Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2021 COMC 281

Date de la décision : 2021-12-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

I. Quint Group Inc.

Opposante

et

 

Quintcap Inc.

Requérante

 

1,770,015 pour
QUINT HOTELS & Dessin

Demande

Introduction

[1] Les parties de cette procédure d’opposition se connaissent. Comme il sera expliqué de manière plus détaillée ci-dessous, elles ont été impliquées au cours des dernières années dans quelques litiges l’une contre l’autre et leurs présidents respectifs, lesquels font partie de la même famille et partagent le nom de famille Quint.

[2] En l’espèce, I. Quint Group Inc. (I. Quint ou l’Opposante) s’oppose à la demande d’enregistrement no 1,770,015 (la Demande) pour la marque de commerce QUINT HOTELS & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, déposée par Quintcap Inc. (Quintcap ou la Requérante) et fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 30 décembre 2013 en liaison avec les services suivants, révisés par la Requérante :

Services

(1) Exploitation et gestion d’hôtels.

(2) Services de réservation d’hôtels, préparation, organisation et offre d’installations pour des banquets, offre de salles de réception et de salles de conférence pour des réceptions, des évènements privés, des conférences et des réunions; services de restaurant et services de traiteur.

[3] L’Opposante s’oppose à la Demande pour divers motifs, y compris la non-conformité de la Demande aux exigences établies à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), la non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12 de la Loi et l’absence du caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi.

[4] Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[5] La demande a été déposée le 29 février 2016 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 20 décembre 2017.

[6] Le 20 février 2018, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi. Étant donné que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019, toutes les mentions dans cette décision renvoient à la Loi modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi tel qu’il se lit avant le 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[7] Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

[8] Le 29 mars 2018, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle réfute les motifs d’opposition plaidés dans la déclaration d’opposition.

[9] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit la déclaration solennelle de son président, Ian Quint (Ian), le 27 juillet 2018 (la Déclaration Quint), et la déclaration solennelle de Janet Dell’Orto, une agente des marques de commerce et traductrice employée par l’agent de l’Opposante dans cette procédure, le 18 juillet 2018 (la Déclaration Dell’Orto). Ils ont tous deux été contre-interrogés au sujet de leurs déclarations et les transcriptions de ces contre-interrogatoires ont été versées au dossier, ainsi que la Pièce IQ‑1 et la réponse à l’engagement U‑1 concernant le contre-interrogatoire de Ian, comme il en sera question ci-dessous.

[10] Afin d’appuyer sa Demande, la Requérante a produit la déclaration solennelle de Marylène Gendron, une secrétaire employée par l’agent de la Requérante, le 29 avril 2019 (la Déclaration Gendron). Mme Gendron a été contre-interrogée au sujet de sa déclaration et la transcription de ce contre-interrogatoire, ainsi que les réponses aux engagements, a été versée au dossier, comme il en sera question ci-dessous.

[11] Aucune observation écrite n’a été produite, mais les deux parties étaient représentées à l’audience au cours de laquelle l’Opposante a retiré le motif d’opposition fondé sur l’article 30a) de la Loi. L’affaire a été entendue avec deux autres procédures d’opposition pour les demandes no 1,715,193 et 1,715,419 pour la marque nominale QUINTCAP et la marque de commerce QUINTCAP DESSIN, respectivement. Des décisions distinctes découleront de ces deux oppositions.

Analyse

Remarques préliminaires – litiges antérieurs entre les parties

[12] Comme il a été mentionné ci-dessus, au cours des dernières années, les parties de la présente procédure ont été impliquées dans quelques litiges.

[13] Sans entrer dans les détails, je note qu’une décision de la Cour supérieure du Québec rendue le 15 mars 2021 en faveur de Quintcap et de son président Theodore Quint (Theodore), l’oncle de Ian, fait présentement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Québec [voir Quintcap inc c I. Quint Group Inc 2021 QCCS 1932 et I. Quint Group Inc c Quintcap inc, 2021 QCCA 774].

[14] La décision de la Cour supérieure concerne deux affaires qui ont été entendues ensemble, à savoir : i) une déclaration de revendication produite par Quintcap et Theodore contre I. Quint, son président Ian et trois autres entreprises associées, directement ou indirectement, à Ian (l’une d’elles nommée Devraker Real Estate Inc. [Devraker]), alléguant, entre autres, de la commercialisation trompeuse et de la concurrence déloyale, et demandant diverses ordonnances et la révocation d’un cadeau d’actions pour cause d’ingratitude; et ii) une demande de remède pour de l’oppression instituée par Ian et Devraker contre Theordore et Quintcap et plusieurs autres personnes ou entités qui leur sont associées.

[15] Sans surprise, la décision de la Cour supérieure a été mentionnée lors de l’audience. Cependant, cette décision n’a pas nécessairement un caractère déterminant pour les questions en l’espèce. En effet, cette décision fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Québec et, peu importe, chaque affaire doit être décidée selon ses propres faits.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[16] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Aperçu de la preuve

Preuve de l’Opposante

La Déclaration Quint

[17] Comme il deviendra évident au cours de mon examen ci-dessous, la Déclaration Quint se concentre essentiellement sur trois choses : i) l’ancienne relation d’affaires de Ian avec son oncle Theodore, y compris par l’entremise de la Requérante au cours des années 2005 à 2015; ii) les circonstances entourant la création de la marque QUINTCAP; et iii) la réputation de l’Opposante et la réputation personnelle de Ian dans l’industrie de l’immobilier. Comme on peut en déduire de la transcription du contre-interrogatoire de Ian, et comme c’était le cas dans l’affaire devant la Cour supérieure, il y a un débat entre les parties concernant la caractérisation de cette relation, d’où l’accent que j’ai mis sur certaines des citations reproduites ci-dessous. D’une part, l’Opposante affirme qu’ils étaient des partenaires d’affaires. D’autre part, la Requérante affirme que Ian était un employé de la Requérante. Je reviendrai sur cette question.

[18] Avec ce contexte à l’esprit, la Déclaration Quint peut être résumée comme suit.

[19] Dans les paragraphes d’introduction, Ian se décrit comme le président de I. Quint depuis sa création le 13 février 2015 et comme [traduction] « un homme d’affaires avec un diplôme en droit et une vaste expertise dans les domaines de la gestion et du développement immobiliers » [para 1 et 2, voir également para 20].

[20] Dans les paragraphes suivants, Ian se décrit également comme [traduction] « l’ancien partenaire d’affaires de [son] oncle, [Theodore], le président de la Requérante » [mon accentuation] [para 3]. Plus particulièrement, il affirme que :

[traduction]

4. […] de 2005 à 2015, j’ai travaillé avec [Theodore] et étais uniquement responsable pour la gestion et le développement d’un portefeuille familial de biens immobiliers (le « Portefeuille de biens immobiliers ») dans lequel [Theodore] était un partenaire […].

5. Au cours de cette période, j’ai développé près de 100 % des divers projets immobiliers à Brossard et à La Prairie.

6. Je participais à un « partenariat constitué en société » avec [Theodore] et d’autres partenaires par l’entremise d’un certain nombre d’entreprises faisant affaire dans le domaine de la gestion et le développement immobiliers.

7. Après avoir obtenu mon diplôme en droit et avoir été appelé au barreau de l’État de New York en 2005, j’ai décidé, à la demande mon oncle [Theodore], le président de la Requérante, subséquemment à la démission du gestionnaire de propriétés précédent, d’entreprendre une carrière dans l’immobilier.

[mon accentuation]

[21] Ian décrit ensuite, de manière plus détaillée, le contexte de ses débuts comme gestionnaire de biens immobiliers, y compris la façon dont :

[traduction]

10. [Il] a mis à jour le bureau de gestion qui était devenu archaïque et avait pris bien du retard sur le plan technologique par rapport aux normes de l’industrie, particulièrement en investissant dans des ordinateurs et des logiciels, puisqu’aucun des employés n’avait d’ordinateur et la plupart de la paperasse était faite à la maison, ainsi qu’en créant un site Web du bureau.

11. Le Portefeuille de biens immobiliers s’est épanoui sous [son] intendance alors [qu’il] a développé une réputation comme étant un gestionnaire de projet avec qui il était agréable de travailler et qui pouvait réaliser des projets de construction dans les délais et dans les budgets avec un taux d’occupation de 100 %, habituellement avant que les travaux ne soient terminés. En fait, sous [son] intendance, [il] a plus que doublé la taille du portefeuille que [Theodore] avait précédemment.

(voir également le para 12, où Ian énumère les projets les plus importants pour lesquels il était responsable.)

[22] Ian continue en affirmant que [traduction] « à la fin de 2014, [il] avait une part personnelle importante dans l’entreprise immobilière et d’autres entreprises immobilières avec des investisseurs à l’extérieur de la famille Quint » [para 13]. Il affirme qu’il [traduction] « était responsable d’identifier les possibilités immobilières, puis de superviser leur conception, leur planification, leur construction, leur location et les opérations commerciales générales, ainsi que de gérer les fonds immobiliers existants détenus par la famille Quint » [para 15; voir également para 14 et 17 où Ian réitère de nouveau qu’il avait acquis une certaine réputation au sein de l’industrie de l’immobilier].

[23] Ian affirme que c’est également à ce moment que son [traduction] « désaccord avec [Theodore] concernant l’avenir du Portefeuille de biens immobiliers a atteint son point culminant » [para 18]. Plus particulièrement, il affirme que lorsque Theodore [traduction] « [lui] a très clairement indiqué qu’il n’avait aucune intention d’approfondir davantage notre fonds immobilier, [Ian] a été forcé de créer [sa] propre entreprise de gestion et de développement immobiliers » [mon accentuation] [para 19]. Par conséquent, il a constitué en société I. Quint [para 20; voir également le para 22 décrivant l’expansion de l’entreprise de l’Opposante].

[24] Ian raconte par après que l’Opposante a tenté d’enregistrer la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin et que sa demande a été opposée par l’examinateur en raison des demandes antérieures de la Requérante pour les marques de commerce susmentionnées QUINTCAP et QUINTCAP DESSIN, lesquelles font maintenant l’objet d’oppositions de la part de l’Opposante. Ian affirme que :

[traduction]

25. Le Portefeuille de biens immobiliers était détenu par diverses entreprises. J’ai décidé de tout centraliser et ainsi créer une seule entreprise pour gérer l’ensemble du portefeuille. J’ai par conséquent créé le concept et la marque QUINTCAP, ainsi que le logo QUINTCAP, et j’ai assuré le marketing de tout cela.

26. Plus particulièrement, [Theodore], le président de la Requérante, gérait son entreprise immobilière sous de nombreux noms différents pendant 40 ans. Au cours de mon travail avec [Theodore] à titre de gestionnaire, j’ai obtenu mon permis d’entrepreneur général. Compte tenu des divers noms d’entreprises employés par [Theodore], j’ai décidé de créer un nom sous lequel notre clientèle pouvait plus facilement m’identifier et identifier le travail que je faisais. Le nom était QUINTCAP. J’ai créé le nom QUINTCAP après avoir travaillé avec l’entreprise, laquelle était principalement gérée sous le nom PierreVillage. En fait, PierreVillage était employé par [Theodore] avant que je me sois joint à lui. Il a cessé d’employer ce nom après que j’ai créé le nom QUINTCAP et commencé à l’utiliser. Cependant, après mon départ et la création de ma propre entreprise immobilière, à savoir l’Opposante, [Theodore] a repris l’emploi du nom PierreVillage, lequel peut maintenant être vu sur les affiches de location de la Requérante et dans le matériel de marketing de son portefeuille de propriétés, comme l’illustrent les photos en exemple prises au cours des trois dernières années de telles affiches et qui sont incluses aux présentes à titre de Pièce A. Le numéro de téléphone affiché sur l’affiche est le même numéro que celui de la Requérante.

27. Les bâtiments de la Requérante se trouvent presque à 100 % sur une seule petite rue dans une seule petite municipalité. L’Opposante se trouve dans presque toutes les grandes régions du Québec, ainsi que dans d’autres régions du Canada et des États-Unis. De plus, la Requérante ne possède aucun bâtiment et ne gère même plus de propriétés. En fait, l’entreprise nommée House of Gordon est responsable de l’ensemble de la gestion des contrats de la Requérante. De plus, la Requérante ne gère aucune propriété pour des tiers. Par conséquent, la Requérante ne crée pas ou ne renforce pas son achalandage dans la Marque, alors que, comme il indiqué ci-dessus, l’Opposante prend activement et continuellement de l’expansion pour son entreprise immobilière en liaison avec la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin.

Je remarque que Ian a [traduction] « corrigé » le paragraphe 25 afin d’indiquer [traduction] : « […] et par conséquent créé une marque (ou une marque de commerce) pour gérer l’ensemble du portefeuille […] » [voir les pages 12 et 21 de la transcription du contre-interrogatoire].

[25] Dans la dernière partie de sa déclaration, Ian discute de la façon dont l’Opposante et sa marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin, reproduite ci-dessous, sont connus dans l’industrie. Afin d’appuyer ses affirmations, il joint à sa déclaration diverses pièces qui seront abordées de manière plus détaillée ci-dessous [para 29 à 33; Pièces B à H].

[26] Par après, Ian conclut sa déclaration en fournissant son opinion personnelle à l’égard du caractère distinctif de la Marque, alléguant, entre autres, que :

[traduction]

33. […] le nom Quint est connu dans l’industrie plus générale de l’immobilier en raison du travail de [Ian] et de sa participation. Par conséquent, la Requérante […] ne devrait pas avoir le droit à l’emploi exclusif de QUINT à l’égard des services offerts dans l’industrie de l’immobilier. C’est tout autant le nom de famille [de Ian et de Theodore] et pour cette raison, ainsi que le fait que l’Opposante et [Ian] ont personnellement pris une place importante au sein de l’industrie de l’immobilier, il ne distingue pas les services de la Requérante.

[voir également les para 34 et 35]

[27] Je reviendrai à cette déclaration dans mon interprétation du motif d’opposition fondé sur l’article 2.

[28] Comme il est indiqué ci-dessus, Ian a été contre-interrogé au sujet de sa déclaration solennelle. Au cours du contre-interrogatoire, l’avocat de la Requérante a tenté de produire, à titre de Pièce IQ‑1 au contre-interrogatoire, certains formulaires T‑4 identifiant Ian comme un employé de la Requérante de 2006 jusqu’à janvier 2015 (excepté 2008). L’avocat de l’Opposante s’est objecté à la production de cette pièce et à l’ensemble des questions portant sur le statut de Ian à titre d’employé de Quintcap au cours de ces années. Par conséquent, la Pièce IQ‑1 ne figure pas à la table des matières de la transcription. Cependant, une copie de cette pièce a été produite par la Requérante avec la transcription du contre-interrogatoire. À cet égard, je note que dans sa lettre soumettant cette transcription et cette pièce, la Requérante affirme qu’une objection à la production d’une pièce ne devrait pas empêcher la présentation de ladite pièce au registraire. La Requérante affirme que conclure le contraire signifierait que toute partie pourrait empêcher la production d’une pièce au cours d’un contre-interrogatoire simplement en s’objectant à sa production et que cela empêcherait également la production de cette pièce auprès du registraire, même dans le but de permettre au registraire de déterminer si l’objection est indéfendable. La Requérante a également affirmé qu’il est clair que Ian a examiné la Pièce IQ‑1 au cours de son contre-interrogatoire, comme on peut le voir aux pages 23 à 26 de la transcription. À cet égard, je note que, à la page 24 de la transcription, Ian, en commentant les formulaires T‑4, a affirmé que :

[traduction]

[…] cela fait partie d’une rémunération où j’étais également rémunéré au titre de la société Devraker, pour laquelle nous vous avons fourni des preuves de paiements et nous avons fourni des contrats de gestion de l’entreprise Quint de [Theodore] à mon entreprise Devraker. […] [mon accentuation]

[29] Au cours de l’audience, j’ai demandé quelques clarifications concernant ce qui faisait partie du dossier et ce qui n’en faisait pas partie. La Requérante et l’Opposante ont chacun répondu au moyen d’une lettre produite auprès du registraire les 26 juillet et 21 août 2021 respectivement, commentant les mérites de leurs positions respectives au sujet de la Pièce IQ‑1. Toutefois, aucune clarification n’a été reçue concernant les [traduction] « preuves de paiements » et les [traduction] « contrats de gestion » susmentionnés évoqués au cours du contre-interrogatoire de Ian.

[30] Compte tenu de ce qui précède, je confirme qu’aucune [traduction] « preuve de paiements » et aucun [traduction] « contrat de gestion » n’ont été produits par l’Opposante à titre de pièces en l’espèce. Je comprends que ces documents auraient été produits dans l’un des dossiers ayant abouti à la décision de la Cour supérieure. J’accepte également que la Pièce IQ‑1 soit considérée comme faisant partie de la transcription du contre-interrogatoire. À cet égard, je suis en désaccord avec l’objection de l’Opposante. J’estime que les questions portant sur le statut de Ian à titre d’employé de Quintcap sont pertinentes, puisque cela semble contredire ses déclarations qu’il a lancé [traduction] « un partenariat constitué en société » avec son oncle en 2005. Je reviendrai sur ce point ci-dessous.

La Déclaration Dell’Orto

[31] La déclaration de Mme Dell’Orto a été produite uniquement pour fournir les résultats d’une recherche qu’elle a menée pour le nom QUINT sur le site Web Canada 411, énumérant 33 résultats [Pièce A].

[32] Comme il est indiqué ci-dessus, Mme Dell’Orto a été contre-interrogée au sujet de sa déclaration. Les questions posées au cours de son contre-interrogatoire visaient essentiellement à confirmer la méthode employée pour ses recherches.

La preuve de la Requérante

La Déclaration Gendron

[33] La déclaration de Mme Gendron a été produite uniquement pour fournir les résultats de ses recherches dans diverses bases de données de dictionnaires français et anglais pour le mot QUINT [Pièces MG‑1 et MG‑2] et une « Déclaration de mise à jour courante » montrant que le nom d’entreprise 3084388 Canada Inc. (identifié comme [traduction] « employeur » dans les formulaires T‑4 susmentionnés des années 2006 à 2012) est l’ancien nom de Quintcap [Pièce MG‑3].

[34] Comme il est indiqué ci-dessus, Mme Gendron a été contre-interrogée au sujet de sa déclaration. Les questions posées portent principalement sur la nature et la source des dictionnaires en ligne consultés. L’avocat de la Requérante s’est objecté à deux questions portant sur les instructions fournies par l’avocat de la Requérante à Mme Gendron [engagements EMG‑1 et EMG‑2 (sous réserve)] pour des raisons de privilège [voir la lettre de la Requérante en date du 1er mai 2020]. J’estime qu’il n’est pas nécessaire que je prenne de décision à l’égard de ces objections, puisque rien ne dépend de la nature des instructions données par l’avocat de la Requérante.

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b) (la Marque n’a pas été employée depuis la date revendiquée et emploi comme nom commercial)

[35] Le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) plaidé par l’Opposante a deux volets, à savoir que la Marque n’a pas été employée depuis la date revendiquée de premier emploi (c’est‑à‑dire, depuis au moins le 30 décembre 2013) et que la Marque n’a pas été employée comme marque de commerce, mais plutôt comme nom commercial.

[36] La date pertinente pour examiner les circonstances concernant ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Georgia‑Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. À cet égard, l’article 30b) de la Loi exige l’emploi ininterrompu d’une Marque depuis la date revendiquée [Brasserie Labatt Ltée c Benson & Hedges (Canada) Ltée (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst)]. Dans la mesure où le requérant a plus facilement accès aux faits pertinents relatifs à un motif d’opposition invoqué en vertu de l’article 30b) de la Loi, le fardeau de la preuve qui incombe à un opposant relativement à un tel motif d’opposition est moins lourd [Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, il est possible de s’acquitter de ce fardeau en renvoyant à la preuve du requérant [Brasserie Labatt Ltée c Brasseries Molson (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. Toutefois, un opposant peut se fonder avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau initial uniquement si l’opposant démontre que cette preuve est nettement incompatible avec les revendications contenues dans la demande du requérant ou les conteste [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323]. À cet égard, bien que l’opposant ait droit de s’appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve, le requérant n’est aucunement tenu de prouver l’exactitude de la date de premier emploi qu’il revendique si cette date n’a pas d’abord été mise en doute par un opposant s’acquittant de son fardeau de preuve initial [Kingsley c Ironclad Games Corporation, 2016 COMC 19].

[37] En l’espèce, l’Opposante invoque le paragraphe 27 de la Déclaration Quint, où Ian affirme, entre autres, que [traduction] « la Requérante ne possède aucun bâtiment et ne gère même plus de propriétés », ainsi que le contre-interrogatoire de Ian (page 31, ligne 10; page 43, ligne 1; et page 45, ligne 6]. L’Opposante affirme également que la Requérante n’a produit aucune preuve démontrant l’emploi de la Marque, que ce soit à compter de la date revendiquée de premier emploi de la Marque ou à tout autre moment.

[38] Je ne souscris pas à la position de l’Opposante.

[39] Conformément à mon examen ci-dessus de la Déclaration Quint, et comme l’a souligné la Requérante lors de l’audience, la preuve de l’Opposante, à proprement parler, ne conteste pas la date revendiquée par la Requérante de premier emploi de la Marque en liaison avec les Services visés par la demande. Plutôt, la Déclaration Quint se concentre sur le partenariat allégué de Ian avec son oncle dans l’industrie de l’immobilier en termes généraux. À cet égard, je remarque que [traduction] « les plus importants projets pour lesquels [Ian] était responsable » qui sont énumérés au paragraphe 12 de sa déclaration ne concernent pas l’industrie hôtelière, mais des projets de construction et de rénovation immobiliers résidentiels, commerciaux et industriels [voir également la page 32 de la transcription du contre-interrogatoire où Ian a affirmé que : [traduction] « […] c’est ce que le partenariat a fait : lorsque nous avions l’intention d’acheter une propriété par après, nous établissions une entreprise, achetions les terrains, je changeais le zonage, je mettais les services, puis nous vendions les terrains à un constructeur ».

[40] De plus, je ne suis pas prête à accorder un quelconque poids aux affirmations simples de Ian que la Requérante ne possède aucun bâtiment et ne gère même plus, d’elle-même ou par un licencié, de propriétés, puisque j’estime que ces affirmations manquent de détails, sont trop vagues et ne sont pas appuyées par des pièces pertinentes et à l’appui, sans mentionner mes réservations à l’égard de la crédibilité du témoignage de Ian concernant les activités particulières de la Requérante, particulièrement compte tenu du refus de l’Opposante de clarifier l’ancien statut de Ian comme employé de la Requérante qui a été remis en question par les formulaires T‑4 de la Pièce IQ‑1. Mon intention n’est pas de dire qu’une partie de la rémunération de Ian lorsqu’il travaillait pour la Requérante ne pouvait pas aussi provenir de divers contrats de service conclus entre une ou plusieurs entreprises appartenant à Ian (par exemple, Devraker) et Quintcap ou tout autre fonds ou entreprise immobilier détenu par Theodore ou la famille Quint. Cependant, dans l’absence d’une explication satisfaisante et de pièces à l’appui, je trouve le caractère vague entourant l’ancienne relation entre Ian et la Requérante quelque peu suspect. À cet égard, il vaut souligner dans le témoignage oral de Ian que [traduction] « [il ne sait pas] ce qu’est la Requérante puisque, pour [Ian], Quintcap est une marque de commerce [qu’il] a créée » et que [traduction] « son oncle [Theodore], a subrepticement, sans la permission de [Ian], pris le nom [Quintcap] que [Ian] a créé […] et a changé le nom de [l’une de ses entreprises] à Quintcap » [transcription du contre-interrogatoire, pages 25 et 29], ce que je trouve particulièrement surprenant et intriguant compte tenu de l’identification exprès de la Requérante comme [traduction] « employeur » sur les formulaires T‑4 pour les années 2013 à 2015.

[41] Puisque la preuve de l’Opposante n’a pas remis en question la date de premier emploi de la Marque par la Requérante, la Requérante n’a aucune obligation de démontrer sa date revendiquée de premier emploi.

[42] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté à l’égard de chacun des volets.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i) (la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque)

[43] Le motif d’opposition fondé sur l’article 30i), tel que plaidé par l’Opposante, semble avoir quatre volets, à savoir que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services, puisque : i) la Marque n’est pas enregistrable; ii) la Marque n’est pas distinctive; iii) la Requérante n’est pas la personne qui a le droit à l’enregistrement; et iv) le président de la Requérante et le président de l’Opposante sont apparentés et portent le même nom de famille QUINT. De plus, ils ont précédemment fait affaire ensemble dans l’industrie de l’immobilier et continuent de le faire séparément. Ils étaient et sont tous deux bien connus dans l’industrie.

[44] J’estime que les trois premiers volets doivent être rejetés puisqu’ils ne sont pas des motifs d’opposition valides en vertu de l’article 30i) de la Loi et relèvent plutôt, respectivement, de l’article 12 de la Loi (non-enregistrabilité, abordé ci-dessous), de l’article 2 de la Loi (absence de caractère distinctif, abordé ci-dessous) et de l’article 16 de la Loi (personne non admise à l’enregistrement, non plaidé par l’Opposante).

[45] En ce qui a trait au quatrième volet, il n’est pas clair si l’Opposante plaide de nouveau que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement (ce qui, comme il est indiqué ci-dessus, n’est pas en lui-même un motif d’opposition valide en vertu de l’article 30i) de la Loi) ou la mauvaise foi de la Requérante. Peu importe, je conclus que ce quatrième volet doit également être rejeté.

[46] L’article 30i) de la Loi exige qu’un requérant inclue une déclaration dans sa demande selon laquelle il est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada, ce qui a été fait par la Requérante en l’espèce. Il est bien établi dans la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co. Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Cependant, il n’y a aucune preuve que, en l’espèce, il s’agit d’un cas exceptionnel ou que la Requérante a agi de mauvaise foi lors de la date de production de la Demande ou à tout autre moment. Le simple fait que Ian aurait peut-être participé à la création de la marque QUINTCAP (en tant qu’employé de la Requérante ou par son partenariat allégué avec Theodore) n’appuie pas en lui-même une allégation que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit d’employer la Marque. De toute évidence, la simple création d’un mot ou d’un dessin qui devient une marque de commerce n’accorde pas en elle-même des droits relatifs aux marques de commerce.

Article 12(1)a) de la Loi (la Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle est le nom ou le nom de famille d’une personne)

[47] L’article 12(1)a) de la Loi stipule qu’une marque de commerce est enregistrable si elle n’est pas constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes.

[48] La date pertinente pour statuer sur un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a) est la date de production de la demande [voir Calvin Klein Trademark Trust c Wertex Hosiery Inc, (2004) 41 CPR (4th) 552 (COMC); et Jurak Holdings Ltd c Matol Biotech Laboratories Ltd, (2006) 50 CPR (4th) 337 (COMC)].

[49] Les décisions de principes concernant l’article 12(1)a) sont Canada (Registraire des marques de commerce) c Coles Book Stores Ltd, (1972) 4 CPR (2d) 1 (CSC); Gerhard Horn Investments Ltd c Registrar of Trademarks (1983), 73 CPR (2d) 23 (CF 1re inst); et Standard Oil Co c Canada (Registrar of Trade Marks) (1968), 55 CPR 49 (C. de l’É.), lesquelles ont établi le critère en vertu de l’article 12(1)a) selon deux conditions :

[50] Le fardeau initial de l’Opposante est de satisfaire à la première condition du critère, c’est‑à‑dire de fournir une preuve suffisante que la marque de commerce est le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou d’un particulier décédé au cours des trente années précédentes (par exemple, des listes téléphoniques) [voir Image Intellectual Property Law Professional Corporation c Pinnacle Foods Group LLC, 2013 COMC 62].

[51] En l’espèce, je suis convaincue que la preuve de l’Opposante produite au moyen de la Déclaration Dell’Orto est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Bien que le nom de famille QUINT semble être un nom de famille relativement rare au Canada en général (seulement 33 résultats dévoilés par les recherches de Mme Dell’Orto sur le site Web Canada 411), une certaine reconnaissance mineure de la Marque comme nom de famille peut être déduite desdites listes téléphoniques. Cela étant dit, et contrairement à la position de l’Opposante, je ne suis pas prête à déduire que le nom de famille QUINT soit, à la date pertinente du 29 février 2016, devenu connu dans une mesure importante en raison de la réputation personnelle alléguée de Ian dans l’industrie de l’immobilier, ne serait-ce que parce qu’aucune des Pièces B à H (abordées ci-dessous) ne porte une date antérieure à la date pertinente permettant d’évaluer le présent motif d’opposition.

[52] La question devient alors de savoir si une personne au Canada d’intelligence moyenne et d’éducation moyenne en français ou en anglais aurait une plus grande probabilité de répondre à la Marque en la considérant comme un nom ou un nom de famille, plutôt que quelque chose d’autre.

[53] En l’espèce, je remarque que, en plus de sa signification comme nom de famille, le mot QUINT est défini dans le American Heritage dictionary of the English language (5e édition, 2011) comme : [traduction] « 1. Une séquence de cinq cartes de la même couleur dans une main au piquet. 2. Un quintuple »; et dans le dictionnaire français Multidictionnaire de la langue française (4e édition, 2003) comme : « QUINT- préf. Élément du latin signifiant “cinquième”. Quintuple. » [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 (CanLII), au para 29 qui prévoit que le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire]. Ces définitions du dictionnaire correspondent à celles jointes à titre de Pièces MG‑1 et MG‑2 à la Déclaration Gendron.

[54] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la preuve au dossier n’appuie pas la conclusion que le Canadien moyen aurait une plus grande probabilité de répondre à la Marque en la considérant comme un nom de famille, plutôt qu’une marque de commerce fantaisiste. Cela est particulièrement le cas compte tenu de l’élément figuratif important et élaboré formé de la lettre stylisée « Q » comportant la Marque et le mot supplémentaire HOTELS.

[55] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 (la Marque ne distingue pas la Requérante)

[56] À titre de question préliminaire, j’estime que le motif, tel que plaidé, est ambigu. Cela étant dit, je dois lire le plaidoyer conjointement avec la preuve [Novopharm Ltd c Astrazeneca AB, 2002 CAF 387]. Gardant cela à l’esprit, j’estime que le motif peut être interprété comme alléguant que la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi compte tenu i) du nom commercial Groupe Quint ou de la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin de l’Opposante qui serait devenu connu dans l’industrie de l’immobilier; et ii) du fait que QUINT est le nom de famille de Ian et de Theodore (et d’autres personnes), ainsi que le fait que Ian aurait personnellement occupé une place importante dans l’industrie de l’immobilier et rendu ou vendu des services sous son nom de famille (selon le paragraphe 33 de la Déclaration Quint].

[57] L’article 2 de la Loi, tel qu’il était à l’époque, définit le terme « distinctif » comme suit :

distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[58] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui donne lieu à un caractère distinctif en fait. D’autre part, une marque de commerce qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour son caractère distinctif, parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent [voir Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, au para 16].

[59] Je commencerai mon analyse en évaluant le premier volet du motif, tel qu’interprété.

Premier volet du motif d’opposition

[60] Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que le nom commercial Groupe Quint ou la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin de l’Opposante, en liaison avec les produits ou services pertinents, étaient suffisamment connus à la date de la production de la déclaration d’opposition (c’est‑à‑dire le 20 février 2018) pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Plus particulièrement, l’Opposante doit démontrer que son nom commercial ou sa marque de commerce, en liaison avec les produits ou services pertinents, étaient connus au Canada dans une certaine mesure, ayant acquis une réputation « importante, significative ou suffisante » pour annuler le caractère distinctif, ou étaient autrement « bien connu[s] dans une région particulière du Canada » [Bojangles, précité, au para 33]. À cet égard, la preuve d’un opposant n’est pas limitée à la vente de produits ou de services au Canada. Elle peut également être fondée sur la preuve de la connaissance ou de la réputation de la marque de commerce ou du nom commercial d’un opposant, y compris celui qui est diffusé par le bouche-à-oreille ou par des articles de journaux et de magazines [Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd, précité, aux para 58 et 59].

[61] Cela m’amène à me pencher de plus près sur la preuve d’emploi de l’Opposante de son nom commercial Groupe Quint et de sa marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin, y compris les Pièces B à H jointes à la Déclaration Quint.

La preuve d’emploi de l’Opposante de son nom commercial et de sa marque de commerce
Pièce B

[62] Ian décrit cette pièce comme un échantillon de [traduction] « publicités placées au cours des années dans diverses publications, y compris Le Journal l’Information d’Affaires Rive‑Sud et Goss ». Cependant, après avoir examiné cette pièce, je remarque que sauf pour une publicité affichant la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin, ainsi qu’une description des services de l’Opposante, en date du 13 mars 2017 dans le journal L’Information d’Affaires Rive‑Sud, aucune du très petit nombre de publicités alléguées reproduites à la Pièce B ne porte de date. En fait, excepté pour une note écrite à la main ajoutée dans le bas d’une page pour identifier « Goss Magazine », aucune des autres publicités fournies en preuve ne fournit de renseignements concernant le média dans lequel elles auraient été publiées et leur date de publication correspondante, le cas échéant.

[63] Retournant au journal L’Information d’Affaires Rive‑Sud, je note qu’aucun chiffre de circulation n’a été fourni. Je note également que la Pièce B comprend également une copie d’un contrat publicitaire entre ledit journal et une entité nommée 551 Bériault Investments Limited située au 3755, Place de Java, dans la ville de Brossard, au Québec. Je remarque que la même adresse se retrouve dans une publicité sans date identifiant l’Opposante. Le contrat prévoit la publication de 12 publicités étalées sur la période d’avril 2016 à mars 2017. Je suis prête à en déduire que ces publicités auraient été identiques ou semblables à celle publiée dans le numéro du 13 mars 2017. Toutefois, dans l’absence de tout autre renseignement, je ne suis pas prête à déduire qu’il y aurait eu une circulation répandue de ce journal sur la Rive‑Sud de Montréal ou ailleurs.

Pièce C

[64] Ian décrit cette pièce comme un échantillon de publications [traduction] « d’entrevues dans diverses publications relatives à l’immobilier ou autre, des stations de radio, des journaux locaux et nationaux, des revues, y compris les versions en ligne, comme la revue Goss et GOSSCLUB.com, l’une des revues d’affaires les plus connues » qui ont [traduction] « accordé à l’Opposante une exposition fréquente à titre de grand joueur de l’immobilier au sein de l’industrie ». Cependant, après avoir examiné cette pièce, je remarque que sauf pour un très petit nombre d’articles qui ont été publiés dans les versions en ligne de Le Soleil de Châteauguay (2017‑04‑10 et 2017‑03‑31), The Gazette (19 janvier 2016), et Viva‑media.ca (16 mars 2016 et 20 septembre 2017), le reste de l’échantillon de publications n’a pas de date ou a une date ultérieure à la date pertinente du 20 février 2018. De nouveau, aucun chiffre de circulation n’a été fourni. De plus, les articles publiés dans les trois journaux en ligne susmentionnés font simplement référence à l’Opposante (et son président Ian) comme le propriétaire des centres d’achat locaux en vedette à l’intérieur (à Le Faubourg de l’Ile à Pincourt et le Centre régional de Châteauguay [les deux situés dans la région du Grand Montréal]).

Pièce D

[65] Ian décrit cette pièce comme [traduction] « un échantillon de copies de programmes, de sites Web et de pages de médias sociaux » concernant [traduction] « des invitations à parler à toute une gamme de forums et de conférences locaux, nationaux et internationaux sur l’immobilier parmi tous les grands joueurs mondiaux de l’immobilier ». Je note que quelques-uns de ces forums et de ces conférences ont une date ultérieure à la date pertinente du 20 février 2018. Cela nous laisse le Canadian Real Estate Forum (du 28 au 30 novembre 2017), la Conférence sur la location et la stratégie immobilière de Montréal (25 octobre 2016), la Montreal Real Estate Conference (3 février 2018) et le Sommet immobilier de Montréal (28 mars 2017).

[66] À cet égard, je remarque que, bien que Ian indique que [traduction] « l’Opposante a été un parrain des forums et des conférences sur l’immobilier précédents, comme le montrent l’échantillon de copies de programmes pour de tels forums et de telles conférences jointes aux présentes à titre de Pièce D » [para 29d)], le seul spécimen actuel attestant sans doute d’une forme de [traduction] « parrainage » par l’Opposante est pour le Sommet immobilier de Montréal qui a eu lieu le 28 mars 2018 (c’est-à-dire, après la date pertinente) et qui est composé d’une photo d’un kiosque arborant la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin de l’Opposante et indiquant un espace de travail (« Espace de travail ») ou un [traduction] « Salon de réseautage ».

[67] Retournant aux quatre forums ou conférences indiqués ci-dessus dont la date est à l’intérieur de la date pertinente, je remarque que la ville dans laquelle le Canadian Real Estate Forum a eu lieu pour l’année 2017 n’est pas indiquée dans la copie du programme fournie en preuve. Bien que le programme de 2017 semble indiquer que le Canadian Real Estate Forum de 2018 a eu lieu à Toronto, ma compréhension, selon les renseignements généraux qui se trouvent à la dernière page du dépliant, est que l’emplacement des forums peut varier partout au Canada et inclure, par exemple, la Ville de Québec et Montréal. Tout cela pour dire que je ne suis pas prête à déduire que le Canadian Real Estate Forum de 2017 a eu lieu à Toronto plutôt que Montréal, par exemple.

[68] Enfin, je note que Ian, en tant que président de l’Opposante (identifiée par soit le nom commercial français Groupe Quint ou la version anglaise correspondante Quint Group), était un conférencier à tous les forums et les conférences indiqués ci-dessus. Bien qu’il n’y ait aucun renseignement quant au nombre de personnes qui ont participé à ces forums et à ces conférences et à la mesure à laquelle ils ont été publicisés, je suis prête à déduire, compte tenu de la nature de ces forums et de ces conférences ainsi que du nombre et de la qualité des personnes formant les groupes de conférenciers identifiés dans les programmes, que ces forums et ces conférences ont fourni à l’Opposante une certaine exposition en tant que joueur de l’immobilier dans l’industrie dans la région du Grand Montréal, à la date pertinente du 20 février 2018.

Pièce E

[69] Ian décrit cette pièce comme [traduction] « un échantillon de copies de programmes » pour la conférence du International Council of Shopping Centers (ICSC). En particulier, il affirme que [traduction] « l’Opposante a été un parrain et avait un kiosque chaque année à la conférence du [ICSC], où l’Opposante est vue comme un grand joueur dans l’industrie et l’un des trois développeurs les plus actifs au Québec, l’ensemble tel que l’indique l’échantillon de copies [de la Pièce E] ». Cependant, après avoir examiné cette pièce, je remarque que la seule copie de programme de l’échantillon fournit concernant la ICSC Quebec Conference qui a eu lieu à Montréal du 11 au 13 juin 2018 (c’est‑à‑dire, après la date pertinente), où Groupe Quint est seulement identifié comme [traduction] « exposant » avec le numéro de son kiosque.

Pièce F

[70] Ian décrit cette pièce comme un courriel confirmant qu’il a été nommé, à titre de président de l’Opposante, pour les prix Promies, [traduction] « une célébration des meilleurs jeunes entrepreneurs juifs de Montréal », qui ont eu lieu à Montréal le 7 septembre 2017. Encore ici, bien qu’il n’y ait aucun renseignement quant au nombre de personnes qui ont participé à cet événement et à la mesure à laquelle il a été publicisé, je suis malgré toute prête à déduire que cet événement a fourni à l’Opposante une certaine exposition en tant que joueur de l’immobilier dans la région du Grand Montréal, à la date pertinente du 20 février 2018.

Pièce G

[71] Ian décrit cette pièce comme [traduction] « une photo de l’aréna » du club de hockey Les Draveurs de Trois‑Rivières, à Québec, pour lesquels l’Opposante a été un parrain en 2017‑2018. Après avoir examiné cette pièce, je remarque que la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin est en effet arboré en bordure de la patinoire. Cependant, aucun autre renseignement, comme concernant la nature des services de l’Opposante, n’est fourni.

Pièce H

[72] Ian décrit cette pièce comme des exemples d’affiches ou de bannières qui identifient clairement l’Opposante et qui sont [traduction] « toujours incluses » sur les [traduction] « diverses propriétés » de l’Opposante. Après avoir examiné cette pièce, je remarque que toutes les affiches ou bannières illustrées dans celle-ci présentent en effet la marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin, dont l’emploi, selon mon opinion, pourrait également être perçu comme l’emploi du nom commercial Groupe Quint dans ce contexte en particulier, compte tenu de l’affichage du numéro de téléphone de l’Opposante sous la marque; l’emploi du nom commercial et l’emploi de la marque de commerce ne sont pas mutuellement exclusifs, particulièrement en liaison avec les services [voir Consumers Distributing Co/Cie Distribution aux Consommateurs c Toy World Ltd, 1990 CarswellNat 1398 (COMC)]. Je note également que, sur la plupart des affiches ou des bannières, la marque de l’Opposante est accompagnée d’une brève description en français des services de l’Opposante, comme « location » ou « espaces à bureaux à louer », « espace commercial à louer », « nouvelle construction travaux en cours – espaces à louer » et « futur centre d’achat – espaces commerciaux à louer », entre autres. Cependant, sauf pour les affiches concernant les deux centres d’achat susmentionnés Centre régional de Châteauguay et le Faubourg de L’île, ainsi qu’un troisième nommé La Citière situé dans la ville de La Prairie sur la Rive‑Sud de Montréal, aucune des photos fournies à titre de preuve des affiches ou des bannières n’offre d’indication quant à leur emplacement géographique (présumément dans la province du Québec, compte tenu des descriptions françaises employées) ou leur date d’affichage.

[73] Cela étant dit, j’estime que les affiches pour trois centres d’achat indiqués ci-dessus appuient, dans une certaine mesure, l’affirmation générale de Ian qui se trouve au paragraphe 32 de la Déclaration Quint selon laquelle [traduction] « l’Opposante fait affaires avec tous les grands locataires nationaux et internationaux régulièrement, y compris, sans toutefois s’y limiter, Walmart,Costco, Canadian Tire, Giant Tiger, Jean Coutu, Pharmaprix, Metro, Sobey’s, Loblaws, Couche Tard, Lowes, Smuckers, Brambbles [sic], […] ».

[74] Enfin, je note que Ian affirme aux paragraphes 22 et 31 de sa déclaration que :

[traduction]

22. […] l’entreprise de l’Opposante a pris de l’expansion partout dans la province du Québec, s’étend dans d’autres régions du Canada et se retrouve aux États‑Unis. En fait, l’Opposante gère plus de cinq fois plus d’aires de surface de propriétés que la Requérante et prend une expansion approximative de 1,5 à 2 millions de pieds carrés par année, ce qui est plus grand que l’ensemble du portefeuille de propriétés de la Requérante.

[…]

31. L’Opposante fait affaire avec la plupart des grandes entreprises immobilières du monde, y compris Riocan, Blackstone, Elad, Cominar, BTB, Choice Reit, Crombie, Smart Reit, Ivanhoe Cambridge, FTQ, Dream, GWL et beaucoup d’autres.
[…]

[75] Cependant, ces affirmations n’offrent aucune indication précise quant à l’emplacement géographique des propriétés gérées par l’Opposante à la date pertinente du 20 février 2018.

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial

[76] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis prête à accepter que l’Opposante a démontré que son nom commercial Groupe Quint ou sa marque de commerce GROUPE QUINT & Dessin sont devenus connus dans une certaine mesure au moins dans la province du Québec, particulièrement dans la région du Grand Montréal, à la date pertinente du 20 février 2018. Cependant, compte tenu des imprécisions notées ci-dessus, je ne suis pas convaincue que la preuve de l’Opposante démontre de manière conclusive que le nom commercial ou la marque de commerce de l’Opposante avait une réputation qui était « importante, significative ou suffisante » au Canada au point d’annuler le caractère distinctif de la Marque, ou sinon que le nom commercial ou la marque de commerce de l’Opposante étaient « bien connus dans une région particulière du Canada » (c’est‑à‑dire, en l’espèce, la province du Québec ou la région du Grand Montréal) comme l’exige Bojangles, précité.

[77] À cet égard, j’estime que bon nombre des exemples fournis par l’Opposante n’indiquent pas l’incidence sur les consommateurs. Par exemple, on ne peut déterminer clairement si le fait de voir le nom commercial ou la marque de commerce de l’Opposante sur une patinoire ou mentionné parmi un groupe de parrains influence les consommateurs et a un quelconque effet sur la réputation du nom commercial ou de la marque de commerce de l’Opposante. De plus, bon nombre des affirmations de Ian n’arrivent pas à fournir d’indication précise en termes d’emplacement géographique ou d’étendue de l’exposition du nom commercial ou de la marque de commerce de l’Opposante à la date pertinente du 20 février 2018. De nouveau, c’est la responsabilité de l’Opposante de fournir des renseignements qui permettent au registraire de conclure qu’elle s’est acquittée de son fardeau.

[78] Par conséquent, le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’article 2, tel qu’interprété, est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Deuxième volet du motif d’opposition

[79] Lors de l’audience, l’Opposante a invoqué la section 4.9 du Manuel d’examen des marques de commerce, renvoyant aux situations où une objection concernant le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce sera soulevée par l’examinateur en vertu de l’article 32(1)b) de la Loi. Plus particulièrement, l’Opposante a fait un parallèle entre la Marque et les exemples de marques de commerce qui seraient considérées comme sans caractère distinctif inhérent énumérées à la section 4.9.5.11 du Manuel. Les exemples énumérés manquent de caractère distinctif inhérent, car ils sont formés d’une combinaison d’éléments non enregistrables (par exemple, ALFREDSON’S CARROTS [en liaison avec les produits « carottes »], qui est composé d’un mot qui est principalement un simple nom de famille et un mot qui est le nom des produits). L’Opposante a également invoqué les allégations contenues dans la Déclaration Quint visant à établir la réputation personnelle de Ian dans l’industrie de l’immobilier.

[80] Pour les raisons exposées ci-dessous, je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau.

[81] D’abord, conformément à mon analyse ci-dessus du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a), l’élément QUINT compris dans la Marque est à la fois un mot du dictionnaire (en français et en anglais) et un nom de famille. De plus, la Marque n’est pas principalement un simple nom de famille.

[82] Deuxièmement, la preuve au dossier n’arrive pas à démontrer que l’emploi de QUINT par l’une des personnes en l’espèce comme un nom de famille annule le caractère distinctif de la Marque. Bien que j’estime que Ian ait acquis une certaine réputation dans l’industrie de l’immobilier en général, personnellement ou à titre de président de l’Opposante, la preuve n’arrive pas à démontrer son emploi de Quint ou de Ian Quint comme annulant le caractère distinctif de la Marque. Mes commentaires s’appliquent également à la preuve concernant l’emploi de Quint ou de Theodore Quint, que ce soit personnellement ou par d’autres entités au sein du portefeuille immobilier de la famille Quint.

[83] Le caractère distinctif d’une marque de commerce repose dans sa capacité « à indiquer, de façon distinctive, la source d’un produit, d’un procédé ou d’un service, afin qu’idéalement les consommateurs sachent ce qu’ils achètent et en connaissent la provenance » [Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC, au para 39]. Ici, la Marque est encore adaptée à distinguer les Services malgré le fait que QUINT est un nom de famille en raison des diverses autres significations de ce mot et de l’élément figuratif élaboré et important formé de la lettre « Q » stylisée composant la Marque. De cette façon, cette affaire se distingue des autres affaires où l’enregistrement d’un nom de famille a été radié pour un manque de caractère distinctif comme CIBC World Markets Inc c Stenner Financial Services Ltd, 2010 CF 397 et General Motors du Canada c Moteurs Décarie Inc, [2001] 1 CF 665 (CAF).

[84] En arrivant à cette conclusion, je ne fais aucun commentaire sur le droit de Ian d’utiliser son nom personnel ou son nom de famille en tant que partie d’une marque de commerce ou d’un nom commercial, car je ne suis pas saisie de cette question.

[85] Par conséquent, le deuxième volet du motif d’opposition fondé sur l’article 2, tel qu’interprété, est également rejeté.

Décision

[86] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

 

William Desroches

 

Le français est conforme aux WCAG.

 


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