Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2021 COMC 297

Date de la décision : 2021-12-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Onward Multi-Corp Inc.

Opposante

et

 

Empire Comfort Systems, Inc.

Requérante

 

1,515,141 pour
OPTIONS BY BROILMASTER

Demande

[1] Onward Multi‑Corp Inc. (l’Opposante) s’oppose à la demande d’enregistrement no 1,515,141 pour la marque de commerce OPTIONS BY BROILMASTER (la Marque) produite par Empire Comfort Systems, Inc. (la Requérante).

[2] L’opposition est principalement fondée sur l’allégation que la Marque, employée en liaison avec « grils au gaz et pièces de rechange connexes » (les Produits), crée de la confusion avec les marques de commerce BROIL KING, BROIL KING & Dessin, BROIL KING IMPERIAL et BROIL‑MATE de l’Opposante (les Marques de commerce de l’Opposante), enregistrées et employées en liaison avec les mêmes produits. La marque de commerce BROIL KING & Dessin est composée de l’expression « Broil King » dans une simple police en gras avec un chevron remplaçant le point sur chacune des lettres « i », comme il est montré ci-dessous (BROIL KING Dessin) :

BROîL KîNG DESIGN

[3] Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la demande.

Le dossier

[4] La demande d’enregistrement de la Marque (la Demande) a été produite par la Requérante le 14 février 2011 fondée sur l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Produits depuis au moins 2000.

[5] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 30 septembre 2015, et a fait l’objet d’une opposition le 29 février 2016, quand l’Opposante a produit la déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi). La déclaration d’opposition a été subséquemment modifiée le 23 juillet 2020 afin de tenir compte d’un changement dans le statut de l’un des enregistrements de marques de commerce de l’Opposante. Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles suivants de la Loi : 30i) (conformité avec les exigences officielles); 12(1)d) (enregistrabilité de la marque de commerce); 16 (droit à l’enregistrement); et 2 (caractère distinctif de la marque de commerce).

[6] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Conformément aux dispositions transitoires à l’article 70 de la Loi pour les demandes annoncées avant le 17 juin 2019, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version précédant immédiatement la modification, à l’exception de la définition de confusion aux articles 6(2) à 6(4) de la Loi, qui sera appliquée dans sa version actuelle.

[7] La Requérante a produit une contre-déclaration contenant une réfutation générale de toutes les allégations [traduction] « valides et claires » dans la déclaration d’opposition. La contre-déclaration plaide également que : i) les allégations dans les motifs fondés sur les articles 16 et 30 concernant les Marques de commerce de l’Opposante étant [traduction] « précédemment employées, révélées, visées par des demandes et déposées » sont vagues et fournissent une quantité insuffisante de détails pour permettre à la Requérante d’y répondre; et ii) l’Opposante [traduction] « n’a pas une attitude irréprochable », ayant tenté, sans succès, d’enregistrer la marque de commerce BROILMASTER pour elle-même.

[8] Les deux parties ont produit des preuves à l’appui de leurs positions respectives, ont produit des observations écrites et ont été représentées lors de l’audience.

[9] Cette affaire a été entendue avec une opposition connexe concernant la demande d’enregistrement no 1,515,140 de la Requérante pour la marque de commerce BROILMASTER, toutefois une preuve distincte a été versée au dossier de chacune des procédures. Chacune des deux affaires doit être considérée indépendamment et une décision distincte sera rendue pour la procédure connexe.

Questions préliminaires survenant de l’historique entre les parties

[10] Cette affaire n’est pas le premier conflit juridique entre les parties impliquant les marques de commerce BROIL KING et BROIL‑MATE et une marque de commerce comportant le mot BROILMASTER. Dans les arguments invoqués en l’espèce, les parties ont soulevé deux de ces oppositions antérieures :

  • L’Opposante a eu gain de cause dans son opposition contre la demande antérieure de la Requérante no 1,112,366 produite le 10 août 2001 pour enregistrer la marque de commerce BROILMASTER pour emploi en liaison avec « grilles pour barbecue au gaz » (la Demande antérieure), selon un motif alléguant de la confusion avec la marque de commerce BROIL KING, alors que les allégations de confusion avec BROIL‑MATE n’ont pas été accueillies : Onward Multi‑Corp Inc c Empire Comfort Systems, Inc, 2010 COMC 29 (l’Opposition 2010).
  • La Requérante a eu gain de cause dans son opposition contre la demande no 1,481,784 de l’Opposante pour enregistrer la marque de commerce BROILMASTER pour elle-même en liaison avec « barbecues au gaz, grils au gaz et pièces de rechange connexes », selon les motifs alléguant de la confusion avec la marque de commerce BROILMASTER de la Requérante et de ce qui compte comme de la mauvaise foi : Empire Comfort Systems, Inc c Onward Multi‑Corp Inc, 2015 COMC 80 (l’Opposition 2015 de la Requérante).

[11] Avant d’évaluer les mérites de l’espèce, j’aborderai les questions préliminaires soulevées par l’historique entre les parties.

Principe de courtoisie

[12] L’Opposante affirme que le registraire a l’obligation de respecter le principe de courtoisie judiciaire, où les décisions antérieures d’un même tribunal devraient être appliquées, à moins qu’elles soient considérées comme clairement erronées; dans un tel cas, des motifs explicites pour la déviation doivent être fournis. Sinon, l’Opposante affirme que, même si le registraire n’est pas juridiquement contraint par ses décisions antérieures, une décision antérieure concernant les mêmes marques dont il est question en l’espèce est une circonstance de l’espèce qui doit être considérée dans l’évaluation de la probabilité de confusion entre les marques.

[13] En particulier, l’Opposante affirme que le registraire devrait suivre sa décision de l’Opposition 2010 puisque i) le mot KING est [traduction] « plutôt synonyme » du mot MASTER, entraînant un [traduction] « degré élevé de ressemblance » entre les marques de commerce BROIL KING et BROILMASTER dans les idées suggérées et ii) il y a également [traduction] « un degré notable de ressemblance » entre les marques de commerce BROIL‑MATE et BROILMASTER. Selon l’Opposante, ajouter le qualificatif descriptif « OPTIONS BY » à la marque ombrelle BROILMASTER n’élimine pas la probabilité de confusion et les faits fondamentaux de cette affaire n’ont pas changé.

[14] En revanche, la Requérante affirme que l’Opposition 2010 impliquait une marque de commerce différente (BROILMASTER), des faits différents et des dates pertinentes différentes et n’a aucun poids pour la présente procédure.

[15] La doctrine de courtoisie judiciaire vise à prévenir que la même question juridique mène à des décisions différentes de la part des membres de la même cour ou du même tribunal, favorisant ainsi la certitude dans le droit [Apotex c Allergan Inc, 2012 CAF 308]. Cependant, elle ne s’applique qu’aux décisions sur un point de droit et pas aux conclusions factuelles, où chaque affaire a une matrice factuelle ou un fondement de preuves différents [Allergan, précité; Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc, 2021 CAF 166; Eclectic Edge Inc c Gildan Apparel (Canada) (LP), 2015 CF 133]. Les conclusions antérieures de fait ou de mélange de faits et de droit du registraire sont potentiellement persuasives et méritent une attention respectueuse; malgré tout, chaque affaire doit être évaluée en fonction de son propre dossier de preuves et de ses propres arguments [Amgen Inc c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 522].

[16] En l’espèce, bien qu’il y ait des ressemblances factuelles avec l’Opposition 2010 et quelques questions juridiques sous-jacentes communes, il y a également d’importantes différences entre les deux procédures, y compris les différences dans les marques de commerce elles-mêmes, dans les dates pertinentes pour divers motifs d’opposition et dans la preuve présentée. La jurisprudence a également évolué depuis l’Opposition 2010 : cette affaire a été décidée avant que la Cour suprême du Canada fournisse ses directives sur le facteur de la ressemblance dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27.

[17] Par conséquent, la courtoisie ne peut pas me mener à simplement adopter les conclusions faites dans l’Opposition 2010. Cependant, je porterai une attention respectueuse aux conclusions antérieures du registraire dans l’évaluation de l’affaire qui m’est présentée. En reconnaissant les différences dans les faits et les questions de l’Opposition 2010 et que chaque affaire doit être décidée en fonction de son propre mérite, je ferai référence à l’Opposition 2010 lorsque j’estimerai qu’il sera approprié de le faire.

Allégation d’usure

[18] L’Opposante attire également l’attention vers deux demandes d’enregistrement de marques de commerce produites par la Requérante après l’Opposition 2010 : no 1,641,445 pour BROILMASTER en liaison avec [traduction] « grils pour barbecue au charbon » et no 1,515,140 pour BROILMASTER en liaison avec « grils au gaz et pièces de rechange connexes ». L’Opposante affirme qu’un requérant ne devrait pas avoir l’option de continuellement [traduction] « produire à nouveau » une demande qui a été refusée pour représenter la question devant le même arbitre, plutôt que d’interjeter appel. L’Opposante affirme que, avec de telles procédures répétées sur plusieurs décennies, la Requérante [traduction] « a l’intention de drainer les ressources de l’Opposante ou d’épuiser la résolution de l’Opposante de maintenir ses contestations des demandes BROILMASTER de la Requérante », tout en consommant également les ressources limitées du registraire [observation écrite, à la page 14].

[19] L’Opposante affirme également que [traduction] « si l’on permet à la Requérante d’enregistrer OPTIONS BY BROILMASTER, la Requérante estimera qu’elle a le champ libre pour enregistrer BROILMASTER comme marque nominale indépendante », ce que l’Opposante considère comme [traduction] « une tentative détournée de protéger BROILMASTER, malgré le fait que [le registraire] a déjà rejeté dans le passé la demande pour BROILMASTER indépendante de la Requérante » [observation écrite, para 28, à la page 14]. À cet égard, lors de l’audience, l’Opposante a affirmé qu’un enregistrement pour la Marque mènerait les examinateurs de marques de commerce à subséquemment accepter une demande connexe pour le mot BROILMASTER en soi.

[20] Les détails des demandes no 1,641,445 et no 1,514,140 ne sont pas fournis dans la preuve, même si l’opposition de l’Opposante à la dernière a été entendue en l’espèce. Peu importe, bien que je reconnaisse que les parties devraient être en mesure de se fier à la décision finale dans une question et être protégées des dépenses et de l’incertitude liées aux attaques continues, les questions à évaluer dans les diverses affaires mentionnées par l’Opposante ne seront pas nécessairement les mêmes. Les marques de commerce qui créent de la confusion à un certain moment dans le temps ne le feront pas nécessairement à un autre moment dans le temps en raison des changements entre-temps dans le droit ou la matrice factuelle, y compris les changements dans la marque de commerce en soi ou dans les produits et services connexes. Rien n’empêche un requérant de chercher à enregistrer la même marque de commerce ou une variation de celle-ci lorsqu’un changement dans les circonstances de l’espèce pourrait faire pencher la balance en sa faveur.

[21] Par conséquent, je dois évaluer la Demande en fonction de son mérite, aux dates pertinentes en l’espèce et selon la preuve au dossier.

Allégation de gestes répréhensibles

[22] Enfin, je note l’argument de la Requérante que l’Opposante [traduction] « n’a pas une attitude irréprochable » compte tenu de sa tentative d’enregistrer la marque de commerce BROILMASTER pour elle-même, dont l’opposition a été accueillie dans l’Opposition 2015 de la Requérante. Cependant, la Requérante n’a pas établi comment la doctrine de l’attitude irréprochable, laquelle concerne en général le comportement d’un plaignant en liaison avec l’objet d’un recours équitable, s’appliquerait en l’espèce. La Requérante n’a fait aucun lien entre la demande de l’Opposante et les questions particulières à évaluer en l’espèce. Par conséquent, l’argument de la Requérante concernant une [traduction] « attitude irréprochable » n’est pas une circonstance pertinente en l’espèce.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[23] En ce qui a trait à la présente procédure, comme pour toute affaire d’opposition à des marques de commerce, le fardeau ultime relève de la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, pour chaque motif d’opposition, il incombe à l’opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de l’existence de chacun de ses motifs d’opposition. Si l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

La preuve de l’Opposante

[24] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son secrétaire, Terence R. Witzel, en date du 14 juillet 2016. M. Witzel est responsable de l’ensemble du soutien administratif aux fonctions juridiques, opérationnelles, d’approvisionnement et de transport, de logistique et de technologie de l’information de l’Opposante. Dans son affidavit, il décrit la façon dont les marques de commerce de l’Opposante ont été employées au Canada et dont on a fait leur promotion. Ce faisant, il note qu’une licence d’emploi des marques de commerce a été accordée à la filiale à part entière de l’Opposante Onward Manufacturing Company Limited (Onward Manufacturing). Joints à titre de pièces à son affidavit se trouvent des extraits du profil administratif de l’Opposante et des enregistrements de marques de commerce, certaines images de produits et une d’emballage, des copies de pages couvertures de catalogues de produits et de listes de prix et de brochures et des documents de publicités en ligne sur broilkingbbq.com et broilmatebbq.com ainsi que sur des sites Web de tiers détaillants. Je remarque que M. Witzel renvoie aux produits de l’Opposante [traduction] « barbecues » et [traduction] « grils » de manière interchangeable, expliquant qu’il considère que ces termes renvoient à des produits identiques [para 7]. Cette interprétation correspond à la preuve documentaire et je ferai la même chose.

[25] M. Witzel a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et la transcription a été versée au dossier.

[26] La Requérante affirme que l’Opposante ne peut pas invoquer certains aspects de cette preuve. J’aborderai l’admissibilité de parties particulières de l’affidavit de M. Witzel et les objections de la Requérante avant de procéder à l’examen de la preuve de la Requérante.

Écart entre la date de l’affidavit et la date de certaines pages fournies en pièces

[27] Les Pièces B et D à F de l’affidavit de M. Witzel sont composées de pages Web imprimées d’Internet, dont la plupart indiquent une date dans le coin inférieur droit. Cependant, certaines de ces dates ne sont pas cohérentes ou sont potentiellement incohérentes avec la date indiquée dans le constat d’assermentation et dans les approbations des pièces. Je note ce qui suit :

  • Les imprimés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes à la Pièce B portent une date du [traduction] « 2016-07-15 », alors que le constat d’assermentation et l’ensemble des approbations de pièces ont une date d’un jour plus tôt, le 14 juillet 2016 (ce qui correspond à l’imprimé de la Pièce F de la même base de données, portant la date du [traduction] « 2016-07-14 »).

  • La date affichée sur l’imprimé de broilkingbbq.com à la Pièce D est partiellement coupée, mais semble correspondre à la date du [traduction] « 2016-07-12 » des imprimés de la Pièce E de ce site et de l’imprimé de la Pièce D de broilmatebbq.com.

  • Sur les imprimés de broilmatebbq.com à la Pièce E, le jour du mois semble avoir été caviardé, puisque la date indique [traduction] « 2016-07- », à l’exception du dernier imprimé, où la date indique [traduction] « 2016-07-15 ».

  • À la Pièce D, la date sur l’imprimé du site Web de Home Hardware semble caviardée de la même façon alors que les imprimés du site Web de Home Depot portent la date du [traduction] « 2016-07-14 », mais ne sont pas en ordre : les résultats de recherche pour « broil mate bbq » sont suivis par i) les pages 4, puis 3, des résultats intitulés [traduction] « Gril au gaz propane avec brûleur et brûleur d’appoint Black 4 », ii) les mêmes résultats de recherche de nouveau, puis iii) les pages 1, 2, 4, 1 et 2 des mêmes résultats.

[28] Au cours du contre-interrogatoire, M. Witzel a indiqué que le bureau de l’agent de la Requérante a fourni les imprimés aux Pièces D, E et F, mais a autrement confirmé qu’il avait lui-même obtenu toutes les pièces jointes à cet affidavit [Q18 à 26]. Une demande de fournir les imprimés originaux des pages dont la date n’est pas claire a été prise en délibérée, mais n’a reçu aucune réponse en bout de compte [Q151 et 152].

[29] La Requérante affirme qu’un tel caviardage évident sans explication [traduction] « soulève d’importantes questions quant à la fiabilité de ces pièces et de l’ensemble de l’affidavit » [observation écrite, au para 32]. Selon la Requérante, une erreur administrative de cette nature aurait dû être corrigée afin de répondre à tout doute que les pièces avaient été présentées à l’auteur de l’affidavit lorsque l’affidavit a été exécuté. En revanche, l’Opposante a observé lors de l’audience que l’écart est analogue à l’absence d’une approbation par le commissaire aux serments, ce qui n’annule pas nécessairement la fiabilité des pièces elles-mêmes ou de l’affidavit dans son ensemble. Selon l’Opposante, de tels écarts n’entraînent pas nécessairement la conclusion que les pièces n’avaient pas été présentées à l’auteur de l’affidavit; par exemple, l’erreur peut provenir de la transcription du constat d’assermentation et des approbations.

[30] Puisque M. Witzel n’était pas en mesure d’expliquer les dates des pièces en question lors du contre-interrogatoire, je ne suis pas en mesure de déterminer si elles faisaient partie de l’affidavit lorsqu’il a été exécuté. Les doubles et le manque d’ordre dans les pages de Home Depot suggèrent qu’il y a eu un problème lorsque plusieurs copies de l’affidavit nécessaire ont été assemblées. Peu importe, sans la confirmation que les pages qui suivaient la date du constat d’assermentation ou qui avaient une date imprécise avaient été présentées à M. Witzel lorsque l’affidavit avait été exécuté, j’estime que les détails d’enregistrement à la Pièce B, les imprimés du site Web de Home Hardware à la Pièce D et les imprimés de broilmatebbq.com à la Pièce E sont inadmissibles.

[31] Je note toutefois que le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour les détails des enregistrements que l’Opposante invoque dans sa déclaration d’opposition et donc l’exclusion de la Pièce B de la preuve au dossier n’a aucune conséquence en l’espèce [au sujet du pouvoir discrétionnaire du registraire, voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. De plus, pour les raisons exposées ci-dessous, la considération des pages Web exclues des Pièces D et E n’aurait aucune incidence sur les résultats de ma décision.

Admissibilité des pièces préparées par l’agent de l’Opposante

[32] La Requérante affirme également que les pages Web jointes à titre de Pièces B et D à F à l’affidavit de M. Witzel sont des ouï-dire inadmissibles, puisque c’est la société d’agents des marques de commerce de l’Opposante et pas M. Witzel lui-même qui a rédigé l’affidavit et préparé les pièces. En effet, M. Witzel a reconnu au cours du contre-interrogatoire que le bureau de l’agent de la Requérante avait préparé le texte de l’affidavit et avait fourni les imprimés aux Pièces D, E et F [Q24 à 26, 32 et 33]. Cependant, il a confirmé qu’il avait examiné toutes les pièces avant la signature de l’affidavit et qu’il avait également récemment lu l’affidavit et ne voulait pas apporter de changement [Q10 et 11, 17, 27 et 28, 31].

[33] Lors de l’audience, la Requérante a affirmé que l’existence de documents téléchargés d’Internet peut seulement être établie par une personne qui a personnellement vérifié cette existence en ligne et que le contraire devrait être conclu lorsqu’un témoin possédant de telles connaissances personnelles n’est pas fourni. Selon la Requérante, [traduction] « il ne s’agit pas d’une situation où l’avocat a aidé l’auteur de l’affidavit dans la préparation de l’affidavit, mais plutôt une circonstance où des éléments des pièces formant une part importante de la preuve du témoin n’avaient même pas été présentés à l’auteur de l’affidavit avant d’exécuter l’affidavit » [observation écrite, au para 33].

[34] En revanche, l’Opposante a affirmé lors de l’audience que la participation de l’avocat dans l’arrangement des faits fournis par l’Opposante et les pièces connexes sous la forme d’un affidavit ne rend pas la preuve inadmissible. Selon l’observation de l’Opposante, les pièces doivent être considérées ensemble avec les déclarations solennelles de M. Witzel et la question de l’identité de la personne qui a physiquement imprimé les pages n’a aucune pertinence sur la véracité de son affirmation que l’ensemble des renseignements dans son affidavit provient de ses connaissances personnelles ou de sa vérification des dossiers de l’Opposante [Witzel, para 2].

[35] Je suis d’accord avec l’Opposante. Il n’y a aucune exigence que le texte d’un affidavit soit rédigé par l’auteur de l’affidavit personnellement; plutôt, un auteur d’affidavit doit attester de la véracité du contenu de l’affidavit. En l’espèce, M. Witzel confirme au début de son affidavit qu’il fait serment et que l’ensemble des renseignements qu’il fournit relève de ses connaissances personnelles ou a été vérifié par lui dans les dossiers de l’Opposante et il a confirmé au cours du contre-interrogatoire qu’il n’avait aucun changement à apporter.

[36] Je note également que les pièces en question sont composées : i) d’imprimés de détails d’enregistrements de la Base de données canadienne des marques de commerce pour les marques de commerce appartenant à l’Opposante ou opposées par elle; et ii) des publicités arborant les Marques de commerce de l’Opposante sur les sites Web de l’Opposante et ceux de ses détaillants. J’accepte que, en raison de son poste et de ses responsabilités, M. Witzel connaisse les marques de commerce de l’Opposante, ainsi que leurs voies de marketing et de distribution, et serait ainsi en position de reconnaître les documents fournis en pièces et d’attester qu’ils sont des représentations exactes des pratiques de l’Opposante. En effet, M. Witzel a confirmé lors du contre-interrogatoire qu’il est l’agent qui donne les instructions pour la production de demandes d’enregistrement de marques de commerce et d’oppositions, que ses obligations comprennent également la supervision et l’amélioration des publicités et qu’il participe également aux fonctions de ventes et de distribution de l’entreprise [Q38 à 44]. Bien que la Requérante affirme que le caviardage évident des dates sur certains imprimés de pages Web remet en question la fiabilité des pièces, l’objection particulière de la Requérante porte sur la question de savoir si les pages avaient été présentées à M. Witzel lorsque l’affidavit avait été exécuté; la Requérante ne fournit aucune raison de croire que le contenu des pages Web ne représente pas exactement les entrées dans le registre des marques de commerce ou la présentation des publicités sur les pages Web à l’époque.

[37] Dans les circonstances, je suis prête à accorder au reste de ces pièces un certain poids.

Les implications des renvois de M. Witzel à Onward Manufacturing

[38] La Requérante affirme également que l’Opposante ne peut pas invoquer l’emploi et la promotion de ses marques de commerce du 1er janvier 2001 à aujourd’hui, puisque cet emploi a été fait par sa filiale à part entière Onward Manufacturing et ne profite pas à l’Opposante.

[39] Lors de l’audience, l’Opposante a répondu en observant que, peu importe les activités d’Onward Manufacturing, l’Opposante elle-même a continué de vendre des produits en liaison avec les Marques de commerce de l’Opposante, y compris par l’entremise d’agents ou de distributeurs. Sinon, tout emploi de ses marques de commerce par Onward Manufacturing serait considéré, en vertu de la Loi, comme l’emploi par l’Opposante, puisque l’avis public a été donné que l’emploi se fait sous licence de l’Opposante.

[40] L’emploi ou la publicisation d’une marque de commerce par une entreprise sous licence du propriétaire d’une marque de commerce profitera au propriétaire seulement s’ils satisfont aux exigences de l’article 50(1) de la Loi, lequel estime que l’emploi ou la publicisation par un licencié est par le propriétaire de la marque de commerce si le propriétaire « aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services ».

[41] Cependant, rien n’empêche une entreprise d’être à la fois le licencié du propriétaire de la marque de commerce et son distributeur. Un distributeur n’emploie pas véritablement la marque de commerce du propriétaire, mais agit simplement d’intermédiaire le long de la chaîne de transactions entre le propriétaire et le consommateur ultime. Il est bien établi que la pratique normale du commerce du propriétaire d’une marque de commerce fera souvent intervenir des distributeurs et des grossistes ou des détaillants et que la distribution et la vente des produits du propriétaire par l’intermédiaire de telles entités peuvent constituer un emploi de la marque de commerce par le propriétaire, pourvu que le propriétaire constitue le premier maillon de la chaîne de distribution [Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Osler, Hoskin & Harcourt c Canada (Registraire des marques de commerce) (1997), 77 CPR (3d) 475 (CF 1re inst)].

[42] Dans son affidavit, M. Witzel indique que [traduction] « Onward Manufacturing a reçu une licence de l’Opposante le 1er janvier 2001 ou environ pour fabriquer et vendre des barbecues, des grils au gaz et des produits connexes pour le compte de l’Opposante » [para 4, mon soulignement]. Puisque M. Witzel a interprété la relation entre l’Opposante et Onward Manufacturing comme un arrangement de licence, je discuterai des dispositions de l’article 50 de la Loi avant d’aborder le propre emploi de l’Opposante.

Emploi sous licence en vertu de l’article 50 de la Loi

[43] Lorsqu’une marque de commerce est employée par un licencié, le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle requis pour bénéficier de l’article 50(1) : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, produire une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, produire une copie d’un contrat de licence qui prévoit expressément le contrôle exigé [Empresa Cubana Del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102]. De plus, lorsque l’avis public a été donné de l’identité du propriétaire et du fait que l’emploi est sous licence, l’article 50(2) de la Loi crée une présomption réfutable que l’emploi est autorisé par le propriétaire avec le contrôle requis.

[44] En l’espèce, la preuve ne contient pas d’attestation que l’Opposante contrôle le caractère ou la qualité des produits fournis en liaison avec l’une de ses marques de commerce. M. Witzel précise que la licence comprend le versement de droits et le droit d’employer les Marques de commerce de l’Opposante, mais demeure muet quant à qui contrôle le caractère ou la qualité des produits. Également, l’Opposante ne fournit pas de copie d’un contrat de licence prévoyant le contrôle requis. Bien que l’Opposante ait pris en délibéré une demande de contre-interrogatoire pour les parties pertinentes de l’accord de licence [Q71], en bout de compte l’Opposante n’a pas répondu à cette demande.

[45] Je ne suis également pas convaincue que la preuve démontre autrement le contrôle requis. À cet égard, la jurisprudence indique clairement que la structure administrative ou la possession de parts à elles seules n’appuient pas une conclusion que l’entreprise mère contrôle le caractère ou la qualité des produits vendus par la filiale [Live! Holdings, LLC c Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, 2020 CAF 120]. Au moins un document dans la preuve suggère que Onward Manufacturing partage l’adresse de l’Opposante [comparaison de la liste de prix des détaillants de 2014 mentionnant Onward Manufacturing à la Pièce D avec le rapport du profil administratif de l’Opposante à la Pièce A]. Cependant, dans l’absence de tout autre indice, le simple fait que les deux entreprises partagent les mêmes bureaux ne démontre pas le contrôle de l’entreprise mère sur le caractère ou la qualité des produits vendus par la filiale [voir p. ex., Schwartz Levitsky Feldman c Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, 2010 COMC 37; 2076631 Ontario Limited c 2169‑5762 Quebec Inc, 2011 COMC 92].

[46] Enfin, je ne suis pas convaincue que l’avis public ait été donné que l’emploi de Onward Manufacturing des Marques de commerce de l’Opposante est autorisé par l’Opposante, ce qui aurait permis à l’Opposante de profiter de la présomption créée par l’article 50(2) de la Loi.

[47] À cet égard, M. Witzel affirme que [traduction] « [l]e nom du fabricant (c.-à-d. l’Opposante ou Onward Manufacturing) est employé sur l’emballage pour les barbecues et grils » [para 7]. Cependant, il fournit une seule image de l’emballage qui, dans le meilleur des cas, affiche la présentation d’un logo « ONWARD » sur le côté de l’emballage [Pièce C]. Dans le même ordre d’idées, certaines pages couvertures de catalogues ou de listes de prix ou brochures arborent une abréviation comme « OMC » ou « ONWARD » [Pièce C]. Cependant, de telles notations sont ambiguës sur des documents qui portent une date de 2001 ou ultérieure, où elles pourraient faire référence soit à l’Opposante (Onward Multi‑Corp. Inc.) ou à Onward Manufacturing Company Limited. Dans le meilleur des cas, les deux publicités de Home Depot nomment, ou semblent nommer, l’Opposante : l’une contenant l’énoncé d’attribution [traduction] « BROIL‑MATE EST UNE MARQUE DE COMMERCE DÉPOSÉE DE O M C ONWARD MULTI‑CORP. INC. », et l’autre contenant un énoncé d’attribution qui semble correspondre à celui qui précède, bien que seule la partie supérieure des lettres soit visible dans la copie fournie à titre de pièce [Pièce D]. Cependant, puisque ces deux documents ne portent aucune date, il n’est pas possible de déterminer s’ils ont été distribués avant ou après la cession à Onward Manufacturing. Peu importe, on ne démontre pour aucun de ces documents qu’ils indiquent que l’emploi de la marque de commerce se fait sous licence.

[48] Lors de l’audience, l’Opposante a indiqué que les documents produits auprès du registraire dans la présente procédure d’opposition sont des documents publics donnant l’avis de propriété et d’octroi de licence des Marques de commerce de l’Opposante. Cependant, je ne suis consciente d’aucun poids d’autorité pour cette façon de donner l’avis au public. J’estime qu’il est peu probable que cela soit efficace, puisque cela nécessiterait que les acheteurs consultent et examinent les dossiers d’opposition pour déterminer si des licences gouvernant la marque de commerce pour le produit à acheter sont en vigueur.

[49] Dans les circonstances, je ne peux pas conclure que l’emploi de Onward Manufacturing des Marques de commerce de l’Opposante profite à l’Opposante en vertu de l’article 50 de la Loi.

Emploi par l’Opposante elle-même

[50] Lors de l’audience, la position principale de l’Opposante était que l’Opposante vend également des produits elle-même, par l’entremise de ses propres magasins de détail et par des distributeurs, des agents de ventes et d’autres détaillants, y compris des magasins de grandes surfaces. À cet égard, je souligne que la déclaration de M. Witzel selon laquelle [traduction] « [a]vant la fabrication et la vente par Onward Manufacturing pour le compte de l’Opposante, l’Opposante fabriquait et vendait les barbecues et les accessoires connexes » [para 4, mon soulignement]. Cependant, l’Opposante souligne que M. Witzel n’a jamais suggéré que l’Opposante a cessé de vendre : au contraire, M. Witzel décrit l’Opposante non seulement comme [traduction] « un fabricant chef de file », mais également comme [traduction] « un distributeur » des produits, qui les a vendus [traduction] « directement » et [traduction] « indirectement » [para 6, 8 à 11].

[51] L’Opposante affirme que son interprétation correspond à la preuve dans l’Opposition 2010, toutefois, si d’autres preuves ont été fournies dans cette affaire, elles n’ont pas été versées au dossier en l’espèce. En particulier, nulle part dans l’affidavit de M. Witzel n’est-il mentionné que l’Opposante possède ses propres magasins de détail, physiques ou en ligne. De plus, la preuve de M. Witzel au cours du contre-interrogatoire suggère que tout emploi continu par l’Opposant pourrait être minime et avoir été fait tôt. En particulier, il explique que l’Opposante a cessé de fabriquer et de vendre des barbecues après l’octroi de la licence, avec l’exception possible d’un certain inventaire existant que l’Opposante aurait toujours pu vendre en 2001 [Q72 à 76].

[52] Après avoir examiné les exemples fournis d’emploi des marques de commerce [traduction] « directement en liaison aux marchandises et aux services de l’Opposante sur […] des catalogues, des brochures […] », j’estime que seulement deux des documents portant une date ultérieure au 1er janvier 2001 indiquent une source potentielle pour les produits d’une manière non ambiguë : les listes de prix aux vendeurs de 2014 et 2015 pour BROIL‑MATE indiquent « ONWARD MANUFACTURING COMPANY LTD. » comme l’entreprise acceptant les commandes [para 7, Pièce C]. Lors de l’audience, l’attention a été attirée sur l’adresse de l’Opposante affichée dans l’en-tête de la liste de prix de 2014, toutefois rien n’empêche une entreprise mère et sa filiale d’avoir la même adresse. De plus, le seul énoncé d’attribution présenté sur les imprimés fournis de [traduction] « sites Web de l’Opposante », lequel est sur l’imprimé de broilkingbbq.com, indique « © Onward Manufacturing Company Ltd. 2016 » [para 12 et 13, Pièces D et E]. M. Witzel a reconnu au cours du contre-interrogatoire que ces sites Web appartiendraient soit à l’Opposante, soit à Onward Manufacturing [Q124]. Ainsi, les renvois de M. Witzel aux [traduction] « sites Web de l’Opposante » et à l’emploi des marques de commerce [traduction] « directement en liaison avec les marchandises de l’Opposante » comprennent des documents qui semblent provenir de Onward Manufacturing.

[53] De plus, les renvois de M. Witzel à l’emploi des Marques de commerce de l’Opposante englobent [traduction] « indirectement » l’emploi par Onward Manufacturing. À cet égard, je remarque qu’il précise que les ventes de l’Opposante sous la marque de commerce BROIL KING au Canada à compter de 2006 ont été faites [traduction] « directement ou indirectement par Onward Manufacturing » [para 8, mon soulignement]. Lors du contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé de clarifier la signification de l’expression [traduction] « directement ou indirectement » et les entités qui ont employé les Marques de commerce de l’Opposante [traduction] « indirectement », il a fourni les renseignements suivants :

  • l’Opposante avait vendu directement aux détaillants, mais a ensuite transféré ses activités opérationnelles à une entreprise d’exploitation pour la vente aux détaillants [Q103];
  • [traduction] « [d]e temps en temps, [l’Opposante] pourrait posséder un inventaire qu’elle vendrait à Onward Manufacting » [Q107];
  • [traduction] « indirectement signifie que cela se fait par l’entremise de Onward Manufacturing plutôt que directement sans la participation de Onward Manufacturing » [Q106];
  • toutes les ventes mentionnées aux paragraphes 8 à 11 de son affidavit [traduction] « seraient de Onward Manufacturing » [Q110 et 111].

[54] Si Onward Manufacturing était simplement un distributeur des produits provenant de l’Opposante et marqués par elle, alors son rôle dans la chaîne de distribution ne minerait pas l’emploi des marques de commerce de l’Opposante. Cependant, M. Witzel indique que Onward Manufacturing est licencié non seulement pour vendre, mais également pour fabriquer les grils et les produits connexes et que la publicité est préparée [traduction] « par l’Opposante ou Onward Manufacturing, ou pour leur compte, ou par des vendeurs de l’Opposante ou de Onward Manufacturing » [para 4 et 12, mon soulignement]. Le fait que Onward Manufacturing pourrait avoir des publicités préparées pour son compte et que des vendeurs agissent pour son compte à l’égard des produits qu’il a fabriqués suggère que Onward Manufacturing pourrait être la source d’au moins certains produits. Les produits marqués fabriqués par Onward Manufacturing en vertu de ses droits sous licence, plutôt que simplement dans l’exécution d’un contrat d’approvisionnement, proviendraient de Onward Manufacturing et ainsi leur vente ne profiterait pas à l’Opposante lorsque les exigences de l’article 50 de la Loi ne sont pas satisfaites.

[55] Malheureusement, M. Witzel ne distingue pas clairement les actions de l’Opposante et celles de Onward Manufacturing lorsqu’il décrit l’emploi des marques de commerce comme étant [traduction] « par [l’Opposante] ou pour [son] compte » [para 5]. Lorsqu’on lui a demandé durant le contre-interrogatoire ce qu’il entendait par l’expression [traduction] « pour le compte de », M. Witzel a fourni des réponses qui, selon mon opinion, suggèrent que Onward Manufacturing n’agit peut-être pas simplement comme l’agent, le fournisseur ou le distributeur de l’Opposante. À cet égard, il indique ce qui suit :

  • Onward Manufacturing [traduction] « s’occupe de toutes les ventes aux détaillants » et l’Opposante [traduction] « accorde simplement une licence pour la marque à Onward Manufacturing pour le faire » [Q66 à 70];
  • [traduction] « le produit est vendu par Onward Manufacturing Company aux détaillants et, en 2001, il est possible que certains produits ont été vendus par [l’Opposante] directement aux détaillants, mais elle a depuis fait la transition à la vente de tous les produits par Onward Manufacturing aux détaillants » [Q79].

[56] De plus, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il est indiqué que BROIL KING IMPERIAL a été employé [traduction] « par l’Opposante » plutôt que [traduction] « par l’Opposante ou pour son compte », M. Witzel a semblé affirmer que l’emploi était, en fait, principalement effectué par Onward Manufacturing : [traduction] « pour la plupart, Broil King Imperial avait, a été vendu par Onward Manufacturing Company, plutôt que de ne pas avoir été vraiment vendu par l’Opposante avant la vente physique du produit » [Q84 à 86].

[57] Si l’expression [traduction] « pour le compte de » visait à indiquer seulement l’agissement à titre d’agent, de fournisseur ou de distributeur, alors compte tenu du poste de M. Witzel comme secrétaire de l’Opposante, responsable de l’ensemble du soutien administratif pour les fonctions juridiques, opérationnelles et d’approvisionnement de l’Opposante, il aurait été simple pour lui de fournir un éclaircissement lorsqu’on le lui a particulièrement demandé au cours du contre-interrogatoire. Cependant, il ne l’a pas fait.

[58] M. Witzel fait quelques autres déclarations concernant l’Opposante en particulier, mais elles ne démontrent pas son emploi des Marques de commerce de l’Opposante :

  • M. Witzel affirme que des millions de barbecues au gaz ont été fabriqués [traduction] « par l’Opposante » pour exportation [para 8], toutefois il ne précise pas comment les marques de commerce sont présentées sur de tels produits, et ainsi il n’est pas possible de déterminer si les exigences de l’article 4(3) de la Loi pour l’emploi d’une marque de commerce par exportation ont été satisfaites.

  • M. Witzel affirme que [traduction] « l’Opposante » a dépensé de l’argent pour la publicisation et le marketing de la marque BROIL KING au Canada, y compris par [traduction] « les sites Web de l’Opposante » et la distribution par ses représentants commerciaux [para 8 et 9, 12 et Q121]. Cependant, la publicité en elle-même ne satisfait pas au critère d’emploi des marques de commerce établi à l’article 4 de la Loi. De plus, comme il est mentionné ci-dessus, au moins certaines publicités présentent le nom Onward Manufacturing et, par conséquent, il n’est pas clair si l’achalandage ou la réputation générés par de tels documents seraient acquis par l’Opposante ou Onward Manufacturing.

[59] La loi établit clairement que les ambiguïtés dans un affidavit doivent être tranchées à l’encontre de la partie qui présente les preuves [Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. En l’espèce, en raison des ambiguïtés dans l’affidavit de M. Witzel, je ne suis pas en mesure de déterminer l’étendue du propre emploi par l’Opposante de ses marques de commerce, lequel pourrait être simplement nominal, ou l’étendue à laquelle ces marques de commerce ont acquis une réputation entre les mains de l’Opposante.

Conclusion à l’égard de la pertinence de l’emploi par Onward Manufacturing

[60] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la preuve est insuffisante pour démontrer : i) soit que l’emploi ou la publicisation sous licence des Marques de commerce de l’Opposante par Onward Manufacturing profitent à l’Opposante; ii) soit que, après l’octroi de la licence, l’Opposante a maintenu son propre emploi ou sa propre publicisation des marques de commerce. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que l’Opposante profite de la preuve d’emploi et de la promotion de ses marques de commerce après le 1er janvier 2001.

[61] J’ajoute que ma conclusion est strictement fondée sur la preuve qui m’est présentée et qu’elle n’est pas une conclusion à l’égard de la validité ou de l’applicabilité des marques de commerce déposées de l’Opposante.

[62] Je suis également d’accord avec l’Opposante que la division de l’emploi de sa marque de commerce parmi des entités affiliées n’est pas un fait qui aiderait à établir le caractère distinctif de la Marque. Cependant, le caractère distinctif acquis des marques de commerce des deux parties devra être évalué dans toute analyse de la confusion. Également, un requérant n’a pas l’obligation de répondre à un motif d’opposition alléguant l’annulation du caractère distinctif de sa marque de commerce par la marque de commerce d’un opposant, à moins que l’opposant s’acquitte d’abord de son fardeau de preuve pour appuyer les faits plaidés à cet égard.

Preuve par opinion

[63] Enfin, je note que j’ai ignoré l’opinion énoncée de M. Witzel que les Marques de commerce de l’Opposante sont bien connues et ont une réputation importante, puisqu’il n’a pas démontré qu’il était un expert en étude de marché ou en droit des marques de commerce et qu’il n’est pas indépendant des parties. Bien que M. Witzel ait déclaré lors du contre-interrogatoire que des tests indépendants et des études de marché ont été effectués pour appuyer son opinion [Q122 et 123], ils n’ont pas été fournis dans la preuve.

La preuve de la Requérante

[64] Afin d’appuyer la Demande, la Requérante a produit une copie certifiée de l’enregistrement no LMC332,350 de l’Opposante pour la marque de commerce BROIL‑MATE, montrant qu’il a été radié le 10 mai 2018 pour avoir omis de la renouveler, ainsi que les cinq affidavits suivants.

  • L’affidavit de son vice-président (VP) des services de soutien à la livraison, Kenneth J. Belding, en date du 5 mai 2017. M. Belding, qui a précédemment occupé le poste de VP des ventes et avant cela celui de VP des services techniques, décrit la façon dont la Marque a été employée au Canada par la Requérante depuis 2003. À titre de pièces à son affidavit, il joint ce qui suit :

    • o des photos représentatives d’emballage pour des pièces, des copies de brochures de produits et de couvertures de manuels, des échantillons de factures et des documents publicitaires en ligne, y compris des pages Web du site Internet Archive Wayback Machine à web.archive.org, lequel archive l’apparence des pages Web au cours des années.

    • o des communications avec des clients que la Requérante a reçues de 2009 à 2016 de trois particuliers au Canada affirmant qu’ils ont acheté ou ont reçu en cadeau un gril BROILMASTER dans les années 1970 et 1980 et, dans certains cas, ont subséquemment acheté des pièces pour ledit gril; les courriels comprennent également des récits et des photos de grils soumis au [traduction] « Panthéon Broilmaster » du site Web de la Requérante.

M. Belding a été contre-interrogé au sujet de son affidavit; la transcription ainsi que les réponses aux engagements et aux questions prises en délibéré ont été versées au dossier.

  • L’affidavit de Jonathan W. Marchand, en date du 1er mai 2017. M. Marchand s’identifie comme un associé de la société liée à l’agent de la Requérante et fournit ce qui suit : i) des photocopies faites le 25 avril 2017 de pages du dossier du registraire concernant la cession de la demande no 112,366 pour enregistrer la marque de commerce BROILMASTER de Martin Industries, Inc. (Martin Industries) à la Requérante; et ii) des pages d’enregistrement pour les marques de commerce de la Requérante qu’il a imprimées depuis la base de données en ligne du United States Patent and Trademark Office en date du 27 avril 2017.

  • Un affidavit de D. Jill Roberts, en date du 4 mai 2017 (Roberts no 1). Mme Roberts s’identifie comme une diplômée du programme d’assistant judiciaire au Collège Cambrian à Sudbury, en Ontario, et fournit ce qui suit dans ce premier affidavit :

    • o des imprimés et des captures d’écran de pages Web qu’elle a consultées en novembre 2011 du site Web de la Requérante, du site Web d’un distributeur et du site Internet Archive Wayback Machine;

    • o des photos et des brochures de détaillants qu’elle a visités en juillet 2013.

  • Un deuxième affidavit de D. Jill Roberts, en date du 4 mai 2017 (Roberts no 2), où elle fournit ce qui suit :

    • o des pages qu’elle a imprimées de la Base de données canadienne des marques de commerce au printemps 2017 pour montrer l’état du registre en ce qui a trait aux marques de commerce formées du mot BROIL;

    • o des imprimés et des captures d’écran de pages Web qu’elle a consultés en avril et en mai 2017 du site Web de la Requérante; de sites Web d’autres fabricants, distributeurs et détaillants; et du site Internet Archive Wayback Machine;

    • o des photos et des brochures de détaillants qu’elle a visités en avril 2017.

· Un troisième affidavit de D. Jill Roberts, en date du 4 mai 2017 (Roberts no 3) où elle fournit diverses définitions de ses recherches ce jour-là dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary 1998 (Canadian Oxford), le moteur de recherche Google.ca et la Base de données canadienne des marques de commerce. Les résultats de recherche Google comprennent des imprimés de sites Web à wikipedia.org et canadianfoodandwineinstitute.ca ainsi que du site Web de l’Opposante à broilkingbbq.com.

[65] L’Opposante s’est objectée à plusieurs aspects de la preuve de la Requérante, ce que j’aborderai avant d’évaluer les motifs d’opposition.

Admissibilité des courriels de clients

[66] L’Opposante affirme que les courriels que la Requérante a reçus de particuliers au Canada qui possèdent des grils BROILMASTER des années 1970 et 1980, joints à titre de Pièce A à l’affidavit de M. Belding, constituent des ouï-dire inadmissibles. La Requérante affirme que cette preuve est nécessaire compte tenu de la difficulté d’obtenir des témoignages solennels de clients ou d’autres éléments de preuve directs remontant à si loin. La Requérante affirme également que de tels messages non sollicités envoyés de manière spontanée peuvent être considérés comme fiables.

[67] Cependant, même s’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les consommateurs fournissent un affidavit et acceptent d’être contre-interrogés pour aider la Requérante à enregistrer une marque de commerce, je ne suis pas convaincue que les déclarations des clients en l’espèce soient suffisamment fiables pour être admises pour la véracité de leur contenu. Bien que les courriels semblent avoir été reçus et conservés par la Requérante dans la pratique normale de son entreprise [Q108], les déclarations en soi ne sont pas des dossiers créés par la Requérante. De plus, ces déclarations de clients renvoient à des produits acquis il y a des décennies et l’Opposante n’a pas la possibilité d’évaluer le souvenir des clients en les contre-interrogeant.

[68] Peu importe, de telles ventes de grils BROILMASTER remontant à si loin aideraient très peu l’argument de la Requérante. La Demande revendique l’emploi d’une marque de commerce différente et seulement par la Requérante; par conséquent, son emploi par des prédécesseurs ne profiterait pas à la Requérante. Dans le meilleur des cas, la correspondance indique que, lorsqu’elle a été envoyée, à tout le moins les auteurs connaissaient la marque BROILMASTER et l’associaient avec les grils de la Requérante. Le fait qu’ils ont fait les louanges des grils BROILMASTER est une indication de la façon dont la marque était connue à l’époque et de la réputation qu’elle acquise, peu importe la véracité du contenu des courriels. Dans cette mesure, cette preuve est admissible. Cependant, de telles déclarations individuelles ne sont pas nécessairement représentatives des perceptions ou des associations du grand public, et donc la preuve n’est pas probante à cet égard [voir CIBC World Markets Inc c Stenner Financial Services Ltd, 2010 CF 397; et Joseph E Seagram & Sons Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 33 CPR (3d) 454 (CF 1re inst)].

Admissibilité de la preuve de l’état du marché

[69] Enfin, l’Opposante affirme que la preuve d’emploi de marques de commerce de la Requérante par des tiers constitue un ouï-dire inadmissible et que l’inconvénient d’obtenir une preuve directe n’écarte pas le besoin de démontrer l’emploi conformément à la Loi.

[70] Les résultats des recherches Internet sont en général considérés comme du ouï-dire et ne peuvent pas être invoqués pour la véracité de leur contenu. Cependant, ils sont admissibles pour démontrer la présentation des pages Web trouvées à ce moment et le site d’archives Wayback Machine a été accepté comme une source fiable pour démontrer la présentation dans le passé [voir Candrug Health Solutions Inc c Thorkelson (2007), 60 CPR (4th) 35 (CF), au para 21; inf pour d’autres motifs par 2008 CAF 100; et ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056, conf par 2005 CAF 96; voir également Cogan c EMusic.com Inc, 2011 COMC 34, au para 18]. Par conséquent, à titre d’exemples de la façon dont la publicité des tiers était présentée, les résultats des recherches Internet de Mme Roberts sont admissibles. Cela étant dit, le fait que certains sites Web offrant des produits en vente étaient accessibles depuis le Canada n’établit pas en soi la mesure à laquelle les Canadiens autres que Mme Roberts puissent avoir visité les sites ou que l’un des produits était effectivement vendu au Canada à tout moment pertinent.

[71] Je remarque que la Requérante invoque également certaines pages Web comme preuve des prix de l’Opposante. Dans la mesure que cette preuve constitue du ouï-dire, elle semble nécessaire et fiable, puisqu’on ne s’attendrait pas à ce que l’Opposante aide la Requérante à faire son argument et qu’elle avait la possibilité de réfuter la preuve. Je suis par conséquent également prête à accorder un certain poids à cette preuve.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion entre les marques de commerce

[72] Les principaux motifs d’opposition en l’espèce reposent sur les allégations de confusion entre la Marque et les Marques de commerce de l’Opposante. En dressant le contexte, je commencerai avec un bref aperçu de l’entreprise et du portefeuille de marques de commerce de chaque partie.

Entreprise et marques de commerce de l’Opposante

[73] L’Opposante est un fabricant et distributeur, établit en Ontario, de barbecues au gaz et de pièces de rechange, d’appareils et d’accessoires pour barbecues, lesquels sont vendus au Canada et également exportés aux États-Unis et ailleurs [Witzel, para 3, 6, 8]. Les Marques de commerce de l’Opposante sont arborées sur les barbecues eux-mêmes et sur leur emballage, ainsi que sur divers documents promotionnels [para 7, Pièces C à E]. M. Witzel affirme que les méthodes de promotion et de marketing sont principalement formées de publicités dans des journaux et des revues ainsi qu’à la télévision; des affiches, des brochures et des bulletins distribués par les représentants commerciaux de l’Opposante et expédiés sur demande ou à des listes de distribution; des affiches sur des panneaux et des remorques; du matériel de salon professionnel; des publications sur les sites Web de l’Opposante et ceux des détaillants et des marchands en ligne; et d’autres [traduction] « articles » et [traduction] « activités » non précisés [para 12 et 13, Q49, Q67].

[74] Les Marques de commerce de l’Opposante comprennent BROIL KING et BROIL KING Dessin, lesquelles ont été achetées de Jacuzzi Inc. dans les années 1980; BROIL KING IMPERIAL, laquelle renvoie au modèle haut de gamme de BROIL KING; et BROIL‑MATE, laquelle a été achetée de BD Waite Co. Limited en 1990 [para 5 et 8]. En ce qui a trait à BROIL KING Dessin, je note que les chevrons remplaçant le point sur chaque « i » ressemblent plus à des flammes de bougie dans certains des documents de marketing antérieurs, toutefois j’estime qu’il s’agit d’une variante mineure acceptable de la marque de commerce [selon les principes établis dans Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[75] De plus, j’estime que l’emploi de BROIL KING Dessin constitue également l’emploi de BROIL KING, puisque la marque nominale demeure reconnaissable et se distingue des éléments de dessin [pour les principes concernant les éléments ajoutés et la stylisation, voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[76] Je note également que sur certains grils et documents promotionnels, le BROIL KING Dessin est suivi du mot « SOVEREIGN » imprimé en angle, dans une taille et une police différentes. Puisque j’estime que BROIL KING et SOVEREIGN se distinguent comme des marques de commerce séparées, je considère qu’une telle présentation constitue l’emploi de BROIL KING et de BROIL KING Dessin [pour les principes concernant l’emploi de plusieurs marques de commerce ensemble, voir Stikeman, Elliot c Wm Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC)].

Entreprise et Marque de la Requérante

[77] La Requérante fabrique et vend des grils et des accessoires de grils au Canada et aux États-Unis sous la Marque et également la marque de commerce BROILMASTER, les deux ayant été acquises de Martin Industries en novembre 2001 [Belding, para 3 et 4, 6 et 7; voir également Marchand, Pièce A]. La Marque est arborée sur l’emballage et les manuels des produits, ainsi que sur le site Web de la Requérante et dans les brochures annuelles [Belding, para 4, 9 à 11, 22, 25]. Les grils sont fabriqués depuis les années 1960 (par des prédécesseurs antérieurs) et sont personnalisables, puisque les consommateurs peuvent choisir toutes les pièces, les matériaux et les finis [Belding, para 3 et 4]. Par exemple, un client peut choisir une tête de gril, une charrette ou un poteau et jusqu’à trois étagères et peut ajouter d’autres caractéristiques, comme un brûleur d’appoint ou une rôtissoire ou des finis améliorés [Belding, para 17 et Pièce E]. La Requérante continue de fabriquer et de fournir des pièces pour les plus vieux modèles de grils aux clients canadiens [Belding, para 5; Pièce A].

[78] Je remarque dans la preuve de la Requérante que la Marque est présentée avec « OPTIONS » en grandes lettres majuscules au-dessus de « By Broilmaster » en petits caractères avec les premières lettres en majuscule, comportant une ligne en ovale et quatre flèches en orbite autour des lettres « OPT » et un ombrage en arrière-plan, comme il est illustré ci-dessous :

[79] J’estime qu’une telle présentation constitue la présentation de la Marque telle qu’enregistrée, puisque la marque nominale demeure reconnaissable en tant que telle et se démarque des caractéristiques figuratives [selon les principes établis dans CII Honeywell Bull, précité; Nightingale Interloc, précité].

Enregistrabilité de la marque en vertu de l’article 12(1)d)

[80] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’Opposante :

Marque de commerce

No d’enregistrement

Produits visés par l’enregistrement

BROIL KING

LMC257,283

[traduction] Barbecues au gaz.

BROIL KING & Dessin BROîL KîNG DESIGN

LMC787,133

Barbecues au gaz.

BROIL KING IMPERIAL

LMC832,426

Barbecues, grils et pièces de rechange connexes.

BROIL-MATE

LMC332,350

Barbecues, pièces de rechange pour barbecues et articles utilisés avec les barbecues.

[81] L’Opposante plaide également que [traduction] « trois ou plus » de ses marques de commerce représentent une série de marques de commerce connexes et que la Marque crée de la confusion avec la série en entier. Cependant, plaider plusieurs marques de commerce créant potentiellement de la confusion sous un motif fondé sur l’enregistrabilité présente plusieurs fondements distincts d’opposition, dont chacun doit être considéré séparément, avec la confusion étant évaluée d’une marque à l’autre [Benjamin Moore & Co Limited c Home Hardware Stores Limited, 2017 CAF 53; voir également Masterpiece, précité]. Cela étant dit, l’allégation d’une série sera considérée comme l’une des circonstances de l’espèce dans le test en matière de confusion.

[82] La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Un opposant s’acquitte de son fardeau initial si l’enregistrement qu’il invoque est en règle et le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre à cet égard [Quaker Oats, précité]. Ayant exercé ce pouvoir discrétionnaire, je confirme que l’enregistrement BROIL‑MATE a été radié pour ne pas avoir été renouvelé le 10 mai 2018, mais que les enregistrements BROIL KING, BROIL KING Dessin et BROIL KING IMPERIAL (Marques de commerce BROIL KING) existent toujours.

[83] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créera probablement pas de confusion avec l’une des Marques de commerce BROIL KING.

Test en matière de confusion

[84] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice aux fins de l’enregistrement des marques de commerce [article 6(2) de la Loi].

[85] Le test en matière de confusion doit être appliqué comme une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[86] Il faut prendre en considération les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énoncées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux variera dans une analyse propre au contexte [Veuve Clicquot, précité; Masterpiece, précité; Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22].

[87] J’estime que le fait de comparer la Marque et BROIL KING (LMC257,283) permettra essentiellement de rendre une décision pour le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité. S’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et BROIL KING, alors elle ne sera pas probable entre la Marque et BROIL KING Dessin ou BROIL KING IMPERIAL. Je tournerai donc ma discussion vers l’enregistrement BROIL KING.

Ressemblance entre les marques de commerce

[88] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce en question est en général le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion [Masterpiece, précité]. Chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble; il faut éviter de les placer côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les ressemblances ou les différences [Veuve Clicquot, précité; Masterpiece, précité]. Cependant, le fait de considérer une marque de commerce dans son ensemble ne signifie pas qu’un élément dominant qui influence l’impression générale du consommateur moyen de la marque de commerce doit être ignoré [Masterpiece, précité]. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, précité, au para 64].

[89] En l’espèce, l’Opposante adopte la position que BROILMASTER est [traduction] « clairement la partie dominante de la Marque de la Requérante », alors que OPTIONS BY est [traduction] « simplement descriptive » du fait que les clients ont [traduction] « “l’option” de choisir les composants qu’ils veulent intégrer dans leur barbecue » [observation écrite, au para 26]. À cet égard, l’Opposante cite des parties du contre-interrogatoire de M. Belding où il a convenu que [traduction] « le client a le choix des composants qu’il veut » et que [traduction] « le choix est une option » [Q29 à 31]. L’Opposante affirme également que [traduction] « le renvoi dans la marque de la Requérante au terme “BY” devant le mot BROILMASTER suggère fortement que l’intention de la Requérante est que BROILMASTER soit la partie dominante de la marque ou de la marque ombrelle de la Requérante : il s’agit de la catégorie de produits “OPTIONS”, avec “BY BROILMASTER” comme origine du produit » [para 28]. Selon l’Opposante, puisque OPTIONS BY est [traduction] « grandement descriptive », l’intégration de ces mots dans la Marque [traduction] « ne fera rien pour empêcher la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante qui serait autrement créée par l’emploi par la Requérante du mot BROILMASTER » [para 29].

[90] La Requérante a plaidé lors de l’audience que les affirmations de l’Opposante quant à la façon dont la Marque sera perçue par le consommateur moyen sont des spéculations. Selon la Requérante, OPTIONS BY est la partie la plus forte de la Marque, puisqu’elle n’a aucune connotation en ce qui a trait aux Produits et ajoute une qualité à la Marque que les Marques de commerce de l’Opposante n’ont pas. La Requérante affirme qu’il n’y a rien de frappant ou d’unique en ce qui a trait au mot anglais courant BROIL, lequel signifie [traduction] « cuire (viande, etc.) par l’exposition directe à la chaleur » et est donc descriptif des grils [pour la définition, voir le Canadian Oxford dans Roberts no 3, Pièce 1]. La Requérante affirme que les consommateurs porteront donc leur attention sur les autres parties des marques de commerce respectives des parties plutôt que sur une quelconque ressemblance entre BROIL KING et BROILMASTER créée par l’élément commun BROIL.

[91] La première partie d’une marque de commerce est souvent considérée comme la plus importante aux fins de distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Toutefois, lorsque la première partie d’une marque de commerce est un terme descriptif ou suggestif, son importance diminue [Merial LLC c Novartis Animal Health Canada Inc (2001), 11 CPR (4th) 191 (CF 1re inst)]. En l’espèce, je suis d’accord avec la Requérante que le mot BROIL décrit une fonction des grils et, par conséquent, les consommateurs auraient tendance à y accorder moins d’importance. Cependant, je suis également d’accord avec l’Opposante que OPTIONS décrit le caractère des grils de la Requérante, à savoir la disponibilité de différentes options pour leur personnalisation. À cet égard, je souligne les définitions pertinentes suivantes de l’entrée du Canadian Oxford pour le mot OPTION, jointes au troisième affidavit de Mme Roberts [Pièce 1] :

[traduction]

Option :

1a l’action ou l’événement de choisir; un choix.

1b une chose qui est ou qui peut être choisie; une alternative (celles-ci sont les options).

2 liberté de choisir; liberté de choix.

[92] Dans les circonstances, j’estime que l’aspect le plus frappant de la marque de commerce BROIL KING de l’Opposante est l’idée communiquée par la marque de commerce dans son ensemble, à savoir celle d’être le [traduction] « roi » de la cuisson au grilloir. En ce qui concerne la Marque, je suis d’accord avec l’Opposante que la marque de commerce dans son ensemble suggère une gamme de produits de marque OPTIONS sous la marque ombrelle BROILMASTER. Bien que les deux éléments soient à tout le moins quelque peu descriptifs, j’estime que l’élément le plus frappant et unique des deux est le mot inventé BROILMASTER, lequel communique l’idée d’être un [traduction] « maître » de la cuisson au grilloir.

[93] De plus, j’estime que les éléments dominants des marques de commerce respectives des parties sont seulement quelque peu semblables dans la présentation et le son, principalement en raison des différences visuelles et orales entre les mots KING et MASTER. Le degré de ressemblance dans la présentation et le son entre les marques de commerce évaluées dans leur ensemble est encore plus faible compte tenu de la présence d’OPTIONS BY au début de la Marque. Cependant, il est également nécessaire de considérer les idées suggérées par les marques de commerce. À cet égard, chacune des parties fournit une interprétation différente.

[94] L’Opposante affirme que BROILMASTER est la partie de la Marque qui indiquera la source des produits et que BROIL KING et BROILMASTER sont synonymes dans leur suggestion [traduction] « d’un leader ou d’un chef qui occupe un poste prestigieux, une personne ayant du pouvoir sur une autre, un chef parmi ses compétiteurs ou une personne qui conquiert » [observation écrite, para 32].

[95] En revanche, la Requérante affirme que OPTIONS BY BROILMASTER est une phrase ou un slogan, alors que BROIL KING est de la nature d’un nom ou d’un titre. La Requérante affirme également que l’idée suggérée par OPTIONS BY BROILMASTER est que [traduction] « il y a des choix à faire et un expert ou un spécialiste dans la cuisson est là pour guider le consommateur » [observation écrite, au para 88], alors que l’idée suggérée par BROIL KING est celle d’avoir un titre royal.

[96] En ce qui a trait à la différence entre un « BROIL KING » et un « BROILMASTER », la Requérante attire l’attention sur la définition suivante du mot « king » de l’encyclopédie Wikepedia et les définitions suivantes du mot « master » du Canadian Oxford [Roberts no 3, Pièces 1, 6; les passages en évidence le sont dans l’original] :

[traduction]

Roi :

Roi est le titre donné à un monarque mâle dans un large éventail de contextes.

Maître :

5a une personne compétente dans un métier en particulier et en mesure d’enseigner aux autres (souvent attribut : maître charpentier).

5b une personne d’une grande compétence dans une aptitude ou une activité en particulier, entre autres (maîtres du violon italiens; un maître de la manipulation).

6a (au complet maîtrise) un diplôme […]

[97] De plus, la Requérante affirme que les mots anglais courants où un terme est suivi par le mot « master », comme « brewmaster », « choirmaster », « concermaster », « drillmaster », « grandmaster » et « toastmaster », sont compris comme faisant référence à quelqu’un possédant une grande aptitude dans un domaine en particulier et en mesurer d’enseigner aux autres et de les mener dans cette aptitude [citant les définitions du Canadian Oxford et de google.ca et des renseignements de sites Web trouvés dans une recherche Google; voir Roberts no 3, Pièces 1 à 5].

[98] Je note également que l’observation de la Requérante que la marque de commerce BROIL KING est particulièrement suggestive de la royauté puisque l’Opposante : i) possède également la marque de commerce BROIL KING IMPERIAL; ii) a possédé un enregistrement pour BROIL QUEEN en liaison avec des [traduction] « barbecues au gaz » [Roberts no 3, Pièce 9] et iii) fait la promotion sur son site Web des sous-marques IMPERIAL, REGAL, BARON, SOVEREIGN, SIGNET, MONARCH et GEM, lesquelles suggèrent la royauté [Roberts no 3, Pièces 7 (publicités) et 8 (définitions des mots dans les sous-marques)]. Cependant, pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), c’est l’effet de la marque de commerce déposée de l’Opposante en soi qui doit être évalué, et non l’effet des autres indices qui pourraient apparaître avec celle-ci ou à proximité de celle-ci, comme des sous-marques ou des marques sur d’autres produits dans la même gamme de produits. De tels facteurs contextuels ne limitent pas la portée de l’enregistrement d’un opposant. De plus, comme il est indiqué ci-dessus, chaque marque de commerce plaidée sous un motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité doit être considérée séparément. Par conséquent, la marque de commerce BROIL KING IMPERIAL de l’Opposante n’accorde aucune connotation supplémentaire de royauté à BROIL KING.

[99] Je suis d’accord avec la Requérante que les expressions BROIL KING et BROILMASTER ne sont pas des synonymes parfaits compte tenu de la différence dans le caractère entre un [traduction] « roi » et un [traduction] « maître ». Cependant, je ne suis pas en mesure d’accepter la position de la Requérante que les idées suggérées par les deux termes sont différentes parce que le mot KING évoque nécessairement la royauté alors que le mot MASTER n’a aucun lien avec ce concept. La preuve de la Requérante ne mène pas à la conclusion que le mot KING possède cette unique signification ou que les significations présentées par l’Opposante, particulièrement celles évoquant le leadership ou le prestige, ne surgiraient pas à l’esprit du consommateur moyen comme question d’impression immédiate dans le contexte de la marque de commerce dans son ensemble.

[100] Lorsque, lors de l’audience, on a demandé à la Requérante de commenter les significations proposées par l’Opposante pour le mot KING, la Requérante a répondu que la seule définition dans la preuve était celle de Wikipedia jointe à l’affidavit de Mme Roberts. Cependant, en évaluant ce que les consommateurs comprendraient d’une combinaison de mots courants comme « BROIL KING », le registraire doit non seulement évaluer la preuve, mais également faire preuve de bon sens [voir Candrug Health Solutions Inc c Thorkelson, 2008 CAF 100; et Neptune SA c Procureur général du Canada, 2003 CF 1re inst 715]. En l’espèce, j’estime qu’on ne peut pas affirmer raisonnablement que le mot KING a seulement l’unique sens connu soumis par la Requérante.

[101] En effet, le registraire n’a pas le droit de prendre connaissance d’office qu’un mot possède une seule signification sans une preuve à cet effet [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327; Caterpillar Inc c Puma SE, 2021 CF 974]. En l’espèce, la Requérante choisit de ne pas fournir une entrée du dictionnaire du Canadian Oxford pour le mot KING, malgré qu’elle l’ait fait pour les mots BROIL et MASTER, divers mots composés se terminant en MASTER et les sous-marques associées à la royauté de l’Opposante. Il est vrai que l’entrée Wikipedia ne fournit qu’une seule définition, toutefois Wikipedia est une encyclopédie, pas un dictionnaire. Les encyclopédies fournissent des renseignements sur un nombre de sujets; les dictionnaires fournissent les diverses significations de mots. Compte tenu de la nature et de la fonction d’une entrée d’encyclopédie, je ne peux pas conclure, uniquement selon l’entrée Wikipedia pour le titre royal de « King », que le mot KING n’a aucune autre signification courante.

[102] À cet égard, le registraire peut prendre connaissance d’office de définitions de dictionnaire pour des mots qui se trouvent dans les marques de commerce [Caterpillar, précité; Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 645]. Le dictionnaire Concise Canadian Oxford Dictionary (Toronto : Oxford University Press, 2005) confirme que le mot KING a plusieurs significations, y compris les suivantes :

[traduction]

Roi :

1 (comme titre habituellement Roi) un souverain mâle, particulièrement le dirigeant héréditaire d’un état indépendant.

2 une personne ou une chose prééminente dans un domaine ou une classe en particulier (roi du chemin de fer).

3 un grand (ou le plus grand) type de plante, d’animal, etc. (manchot royal).

[103] J’estime que dans la mesure qu’un [traduction] « roi » puisse être compris comme une personne du plus haut rang et un leader (d’un royaume ou d’une industrie particulière), la notion n’est pas entièrement différente de celle d’un [traduction] « maître », comme pour « choirmaster », « concertmaster » ou « drillmaster », soit étant dans une position importante et menant les autres. Je tiens également à souligner les définitions suivantes de l’entrée du Canadian Oxford pour le mot MASTER jointe au troisième affidavit de Mme Roberts, lesquelles portent sur une personne étant un leader ou un chef ou dans une position de contrôle [Pièce 1] :

[traduction]

Maître :

1a une personne ayant un contrôle sur des personnes ou des choses.

1c le chef mâle d’un ménage (maître de la maison).

3a le dirigeant d’un collège, d’une école, etc.

3b le dirigeant ou le président d’une société, d’une institution, d’une loge maçonnique, etc.

4a une personne qui a ou qui prend l’avantage (nous verrons lequel d’entre nous est maître).

[104] Tout compte fait, j’estime que les idées communiquées par les aspects les plus frappants des marques de commerce des parties sont semblables, malgré la différence dans la métaphore particulière employée, et que cette similarité entraîne un degré plutôt élevé de ressemblance entre les marques de commerce en général. Selon mon opinion, lorsque les termes BROIL KING et BROILMASTER sont considérés en liaison avec les produits pertinents, ni l’image d’un monarque mâle ni l’image d’un expert compétent n’est plus frappante que l’idée sous-jacente d’être le gril dominant pour la cuisson au grilloir. J’accepte que BROIL KING puisse suggérer l’idée d’un gril d’une envergure royale et, pour OPTIONS BY BROILMASTER, l’idée d’un expert ou d’un spécialiste dans la cuisson au grilloir guidant le consommateur à choisir des options. Cependant, j’estime qu’il est plus probable que le consommateur moyen qui rencontre séparément chacune des marques de commerce présentées en liaison avec un gril comprendrait, comme question de première impression, que BROIL KING indique un gril chef de fil, meilleur de sa catégorie, et que OPTIONS BY BROILMASTER indique des options disponibles pour un gril chef de fil, meilleur de sa catégorie.

[105] En résumé, compte tenu de la question de la première impression et du souvenir imparfait, j’estime qu’il y a un degré plutôt élevé de ressemblance entre les marques de commerce en raison de leur similarité conceptuelle, malgré les différences visuelles et orales entre BROIL KING et BROILMASTER et malgré l’ajout d’OPTIONS BY au début de la Marque. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et acquis

[106] Les marques de commerce des deux parties ont toutes deux un degré faible de caractère distinctif inhérent, étant formées d’éléments qui décrivent un aspect des produits connexes ou qui accordent une connotation quelque peu élogieuse à la marque de commerce dans son ensemble. Cependant, les métaphores suggérées par les marques de commerce respectives des parties fournissent à tout le moins un certain caractère distinctif inhérent.

[107] De plus, les deux parties ont produit la preuve de l’emploi et de la promotion de leur marque de commerce pour démontrer la mesure à laquelle elles sont devenues connues.

Preuve d’emploi et de promotion de l’Opposante

[108] M. Witzel affirme l’emploi continu de la marque de commerce BROIL KING en liaison avec les barbecues au gaz au Canada depuis au moins octobre 1980 [traduction] « par l’Opposante ou son prédécesseur en titre ou pour leur compte » [para 5]. Il fournit deux chiffres de ventes annuelles moyennes : une pour la période 1989-2005 et une pour la période 2006-2017 [para 8 et 9]. Il fournit également un chiffre de dépenses en marketing annuelles moyennes pour chacune de ces périodes [para 8 et 9]. Les chiffres sont substantiels.

[109] Cependant, comme il en a été question ci-dessus, pour la période après le 1er janvier 2001, M. Witzel ne fait pas clairement la distinction entre l’emploi de l’Opposante et celle de son licencié Onward Manufacturing; il ne démontre pas non plus que l’emploi d’Onward Manufacturing profite à l’Opposante. Il est par conséquent impossible de déterminer quelle part de l’achalandage ou de la réputation générés pour la marque de commerce après le 1er janvier 2001 serait acquise par l’Opposante plutôt que par Onward Manufacturing. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, la marque de commerce BROIL KING est devenue connue comme la marque de commerce de l’Opposante après le 1er janvier 2001.

[110] En ce qui a trait à l’emploi et la promotion antérieurs, plutôt que de fournir des chiffres de ventes annuelles pour chacune des années de 1989 à 2000, M. Witzel fournit une seule moyenne pour la période de 1989-2005. La mesure à laquelle les ventes pour chacune des années de 1989 à 2000 auraient pu être supérieures ou inférieures à cette moyenne sur 17 ans est inconnue. Peut-être que les ventes annuelles avant 2001 étaient limitées et que les ventes de Onward Manufacturing après le 1er janvier 2001 ont fait croître la moyenne. On peut dire la même chose pour les dépenses en marketing.

[111] M. Witzel joint également des exemples de publicités et de promotion à son affidavit. Bien que bon nombre d’entre eux soient plus récents ou sans date, je note les suivants qui précèdent ou semblent précéder l’octroi de la licence à Onward Manufacturing [Pièce C, voir également Q101 au sujet de la page couverture de 1989] :

  • des copies d’une page couverture de liste de prix aux détaillants BROIL KING de 1990, des pages couvertures de catalogues de produits annuels BROIL KING de 1989, 1991, 1992 et 1997 et ce qui semblent être des brochures pour BROIL KING SOVEREIGN de 1998 et 1999; les trois pages couvertures remontant le plus loin dans le temps illustrent des grils portant les marques de commerce BROIL KING et SOVEREIGN sur le couvercle (comme c’est peut-être le cas de la page couverture de 1997, où la marque ne peut pas être clairement reconnue en raison de la piètre qualité de la copie);
  • une publicité sans date illustrant un gril au gaz avec le numéro de modèle BK4024, arborant la marque de commerce BROIL KING sur le couvercle, en dessous de la plus petite marque de commerce JACUZZI;
  • une feuille sans date illustrant les modèles de gril BK 3020 et BK 4020 sous l’en-tête de page « Broil King », imprimé avec une feuille d’érable entre les deux mots; BROIL KING est arborée sur les couvercles de l’un des grils; selon la ressemblance des numéros de modèle au numéro BK4024 de Jacuzzi, je suis prête à accepter que les grils sont des modèles plus vieux supplémentaires.

[112] Cependant, M. Witzel ne fournit aucune information quant à la mesure à laquelle de tels documents ont été distribués ou consultés par les Canadiens. Il ne fournit non plus aucun détail concernant l’emplacement ou le moment de toute autre forme de publicité et de promotion et ne fait même pas la différence entre la publicité destinée aux consommateurs et celle destinée aux détaillants. Le site Web à l’adresse broilkingbbq.com semble s’adresser aux consommateurs, mais il n’y a aucune indication qu’il était accessible avant que Onward Manufacturing obtienne une licence pour la marque de commerce BROIL KING.

[113] Par conséquent, je ne suis également pas en mesure de déterminer dans quelle mesure BROIL KING était devenue connue entre les mains de l’Opposante avant qu’une licence ne soit octroyée à Onward Manufacturing. De plus, il n’y a aucune indication permettant de déterminer si elle demeure connue comme marque de commerce de l’Opposante aujourd’hui.

Preuve d’emploi et de promotion de la Requérante

[114] La Requérante affirme l’emploi de la marque de commerce BROILMASTER au Canada depuis au moins les années 1970. Cependant, comme il est remarqué ci-dessus, tout emploi de cet élément la Marque par un tiers qui n’est pas nommé comme un prédécesseur en titre dans la demande ne profite pas à la Requérante. Cela étant dit, je suis prête à accepter les déclarations à la Pièce A de l’affidavit de M. Belding comme preuve qu’au moins trois Canadiens associent la marque BROILMASTER à la gamme de produits de la Requérante remontant à la période des années 1970 aux années 1980, gardant à l’esprit que ces consommateurs ne sont pas nécessairement représentatifs.

[115] En ce qui a trait à la Requérante elle-même et à la Marque, M. Belding indique que la Requérante vend des grils et des accessoires de grils en liaison avec la Marque au Canada continuellement depuis au moins 2003, avec des ventes annuelles [traduction] « dans les milliers de dollars », totalisant [traduction] « plus de 300 000 dollars américains » de 2003 à la fin de 2010 et [traduction] « plus de 250 000 dollars américains » du début de 2011 à la mi‑2017 [para 8, 16, 19 et 20]. Il explique que les grils et les accessoires de grils sont vendus par des distributeurs canadiens qui, à leur tour, les vendent à des détaillants spécialisés (il nomme trois distributeurs et six magasins spécialisés) et par l’entremise de détaillants en ligne comme amazon.ca et grillspot.ca, lesquels vendent également des pièces de rechange [para 12 à 15]. Il remarque que la Requérante continue de fabriquer et de fournir des pièces pour les modèles de grils des années 1970 et 1980 [para 5]. En appui, il joint les documents suivants à son affidavit :

  • Des échantillons de factures pour des grils, des pièces et des accessoires vendus aux distributeurs au Canada chaque année de 2003 à 2017 [para 16, Pièce D]. Les produits facturés ont été expédiés au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Un large éventail de produits sont indiqués, comme des [traduction] « têtes de gril », des [traduction] « chariots », des [traduction] « poteaux de patio », des [traduction] « étagères latérales », des [traduction] « ensembles de brûleur », des [traduction] « ensembles d’allumage », des [traduction] « grilles de porcelaine » et des [traduction] « briquets de rechange », entre autres.
  • Des photos illustrant la Marque sur des boîtes d’emballage d’ensembles d’étagères de gril, de chemises et d’écrans; M. Belding affirme que ces photos sont représentatives de la présentation de la Marque sur les divers emballages de produits au Canada depuis 2003 [para 9, Pièce B].
  • Des échantillons de pages couvertures de manuels de produits inclus avec les produits vendus aux consommateurs pour des grils et des accessoires comme des brûleurs d’appoint, des volets de fumoirs, des régulateurs, des plaques chauffantes, des boîtes collectrices, des allumeurs et des étagères, représentatifs de la façon dont la Marque était arborée sur de tels manuels depuis 2003 [para 10 et 11, Pièce C].
  • Les brochures BROILMASTER annuelles de la Requérante de 2007 et 2016 [para 25, Pièce E]. Une variante de la Marque, BROILMASTER OPTIONS, est arborée sur la page de la brochure intitulée [traduction] « Construisez votre gril avec Broilmaster Options ». Cette page montre les divers composants qui peuvent être choisis pour [traduction] « personnaliser un gril Broilmaster selon vos goûts » avec l’invitation de [traduction] « choisir votre configuration préférée de tête de gril, de style de montage et d’étagère ».
  • Des pages Web imprimées de broilmaster.com en 2005, présentant la Marque dans l’en-tête [para 25, Pièce G]. Une telle page présentant la Marque porte l’en-tête [traduction] « Grils de la série Super Premium, de la série Premium, de la série Deluxe et de la série Standard » [mon soulignement] et illustre cinq grils complets, chacun représentant une série différente (la cinquième étant « SUPERB SGG SERIES »). Une deuxième page présentant la Marque comprend un long en-tête qui commence par [traduction] « Les grils au gaz Broilmaster Premium sont vendus par des détaillants et des vendeurs spécialisés » [mon soulignement].
  • Des statistiques de Google Analytics pour le site Web broilmaster.com indiquant qu’il a attiré plus de 5 000 visites du Canada au total pour la période 2002-2005 et dans les environs de 2 000 à 5 000 visites du Canada chaque année durant les périodes de 2010‑2011 et 2013-2016, avec 70 à 80 % des visites de 2010 à 2016 étant de nouvelles visites [Belding, aux para 23 et 24, Pièce F].

[116] De plus, Mme Roberts fournit des renseignements qu’elle a été en mesure d’obtenir au sujet de distributeurs, de vendeurs et de détaillants des grils BROILMASTER de la Requérante au Canada. Joints à titre de pièces à ses premier et deuxième affidavits sont les éléments suivants :

  • Des pages Web de broilmaster.com consultées directement en 2011 et archivées par le site Wayback Machine en 1999 et chaque année de 2001 à 2010, faisant la publicité de grils et d’accessoires en 1999 et 2011 et plus particulièrement de pièces de rechange comme accessoires de cuisson au grilloir de 2001 à 2010 [Roberts no 1, Pièces 1, 4 à 7; Roberts no 2, Pièce 2]. De 2003 à 2011, une page de localisateur de vendeurs indique les vendeurs au Canada : un seul vendeur est indiqué en 2003 et de 2004 à 2011 la page indique cinq ou six vendeurs, principalement en Ontario. De 2002 à 2010, la Marque est présentée dans l’en-tête des pages de vendeurs et d’accessoires de cuisson au grilloir.

§ Des extraits du site Web du distributeur canadien Diversco, indiquant qu’il offre des barbecues ou des appareils BROILMASTER, y compris des pages Web archivées en 2003, 2004 et 2008, ainsi que des pages consultées directement en 2011 et 2017 [Roberts no 1, Pièces 2 et 8; Roberts no 2, para 4 et 5, Pièces 3 à 5]. La page d’un catalogue de produits en ligne consultée en 2017 indique trois différents modèles de barbecues complets.

§ Des extraits du site Web du distributeur canadien Comfort Heating and Air Conditioning, indiquant qu’il installe des conduites de gaz pour les barbecues BROILMASTER, y compris une page Web archivée en 2015 et des pages consultées directement en 2017 [Roberts no 2, para 6 et 7, Pièces 6 et 7].

§ Une page Web de grillspot.ca offrant [traduction] « des pièces de rechange abordables pour votre gril-barbecue BroilMaster », y compris des dispositifs de brûleur, des grilles de cuisson, un écran de rayonnement et un indicateur de chaleur [Roberts no 2, para 8, Pièce 8].

§ Une page Web d’amazon.ca offrant des pièces de gril [traduction] « par Broil Master », nommément un brûleur, une trousse de régulateur du gaz naturel, une tête de gril et un [traduction] « atténuateur de flammes » [Roberts no 2, para 9, Pièce 9].

  • Des photos de trois modèles de grils BROILMASTER en vente à la boutique de détail spécialisée Romantic Fireplaces & BBQ le 10 juillet 2013 et une brochure faisant la promotion des grils BROILMASTER obtenue du magasin le même jour [Roberts no 1, para 10 à 13, Pièces 9 et 10].

[117] L’Opposante affirme que la preuve de ventes et de publicités de la Requérante n’appuie pas son argument pour un certain nombre de raisons :

  • M. Belding ne fait pas la distinction entre les ventes de grils, d’accessoires et de pièces de rechange, de manière qu’il soit possible que la totalité ou la majeure partie des ventes étaient celles d’accessoires.

  • Aucune des factures fournies à titre de pièce ne couvre suffisamment de composantes pour compléter un gril. Si le modèle d’affaire de la Requérante était de vendre des grils complets, alors on s’attendrait que les distributeurs commandent toutes les pièces pour une unité plutôt qu’une collection aléatoire de pièces qui peuvent présumément être interchangées avec celles d’autres fabricants.

  • La Marque elle-même indique la vente de composants, c’est-à-dire « options », à intégrer dans un gril pour le personnaliser, plutôt que la vente de grils complets.

  • La Marque n’est pas arborée sur les factures et il n’y a aucune preuve que les modèles de plancher du détaillant photographiés par Mme Roberts étaient vendus en fait comme des grils complets.

  • Même en supposant la vente de grils complets, la division du total des ventes par le prix moyen des grils de la Requérante suggère des ventes de seulement dix à douze grils par année.

  • Les chiffres de ventes dans la preuve dans la procédure d’opposition connexe contre BROILMASTER sont les mêmes, ce qui suggère que les chiffres pourraient être mélangés ou ce qui pourrait autrement remettre en question leur légitimité.

  • Les accessoires vendus ne sont peut-être pas des pièces de rechange. À cet égard, je note que les accessoires présentés sur le site Web de la Requérante comprennent également des articles comme des copeaux de bois, des outils de cuisine et un couvert en tissus [Roberts no 1, Pièce 1].

  • La Requérante n’a fourni aucune preuve de dépenses publicitaires.

[118] Je note d’abord que je n’estime pas que la preuve de M. Belding ne corresponde pas à la vente de grils complets. Par exemple, la facture no 157496 contient une entrée à la ligne 10 pour dix « D3BL GRILL W/GC3CART 2CTN » (pièce no D3GC). Cet article semble à première vue être composé de deux éléments de base d’un gril complet, soit une tête de gril et un chariot, plus particulièrement la tête de gril [traduction] « GRIL DELUXE NOIR D3BL-LP » (pièce no D3BL) et le [traduction] « CHARIOT DE JARDIN AVEC RECOUVREMENT ET ÉTAGÈRE » (pièce no GC3). Ces deux pièces sont indiquées séparément sur les lignes 10 et 11 de la facture no 175776. Je remarque également la facture no 18209, laquelle facture un seul prix pour trois articles : la tête de gril D3BL, le chariot GC3 et une étagère avant.

[119] De plus, je n’ai aucune raison de douter de la déclaration solennelle de M. Belding selon laquelle les factures sont pour [traduction] « des ventes de grils et d’accessoires de grils en liaison avec la marque de commerce OPTIONS BY BROILMASTER » [para 16] et je suis prête à conclure que la Marque serait, à tout le moins, arborée sur l’emballage des pièces comme l’illustrent les photos à la Pièce B de son affidavit. Je souligne également son commentaire selon lequel [traduction] « dans un gril personnalisé, chaque pièce comme la tête de gril, le chariot et les étagères sont emballés et vendus comme articles séparés et cela augmente le coût ». Compte tenu de la façon dont les grils de la Requérante sont publicisés dans les brochures et en ligne, j’accepte la caractérisation de M. Belding d’un gril dont les composants sont facturés et emballés séparément, avec assemblage requis, comme [traduction] « un gril personnalisé ». J’estime que la Marque elle-même ne manque pas de cohérence avec la disponibilité « d’options » pour la configuration d’un gril complet à être livré en pièces ou préalablement assemblé.

[120] De plus, comme il a été mentionné ci-dessus, il est bien établi que la pratique normale du commerce du propriétaire d’une marque de commerce fera souvent intervenir des distributeurs, des grossistes ou des détaillants et que l’emploi d’une marque de commerce à tout moment le long de la chaîne de distribution favorise le propriétaire, tant que les produits marqués proviennent du propriétaire [voir Manhattan Industries, précité; et Osler, Hoskin & Harcourt, précité]. Compte tenu du volume de pièces représenté dans les échantillons de factures et l’explication de M. Belding que la Requérante vend des grils dont la configuration est personnalisable, j’estime qu’il est raisonnable de conclure qu’au moins une partie des ventes substantielles de la Requérante à des distributeurs a entraîné la vente de détail de grils complets.

[121] En ce qui concerne le nombre de grils vendus, je ne suis pas d’accord que ce dernier puisse être estimé en divisant le total des ventes de M. Belding par son indication du prix de détail approximatif d’un gril. Les factures qu’il fournit représentent des prix de gros en dollars américains : par exemple, les factures no 157496 et 175776 sont de 354,97 dollars américains pour la tête de gril et le chariot susmentionnés (que ce soit en combinaison ou séparément) et la facture no 18209 est de 293 dollars américains pour la combinaison d’une tête de gril, d’un chariot et d’une étagère. Ces prix, bien que provenant de 2003-2004, ne sont pas de la même envergure que l’approximation de 3 200 dollars canadiens fournie par M. Belding pour une tête de gril, un chariot et une étagère pour la vente de détail. Cela étant dit, j’estime que même des ventes dans les centaines de grils par année partout au Canada sont plutôt limitées.

[122] En ce qui a trait aux autres commentaires de l’Opposante, je n’estime pas qu’ils minent les chiffres de ventes de la Requérante. Même si les chiffres de ventes pour BROILMASTER avaient été versés au dossier en l’espèce, je ne verrais pas d’incohérence dans l’affirmation que les ventes sous les deux marques dépassent un certain nombre. En effet, les emballages de produits et les manuels de la Requérante [Belding, Pièces C et D] présentent OPTIONS BY BROILMASTER arborée seulement comme marque de commerce secondaire, près de la Marque. De plus, les pages Web archivées de broilmaster.com présentant des accessoires fournissent une indication des composants particulièrement mis en marché comme [traduction] « pièces de rechange » : ceux-ci comprennent [traduction] « des grils de rechange, des brûleurs, des étagères et d’autres composants » [voir, p. ex., Roberts no 1, para 6, Pièce 5]. Compte tenu de la nature modulaire des grils de la Requérante, je suis prête à accepter que bon nombre des produits fracturés, comme les plaques de cuisson, les brûleurs d’appoint ou les grilles de réchauffement, pourraient être des accessoires originaux ou des pièces de rechange.

[123] En ce qui a trait aux publicités, la Requérante a fourni des descriptions et des exemples de celles-ci. Cela étant dit, le nombre de visites de son site Web semble modeste et aucune donnée sur le trafic n’est fournie pour les sites Web des distributeurs ou des vendeurs. Il n’y a également aucune description de la mesure à laquelle la publicité imprimée a été distribuée au Canada. Dans les circonstances, je suis seulement prête à conclure que la publicité de la Requérante a été distribuée ou consultée dans une mesure restreinte.

[124] Enfin, je note que la Marque est seulement arborée dans les en-têtes des pages Web fournies à titre de pièces de la période de 2010 ou plus tôt. Dans le même ordre d’idées, la brochure fournie à titre de pièce qui précède 2010 présente la variante de la Marque. M. Belding n’a pas expliqué l’absence évidente de la Marque dans le matériel promotionnel plus récent. Dans les circonstances, la mesure à laquelle la Marque demeure connue aujourd’hui est encore moins claire. Malgré tout, M. Belding affirme que, à la date de son affidavit, le 5 mai 2017, la Marque est arborée sur l’emballage et les manuels de produits inclus avec les produits lorsqu’ils sont vendus aux clients au Canada.

Conclusion concernant le caractère distinctif inhérent et acquis

[125] Compte tenu de la preuve fournie, je ne peux pas conclure que BROIL KING est connue aujourd’hui comme une marque de commerce de l’Opposante et je peux seulement conclure que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure restreinte. En bout de compte, la considération générale du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure à laquelle elles sont devenues connues favorise la Requérante, mais seulement légèrement.

Période d’emploi

[126] L’Opposante affirme que la preuve établit l’emploi continu de BROIL KING au Canada depuis au moins octobre 1980. Cependant, l’Opposante sembler invoquer la date revendiquée dans son enregistrement, alors que la Cour fédérale l’a déconseillée d’accorder même un minimum de poids à de telles dates et, de plus, un enregistrement en lui-même n’est pas la preuve que la marque de commerce déposée a été continuellement employée depuis la date revendiquée [voir Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951; et Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[127] Je suis prête à accepter, selon le fait que M. Witzel a choisi de fournir des chiffres de ventes annuelles moyennes pour la période 1989-2005, que l’Opposante avait des ventes en 1989. De plus, puisque la marque de commerce est arborée de manière uniforme sur le couvercle des barbecues présentés sur les pages couvertures des listes de prix et des catalogues joints à l’affidavit de M. Witzel, y compris ceux du début des années et ceux qui semblent provenir de Jacuzzi, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que BROIL KING était arboré sur les barbecues vendus en 1989 de la même manière générale. Pour cette raison, je suis prête à accepter l’emploi de la marque de commerce BROIL KING depuis 1989.

[128] Cependant, puisque la preuve d’emploi par l’Opposante et par Onward Manufacturing après le 1er janvier 2001 est mélangée et qu’il n’a pas été établi que l’emploi par Onward Manufacturing profite à l’Opposante, je ne suis pas convaincue qu’il y ait l’appui nécessaire pour la déclaration de l’Opposante qu’elle a employé la marque de commerce BROIL KING continuellement depuis les années 1980.

[129] La Requérante revendique l’emploi de la Marque depuis 2000, mais elle a fourni une preuve admissible d’emploi au Canada seulement depuis 2003, et le volume de ces ventes semble être limité.

[130] Dans les circonstances, j’estime que ce facteur favorise la Requérante, mais seulement légèrement.

Genre des produits et des entreprises et nature du commerce

[131] Lorsqu’on examine la nature des produits et des entreprises et la nature du commerce des parties sous ce motif, il faut évaluer l’état déclaratif des produits dans la demande du requérant et l’état déclaratif des produits figurant dans l’enregistrement de l’opposant, compte tenu des voies de commercialisation normalement liées à ces produits [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. Les états déclaratifs doivent être effectués dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober; une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)].

[132] À partir d’une lecture simple des états déclaratifs des produits dans la Demande et l’enregistrement de l’Opposante, il semble que le genre des produits des parties est en grande partie le même, puisque les marques de commerce des deux parties sont destinées à un emploi en liaison avec les barbecues ou les grils et les pièces de rechange pour grils de la Requérante seraient un produit connexe.

[133] L’Opposante affirme que les voies de commercialisation des parties sont également équivalentes, avec les deux parties partageant la même base de consommateurs. Lors de l’audience, l’Opposante a affirmé que la Marque peut être vue comme un prolongement naturel de l’image de marque de l’Opposante qui est employée à différents prix.

[134] En revanche, la Requérante affirme que les produits des parties diffèrent en pratique, puisqu’ils sont vendus dans différents types de magasins, à différents types de consommateurs, à des prix grandement différents. La Requérante affirme que ses grils sont de plus haute gamme et personnalisables, variant d’un prix de détail de 1 600 dollars canadiens à plus de 4 200 dollars canadiens [Belding, para 3, 17 et 18; voir également Roberts no 2, Pièce 9], alors que les grils de l’Opposante sont fournis avec toutes les pièces présélectionnées par le fabricant et sont beaucoup moins dispendieux; par exemple, le modèle BARON se vend pour 529 dollars canadiens chez Rona [Roberts no 2, Pièce 24]. De plus, la Requérante affirme que ses grils et ses accessoires de grils sont vendus par des distributeurs et des magasins de détail spécialisés, comme des magasins de chauffage et de conditionnement d’air, ainsi que de foyers et de patios, pour offrir une meilleure personnalisation et de meilleurs services d’entretien, de réparation et de remplacement des pièces [Belding, para 12 à 14], alors que les grils de l’Opposante sont vendus dans des magasins de grande surface et dans de grands établissements de vente de détail [voir Witzel, Pièce D]. En somme, la Requérante affirme que ses grils sont destinés à des consommateurs qui sont prêts à investir du temps et de l’argent pour faire l’acquisition d’un produit unique, de haute qualité, personnalisé, alors que les grils de l’Opposante visent le consommateur moyen qui veut un gril fonctionnel, acheté de manière commode d’un magasin de grande surface pour un bon prix.

[135] Lors de l’audience, la Requérante a ajouté qu’il ne serait pas sage sur le plan commercial qu’elle change son modèle d’affaires alors que sa réputation est fondée sur des produits personnalisables. À cet égard, la Requérante cite YM Inc c Jacques Vert Group Ltd, 2014 CF 1242, pour la proposition qu’évaluer les activités de ventes futures d’une entreprise ne devrait pas inclure de spéculation concernant de nouvelles entreprises possibles. Dans ce cas, tout en reconnaissant qu’il n’y avait aucune garantie que les vêtements PLANET du requérant seraient toujours vendus exclusivement dans les boutiques du requérant alors que l’opposant vendrait seulement des vêtements abordables dans ses magasins URBAN PLANET, la Cour fédérale a conclu qu’il n’y a aucune preuve suggérant que les voies de commercialisation existante changeraient un jour.

[136] D’abord, je ne suis pas prête à conclure que l’unique affiche annonçant un modèle BARON de gril BROIL KING est typique des prix de l’Opposante. La Requérante et l’Opposante offrent déjà leurs grils dans un large éventail de modèles à divers niveaux de prix et, en l’absence de preuve du contraire, j’estime qu’une expansion d’une telle gamme de produits dans une direction ou dans l’autre est une extension plutôt naturelle. De plus, il n’y a aucune preuve pour suggérer qu’aucun des magasins spécialisés ou des magasins de grande surface ne vend de barbecues à un intervalle de prix.

[137] Deuxièmement, les deux parties ciblent les consommateurs d’appareils de cuisson extérieurs et ni la Demande ni l’enregistrement de l’Opposante ne limitent les voies de commercialisation de la manière décrite par la Requérante. La preuve n’appuie également pas une telle distinction. Les détaillants de l’Opposant énumérés à broilkingbbq.com comprennent non seulement les grands magasins de rénovation et à rayons, mais également ce qui semble être des magasins spécialisés pour les barbecues, le chauffage, les foyers et les patios, y compris Barbecues Galore, BBQ Prestige, Patio Palace Fireplace & Barbecue Shoppe, Wicker World Home + Patio et BBQing.com powered by Capital Appliance & BBQ [Witzel, Pièce D]. En ce qui a trait aux derniers magasins, je remarque que Capital Appliance & BBQ est également l’un des vendeurs canadiens énumérés sur le site Web de la Requérante de 2006 à 2010 et ce qui semble être un magasin de vannerie semblable, Wickerland Patio & Home, est l’un des détaillants canadiens de la Requérante nommés par M. Belding [Roberts no 2, Pièce 2; Belding, para 14]. Je remarque également dans le deuxième affidavit de Mme Roberts que, en 2017, amazon.ca offrait des pièces comme des grils de cuisson pour les grils de la Requérante et de l’Opposante [Pièces 9 et 34].

[138] La Requérante affirme également que les consommateurs porteront plus attention au moment d’acheter un appareil comme un gril, ce qui plaide encore plus contre une probabilité de confusion. J’accepte qu’il y ait une grande probabilité que les consommateurs magasinant pour des produits dispendieux ou importants soient plus alertes et attentifs aux marques de commerce rencontrées. Cependant, le test en matière de confusion demeure celui de la première impression et du souvenir imparfait, même lorsque les produits sont dispendieux ou importants et qu’il soit probable que les consommateurs les étudient [Masterpiece, précité].

[139] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’absence de renseignements contraires à l’égard des distributeurs et des détaillants des parties, il semble y avoir un important chevauchement et un important potentiel de chevauchement dans les produits des parties et leurs voies de commercialisation. Par conséquent, le genre des produits et des entreprises et la nature du commerce favorisent l’Opposante.

Circonstances de l’espèce

[140] Les parties ont soulevé un certain nombre de circonstances de l’espèce supplémentaires à considérer.

Portée de la protection accordée aux marques de commerce contenant des termes descriptifs

[141] La Requérante affirme que toute similarité entre les marques de commerce des parties est en raison du mot BROIL, lequel est descriptif des produits des parties et par conséquent ne peut pas être monopolisé. La Requérante affirme également que l’enregistrement pour BROIL KING renonce au droit à l’emploi exclusif du mot BROIL séparément de la marque de commerce dans son ensemble.

[142] Je note d’abord que la partie renoncée d’une marque de commerce forme tout de même une partie intégrante de la marque de commerce dans son ensemble [voir Café Supreme F et P Ltée c Registraire des marques de commerce, 4 CPR (3d) 529 (CF 1re inst); et American Cyanamid Co c Record Chemical Co (1972), 7 CPR (2d) 1 (CF 1re inst)]. Cela étant dit, il est bien établi que les marques de commerce composées de mots descriptifs ou de mots suggestifs ne peuvent bénéficier que d’une protection limitée. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’une marque de commerce consiste en tout ou en partie en des mots décrivant des articles à vendre, de sorte que les différences relativement faibles soient suffisantes pour éviter la confusion [General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39, à la page 41 (CL)].

[143] En l’espèce, je suis d’accord avec la Requérante que le mot BROIL décrit une fonction des grils et, par conséquent, les consommateurs auraient tendance à y accorder moins d’importance. De plus, j’estime que la preuve d’emploi et de promotion de BROIL KING n’est pas suffisamment étendue pour grandement accroître son caractère distinctif. Je conclus donc que la marque de commerce BROIL KING n’a pas droit à une protection particulièrement étendue et que des différences relativement petites peuvent suffire à éviter la confusion. Par conséquent, cette circonstance favorise la Requérante.

État du registre et état du marché

[144] La Requérante a également fourni une preuve sur l’état du registre et l’état du marché afin d’établir que les marques de commerce comportant le mot BROIL sont courantes dans le marché pertinent. L’existence commune d’un certain élément tend à amener les acheteurs à prêter plus d’attention aux autres caractéristiques des marques de commerce et à les distinguer par ces autres caractéristiques [voir Polo Ralph Lauren Corp c United States Polo Assn (2000), 9 CPR (4th) 51 (CAF); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Lorsqu’un grand nombre de marques de commerce pertinentes est cerné dans le registre, le registraire peut conclure que l’élément qu’elles ont toutes en commun est employé dans le marché, toutefois, lorsque le nombre de marques de commerce cernées n’est pas grand, la preuve d’un tel emploi doit être fournie [voir Maximum Nutrition, précité; McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327; et Canada Bread Company, Limited c Dr Smood APS, 2019 CF 306].

[145] La Requérante observe que [traduction] « [l]orsque que l’on démontre que des marques de tiers sont véritablement employées, moins de marques sont requises pour permettre de conclure qu’un mot est couramment adopté et employé dans le marché […] » [observation écrite, au para 92]. La Requérante suggère que la preuve d’emploi restreinte automatiquement entraîne une conclusion d’emploi plus répandu; je ne suis pas d’accord. Lorsque la preuve d’emploi est requise, elle doit être suffisante pour appuyer la conclusion que les acheteurs rencontrent couramment les marques de commerce contenant l’élément commun.

[146] La recherche de Mme Roberts dans le Registre canadien des marques de commerce a dévoilé neuf marques de commerce déposées contenant le mot BROIL, au nom de sept propriétaires différents, pour emploi en liaison avec les appareils de cuisson au grilloir et de cuisine [Roberts no 2, para 29, Pièce 29] :

Marque

No d’enregistrement

Propriétaire

Produits pertinents

BROILCHEF & Dessin *

Text

Description automatically generated with low confidence

LMC877026

Grilltown Enterprises Inc.

barbecues au gaz; housses de barbecue; vente de pièces de rechange pour barbecues

CHAR-BROIL

LMC523978

W.C. Bradley Co.

grils pour la maison et pour le camping

CHAR BROIL & Dessin **

Text

Description automatically generated

LMC935850

barbecues au charbon de bois, au gaz et électriques, pièces et accessoires pour barbecues

G-BROIL

LMC808792

Applica Consumer Products, Inc.

grils électriques et plaques chauffantes pour usage domestique

PERFECT BROIL

LMC773626

grille-pain fours électriques à usage domestique

MAXBROIL

LMC846256

BSH Home Appliances

fours ménagers; pièces

TRUE-BROIL

LMC758542

Whirlpool Properties, Inc.

composant intégral de fours ménagers, nommément un grilloir

COMPU BROIL

LMC493508

Sharp Kabushiki Kaisha

fours à micro-ondes

EVENBROIL ADVANCED BROILING SYSTEM

LMC725471

LG Electronics Inc.

cuisinières à four; cuisinières électriques; fours à micro-ondes; cuisinières à gaz; cuisinières à gaz; grille-pain électriques

* BROILCHEF & Dessin est composé du mot « Broilchef » dans une police simple, étroite et légèrement en trois dimensions, avec des lettres ombrées et un dessin de flamme qui remplace le point sur la lettre « i ».

** CHAR-BROIL & Dessin est composé du mot « Char-Broil » dans une police simple, épaisse et mise en relief, avec un dessin de flamme au-dessus des lettres « ro » dans « Broil ».

[147] J’estime que ce nombre de marques de commerce est beaucoup trop petit pour me permettre de tirer des conclusions concernant l’état du marché [pour une conclusion semblable, voir McDowell, précité, concernant dix enregistrements et sept propriétaires]. De plus, les revendications d’emploi contenues dans les enregistrements eux-mêmes ne sont pas la preuve que les marques de commerce ont été employées continuellement depuis la date revendiquée ou sont devenues connues dans une quelconque mesure significative [voir Entre, précité].

[148] Il est par conséquent nécessaire d’évaluer la preuve de la Requérante de l’état du marché. À cet égard, M. Witzel a avoué lors du contre-interrogatoire qu’il était conscient des barbecues CHAR‑BROIL vendus au Canada [traduction] « pendant des années » et depuis [traduction] « bien longtemps », mais il ajoute qu’ils sont principalement un grand concurrent aux États-Unis, avec [traduction] « une très petite présence au Canada », et qu’il était également devenu [traduction] « plutôt récemment » conscient des barbecues BROILCHEF au Canada [Q50 à 56]. Plus important, Mme Roberts fournit certaines preuves de publicité à l’égard de ces marques de commerce, ainsi que la marque de commerce PERFECT BROIL et une marque de commerce non enregistrée BROILKING qui n’a aucun lien avec l’Opposante. Les imprimés qu’elle a faits de divers sites Web de détaillants et du site Wayback Machine, et les photos et brochures qu’elle a obtenues de magasins de détail à Ottawa, indiquent ce qui suit :

BROILCHEF

  • Des grils BROILCHEF annoncés sur grilltown.com en 2012, sur le site Web .ca de Home Depot en 2014, ainsi que sur les sites Web .ca de Grilltown, Home Depot, Wallmart et Best Buy en 2017 [Pièces 10 et 11, 14, 18, 20, 28].

CHAR-BROIL

  • Des grils CHAR‑BROIL annoncés sur charbroil.ca (2014-2017) et sur les sites Web .ca de Home Depot (2010-2017), Lowes (2011), Wallmart (2011-2017), Rona (2017) et Grilltown (2017) [Pièces 10, 13, 15 et 16, 19 et 20, 23, 25 à 27].
  • Des grils CHAR‑BROIL annoncés dans une brochure de magasin Lowes de 2017 [Pièce 22].
  • Des grils CHAR‑BROIL présentés pour la vente en magasin en 2017 à Home Depot, Lowes, Wallmart et Rona [Pièces 12, 17, 21, 24].

PERFECT BROIL

  • Un four grille-pain PERFECT BROIL Black& Decker annoncé sur amazon.ca en 2017 avec la notation [traduction] « Non disponible présentement[.] Nous ne savons pas si cet article redeviendra disponible ou à quel moment » [Pièce 30].
  • Deux résultats pour un four grille-pain Black & Decker semblable, mais sans mention de la marque en particulier, fournis avec d’autres produits de diverses marques dans une recherche pour « perfect broil » sur le site Web de Wallmart en 2017; en l’absence de la marque du grille-pain ou de renseignements sur l’exactitude de la fonction de recherche, ce résultat n’est pas pertinent [Pièce 15].

BROILKING (Hudson Standard)

  • Appareils de cuisson électriques de comptoir BROILKING, comme des fours à convection, des plaques de cuisson, des surfaces de cuisson portative et des grilles de réchauffement, annoncés sur broilking.com par une entreprise nommée « Broil King » en 2000, 2011, 2015 et 2017, mais sans indication que le site Web cible les consommateurs canadiens ou accepte des commandes du Canada [Pièces 32 et 33]. Je note que, au moins à partir de 2011, le site comporte un avertissement que Broil King [traduction] « n’est PAS l’entreprise de grils et de barbecues au gaz », alors que les pages Web de 1996 et 1999 indiquent que l’entreprise était également exploitée sous le nom « Hudson Standard Corporation ». Je ferai référence à cette entreprise par « Hudson Standard » à des fins de simplicité.
  • Des résultats pour des plaques de cuisson, des brûleurs de comptoirs et des accessoires de grils de diverses marques comme BROILKING, BROIL KING et BROIL‑KING, produits par une recherche pour « broilking » sur amazon.ca en 2017 [Pièce 34]. Ayant comparé les images de produits avec la preuve qui m’est présentée qui montre les produits sous les marques de commerce respectives de Hudson Standard et de l’Opposante, j’estime que les résultats comprennent des appareils de cuisine portant la marque de Hudson Standard et des accessoires pour la marque de grils de l’Opposante.

[149] La preuve de Mme Roberts n’établit pas que l’un des produits indiqués a été effectivement vendu au Canada ou autrement transféré dans la pratique normale du commerce ou exporté; par conséquent, elle ne démontre pas l’emploi de marques de commerce au sens de la Loi [article 4]. De plus, en l’absence de renseignements sur le nombre de Canadiens qui ont visité ces sites Web ou visité les magasins, ces publicités n’établissent pas que les marques de commerce en question ont été portées à l’attention des consommateurs canadiens dans une quelconque mesure significative.

[150] Dans le meilleur des cas, à la lumière de la connaissance de M. Witzel des marques BROILCHEF et CHAR‑BROIL et compte tenu du fait que les produits sous ces marques semblent avoir été offerts pour la vente par divers détaillants majeurs au cours de plusieurs années, je suis prête à conclure qu’il y a eu au moins un certain emploi de ces deux marques de commerce formées du mot BROIL au Canada. Cependant, il est important de se souvenir que la ressemblance entre les marques de commerce des parties en l’espèce va au-delà du mot commun « BROIL » et comprend i) un suffixe ayant comme connotation une personne de haut rang ou un leader et ii) la qualité subséquente d’éloge accordée à la marque de commerce dans son ensemble. Des marques de commerce trouvées par Mme Roberts, seule BROILCHEF renvoie à une personne qui est présumément un leader ou qui détient le plus haut rang en matière de cuisson au grilloir, dans la mesure que le mot « CHEF » fait référence à un chef cuisinier. CHAR‑BROIL semble plutôt indiquer un type particulier de cuisson au grilloir, griller dessus le charbon de bois, sans connotation élogieuse particulière. Bien que certaines des autres marques de commerce au registre puissent avoir une connotation élogieuse, comme PERFECT BROIL ou MAXBROIL, elles semblent indiquer, le cas échéant, un type de cuisson au grilloir (« parfait », « maximum », « égal », etc.) plutôt que d’évoquer l’idée d’une personne (comme un « roi » ou un « maître »).

[151] Ainsi, j’estime que, même si je devais accepter la présence de BROILCHEF et CHAR‑BROIL dans le marché canadien, la preuve n’arriverait tout de même pas à démontrer que les consommateurs canadiens d’appareils de cuisine sont habitués à différencier les marques de commerce qui évoquent l’idée de la meilleure personne en matière de cuisson au grilloir. Par conséquent, l’état du registre et du marché n’est pas une autre circonstance de l’espèce significative en l’espèce.

Manière dont la Marque est employée et présentation de la Requérante

[152] Je note que l’accent est mis sur le mot OPTIONS lorsque la Marque est présentée sous la forme d’un dessin dans le matériel fourni à titre de pièce. Cependant, il serait erroné d’estimer qu’il y a une probabilité de confusion réduite en fonction de la façon particulière dont la Marque est présentée dans la preuve. Étant donné que la Demande vise une marque nominale, l’enregistrement permettrait son emploi dans n’importe quelle taille ou style de lettrage, de couleur ou de dessin. Ainsi, rien n’empêche la Requérante de modifier son étiquetage de manière à mettre en évidence le mot BROILMASTER dans la Marque. L’emploi réel n’est pas dénudé de pertinence, mais il ne doit pas non plus remplacer complètement l’examen d’autres emplois qui seraient dans la portée de l’enregistrement [Masterpiece, précité].

[153] Je note également que, dans son affidavit, M. Belding souligne que les grils de la Requérante ont [traduction] « un brûleur nœud papillon qui ne se retrouve pas dans les grils des autres entreprises » et [traduction] « un motif de côtes sur le couvercle qui distingue l’apparence d’un gril BROILMASTER de celle des autres marques » [Belding, para 4]. Cependant, au moment d’évaluer la probabilité de confusion, c’est l’effet même de la marque visée par l’enregistrement qui doit être pris en considération, et non l’effet d’autres indices qui peuvent apparaître avec elle dans l’emploi réel [Reno‑Dépôt Inc c Homer TLC Inc, 2010 COMC 11; Groupe Fruits & Passion Inc, 2007 CarswellNat 2319 (COMC)]. De tels facteurs contextuels ne font pas partie de la marque de commerce que la Requérante cherche à enregistrer et rien n’empêcherait la Requérante de modifier le style de son brûleur ou de son couvercle.

[154] Par conséquent, ces circonstances n’appuient pas la Requérante.

La famille de marques de commerce de l’Opposante

[155] Comme il a été susmentionné, l’Opposante plaide que [traduction] « trois ou plus » de ses marques de commerce représentent une série de marques de commerce connexes et que la Marque crée de la confusion avec cette série.

[156] Lorsque plusieurs marques de commerce ayant des caractéristiques communes sont enregistrées et employées par le même propriétaire, cette série est appelée une « famille ». Posséder une famille de marques de commerce accroît la probabilité que les consommateurs supposent qu’une nouvelle marque de commerce ayant les mêmes caractéristiques soit simplement un autre membre de la famille [Everex Systems Inc c Everdata Computer Inc (1992), 44 CPR (3d) 175 (CF 1re inst)]. Une partie qui cherche à invoquer une famille de marques de commerce doit démontrer qu’elle emploie plus d’une ou deux des marques de commerce au sein de la présumée famille et un tel emploi doit être suffisant pour établir que les consommateurs reconnaîtraient une famille de marques [Arterra Wines Canada, Inc c Diageo North America Inc, 2020 CF 508; McDonald’s Corp c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst)].

[157] En l’espèce, j’estime que la marque de commerce BROIL KING Dessin est simplement une version figurative de la marque nominale. Sa stylisation mineure n’ajoute aucun élément à la présumée famille; plutôt, l’emploi de BROIL KING Dessin appuie l’emploi de la marque nominale [pour une conclusion semblable, voir Arterra Wines, précité].

[158] De plus, je ne suis pas convaincue que l’Opposante ait établi l’emploi de BROIL KING IMPERIAL, plutôt que l’emploi d’IMPERIAL comme marque de commerce séparée. M. Witzel affirme que BROIL KING IMPERIAL est employée depuis 1999 et que les ventes de ce modèle [traduction] « ont une estimation raisonnable d’approximativement 5 % des ventes BROIL KING au Canada », à tout le moins [traduction] « plus récemment » [para 5 et 8, Q109]. Cependant, dans le meilleur des cas, son affidavit montre BROIL KING et IMPERIAL présentées comme des marques de commerce séparées; par exemple, BROIL KING sur un couvercle de gril et IMPERIAL sur son panneau de contrôle ou BROIL KING sur une étiquette d’emballage à un certaine distance au-dessus des petits caractères « IMPERIAL XL 296 LBS. 135 KG. » [Pièce C]. Il y a une occurrence de « BROIL KING® IMPERIAL™ XL » dans le texte d’une publicité [Pièce C], toutefois il n’y a aucune indication que de telles publicités accompagnaient les produits au moment de la vente ou correspondaient autrement aux exigences de l’article 4(1) de la Loi pour l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec les produits.

[159] La présumée famille serait donc composée seulement de BROIL KING et BROIL‑MATE. Cependant, comme il est indiqué ci-dessus, deux marques de commerce sont insuffisantes pour constituer une famille. Par conséquent, le concept d’une famille de marques de commerce ne s’applique pas en l’espèce.

Absence de confusion réelle

[160] La Requérante affirme que le manque de preuve de confusion réelle dans le marché pendant plus de 20 ans est une confirmation que la confusion est peu probable.

[161] Un opposant n’a aucune obligation de soumettre des preuves de cas de confusion réelle; c’est le requérant qui a le fardeau de démontrer l’absence d’une probabilité de confusion. Cependant, bien qu’il ne s’agisse pas d’un facteur déterminant, si la preuve montrait un emploi concurrent étendu des deux marques de commerce dans le même domaine pendant plusieurs années, alors une conclusion défavorable pourrait être tirée d’un manque de preuve de confusion réelle, mais seulement dans les cas où une telle preuve serait facile à obtenir si l’allégation d’une probabilité de confusion était justifiée [voir Mattel, précité].

[162] En l’espèce, les deux parties ont fourni seulement une preuve d’emploi limitée et il n’y a aucune indication claire de la mesure à laquelle leurs marques de commerce ont coexisté dans les mêmes marchés. Il est donc impossible de tirer une conclusion significative de l’absence de confusion réelle.

[163] La Requérante cite Advance Magazine Publishers Inc c Victoria Vogue, Inc (2001), 12 CPR (4th) 398 (COMC) pour la proposition qu’un emploi concurrent de vingt ans rend un manque de preuve de confusion réelle pertinent, même lorsque les ventes d’un requérant [traduction] « n’ont pas été particulièrement importantes » [Advance Magazine, au para 16]. Cependant, cette affaire se distingue puisque la marque de commerce VOGUE de l’opposant était bien connue au Canada et les ventes du requérant étaient beaucoup plus élevées que dans l’espèce.

[164] Dans les circonstances de l’espèce, ces circonstances n’aident pas la Requérante.

Aucune poursuite pour usurpation

[165] Enfin, la Requérante invoque les doctrines de l’inertie et d’acquiescement et affirme que l’omission de l’Opposante d’entamer une poursuite pour usurpation suggère qu’elle n’est pas véritablement préoccupée par la probabilité de confusion. L’Opposante répond que les ventes limitées de la Requérante au Canada, lesquelles ne sont que pour des pièces de rechange, ne justifient pas le coût d’une action pour usurpation. À cet égard, je note que M. Witzel a affirmé lors du contre-interrogatoire que la Requérante n’est pas un concurrent [traduction] « d’importance » au Canada et n’est pas un concurrent que l’Opposante a [traduction] « vu dans une quelconque mesure au cours des dernières années » [Q57].

[166] Je ne suis pas prête à formuler des hypothèses concernant les motifs de l’Opposante en ce qui a trait à une question d’usurpation potentielle et il serait inapproprié d’exiger que l’Opposante explique sa stratégie en matière de litiges à cet égard.

[167] De plus, même si les doctrines équitables de l’inertie et d’acquiescement devaient s’appliquer aux procédures d’opposition, l’Opposante n’a pas attendu pour s’opposer à la Demande : sa déclaration d’opposition a été produite à l’intérieur de la période de prolongation de référence standard disponible à partir de la date limite prévue par la loi. De plus, il n’y a aucune preuve que le comportement de l’Opposante a poussé la Requérante à croire qu’une autre tentative d’enregistrer la Marque ne serait pas opposée. Puisque l’enregistrement accorderait à la Requérante de plus grands droits dans la Marque qui seraient autrement acquis par l’emploi à lui seul, l’inaction de l’Opposante concernant l’emploi fait de la Marque jusqu’à maintenant ne signifie pas un accord tacite à l’enregistrement de la Marque ou la croyance que la confusion serait peu probable.

[168] Par conséquent, je n’estime pas que le manque d’action pour usurpation soit une circonstance de l’espèce pertinente.

Conclusion concernant la confusion

[169] Comme il a été noté ci-dessus, l’Opposante n’a pas le fardeau de démontrer que la confusion est probable, mais c’est plutôt la Requérante qui doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion.

[170] Ayant considéré l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que, dans le meilleur des cas pour la Requérante, les probabilités sont égales entre une conclusion de confusion avec la marque de commerce BROIL KING et une conclusion d’absence de confusion. J’arrive à cette conclusion principalement en raison du degré plutôt élevé de ressemblance entre les marques de commerce des parties en raison de leur similarité conceptuelle, malgré l’ajout de l’élément OPTIONS BY au début de la Marque, particulièrement lorsque l’on considère la question de la première impression et du souvenir imparfait et du chevauchement important dans la nature des produits et le genre des commerces. Je n’estime pas que la probabilité de confusion soit grandement réduite par le faible degré de caractère distinctif inhérent de la marque de commerce BROIL KING ou l’absence de preuve d’emploi profitant à l’Opposante après le 1er janvier 2001. À cet égard, je garde également à l’esprit que l’emploi de la Marque au cours des années semble avoir été plutôt limité et la mesure à laquelle les Canadiens ont été exposés à sa promotion, particulièrement au cours de la dernière décennie, n’a pas été établie.

[171] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion. Le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi est, par conséquent, accueilli.

Droit à l’enregistrement pour des marques de commerce employées antérieurement en vertu de l’article 16(1)a)

[172] Sous ce motif, l’Opposante plaide essentiellement que la Requérante n’est pas la personne qui a droit d’enregistrer la Marque en vertu de l’article 16 de la Loi, puisque, à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec l’une ou l’ensemble des Marques de commerce de l’Opposante, lesquelles avaient été employées, révélées, visées par une demande d’enregistrement et enregistrées antérieurement au Canada par l’Opposante ou son prédécesseur en titre, comme le décrit de façon plus détaillée la déclaration d’opposition, et que l’Opposante n’avait pas abandonnées à la date d’annonce de la Demande.

[173] Bien que la Requérante plaide dans sa contre-déclaration que la mention que les Marques de commerce de l’Opposante ont été [traduction] « employées, révélées, visées par une demande d’enregistrement et enregistrées antérieurement » est vague et ne fournit pas suffisamment de détails pour permettre à la Requérante d’y répondre, j’estime que cette référence est suffisamment définie par l’explication par l’Opposante que l’emploi, la révélation, la demande et l’enregistrement son tels que décrits dans la déclaration d’opposition. Le paragraphe 3 de la déclaration d’opposition établit l’état déclaratif des produits et la date revendiquée de premier emploi de chacun des enregistrements de l’Opposante. Par conséquent, il est clair que cette observation correspond à un motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) de la Loi, selon l’emploi antérieur de chacune des Marques de commerce de l’Opposante en liaison avec les produits et depuis la date de premier emploi revendiquée dans l’enregistrement correspondant.

[174] La révélation n’est pas décrite dans la déclaration d’opposition et, par conséquent, ne constitue pas un fondement pour ce motif. De plus, le paragraphe 3 de la déclaration d’opposition établit les dates d’enregistrement de chacune des Marques de commerce de l’Opposante, montrant qu’aucune n’était en attente lorsque la Demande a été annoncée. Il n’y a donc aucun fondement pour un motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)b) de la Loi selon une demande antérieure [article 16(4)].

[175] Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer que la marque de commerce qu’elle invoque a été employée avant la date de premier emploi de la Marque, conformément à l’article 16(1)a) de la Loi, et qu’elle n’avait pas été abandonnée lorsque la Demande a été annoncée, comme le prévoit l’article 16(5). Abandonner exige à la fois une absence d’emploi et une intention d’abandonner l’emploi [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)]. L’emploi sur lequel se fonde l’Opposante doit être son propre emploi ou celui d’un prédécesseur en titre, conformément à l’article 17(1) de la Loi.

Marques de commerce BROIL KING

[176] L’article 16 de la Loi n’impose aucune exigence concernant la durée ou l’étendue de l’emploi des marques de commerce d’un opposant; tant qu’elle fonctionne comme une marque de commerce, un seul cas d’emploi au sens de l’article 4 de la Loi peut suffire à un opposant pour s’acquitter de son fardeau [JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co, 2001 CFPI 133].

[177] Comme il en a été question sous le motif fondé sur l’enregistrabilité, je suis prête à accepter que l’Opposante vendait des barbecues arborant la marque de commerce BROIL KING en 1989. Je suis également prête à accepter, du fait que l’Opposante a subi des dépenses de marketing pour la marque de commerce BROIL KING, et à tout le moins a accordé une licence pour son emploi, de 2001 à la date de l’affidavit de M. Witzel, que l’Opposante n’avait pas l’intention d’abandonner cette marque de commerce lorsque la Demande a été annoncée. Je suis par conséquent convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de BROIL KING. De nouveau, mon opinion est que ni l’une ni l’autre des deux autres marques de commerce BROIL KING ne présentent un argument plus fort et, par conséquent, je concentrerai mon analyse sur la marque nominale BROIL KING.

[178] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion.

[179] J’estime que l’argument de la Requérante n’est pas plus fort à la date de son premier emploi de la Marque, que l’on juge qu’il s’agisse de 2000, selon la date revendiquée dans la Demande, ou de 2003, selon les factures qui remontent le plus loin dans le temps. La promotion de la Marque aurait été faite pour une période moins longue au début des années 2000. De plus, dans la mesure que BROIL KING est devenu connue comme la marque de commerce de l’Opposante en date du 1er janvier 2001, la période durant laquelle Onward Manufacturing pourrait être devenue connue comme la source des produits BROIL KING aurait été plus courte.

[180] Je tiens également compte de l’observation de la Requérante que la marque de commerce BROIL KING est particulièrement suggestive de la royauté puisque l’Opposante possède également les marques de commerce BROIL KING IMPERIAL et BROIL QUEEN et qu’elle emploie diverses sous-marques qui suggèrent la royauté. Puisque le motif d’opposition portant sur l’absence du droit à l’enregistrement est fondé sur l’emploi actuel de l’Opposante de la marque de commerce BROIL KING, la manière et le contexte dans lequel cette marque de commerce est employée seraient pertinents. Cependant, bien que M. Witzel revendique l’emploi de BROIL KING IMPERIAL depuis au moins 1999, il fournit seulement une estimation des ventes à compter de 2006 et aucune autre preuve d’emploi de cette marque de commerce à la date pertinente. Dans le meilleur des cas, certaines pages couvertures des listes de prix et des catalogues aux vendeurs qui précèdent la date pertinente arborent BROIL KING avec la sous-marque SOVEREIGN. Cependant, les définitions du mot SOVEREIGN dans le Canadian Oxford indiquent que le terme a également des connotations semblables à KING; à cet égard, je note ce qui suit :

[traduction]

Souverain :

1 le chef suprême reconnu d’un peuple ou d’un pays sous un gouvernement monarchique […]

2 une personne ou un groupe de personnes qui ont la suprématie ou l’autorité sur une autre ou d’autres.

1a (d’une chose, qualité, pouvoir, etc.) suprême, le meilleur.

2a (d’une personne) ayant un rang ou une puissance supérieure ou suprême, particulièrement occupant le poste d’un chef ou d’un monarque.

4 excellent; efficace (un remède souverain).

[181] Par conséquent, j’estime que, bien que la présentation de la marque de commerce BROIL KING avec le mot SOVEREIGN mettrait l’accent sur l’idée d’une position royale, cela ne détournerait pas l’idée derrière la métaphore, étant celle d’un gril chef de file pour la cuisson au grilloir, le meilleur dans sa catégorie.

[182] Par conséquent, pour des raisons semblables à celles exprimées en liaison avec le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) en lien avec l’enregistrabilité, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) en lien avec l’absence du droit à l’enregistrement sur la marque de commerce BROIL KING de l’Opposante est accueilli.

BROIL-MATE

[183] J’arrive à une conclusion différente pour la marque de commerce BROIL‑MATE de l’Opposante.

[184] Dans ce cas-ci, M. Witzel affirme l’emploi continu de la marque de commerce en liaison avec les barbecues au gaz au Canada depuis au moins août 1985 [traduction] « par l’Opposante et son prédécesseur en titre ou pour leur compte », soit B.D. Wait Co. Limited (B.D. Wait), de qui l’Opposante avait acheté BROIL‑MATE [traduction] « le 29 janvier 1990 ou environ » [para 5]. Il fournit deux chiffres de ventes annuelles moyennes : une pour la période 1990-2005 et une pour la période 2006-2017 [para 10 et 11]. Il fournit également un chiffre de dépenses en marketing annuelles moyennes : pour 1990-2005. À la place d’un chiffre sur les dépenses en marketing pour 2006-2017, il indique que [traduction] « au cours des dernières années », Home Depot a été le principal détaillant au Canada, que [traduction] « plus de 4 % de la valeur en dollars des ventes ont été dépensés chaque année en publicités et marketing de la marque BROIL‑MATE partout au Canada » et que cette marque est [traduction] « publicisée dans les journaux et sur le Web » [para 10]. Il ne précise pas si de telles dépenses et publicités sont faites par Home Depot ou l’Opposante.

[185] En ce qui a trait aux exemples de publicités et de matériel promotionnel joints à son affidavit, il y a un exemple qui semble précéder l’octroi de la licence à Onward Manufacturing : il ne porte aucune date, mais comporte le slogan « Just you Wait », où « Wait » est mis en évidence avec une police différente et présenté en angle, et fait référence à des caractéristiques de grils [traduction] « avec la célèbre ingénierie conceptuelle Wait », ce qui semble indiquer que le document provient de B.D. Wait [Pièce C, le passage en évidence l’est dans l’original]. Cependant, en raison de la qualité de la photocopie, il n’est pas possible de déterminer la façon dont BROIL‑MATE est arborée sur les barbecues illustrés. De plus, M. Witzel ne précise pas si les images de barbecues dans les autres publicités et matériel de marketing sont représentatives de la façon dont BROIL‑MATE était arborée sur les produits avant la date pertinente ou si de tels documents étaient livrés avec les produits au moment de la vente pour fournir l’avis de liaison requise par l’article 4 de la Loi. Je note également que M. Witzel ne fournit aucun exemple d’emballage arborant cette marque de commerce.

[186] Par conséquent, même si je devais accepter des chiffres de ventes de M. Witzel que l’Opposante avait des ventes en 1990, l’Opposante n’a pas démontré la façon dont, à la date pertinente, BROIL‑MATE était arborée sur les produits ou leur emballage ou était autrement associée aux produits lors du transfert dans la pratique normale du commerce, comme l’exige la définition « d’emploi » d’une marque de commerce à l’article 4 de la Loi. De plus, même si j’avais conclu que l’Opposante s’était acquittée de son fardeau initial, j’aurais conclu que la Requérante s’était acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion. À cet égard, je prends note de ce qui suit.

Ressemblance entre les marques de commerce

[187] L’Opposante affirme que BROIL‑MATE et BROILMASTER sont [traduction] « extrêmement semblables » dans le son et [traduction] « grandement semblables » dans la présentation, considérant que les différences entre MASTER et MATE sont [traduction] « seulement mineures » et que BROILMASTER diffère de BROIL‑MATE seulement de deux lettres ajoutées à la fin de la Marque [observation écrite, au para 35]. En ce qui a trait à la différence dans les idées suggérées, l’Opposante cite Menley & James Laboratories, Inc c Laboratoire Cogan‑Produits Lydia Dainow SA (1993), 51 CPR (3d) 558 (COMC) où une demande pour ROSE MIST en liaison avec des préparations cosmétiques a été refusée puisque le registraire demeurait dans la doute quant à la question de savoir si elle créait de la confusion avec la marque de commerce ROSE MILK & Dessin de l’opposant, également enregistrées en liaison avec des préparations cosmétiques. Le registraire a conclu que les marques de commerce se ressemblaient, puisque leur premier mot, bien que descriptif, était identique et leur deuxième mot était semblable dans le son.

[188] En revanche, la Requérante affirme que BROIL‑MATE suggère l’idée d’un [traduction] « compagnon de cuisson au grilloir », ce qui est différent de l’idée suggérée par BROILMASTER. À cet égard, la Requérante affirme qu’il y a de nombreux mots courants associant « MATE » avec un autre terme, comme « classmate », « playmate », « roommate », « soulmate » et « teammate », lesquels sont compris comme ayant le sens d’être [traduction] « un ami ou un compagnon » [citant les définitions du Canadian Oxford à Roberts no 3, Pièce 10]. Lors de l’audience, la Requérante a également remis en question l’approche de l’Opposante d’analyser les marques de commerce pour trouver les lettres en commun.

[189] En ce qui a trait au dernier point de la Requérante, le fait demeure que BROIL‑MATE et BROILMASTER ont un motif semblable de lettres en général, entraînant un degré important de similarité visuelle entre elles, nonobstant le tiret dans BROIL‑MATE. Cependant, j’estime que les différences dans le son entre MATE et MASTER distinguent l’espèce de l’affaire Menley & James. De plus, en l’espèce, les idées suggérées par chaque marque de commerce sont complètement différentes.

[190] De nouveau, j’estime que la Marque dans son ensemble suggère une gamme de produits de marque OPTIONS sous la marque ombrelle BROILMASTER, avec l’élément le plus frappant et unique étant le mot inventé BROILMASTER, communiquant l’idée d’être un [traduction] « maître » de la cuisson au grilloir, alors que OPTIONS suggère la disponibilité de différentes options de produits. J’estime que l’idée suggérée par BROIL‑MATE est celle d’être un [traduction] « compagnon » pour la cuisson au grilloir. À cet égard, j’accepte l’interprétation de la Requérante que le mot MATE a le sens [traduction] « d’ami » ou de [traduction] « compagnon » et je considère que la métaphore dans son ensemble suggère l’idée d’un appareil convivial sur lequel on peut se fier pour la cuisson au grilloir.

[191] En général, compte tenu des différences dans les aspects les plus frappants de chaque marque de commerce et dans les marques de commerce considérées dans leur ensemble, je conclus que ce facteur favorise la Requérante.

Caractère distinctif inhérent et acquis et période d’emploi

[192] Les marques de commerce des deux parties ont toutes deux un degré faible de caractère distinctif inhérent, étant formées d’éléments qui décrivent un aspect des produits connexes ou qui accordent une connotation quelque peu élogieuse à la marque de commerce dans son ensemble. Malgré tout, chaque marque de commerce contient une métaphore qui lui accorde à tout le moins un certain degré de caractère distinctif inhérent.

[193] En ce qui a trait à la mesure à laquelle les marques de commerce respectives des parties sont devenues connues au Canada, je remarque de nouveau que, pour la période après le 1er janvier 2001, M. Witzel ne fait pas clairement la distinction entre l’emploi de l’Opposante et celle de Onward Manufacturing; il ne démontre pas non plus que l’emploi d’Onward Manufacturing des Marques de commerce de l’Opposante profite à l’Opposante. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, BROIL‑MATE est devenue connue comme la marque de commerce de l’Opposante après le 1er janvier 2001. De plus, M. Witzel ne fournit aucune information quant à la mesure à laquelle des publicités et du matériel de marketing arborant la marque de commerce BROIL‑MATE ont été distribués au Canada ou consultés depuis cet endroit. En l’absence de tels renseignements, et compte tenu du manque de précision de M. Witzel pour fournir des chiffres de ventes annuelles et de marketing, il est impossible de déterminer dans quelle mesure BROIL‑MATE est devenue connue entre les mains de l’Opposante avant qu’une licence soit octroyée à Onward Manufacturing.

[194] En l’absence de renseignements sur la mesure à laquelle les Canadiens ont été exposés à la marque de commerce BROIL‑MATE, je ne suis pas en mesure de conclure que BROIL‑MATE est devenue connue dans une mesure plus que limitée à la date pertinente, que ce soit en 2000 ou en 2003. Par conséquent, bien que la combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis favorise l’Opposante en l’espèce, elle ne le fait que légèrement.

[195] Dans le même ordre d’idées, bien que la période d’emploi des marques de commerce favorise l’Opposante, elle ne le fait que légèrement.

Genre des produits et des entreprises et nature du commerce

[196] Sous ce motif d’opposition, c’est l’état déclaratif des produits tel que défini dans la Demande par rapport aux produits pour lesquels l’Opposante a démontré un emploi réel qui régit l’analyse. Cependant, les produits vendus sous la marque de commerce BROIL‑MATE sont semblables aux produits vendus en liaison avec BROIL KING et l’entreprise et le commerce à l’égard de chacune de ces marques de commerce sont également semblables. La preuve indique que les barbecues BROIL‑MATE sont vendus à des prix plus bas; par exemple, M. Witzel joint à son affidavit des listes de prix pour les vendeurs de 2014-2015 indiquant des prix de détail réels de 219 $ à 529 $ [Pièce C] et des imprimés du site Web à homedepot.ca annonçant de tels grils pour 118 $ à 597 $ [Pièce D]. Mme Roberts joint des imprimés à son affidavit archivés du même site Web en 2014, 2015 et 2017, annonçant de tels grils pour 99 $ à 449 $ [Roberts no 1, Pièces 20 et 31]. Cependant, pour les raisons exposées ci-dessus sous le motif de l’enregistrabilité, j’estime qu’il y a malgré tout un chevauchement important dans le genre des produits et des entreprises et la nature des commerces. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Circonstances de l’espèce

[197] Pour des raisons semblables à celles abordées ci-dessus sous le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité, j’estime que la seule circonstance de l’espèce significative est la jurisprudence entourant les marques de commerce contenant des termes descriptifs, ce qui, de nouveau, favorise la Requérante, quoique dans une mesure plus restreinte (puisque j’estime que la marque de commerce BROIL‑MATE dans son ensemble possède une connotation quelque peu moins élogieuse que BROIL KING).

Conclusion concernant la confusion

[198] Pour qu’un requérant puisse s’acquitter de son fardeau juridique, le registraire doit être raisonnablement convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’enregistrement demandé ne créera vraisemblablement pas de confusion; il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute que la confusion est improbable [Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29]. En l’espèce, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque ne créera probablement pas de confusion avec la marque de commerce BROIL‑MATE de l’Opposante. Les différences entre les marques de commerce sont suffisantes pour éviter une probabilité de confusion, même à titre de première impression et de souvenir imparfait, en dépit du chevauchement du genre des produits et de la nature des commerces. J’arrive à cette conclusion en gardant à l’esprit que la marque de commerce BROIL‑MATE a un degré relativement faible de caractère distinctif inhérent et qu’il n’a pas été démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif important entre les mains de l’Opposante.

[199] Pour ces raisons, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) en lien avec l’absence du droit à l’enregistrement sur la marque de commerce BROIL MATE de l’Opposante est rejeté.

Caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2

[200] L’Opposante plaide également que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer, les Produits des produits [traduction] « des autres, nommément les produits de l’Opposante ». Le paragraphe 1 de la déclaration d’opposition précise que les références à [traduction] « l’Opposante » tout au long de la déclaration d’opposition constituent des références à [traduction] « l’Opposante ou tout prédécesseur en titre ».

[201] Je note que l’argument de l’Opposante ne fait pas une référence générale à la distinction entre les Produits et les produits [traduction] « des autres ». Plutôt, l’Opposante a limité son argument à la distinction entre les Produits et les produits de [traduction] « l’Opposante ou de tout prédécesseur en titre ». Par conséquent, afin de s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer que l’emploi de la marque de commerce ou la réputation qu’elle invoque lui profite ou profite à un prédécesseur en titre.

[202] De plus, la marque de commerce qu’un opposant invoque doit être suffisamment connue au Canada pour annuler le caractère distinctif de la marque du requérant [Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657]. À cet égard, un opposant doit démontrer que, à la date pertinente, sa marque de commerce était connue au Canada dans une certaine mesure, ayant acquis une réputation « importante, significative ou suffisante », ou sinon qu’elle est bien connue dans une région particulière du Canada; dans l’un ou l’autre cas, il doit y avoir une preuve claire de la mesure à laquelle la marque de commerce est connue [Bojangles, précité; Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 10]. La date pertinente pour cette évaluation est la date à laquelle la déclaration d’opposition a été produite; en l’espèce, il s’agit du 29 février 2016 [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[203] Comme il en a été question ci-dessus, la preuve de l’Opposante ne démontrer dans quelle proportion, le cas échéant, l’emploi de ses marques de commerce après le 1er janvier 2001 constituait son propre emploi ou un emploi qui lui profitait. Le manque de précision de l’Opposante pour fournir des chiffres de ventes annuelles et marketing fait également qu’il est impossible de déterminer la mesure à laquelle l’une de ses marques de commerce était devenue connue avant cette date et il n’y a aucune indication permettant de déterminer si l’une d’elles demeure connue comme marque de commerce de l’Opposante à la date pertinente. Je note également que, bien que l’Opposante observe que ses dépenses publicitaires sont importantes, certains des exemples de publicités fournis par M. Witzel semblent, à première vue, s’adresser aux vendeurs plutôt qu’aux consommateurs et il ne précise pas la proportion des publicités qui s’adressent au grand public. En effet, M. Witzel ne fournit aucune information quant à la mesure à laquelle l’une des publicités ou le matériel de marketing mentionnés dans son affidavit ont été distribués au Canada ou consultés depuis cet endroit. On se trouve obligé de spéculer sur ce point, ce que la Cour fédérale a indiqué qu’il y a lieu de résister [1648074 Ontario Inc c Akbar Brothers (Pvt) Ltd, 2019 CF 1305, au para 53].

[204] Comme l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Conviction du droit d’employer la Marque conformément à l’article 30i)

[205] L’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi, puisque la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer ou d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Produits, puisque la Marque crée de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, précédemment employées, révélées, visées par une demande d’enregistrement et enregistrées au Canada. L’Opposante plaide également que la Requérante était consciente des Marques de commerce de l’Opposante et savait que la Marque n’était pas enregistrable à leur dépend en raison des procédures d’opposition antérieures où l’Opposante s’est opposée avec succès à une demande pour la marque de commerce BROILMASTER.

[206] De nouveau, bien que la Requérante plaide dans sa contre-déclaration que la mention que les Marques de commerce de l’Opposante ont été [traduction] « employées, révélées, visées par une demande d’enregistrement et enregistrées antérieurement » est vague et ne fournit pas suffisamment de détails pour permettre d’y répondre, j’estime que cette référence est suffisamment définie par l’explication par l’Opposante que l’emploi, la révélation, la demande et l’enregistrement son tels que décrits dans la déclaration d’opposition. Lorsque la déclaration d’opposition est lue dans son ensemble, il est clair que cette observation allègue la confusion selon l’emploi antérieur de chacune des Marques de commerce de l’Opposante en liaison avec les produits et depuis la date de premier emploi revendiquée dans l’enregistrement correspondant établie au paragraphe 3 de la déclaration d’opposition.

[207] L’article 30i) de la Loi exige simplement que le requérant inclue dans sa demande une déclaration portant qu’il est convaincu d’avoir droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans la demande. Cependant, la simple connaissance d’une marque qui prétendument crée de la confusion n’empêche pas en elle-même un requérant d’être convaincu de son droit d’employer la marque pour laquelle il demande l’enregistrement. Même si l’on conclut qu’un requérant n’a pas droit à l’enregistrement, il peut avoir le droit d’employer la marque sans enregistrement. Dans le même ordre d’idées, un requérant dont la demande antérieure pour la même marque a été rejetée peut avoir gain de cause dans une procédure d’opposition contre sa demande subséquente en raison de changements dans les circonstances factuelles, la preuve présentée et les dates pertinentes.

[208] Par conséquent, alors que, comme en l’espèce, la déclaration requise est incluse dans la demande, un opposant peut seulement invoquer l’article 30i) dans des cas particuliers, comme lorsqu’il allègue que le requérant a fait preuve de mauvaise foi ou de fraude [Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. En l’espèce, l’allégation de l’Opposante que la Requérante a l’intention de drainer les ressources de l’Opposante et d’épuiser sa résolution ne constitue pas une preuve de mauvaise foi. Ce n’est pas le cas non plus de la caractérisation par l’Opposante de la Demande comme une tentative [traduction] « détournée » d’enregistrer BROILMASTER. À cet égard, je note que la possession par un requérant d’une marque de commerce déposée ne lui accorde pas le droit automatique d’obtenir un autre enregistrement pour une marque semblable [Coronet‑Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Ménagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d), 108 à 115 (COMC); Groupe Lavo Inc c Procter & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC)].

[209] Dans le meilleur des cas, l’Opposante remet en question les motifs de la Requérante en faisant de manière répétée la demande d’enregistrer la même marque de commerce, ou une variante de celle-ci, mais l’article 30i) porte sur le droit d’employer plutôt que le droit d’enregistrer.

[210] Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Décision

[211] Compte de tout ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2020-10-27

COMPARUTIONS

David Schnurr

Pour l’Opposante

Adele Finlayson

Pour la Requérante

AGENTS AU DOSSIER

Miller Thomson LLP

Pour l’Opposante

Moffat & Co.

Pour la Requérante

 

 

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