des oppositions avait été saisie d’éléments de preuve indiquant que l’intimée était visée par une injonction de la Cour fédérale lui interdisant d’employer les marques de commerce, les mêmes marques de commerce qu’invoquait l’intimée au soutien de son opposition.

En l’espèce, la preuve n’indique pas clairement que l’emploi de la marque de commerce MISTER COFFEE par la défenderesse est illégal. Cette question nécessite la tenue d’une audience. […] Dans le cadre d’une opposition faite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, le registraire n’a pas compétence pour procéder à une audience complète avec présentation de preuves orales pour déterminer la légalité de l’emploi par la défenderesse de sa marque de commerce. Si la question de la légalité est claire, le registraire a alors compétence pour statuer que la défenderesse ne peut pas invoquer son emploi de la marque de commerce parce que cet emploi n’est pas légal. En l’espèce, le registraire ne peut pas en arriver à cette conclusion claire dans la procédure d’opposition.

[12] Comme dans la décision Sunbeam, j’estime que la question de la légalité de l’emploi des marques de commerce par l’Opposante en l’espèce n’est pas suffisamment claire. Contrairement aux décisions McCabe et Lunettes Cartier citées par Sunbeam, il n’y a en l’espèce aucune preuve de la conclusion par une cour à l’existence d’un crime. Bien que je puisse être disposée à prendre connaissance d’office du fait que la légalisation de la marijuana médicale au Canada a eu lieu en 2001, et que la légalisation du cannabis en tant que drogue récréative a eu lieu le 17 octobre 2018, en l’absence d’une conclusion d’une cour selon laquelle l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce WEEDS en liaison avec ses produits et services liés au cannabis était illégal, je serais réticente à tirer une conclusion concernant la question de savoir si l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce WEEDS en liaison avec ses produits et services, que ce soit avant ou après cette date, constitue effectivement une activité illégale [The Blue Note Restaurant Inc c Bensusan Restaurant Corporation, 2000 CanLII 28646 (CA COMC)].

[13] Je voudrais également ajouter que, comme l’a fait valoir l’Opposante à l’audience, les enregistrements de marque de l’Opposante sont toujours en vigueur et doivent donc être pris en considération, puisque la validité de l’enregistrement d’un opposant n’est pas en cause dans une procédure d’Opposition [Sunshine Biscuits, Inc c Corporate Foods Ltd (1982), 61 CPR (2d) 53, à la p. 62 (CF 1re inst)].

[14] Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante peut invoquer l’emploi et les enregistrements de ses marques WEEDS à l’appui de son opposition.

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition fondés sur la confusion

[15] La déclaration d’opposition comprend trois motifs d’opposition fondés sur la confusion avec les marques de commerce WEEDS de l’Opposante : l’article 12(1)d), l’article 16(3)a) et l’article 2. Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de chacun de ces motifs sur la base des enregistrements invoqués et du témoignage de M. Briere :

(a) En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), l’Opposante s’est acquittée de son fardeau; j’ai consulté le registre pour confirmer que les enregistrements no LMC952,676 pour la marque de commerce WEEDS et no LMC952,668 pour la marque de commerce WEEDS & Design existent bel et bien [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

(b) En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), l’Opposante s’est acquittée de son fardeau par la preuve (i) de l’emploi des marques WEEDS sur les étiquettes et l’emballage des produits, sur la façade de ses magasins et sur son site Web et (ii) de ventes importantes des produits et services avant la date de dépôt de la demande [Affidavit Briere, Pièces H et I; para 19 et 20].

(c) En ce qui concerne le motif d’opposition relatif au caractère distinctif, le témoignage de M. Briere, y compris l’emploi des marques de commerce WEEDS de l’Opposante sur la façade de son magasin, sur son site Web, sur les étiquettes et les emballages des produits, ainsi que les dépenses en marketing et les renseignements sur les ventes de l’Opposante dont il est question ci-dessous, montre que les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont devenues suffisamment connues pour nier le caractère distinctif de la marque à la date de dépôt de la déclaration d’opposition [Bojangles, Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), à la p. 58].

Sens de la confusion entre les marques de commerce

[16] Comme il a été mentionné précédemment, la question déterminante à trancher est celle de savoir si la marque WEEDS WORLD, pour de la marijuana séchée, crée de la confusion avec les marques de commerce WEEDS de l’Opposante pour des produits et services liés au cannabis, figurant à l’annexe A ci-jointe. Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi, comme il est indiqué ci-dessous :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués ou exécutés par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale. Par conséquent, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion d’une marque avec l’autre, mais la confusion des produits ou des services d’une source avec ceux d’une autre source.

[17] En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs de la marijuana séchée du Requérant, vendue sous la marque WEEDS WORLD, croiraient que la marijuana séchée a été produite ou autorisée par l’Opposante ou a fait l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante qui vend des produits et services liés au cannabis sous les marques de commerce WEEDS. Il incombe au requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion.

Critère relatif à la confusion

[18] Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte, au moment de décider si deux marques créent de la confusion, sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles mentionnées expressément aux articles 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids puisque le poids qu’il convient de donner à chaque facteur dépend des circonstances : voir la décision Gainers Inc c Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Toutefois, comme l’a indiqué le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361, bien que le degré de ressemblance soit mentionné en dernier lieu à l’article 6(5), il arrive souvent qu’il soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Prise en compte des facteurs d’évaluation de la confusion

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19] Les marques WEEDS de l’Opposante sont intrinsèquement faibles, étant donné que la composante principale de la marque figurative et la seule composante de la marque nominale sont les mots ordinaires WEEDS du dictionnaire, qui ont un sens descriptif par rapport au caractère des produits et services de l’Opposante. À cet égard, je suis disposée à prendre connaissance d’office du fait que le Canadian Oxford Dictionary inclut une définition en argot de « weed » comme de la marijuana :

[traduction]

1. une plante sauvage qui pousse là où elle n’est pas désirée.

2. informel, une personne mince d’apparence faible ou méprisable.

3. argot, marijuana.

[20] La Marque est aussi intrinsèquement faible parce que la composante WEEDS est très suggestive, sinon descriptive, de la marijuana séchée du Requérant. L’Opposante a soutenu à l’audience que le mot WORLD n’ajoute pas au caractère distinctif de la Marque, car il s’agit d’un mot fréquemment utilisé dans le monde des affaires. Bien que cela puisse être le cas, en l’absence de preuves le démontrant, ce n’est pas un fait dont je suis disposée à prendre connaissance d’office.

[21] À mon avis, la marque est intrinsèquement plus forte que les marques WEEDS de l’Opposante parce que la composante WORLD de la Marque ne suggère rien de particulier en liaison avec la nature ou la qualité des produits du Requérant. Bien que le Requérant soutienne dans ses observations écrites que la marque WEEDS WORLD suggère [traduction] « une occasion en or pour le Canada d’être le leader mondial dans le nouveau secteur innovateur de l’importation de cannabis de qualité supérieure », il n’a produit aucune preuve établissant qu’il vend un produit de cannabis de qualité supérieure. Toutefois, même s’il l’avait fait, cela n’aurait rien enlevé au fait que le mot WEEDS dans la Marque est également descriptif des produits du Requérant.

[22] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues au Canada, je dois déterminer la mesure dans laquelle les marques de commerce WEEDS de l’Opposante étaient devenues connues au Canada aux dates pertinentes pour ce motif d’opposition. Le témoignage de M. Briere concernant la mesure dans laquelle les marques WEEDS de l’Opposante étaient connues a été décrit ci-dessus au para 9.

[23] L’Opposante a fourni des preuves de la manière dont ses marques de commerce WEEDS apparaissent sur les façades des magasins, ainsi que sur les étiquettes et les emballages des produits. L’Opposante a fourni des preuves de l’augmentation des ventes de ses produits entre 2012-2013 et 2017-2018, et a démontré qu’elle s’est élargie, comptant 23 magasins au Canada. Bien que l’Opposante n’ait pas fourni une ventilation du pourcentage de ses ventes attribuables à ses différents produits et services, je suis d’accord avec l’agent de l’Opposante que cela n’est pas déterminant, puisque tous les produits et services de l’Opposante sont liés au cannabis et donc similaires aux produits du Requérant.

[24] Je suis donc convaincue, d’après la preuve, que les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont devenues connues dans une large mesure au Canada et qu’un tel emploi intensif accroît l’étendue de la protection à accorder à ces marques de commerce [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238, au para 6 (CF 1re inst)].

[25] En revanche, la marque WEEDS WORLD dont l’enregistrement est demandé est une marque dont l’emploi est proposé et rien ne prouve qu’elle ait acquis un caractère distinctif ou qu’elle ait été employée à une date pertinente. Le premier facteur de l’article 6(5), qui est une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis, favorise donc l’Opposante en raison du caractère distinctif acquis de ses marques de commerce WEEDS.

Période pendant laquelle les marques ont été employées au Canada

[26] Compte tenu de ce que j’ai dit plus haut, la période pendant laquelle chaque marque a été employée favorise l’Opposante.

Genre des produits, des entreprises et nature du commerce

[27] Dans ses observations écrites, le Requérant soutient, entre autres, qu’il n’a aucun intérêt à s’impliquer dans le cannabis cultivé au Canada. Le Requérant fournit également des détails sur le seul type de cannabis qui l’intéresse, appelé « landrace », qui ne peut être cultivé au Canada.

[28] Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, je ne peux pas tenir compte de faits allégués concernant le produit du Requérant qui ne figurent pas dans la preuve au dossier.

[29] Je conclus donc que la marijuana séchée du Requérant est essentiellement identique au cannabis de l’Opposante et qu’elle est liée à tous les produits et services de l’Opposante liés au cannabis.

[30] En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, la preuve de l’Opposante montre que ses produits et services liés au cannabis ont été vendus à la fois dans des magasins de détail et en ligne. Le Requérant n’a fourni aucune preuve concernant ses voies de commercialisation proposées. En l’absence de preuve contraire, j’estime que les voies de commercialisation des parties pourraient se chevaucher.

Degré de ressemblance

[31] Comme je l’ai indiqué précédemment, dans Masterpiece, la Cour suprême a énoncé que le degré de ressemblance entre les marques a souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion [voir aussi Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst), à la p. 149, conf. par 60 CPR (2d) 70] et elle a choisi de commencer son analyse relative à la confusion en considérant ce facteur. Même si la Cour suprême a fait observer que même si le premier mot d’une marque de commerce peut être le plus important, aux fins du caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], elle est d’avis que l’approche préférable pour comparer les marques consiste à déterminer d’abord s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique. Il a également été jugé que, s’il est généralement admis que la première composante d’une marque est la plus importante aux fins de la distinction entre les marques, l’importance de ce facteur diminue si la première composante est suggestive ou descriptive [voir la décision Reno‑Dépôt c Homer TLC Inc (2009), 84 CPR (4th) 58 (COMC) au para 58].

[32] La Marque comporte la marque nominale WEEDS de l’Opposante dans son intégralité en tant que première composante. Toutefois, étant donné que cette composante est descriptive, j’estime que la deuxième composante de la Marque permet de la distinguer dans une certaine mesure.

[33] Je considère donc qu’il n’y a qu’un degré passable de ressemblance entre les marques dans la présentation et le son. Les idées suggérées entre les marques sont également similaires en ce qu’elles suggèrent soit la marijuana elle-même, soit quelque chose en rapport avec la marijuana.

Circonstance de l’espèce : jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[34] Comme il est indiqué ci-dessus, les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont des marques intrinsèquement faibles, car elles sont descriptives de la nature de ses produits et services. La Marque n’est pas intrinsèquement forte pour des raisons similaires.

[35] Il est bien établi que des différences relativement petites suffiront à distinguer les marques faibles [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 2001 CFPI 1024 (CanLII), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst), au para 66]. Dans la décision Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL (2005), 2005 CF 1550 (CanLII), 46 CPR (4th) 112, au para 31 (CF 1re inst), le juge de Montigny explique :

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés […]

[36] Toutefois, il est possible d’accroître le degré de distinction attribuable à une marque faible par une utilisation extensive [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238, au para 6 (CF 1re inst)]. Étant donné que la marque de l’Opposante a acquis un caractère distinctif par l’emploi, la jurisprudence sur les marques faibles n’est pas un facteur qui aiderait le Requérant en l’espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[37] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire pressé la vue de la marque de commerce WEEDS WORLD sur les produits de marijuana séchée du Requérant alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce WEEDS de l’Opposante en liaison avec des produits et services liés au cannabis, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[38] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce et après avoir appliqué le critère relatif à la confusion comme étant une question de première impression et du souvenir imparfait, je conclus que les probabilités de confusion entre la Marque et les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont équilibrées équitablement entre une conclusion de confusion et d’absence de confusion. Le Requérant ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce WEEDS. Bien que j’aie tenu compte du fait que les marques de commerce WEEDS de l’Opposante sont des marques faibles, l’étendue de leur protection a été accrue en raison de l’emploi par l’Opposante. En outre, il existe un certain degré de ressemblance entre les marques des parties, et les produits des parties sont identiques. Tous ces facteurs pèsent en faveur d’une probabilité de confusion.

[39] Ma conclusion est la même à chacune des différentes dates pertinentes pour les motifs d’opposition : la date de dépôt de la demande (article 16(3)a)), la date de production de la déclaration d’opposition (caractère distinctif) et la date de ma décision (article 12(1)d)). En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli, de même que les motifs fondés sur les articles 16(3)a) et 2.

[40] J’ajouterai que si le Requérant avait fourni des preuves suffisantes de l’état du registre et de l’état du marché concernant l’emploi de marques similaires à celles des parties en l’espèce à l’égard des produits et services similaires, ma conclusion aurait pu être différente.

Motifs d’opposition restants

[41] Étant donné que j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante pour trois motifs, je ne considère pas qu’il soit nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition.


 

Décision

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme
Hortense Ngo

 

Le français est conforme aux WCAG.

 


[43]  


Annexe A

Marques de commerce enregistrées de l’Opposante

LMC952,676 – WEEDS

Produits

(1) Cannabis, ainsi que préparations et produits dérivés du cannabis, nommément marijuana, cigarettes de marijuana, résine de cannabis, huile de cannabis, cannabis sous forme de cristaux, pâte de cannabis, cire de cannabis, graines de cannabis, cannabidiol, cannabinol, tétrahydrocannabinol et cannabinoïdes.

(2) Produits alimentaires contenant des cannabinoïdes, nommément huiles alimentaires, protéines en poudre, barres-collations, barres énergisantes, substituts de repas en barre, chocolats, bonbons, pastilles, bonbons gélifiés, gommes à mâcher, ainsi que produits de boulangerie-pâtisserie, nommément petits gâteaux, gâteaux, muffins, pâtisseries, biscuits, biscuits secs, scones, pains complets, pain et brioches, carrés au chocolat et tartes.

(3) Boissons contenant des cannabinoïdes, nommément boissons gazeuses, lait, thés et eaux minérales.

(4) Produits de soins du corps contenant des cannabinoïdes, nommément crèmes pour le corps, les mains et le visage, lotions de bain et lotions pour la peau, hydratants pour la peau et lotions hydratantes, crèmes topiques, gels, baumes, produits en vaporisateur, baumes à lèvres et onguents.

Services

(1) Services de vente au détail, nommément vente au détail et vente en ligne de cannabis et de ses dérivés, d’huiles, de teintures, de crèmes, de baumes, de pastilles, ainsi que d’aliments et de boissons contenant des cannabinoïdes, de pipes, de pipes à eau, de bols, de « nails » et de papier pour fumer et vapoter le cannabis et ses dérivés.

(2) Services éducatifs concernant la marijuana à usage médical et ses bienfaits, la réglementation et la promotion de la marijuana à usage médical ainsi que la recherche sur la marijuana à usage médical.

 

 


 

LMC952,668 Weeds & Design

Produits

 

 

 

Services

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-11-03

COMPARUTIONS

Andrew Lew

Pour l’Opposante

Aucune comparution

Pour le Requérant

AGENTS AU DOSSIER

Palmer IP Inc.

Pour l’Opposante

Aucun agent nommé

Pour le Requérant

 

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