Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 295

Date de la décision : 2021-12-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Osler, Hoskin & Harcourt, LLP

Partie requérante

et

 

Oakley, Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC446,883 pour EYESHADES

Enregistrement

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC446,883 pour la marque de commerce EYESHADES (la Marque).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[3] À la demande de Osler, Hoskin & Harcourt LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi le 24 juillet 2018, à Oakley, Inc (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[4] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

(1) Lunettes de soleil et accessoires pour lunettes de soleil, nommément lentilles de rechange, branches, plaquettes et bandes de mousse.

(2) Lunettes de soleil et leurs pièces et accessoires, nommément lentilles de rechange et branches; boîtiers spécialement adaptés pour les lunettes de soleil et leurs pièces et accessoires.

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 24 juillet 2015 au 24 juillet 2018 (la période pertinente).

[6] La définition pertinente d’emploi en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Il est bien établi que de simples allégations d’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[8] En l’absence d’emploi, conformément à l’article 45(3) de la Loi, une marque de commerce est susceptible d’être radiée, à moins que l’absence d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[9] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Jessica Freiheit, exécuté le 22 février 2019.

[10] Les deux parties ont produit des représentations écrites et étaient représentées à l’audience.

La preuve

[11] Mme Freiheit est une conseillère parajuridique avec Brandstock Legal GmbH (Brandstock) depuis juin 2014. Brandstock offre un large éventail de services associés à la gestion de biens intellectuels de tiers. Depuis 2017, Brandstock gère le portefeuille mondial de propriétés intellectuelles de Luxottica Group SpA (Luxottica) et de ses entreprises connexes, y compris le portefeuille de marques de commerce déposées canadiennes de la Propriétaire. De plus, en juillet 2017, Luxottica a exécuté une procuration générale nommant et autorisant Brandstock pour agir en son nom à l’égard de toute marque de commerce à l’échelle mondiale. Mme Freiheit indique qu’elle a accès aux registres d’entreprise de Luxottica, ou peut obtenir des renseignements de ceux-ci, et que l’affidavit est fondé sur ses [traduction] « connaissances personnelles ou celles provenant de ces registres d’entreprise ».

[12] Mme Freiheit affirme que, au cours de la période pertinente, les produits de la Propriétaire étaient vendus par l’entremise de détaillants autorisés et de sites de tiers, ainsi que directement aux consommateurs en ligne. Mme Freiheit ne divulgue pas le total des revenus ou des ventes pour des raisons de confidentialité, mais elle affirme que [traduction] « d’importantes ventes des Produits […] ont eu lieu au Canada au cours de la période pertinente et dans la pratique normale du commerce ».

[13] En appui, les pièces pertinentes suivantes sont jointes à l’affidavit de Mme Freiheit :

· La Pièce 3 est une [traduction] « page représentative montrant les lunettes de soleil EYESHADES pour la vente sur le site Web canadien d’Oakley ». Mme Freiheit confirme que cet imprimé est représentatif de la façon dont les lunettes de soleil étaient présentées au cours de la période pertinente.

· La Pièce 4 est une [traduction] « page représentative du site Web canadien d’Amazon montrant les lunettes de soleil EYESHADES pour la vente au Canada par Oakley ».

· La Pièce 5 est composée [traduction] « d’images représentatives des lunettes de soleil EYESHADES et leurs accessoires (c’est-à-dire les boîtiers) et l’emballage de ces Produits ». Mme Freiheit indique que la Marque qui figure sur les emballages correspond à la façon dont la Marque était présentée sur les emballages au cours de la période pertinente et qu’un emballage était toujours fourni aux clients canadiens au moment d’acheter les produits visés par l’enregistrement.

Analyse et motifs de la décision

[14] La Partie requérante soulève deux questions principales : i) l’affidavit n’est pas une preuve fournie par la Propriétaire et, de plus, il est composé de ouï-dire; et ii) il n’y a aucune preuve de même une seule vente des produits visés par l’enregistrement au Canada au cours de la période pertinente.

Admissibilité de l’affidavit

[15] La Partie requérante affirme que l’affidavit constitue une preuve de ouï-dire inadmissible, puisque Mme Freiheit n’est pas employée par la Propriétaire, n’est pas un distributeur ou un détaillant des produits visés par l’enregistrement et, autre que d’avoir été embauchée pour gérer le portefeuille de marques de commerce de la Propriétaire, n’a aucune connaissance directe de l’entreprise de la Propriétaire ou des faits concernant l’emploi de la Marque au Canada et que, de plus, Mme Freiheit n’est pas en position de confirmer l’exactitude des pièces. La Partie requérante ajoute également que la Propriétaire n’a fourni aucune raison expliquant pourquoi une personne ayant des connaissances directes concernant les activités de la Propriétaire et l’emploi de la Marque n’a pas été en mesure de fournir la preuve. La Partie requérante affirme par conséquent que l’affidavit ne devrait pas être accepté comme preuve. En réponse, la Propriétaire affirme qu’il n’y a aucune exigence dans une procédure en vertu de l’article 15 qu’un affidavit doit provenir directement de la Propriétaire, que la Partie requérante adopte une approche excessivement technique et que l’affidavit de Mme Freiheit est fondé sur ses connaissances personnelles et son accès aux registres d’entreprise de la Propriétaire.

[16] Les affidavits produits à titre de preuve dans les procédures en vertu de l’article 45 doivent être fournis par le propriétaire de la marque de commerce, mais n’ont pas à être attribués à l’un de ses employés [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Par conséquent, je suis d’accord avec la Propriétaire qu’elle peut fournir l’affidavit de Mme Freiheit comme sa preuve.

[17] Cependant, je suis d’accord avec la Partie requérante que l’affidavit de Mme Freiheit constitue du ouï-dire et que la Propriétaire n’a pas démontré sa nécessité ou sa fiabilité. Si Mme Freiheit avait accès aux registres d’entreprise de la Propriétaire, elle ne participait pas personnellement aux activités quotidiennes de la Propriétaire, mais était plutôt responsable de la gestion du portefeuille mondial de propriétés intellectuelles de la Propriétaire, y compris la Marque. De plus, ces registres d’entreprise ne semblent pas avoir été tenus dans la pratique normale de sa propre entreprise, mais plutôt l’entreprise de la Propriétaire. Comme l’a soulevé la Partie requérante, la Propriétaire n’a fourni aucune raison expliquant pourquoi sa preuve devait être introduite par une conseillère parajuridique de Brandstock ou pourquoi une personne ayant des connaissances directes concernant les activités de la Propriétaire et l’emploi de la Marque n’a pas été en mesure de fournir la preuve en question. Dans les circonstances, la Propriétaire n’a pas démontré la nécessité de soumettre sa preuve au moyen d’un affidavit de Mme Freiheit ou la fiabilité de la preuve fournie.

[18] Cela étant dit, dans une procédure en vertu de l’article 45, compte tenu de sa nature sommaire, « [t]oute préoccupation quant au fait que sa preuve constitue du ouï‑dire devrait être dirigée vers le poids de celle-ci, plutôt que son admissibilité » [Eva Gabor International, Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18, au para 18]. Par conséquent, toute préoccupation concernant la fiabilité de l’affidavit de Mme Freiheit sera évaluée en termes de poids plutôt que d’admissibilité.

Preuve de transfert des produits visés par l’enregistrement au Canada

[19] Bien qu’il ne soit pas obligatoire de produire des factures pour répondre de façon satisfaisante à un avis prévu à l’article 45 [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)], une certaine preuve de transferts dans la pratique normale du commerce au Canada est nécessaire [John Labatt]. Une telle preuve peut prendre la forme de documents comme des factures et des rapports de vente, mais elle peut aussi être obtenue à l’aide de déclarations assermentées claires concernant des volumes de ventes, la valeur en dollars des ventes ou des données factuelles équivalentes [voir, par exemple, 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79].

[20] En l’espèce, Mme Freiheit affirme que [traduction] « d’importantes ventes des Produits »] ont eu lieu au Canada au cours de la période pertinente. Comme il est indiqué ci‑dessus, Mme Freiheit est responsable de gérer le portefeuille de marques de commerce de la Propriétaire et, selon mon opinion, elle ne semble pas, pour cette seule raison, être en position de posséder des connaissances des registres d’entreprise de la Propriétaire et de confirmer leur fiabilité en ce qui a trait aux ventes ou d’évaluer l’importance des ventes des produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente au Canada. Peu importe, elle ne fournit aucun détail factuel concernant le volume ou la valeur des ventes et, dans ces circonstances, sa déclaration compte pour une simple allégation d’emploi plutôt que des faits démontrant l’emploi. Par conséquent, je n’accorde que très peu de poids à son affirmation et j’estime qu’elle est insuffisante pour démontrer le transfert de l’un des produits visés par l’enregistrement dans la pratique normale du commerce.

[21] De plus, Mme Freiheit affirme que la Marque est arborée sur l’emballage de chacun des produits envoyés aux Canadiens et que les images de la Pièce 5 représentent la façon dont la Marque était présentée au cours de la période pertinente sur de tels emballages. Comme il a été mentionné ci-dessus, je ne suis pas en mesure de conclure que Mme Freiheit peut attester de tels faits puisqu’elle ne participe pas aux activités quotidiennes de la Propriétaire à cet égard.

[22] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[23] Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

 

Ann-Laure Brouillette

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2021-09-16

COMPARUTIONS

Kevin Sartorio

Pour la Propriétaire inscrite

Donna White

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Gowling WLP (Canada) LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Pour la Partie requérante

 

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